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toi un khalîfa (détenteur du pouvoir pour gouverner les gens), sur la terre. Juge donc en toute équité
entre les gens ”.
Comment donc situer la mission de Califat qui était objet de concertations, de coalitions, de stratégies et
de discordes après la mort du Prophète en 632, soit l’année 11 après l’Hégire ?
Qu’en est-il de l’unité communautaire constituée autour du Prophète ?
Le Calife était-il en mesure d’assurer ce même rôle ?
Le texte Coranique avait-il joué un rôle unificateur, organisationnel et législatif dans la communauté
islamique ?
La réponse à ces questions suivra les deux étapes suivantes : la question de la succession, le Calife et
l’unité communautaire.
La question de la succession
Si le Prophète revendiquait une autorité morale à vocation universelle qui ne reconnaisse pas de
frontières naturelles (en référence au verset coranique qui dit : Nous ne t’avons envoyé qu’en
miséricorde aux univers ”1, après sa mort les musulmans se trouvèrent vite appelés à exercer le pouvoir
à plus vaste échelle. Les discussions, qui ont eu lieu concernant sa succession quant à la direction des
musulmans, ont revivifié d’une part les rivalités entre les Mecquois et les Médinois, des luttes de clans,
et des revendications familiales d’ayants droit à la succession. Il s’agit des caractéristiques de la société
de l’Arabie qui ont été sous jacentes au vivant du Prophète mais qui ont repris juste après sa mort. C’est
dans cette logique que les conditions à remplir pour assumer la charge, les modalités de la désignation
ou du choix du Calife, la nature des pouvoirs que celui-ci va exercer, ont évoqué de larges controverses
et même des guerres intestines.
C’est dans la tribu de Quraysh que le pouvoir doit être relayé, c’était la première solution “choisie ” pour
éliminer les revendications des Médinois. Au sein même de la tribu de Quraysh d’autres logiques,
d’ordre clanique et lignage familiale, vont être considérées comme “critères” pour accéder au pouvoir.
Mis à part le cas du deuxième Calife ‘Umar qui a été désigné par son prédécesseur Abû Bakr, la
modalité, suivie pour la nomination des trois autres Califes (tous Qurayshites), a été par acte
d’allégeance bay‘a. La notion d’hérédité n’a pratiquement pas joué aucun rôle dans l’attribution du
pouvoir pendant cette période.
Le Calife et l’unité communautaire
Cette première expérience de la gestion d’une citée arabe et islamique, après la mort du Prophète, avait
pour premier souci le maintien d’une unité communautaire. Sur le plan théorique, cette unité semble être
assurée par une cohésion unitaire animée par trois facteurs : un seul souverain, des croyances
communes et des intérêts communs. Bien entendu, le facteur religieux est le dénominateur commun
entre ces trois éléments qui sont, eux même, enchevêtrés.
La disparition de Muhammad a failli entraîner une destruction de la jeune communauté islamique. La
neutralisation, par Abû Bakr (632- 634), des mouvements scissionnistes connus dans la tradition arabe
sous le nom de ridda, a pu donner corps, au bout d’un an environ, à une unité de la péninsule arabique
après l’islamisation de sa quasi-totalité. Son successeur ‘Umar (634- 644), qui a adopté pour la première
fois le titre de ‘amîr al-mu’minîn, le commandeur des croyants, aurait eu le mérite d’avoir organisé des
dîwân, registres ou offices, et notamment celui de bayt al-mâl, le trésor public, une institution qui
définissait les ayants droit et le montant des “ allocations ” de chacun.
A ‘Uthmân (644-656), quant à lui, est attribué la mise par écrit du Coran, à partir de ce que la mémoire
des récitants aurait retenu et à partir des bribes déjà mises par écrit du vivant du Prophète, mais
éparpillées chez les scribes. Le rassemblement du Coran en un seul et unique corpus, dit la “vulgate
coranique” avait pour intention d’unifier la communauté autour de l’unification du message prophétique.
Le règne de ‘Alî (656-661) était accompagné par des résurrections de tout bord, son court mandat ne lui
a pas permis de continuer ce que ses prédécesseurs ont inauguré. L’allégeance au nouveau
commandant des croyants n’a pas suffit à elle seule d’assurer une unité communautaire autour de sa
personne comme elle n’a pas empêché le déclenchement d’anciennes alliances et coalitions d’ordre
claniques qui remontent à la période antéislamique. La branche umayyade de la tribu de Quraysh rentre
en scène politique avec le Califat de ‘Uthmân. Mais avec l’arrivée de Mu‘âwiya au pouvoir, une ère
5 Coran, S XXI, v. 107.