L`Afrique pré-coloniale

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L’AFRIQUE PRÉCOLONIALE : UNE PÉRIODE DE L'HISTOIRE
Passionné par l'Afrique depuis de nombreuses années, Oliver Bain propose un résumé de
l'histoire de l'Afrique précoloniale (Janvier 2001)
Olivier Bain fut l’initiateur du site http://afriquepluriel.ruwenzori.net/
L'AFRIQUE DU NORD AVANT L'ISLAM
Constituée à la fin du IVe millénaire, l'Égypte pharaonique avait de profondes racines
africaines (rôle important de Thèbes et de la Haute-Égypte).
La conquête du pays de Couch et de la Nubie fut un des grands objectifs de sa politique dès
l'Ancien Empire ; au XVe siècle av.J-C, le Nouvel Empire réussit à étendre la colonisation
égyptienne jusqu'au delà de Napata, à la 4e cataracte. Cependant, conquise par les Perses
(525), puis par Alexandre (332), l'Égypte négligea désormais le Nil pour consacrer ses forces
à l'hégémonie en Méditerranée orientale et en Asie.
C'est encore la domination de la Méditerranée, mais cette fois à l'ouest, qui inspira
l'expansion phénicienne, la fondation de Carthage, la rivalité des Carthaginois d'abord avec
les Grecs de Cyrène et de Sicile, puis avec les Romains.
Victorieuse de Carthage en 146 av. J-C, après une lutte de 120 ans, Rome créa la province
d'Afrique, pacifia puis annexa la Numidie, conquit également l'Égypte et, à partir de l'an 42
de notre ère, domina ainsi toutes les côtes septentrionales de l'Afrique, de la mer Rouge à
l'Atlantique. Les Romains accomplirent une magnifique mise en valeur économique de tout le
littoral mais, se heurtant à la résistance des Berbères, ils ne dépassèrent pas, vers l'intérieur,
les chaînes de l'Atlas. Dans les régions qu'ils contrôlèrent effectivement, l'assimilation fut
profonde : d'imposantes villes romaines se dressèrent à Lambèse, Timgad, Djémila... ; un
Berbère romanisé, Septime Sévère, accéda à l'empire.
On saurait mal, dans cette belle civilisation de l'Afrique romaine, dégager les traits
caractéristiques d'un particularisme africain, si ce n'est peut-être dans le domaine religieux.
Portés au syncrétisme, les Romains annexèrent les dieux puniques et la religion des
Libyens. Avec l'épanouissement du christianisme, à partir du IIIe siècle, l'Afrique
méditerranéenne se distingua non seulement par la science mais aussi par une sorte de
fougue caractéristique.
Mais les Ve et VIe siècles virent s'amorcer la rupture entre l'Afrique du nord et l'Europe : en
Berbérie, l'invasion vandale de 429 porta à l'œuvre romaine un coup fatal que ne put réparer
la reconquête de la Tunisie actuelle par les Byzantins (533/534). L'Égypte, ralliée à l'hérésie
monophysite, se plaça, en partie par une rébellion anti-impériale, en état de sécession
religieuse.
Ces blessures devaient faciliter la conquête islamique.
Sur l'Afrique intérieure, les Anciens n'eurent jamais que des données vagues. Le périple de
l'Afrique ordonnée au VIIe siècle par le pharaon Néchao et l'expédition carthaginoise
d'Hannon jusqu'au golf de Guinée (Ve siècle) restèrent sans suite. Ni les marins égyptiens
qui connurent les côtes de l'Afrique orientale jusqu'à Zanzibar, ni le Diogène qui longea les
mêmes côtes jusqu'à Dar el Salam au temps de l'empereur Claude, ni les expéditions
terrestres des Romains jusqu'au Fezzan et peut-être jusqu'au Niger (Cornelius Balbus, 19
av. J-C) n'apportèrent de renseignements importants sur l'Afrique noire.
CONTACTS SAHARIENS
Les archéologues ont pu prouver cependant que l'Afrique ne vivait nullement isolée du reste
du monde. Un rôle essentiel d'intermédiaire fut joué en premier lieu par la Nubie, par ce
royaume de Couch que les pharaons avaient soumis vers le milieu du IIe millénaire, mais qui
redevint, vers 800 avant notre ère, un État indépendant assez puissant pour conquérir à son
tour l'Égypte et y imposer, au VIIIe siècle, la XXVe dynastie nubienne ou éthiopienne. La fin
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de l'Égypte pharaonique entraîna une africanisation de la Nubie. Le royaume de Méroé, qui
succéda au VIe siècle av.J-C à celui de Napata (confluent du Nil et de l'Atbana), fut le grand
diffuseur de l'industrie du fer en Afrique par la vallée du Nil et le Tchad vers le Niger, et par la
Bénoué vers le golfe de Guinée. Par la suite, les migrations bantoues, parties de la région
tchadienne, devaient introduire la métallurgie en Afrique centrale et australe.
Ainsi, la plus grande partie de l'Afrique passa directement de l'âge de la pierre à l'âge du fer
sans connaître un âge du bronze.
D'autres échanges se développèrent par le Sahara. Dès l'époque d'Hérodote, les
Garamantes du Fezzan assuraient les liaisons commerciales entre Carthage et le Soudan,
ramenant vers la Méditerranée l'or, l'étain, les ivoires, les plumes d'autruche, les animaux
sauvages et aussi les esclaves. Le trafic saharien devient encore plus actif après
l'introduction, au début de notre ère, du dromadaire, venue de la Syrie par l'Égypte.
RELATIONS MARITIMES
Dès la préhistoire, l'Afrique avait eu de fréquentes relations avec l'Inde, où vivaient des
Dravidiens à peau noire. Dans les temps historiques, jusqu'au VIe siècle, les navigateurs
malais visitèrent régulièrement les côtes de l'Afrique orientale, faisant pénétrer dans cette
région toutes sortes d'innovations techniques telles que la culture du bananier, du cocotier,
l'art de la pêche avec la pirogue à balancier, le défrichement par le feu, le soufflet de forge.
Ce sont encore les Malais qui commencèrent le peuplement de Madagascar, vers l'an 400
de notre ère. Mais les côtes orientales africaines attiraient aussi, depuis les temps les plus
reculés, les Arabes du Yémen et du golfe Persique, qui servaient d'intermédiaires entre
l'Afrique et l'Asie tout entière pour l'exportation de l'or, de l'ivoire, des esclaves, pour
l'importation sur le continent noir des étoffes, des soieries, des objets de cuivre et des
épices.
L'EXPANSION DE L'ISLAM
L'arrivée des Arabes fut un événement capital pour l'Afrique, désormais ouverte à l'islam.
Entrés en Égypte en 639, en Cyrénaïque en 642, les Arabes fondèrent Kairouan en 670 et
furent maîtres de toute la Berbérie en 709. Le Maroc leur servit de base pour l'invasion de
l'Espagne. Réalisée avec de faibles forces, cette conquête ne changea pas tout de suite les
données humaines fondamentales de l'Afrique du Nord. Rapidement islamisés, mais de
manière assez superficielle, les Berbères exprimèrent leur particularisme en adhérant au
kharidjisme.
À la faveur de la crise califale (renversement des Omeyyades par les Abbassides en 750),
trois royaumes berbères indépendants apparurent, correspondant à chacun des pays actuels
du Maghreb : ce furent les royaumes des Rostémides de Tahert, en Algérie, des Idrissides
au Maroc, et des Aghlabides en Tunisie. S'appuyant sur le particularisme berbère, les
Fatimides renversèrent les Aghlabides (909), puis firent la conquête de l'Égypte et
s'établirent au Caire (972), laissant l'Afrique du Nord sous l'autorité d'une nouvelle dynastie
berbère, celle des Zirides. Ceux-ci ayant rejeté toute suzeraineté (1048), les Fatimides se
vengèrent en déchaînant sur l'Ifrikiyya la désastreuse invasion des Arabes Banou Hilal
(1051-1052).
Peu après, le Maghreb subissait une nouvelle invasion (à partir de 1055) : les Almoravides
(nomades berbères), venus du Sahara méridional, allaient créer un empire comprenant à la
fois le Maghreb occidental et toute l'Espagne musulmane.
Dans la seconde moitié du XIIe siècle, les Almoravides furent renversés par d'autres
Berbères, les Almohades, qui, pour l'unique fois dans l'histoire, réalisèrent l'unité du Maghreb
musulman (de 1159 à 1235 environ). Mais à la suite de défaites subies en Espagne (Las
Navas de Tolosa, 1212), l'empire almohade se morcela et fit place à de nouvelles dynastie
locales: les Abdelwadides de Tlemcen, les Hafsides de Tunis, les Mérinides de Fès. À
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l'arrière plan de ces luttes entre Berbères se poursuivaient, depuis l'invasion hilalienne du XIe
siècle, une progressive arabisation du Maghreb à la suite d'arrivées successives de vagues
arabes venues de l'est.
Ce phénomène devait avoir de graves résultats en Afrique du Nord : tandis que les Berbères
nomades se laissaient absorber, les Berbères sédentaires refluèrent vers la montagne,
l'agriculture fut négligée, abandonnée, les plaines rurales devinrent misérables. La fin du XVe
siècle voit ainsi le déclin du Maghreb alors que les musulmans sont complètement chassés
d'Europe (chute de Grenade en 1492) et que les Portugais, depuis 1415, ont réussi à établir
des bases (Ceuta, Tanger, Arzila..) en divers points de la côte marocaine.
À cette date, l'islam avait profondément pénétré en Afrique noire, le plus souvent d'une
manière pacifique - en dehors de l'expédition des Almoravides contre le royaume de Ghana
(1076). Ce furent surtout les marchands, les caravaniers berbères du Sahara qui
propagèrent l'islam dans les régions soudanaises. Les pays noirs se montrèrent très
tolérants. Certaines cités, comme Koumbi, la capitale ghanéenne, juxtaposaient un quartier
musulman et un quartier païen. L'islam était généralement bien accueilli par les princes, à
qui il permettait d'unifier leurs états sur une base théocratique; mais souvent l'islamisation ne
dépassait pas les classes dirigeantes.
La communauté de foi musulmane contribua à rapprocher les peuples des deux bords du
Sahara. C'est à partir du XIe siècle que le courant de conversion prit de l'ampleur, atteignant
successivement le Kanem, les Sonrhaïs du Niger, les Toucouleurs de Tekrour, les grands
empires de l'ouest -Mali et Sonrhaïs de Gao-, plus tard les royaumes tchadiens -Baguirmi,
Ouadaï, Darfour-, enfin les Peuls. Les côtes de l'Afrique orientale avaient vu fleurir, dès le
VIIe siècle, de nombreuses cités-états commerçantes, riches et luxueuses, fondées par des
chefs musulmans venus d'Arabie du sud et même de Perse. Parmi elles, Kiloa, sur la côte de
l'actuelle Tanzanie, fut prépondérante jusqu'au XIVe siècle, puis la domination passa à Paté.
Mais il y eut de farouches résistances à l'islam : elles vinrent des principautés chrétiennes de
Nubie, qui résistèrent jusqu'au XVIe siècle, de l'Ethiopie, qui réussit à préserver sans
interruption jusqu'à nos jours son christianisme apporté d'Alexandrie au IVe siècle ; elles
vinrent également des états païens d'Afrique noire (Ghana, Peuls, Bambaras, Mossis).
ROYAUMES ET EMPIRES SOUDANAIS JUSQU'AU XVIe SIÈCLE
C'est dans la région du fleuve Sénégal et de la boucle du Niger que se développèrent, à
partir du VIIIe siècle au moins, les premiers états organisés et bientôt de véritables empires
africains.
Dans cette région privilégiée, plus humide sans doute qu'aujourd'hui, riche en sel et en or,
florissaient : le royaume berbère d'Aoudaghost (Mauritanie); le royaume toucouleur du
Tekrour, sur le Sénégal ; le royaume des Mandingues, au sud du Haut-Niger ; le royaume
Mossi, à l'intérieur de la boucle du Niger ; le royaume sonrhaï autour de Koubiya (sud de
Gao); enfin, entre le Sénégal et le Niger, le royaume de Ouagadougou, peuplé par les
Sarakollés païens.
Ce dernier s'assura l'hégémonie en monopolisant le commerce de l'or avec l'Afrique
septentrionale : devenu l'empire du Ghana, il atteignit son apogée au XIe siècle, mais périt
victime du fanatisme des musulmans Almoravides (prise de Koumbi, 1077).
Sur les ruines du Ghana, le royaume de Sosso assuma la résistance à l'expansion islamique
au cours du XIIe siècle, mais il ne put soumettre les Mandingues, et sa défaite à Kirina, en
1235, infligée par Soundiata Keita, inaugura l'hégémonie d'un nouvel État, le plus puissant
qu'ait vu naître l'Afrique occidentale: l'empire du MALI.
Le Mali, issu de l'ancien royaume mandingue, connut une rapide ascension au XIIIe siècle,
sous la dynastie Keita. Il trouva dans l'islam l'instrument d'une centralisation politique qui fit
sa force. Sous le règne de Mansa Kango Moussa (vers 1307/1332), le Mali s'étendit de la
Gambie à la grande boucle du Niger. Il fut un agent puissant de conversion à l'islam.
Puissance internationale, il entretenait des relations non seulement avec l'Afrique du Nord,
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mais aussi avec la Tripolitaine et l'Égypte. Cet empire, qui a laissé un profond souvenir dans
l'âme soudanaise, devait survivre nominalement jusqu'à la seconde moitié du XVIIe siècle,
mais, dès le XVe siècle, le Mali se trouva éclipsé par le royaume sonrhaï, dont la capitale fut
portée à Gao, sur le Niger.
Fondé, semble t-il, par des Berbères, le Sonrhaï n'avait été que très superficiellement
islamisé au Xe siècle, mais en 1493, la conquête du pouvoir par Mamadou Touré, fondateur
de la dynastie des «askias», fit de cet état un belliqueux champion de la foi musulmane.
Durant tout le XVIe siècle, le Sonrhaï fit rayonner une belle civilisation islamique sur un
territoire correspondant au Mali, au Niger et à une partie du Nigeria actuels. Mais il ne fut pas
toujours heureux dans ses tentatives pour convertir par la force les peuples païens voisins,
notamment les Mossis. Déjà sur son déclin, le Sonrhaï excita par ses richesses aurifères et
ses esclaves la convoitise du Maroc ; en 1591, il fut détruit par l'expédition du sultan Ahmed
el-Mansour. Entre le Niger et le Tchad, dans le nord de l'actuel Nigeria, se formèrent vers le
IXe-Xe siècle, les états haoussas, confédération de 7 puis de 14 cités régies par une
organisation aristocratique; convertis à l'islam au XIIIe/XIVe siècle, les Haoussas, menacés
par l'expansion des Sonrhaïs et du Bornou, furent amenés, au XVIe siècle, à se grouper plus
étroitement sous l'autorité du royaume de Kebbi ; ils subsistèrent ainsi jusqu'au début de la
conquête peule, au XIXe siècle.
Dans les régions tchadiennes, grand carrefour commercial, devaient se développer de
nombreux royaumes qui, soumis à des influences du Nord, par l'intermédiaire de la Nubie et
du désert, se distinguèrent par leur organisation centralisée et hiérarchisée, comme par leur
vocation militaire. Les royaumes du Kanem, du Bornou, du Baguirmi, tous convertis à l'islam,
luttèrent pour le contrôle du commerce transitant par le lac Tchad. Au XVIe siècle, le Bornou
fut la plus redoutable puissance militaire de l'Afrique noire; il employa les premières armes à
feu, qu'il avait acheté aux Arabes, et, fort de cette supériorité, conquit une vaste zone du
désert s'étendant au nord-ouest jusqu'à l'Aïr, au nord jusqu'au Fezzan. Entre le Tchad et le
Nil, des royaumes chrétiens comme le Ouadaï, le Darfour, le Kordofan subsistèrent jusqu'à
la fin du XVIe siècle ou au début du XVIIe siècle, date à laquelle ils furent conquis par les
Arabes et islamisés.
Le christianisme, en ces régions, avait rayonné, après la fin du royaume de Méroé (330),
depuis les principautés nubiennes des Nobates, des Makorites et des Alodes. C'est
seulement au XVIe siècle que l'islam l'emporta définitivement en Nubie. En revanche, il ne
put conquérir l'Ethiopie, héritière de l'ancien royaume d'Aksoum, dont les origines
remontaient au moins au IIIe siècle avant notre ère. Peu après avoir détruit Méroé, les
Aksoumites s'étaient convertis au christianisme, par l'intermédiaire d'Alexandrie (vers 340),
ce qui les entraîna par la suite dans le monophysisme. Encerclée par les Arabes, l'Ethiopie
médiévale entreprit, aux XIV-XVe siècle, une victorieuse contre-offensive contre la pression
islamique. Dès 1427, elle envoya une ambassade en Occident, et c'est avec l'aide des
Portugais qu'elle parvint, après avoir connue une situation quasi désespérée, à repousser le
Somali Mohammed Granye (1543).
LES PREMIERS ÉTATS GUINÉENS
L'histoire de la côte guinéenne demeure dans l'obscurité jusqu'au XIe siècle. La forêt
tropicale constitua une barrière infranchissable pour l'islam. Au sud du Niger, on ne
rencontre plus un seul État musulman. Préservés par la forêt, les États guinéens purent
préserver leurs traditions culturelles et leur religion animiste. Dans la plus grande partie de
ces régions, n'existaient encore, au XVe siècle, que des sociétés sans État. Les Yoroubas,
établis dans l'actuel Nigeria, constituent une exception d'autant plus importante. Diverses
légendes (comme celle d'un roi de Perse qui aurait trouvé refuge en ce pays, après une
étape en Nubie) indiquent que les États yoroubas furent fondés par plusieurs vagues
d'envahisseurs venues du nord-est, vers le Xe et le XIIIe siècle. Les Yoroubas formèrent une
confédération de villes gouvernées chacune par un prince élu. Ce furent eux, également, qui
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fondèrent le royaume du Bénin, lequel atteignit son apogée au XV/XVIe siècle. L'activité
artistique de ce royaume est restée justement célèbre (culture Nok en particulier).
Au sud de la grande boucle du Niger se constituèrent, à partir de 1400 environ, les États
féodaux Mossis, farouchement rebelles à l'islam. Fondés par des aristocraties de cavaliers
venus peut-être de la région du Tchad, ces royaumes étaient organisés sur une base à la
fois théocratique et militaire; ils luttèrent contre les Sonrhaïs, puis contre les Peuls, mais se
déchirèrent aussi en guerres civiles. Les plus importants furent les royaumes du Yatenga, du
Fada n'Gourma et de Ouagadougou (dans l'actuel Burkina Faso), de Mamproussi et de
Dagomba (au Ghana). La Guinée du XVIe siècle fut en outre agitée par des invasions
comme celles des Malinkés, descendus de l'ancien empire du Mali, sur le haut Niger, et par
des migrations comme celles des Peuls.
Ceux-ci étaient des pasteurs nomades qui n'accédèrent que tardivement à l'organisation
politique. Leurs traces ont été retrouvées au Sahara préhistorique, dans les peintures du
Tassili des Ajjer. Arrivés au Soudan, ils continuèrent à se déplacer, à la recherche de
pâturages pour leurs troupeaux. Ils apparurent vers le Xe siècle dans la vallée du Sénégal,
au Fouta-Toro, puis au XIVe siècle au Macina (sud-ouest de Tombouctou). Longtemps ils
résistèrent à l'islam mais, après leur conversion (XVIIe-XVIIIe siècle), ils déployèrent tout
autant d'énergie à mener la guerre sainte.
LES BANTOUS JUSQU'AU XVIe SIÈCLE
Au sud du 5e parallèle de latitude, les langues de la quasi-totalité des populations de l'Afrique
centrale et australe présentent une telle parenté que l'on peut affirmer l'unité de civilisation
de ces peuples, les Bantous. Les migrations bantoues se sont développées dans toute cette
moitié de l'Afrique du début de notre ère au XIXe siècle. On ne sait pas cependant quel est
exactement l'habitat originel des Bantous. Selon les hypothèses les plus vraisemblables, ils
auraient pour point de dispersion la région du Tchad. De là, ils auraient gagné le centre de
l'Afrique, puis se seraient répandus vers l'ouest et vers l'est, avant de descendre vers le sud.
Agriculteurs et pasteurs, les Bantous tiraient de l'usage du fer une supériorité écrasante. Du
côté de l'ouest, ils fondèrent vers le début du XIVe siècle le royaume du Congo, qui couvrit
toute la région du bas Congo. Il était entouré, sur le périmètre de la cuvette congolaise, par
d'autres États bantous tels que ceux des Koubas ou Bakoubas, des Loubas ou Baloubas,
des Loundas. Tous ces États étaient bien organisés et présentaient une civilisation
relativement évoluée. Dans la région interlacustre de l'Afrique centrale vivaient dès le XIIIe
siècle d'autres peuples bantous tels que les Koundas et les Bambas, près du lac
Tanganyika, les Ngondés et les Kamangas , près du lac Nyassa. Ces peuples, restés au
stade de la tribu ou du clan, furent soumis et organisés par des Nilotes noirs descendus des
marécages du Haut Nil. Ainsi se formèrent le royaume kitwara (dans l'actuelle Tanzanie) et
le royaume de Rouanda, près du lac Kivou. Le plus grand État bantou du centre-est de
l'Afrique fut sans conteste celui du Monomotapa. Il semble avoir pris la suite d'une civilisation
antérieure déjà florissante, à laquelle il faudrait attribuer la fondation de Zimbabwé. Riche en
mines d'or, de cuivre et de fer, le Monomotapa entretenait des relations commerciales avec
l'Asie par l'intermédiaire des Arabes. Son apogée se situe tout de suite après sa fondation
par les Vakarangas, c'est à dire dans la seconde moitié du XVe siècle et les premières
années du XVIe siècle. Lors de l'arrivée des Portugais, le royaume était déjà divisé.
C'est vers 1500 environ que les Bantous commencèrent à pénétrer en Afrique du sud,
jusqu'alors occupée par les Bochimans et les Hottentots.
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L'ARRIVÉE DES EUROPÉENS ET LA TRAITE DES ESCLAVES
Depuis le VIIe siècle, l'Europe n'avait plus de relations avec l'Afrique que par l'intermédiaire
des Arabes, dont les voyageurs et géographes, tels qu'Idrissi et Ibn Batouta, avaient
rassemblé des renseignements précieux sur le continent noir. Les découvertes maritimes du
XVe siècle visèrent moins l'Afrique que l'Inde, qu'on chercha à atteindre en contournant
l'Afrique, l'arrivée des Turcs au Levant, puis en Égypte (1517), puis en Afrique du nord (à
Alger, à partir de 1516), ayant pratiquement arrêté le commerce méditerranéen. L'Afrique
devait seulement fournir des escales sur la route des Indes. Ce n'est qu'après la fondation
des premiers établissements que les Portugais se rendirent compte que le continent africain
contenait lui-même des richesses (or, épices, esclaves) pouvant devenir l'objet d'un
fructueux commerce.
L'expansion maritime portugaise (précédée peut-être par des expéditions dieppoises en
Sierra-Leone dès le XIVe siècle) se développa sur l'impulsion donnée par Henri le
Navigateur. Les Portugais atteignirent successivement les îles Madères (1420), le cap
Bojador (1434), l'embouchure du Sénégal (1445/1446), les îles Bissagos et la Sierra-Leone
(1462), l'île Fernando Po, au fond du golfe de Guinée (1472), l'embouchure du Congo
(1483). Enfin Barthélémy Dias doubla le cap de Bonne Espérance (1488), et 10 ans plus
tard, Vasco de Gama, en route pour l'Inde, longea les côtes orientales de l'Afrique, abordant
au Natal, au Mozambique et à Mombassa. En 1500, Diogo Dias découvrit Madagascar et, à
cette date, le contour de l'Afrique était, dans son ensemble, connu des Européens. La fin du
XVIIIe siècle, l'Europe ne songea pas à coloniser l'Afrique. Portugais d'abord, puis
Espagnols, Français, Anglais, Hollandais, se contentèrent d'établir des comptoirs tout autour
du continent. Pendant la première période de contacts avec l'Afrique (XVe-début du XVIe
siècle), les Portugais ne s'intéressèrent qu'à l'or, à l'ivoire, aux épices. Les rapports avec les
Africains étaient pacifiques. Les premiers missionnaires furent bien accueillis par le roi du
Congo (1490). En revanche, les Portugais détruisirent sans ménagement les comptoirs
musulmans de la côte orientale, s'assurant ainsi, pour plus d'un siècle, la maîtrise de l'océan
indien ; ils entrèrent en contact avec l'Ethiopie, que la légende identifiait avec le royaume du
Prêtre-Jean.
Ce fut le drame de l'Afrique que l'arrivée des Européens coïncidât avec la découverte de
l'Amérique (1492). Le besoin de main d'œuvre des colonies espagnoles allait engendrer le
commerce des esclaves. En fait, ce trafic avait existé en Afrique depuis la plus haute
antiquité (les Garamantes fournissaient déjà les Carthaginois et les Romains avec un
matériel humain qu'ils allaient chercher au Soudan) ; il prit une extension nouvelle à partir du
VIIe siècle, du fait des commerçants arabes. Officialisée en 1518, la traite à destination des
Amériques allait sévir pendant trois cent ans sur la côte atlantique, particulièrement à partir
du XVIIe siècle. Les Portugais puis les Hollandais en eurent le monopole, puis Anglais et
Français se disputèrent vivement le privilège de l'asiento (ce fut une des causes de la guerre
de la Succession d'Espagne), qui échut aux Anglais (1713).
Aussi bien, toutes les nations maritimes de l'Occident participèrent plus ou moins au
fructueux commerce des esclaves, qui fit la fortune de ports tels que Liverpool, Nantes et
Bordeaux.
La traite s'étendait sur plus de 3000 Km de littoral, entre la Mauritanie et le Congo. Elle eut
des conséquences désastreuses pour l'Afrique. Elle la dépeupla d'autant plus que, ruinés
par l'ouverture du commerce maritime, les États proches du Sahara (Mali, Sonrhaï, Bornou)
reconvertirent leur économie en se consacrant aux razzias d'esclaves chez les peuples non
musulmans de la forêt guinéenne. La traite pratiquée par les Européens donna ainsi un
nouvel essor à celle des Arabes. On estime que, du XVIIe au XIXe siècle, environ 12 millions
d'esclaves furent emmenés d'Afrique noire en Amérique et un nombre égal vers le monde
arabe, soit environ 25 millions, alors que la population totale du continent, au XIXe siècle,
était estimée au maximum à 40 millions d'habitants.
Ruineuse démographiquement, la traite le fut aussi économiquement : en effet, les petits
chefs côtiers comme les empires étant devenus pourvoyeurs des négriers, et les Blancs
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s'intéressant de plus en plus exclusivement à la denrée humaine, toute l'activité de vastes
régions d'Afrique se concentra sur les raids esclavagistes; l'agriculture et l'élevage
dépérirent, des tribus entières abandonnèrent leur territoire et se réfugièrent dans les
montagnes pour échapper aux chasseurs d'hommes; les industries locales végétèrent ou
disparurent, de nombreux besoins étant désormais satisfaits par la «pacotille» que les
négriers échangeaient contre les esclaves.
C'est seulement à la fin du XVIIIe siècle que la protestation contre la traite commença à
prendre de la force. Aboli par la Convention en 1793, l'esclavage fut rétablit par Napoléon,
mais l'Angleterre l'abolit définitivement en 1833 et la France en 1848.
Cependant les trafiquants d'esclaves arabes continuèrent à sévir en Afrique orientale jusqu'à
la fin du XIXe siècle.
LES ÉTATS AFRICAINS DU XVIe AU XIXe SIÈCLE
Le déclin africain pendant cette période est dû à des causes diverses: en premier lieu la
traite, mais aussi l'ouverture de la route des Indes, qui enleva son rôle d'intermédiaire
économique à l'Égypte ; l'abandon des vieilles relations transsahariennes au profit du
commerce maritime le long du littoral atlantique; les guerres saintes menées par de
nouveaux États musulmans, qui détruisirent certains royaumes très anciens et ravagèrent de
vastes pays du Soudan.
Sur la côte ouest, de la Gambie au Nigeria actuels, la plupart des États s'orientent
entièrement vers le commerce avec les Européens, devenant les auxiliaires de la traite,
tournant le dos à l'Afrique, qui n'est plus qu'un terrain de chasse pour leurs razzias. Les
profits du trafic des esclaves engendrent une corruption qui sera fatale, dès le XVIII e siècle,
au Bénin. Ils suscitent aussi la naissance de redoutables États militaires, pourvoyeurs de
négriers, tels que la confédération des Achantis, le royaume yorouba d'Oyo et le Dan-Homey
ou Abomey (Bénin), qui opposeront plus tard une énergique résistance à la colonisation
européenne.
Au Soudan occidental, la défaite de l'empire Sonrhaï (1591) a permis aux Marocains de
s'installer pour deux siècles sur le Sénégal et le Niger. Cette domination fit décliner de
grandes cités autrefois florissantes, Gao, Tombouctou, Djenné, épuisa le pays par une
fiscalité impitoyable, faillit anéantir à jamais la civilisation soudanaise par la mise à mort des
élites intellectuelles et religieuses.
Sur le Niger moyen, après l'effacement définitif du Mali (seconde moitié du XVII e siècle), les
royaumes animistes des Bambaras, de Ségou et de Kaarta, et, plus au sud, les États des
Mossis, constituaient toujours une ligne de résistance à la pénétration de l'islam. Celui-ci
n'en continua pas moins ses progrès dans les pays soudanais grâce à la conversion
progressive, aux XVIIe/XVIIIe siècles, des Peuls, qui prirent conscience de leur vocation
guerrière après la fondation, entre 1725 et 1790, de leurs trois royaumes du Fouta Djalon, du
Fouta Toro et du Bondou (Sénégal et Guinée).
Au début du XIXe siècle, ces Peuls déclenchèrent la guerre sainte contre les royaumes
païens, en particulier les Bambaras. À la veille des grandes conquêtes coloniales, la bande
soudanaise de l'Afrique se trouva ainsi profondément bouleversée: au Nigeria actuel,
Ousmane dan Fodio fonda l'empire peul de Sokoto (vers 1809/1885); sur le Haut-Niger,
Cheikou Amadou créa un autre royaume peul autocratique, celui du Macina (vers 1818),
détruit en 1862 par El-Hadj Omar, lui-même fondateur d'un empire toucouleur qui recouvrit
dans sa plus grande extension tout le Mali actuel. Dans les pays bantous, le Congo, dont le
souverain s'était converti au catholicisme dès le XVIe siècle, tomba bientôt en décadence et
se morcela sous les coups conjugués de ses voisins et des Portugais (vers 1660). Sur la
côte orientale, les Portugais s'étaient installés dans la région de l'embouchure du Zambèze
(Mozambique). Tout à leur idée d'exploiter les richesses minérales du Monomotapa, ils
abandonnèrent peu à peu les positions qu'ils avaient conquises plus au nord. Dès la fin du
XVIIe siècle, les Arabes d'Oman, trafiquants d'esclaves, s'installèrent ainsi à Mombassa.
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Mais le Monomotapa déçut les espérances des Portugais, qui, vers 1630, lui avaient imposé
à la fois le christianisme et leur suzeraineté. Les souverains vassaux des Blancs furent
battus par les «changamires» du sud, qui, devenus maîtres de tout l'ancien Monomotapa,
vers la fin du XVIIe siècle, rompirent les relations avec les Portugais, lesquels s'inclinèrent.
En Afrique australe, le XVIIe siècle fut marqué par la progression des Bantous, qui
occupèrent peu à peu le Transvaal, l'Orange, le Natal, l'est de la province du Cap. Mais,
dans le sud de cette même province, les Hollandais les avaient précédés (arrivée de
l'expédition de Van Riebeeck, 1652). Les premiers États bantous d'Afrique du sud ne
s'organisèrent que vers la fin du XVIIIe siècle et, dès 1870, les guerres «cafres»
commencèrent entre Bantous et Boers. Les premières années du XIXe siècle furent
particulièrement agitées : ce fut d'abord, à partir de 1818, l'expansion des Zoulous, conduits
par Tchaka (appelé le «Napoléon noir», puis le «grand trek» boer de 1837/54.
À Madagascar enfin, où les Français cherchaient vainement à prendre pied depuis 1643,
l'hégémonie passa, vers 1800, des royaumes sakalaves au royaume mérina, qui, avec
Radama Ier (1810/1828), allait se rendre maître de la plus grande partie de l'île.
L'EXPLORATION DE L'AFRIQUE
Vers 1800, l'Europe ne connaissait encore de l'Afrique que ses côtes ; tout l'intérieur restait à
découvrir. Les principales explorations eurent pour but trois régions difficilement
accessibles :
- Le Sahara et le Niger
Parti de la Gambie, l'Ecossais Mungo Park atteignit le Niger à Ségou (1796) et explora le
cours moyen du fleuve. Il établit que le grand fleuve soudanais, connut depuis Ptolémée,
coulait vers l'est et non vers l'ouest, comme on le croyait jusqu'alors. Après l'Écossais
Gordon Laing, qui avait été assassiné, le Français René Caillié, déguisé en musulman,
parvint à Tombouctou en 1828 puis réussit à traverser le Sahara, du Niger au Maroc. La
reconnaissance détaillée des territoires sahariens fut l'œuvre de trois explorateurs allemands
- Barth, qui se rendit de Tripoli au lac Tchad puis à Tombouctou (1850/1855); Rohlfs, qui
explora le désert de Libye, en particulier la région de Koufra (1867) ; Nachtigal, qui explora le
Tibesti et le Darfour (1871/1873) - et du Français Duveyrier, qui parcourut le Sahara de
l'ouest de 1859 à 1862. Le problème du Niger avait été résolu en 1830 par le voyage des
frères Lander qui, parvenu à Boussa par voie de terre, avaient descendus le fleuve jusqu'à
l'Atlantique. À la fin du XIXe siècle, les missions militaires françaises de Flatters (1898)
établirent définitivement la liaison entre l'Afrique du nord et le Soudan.
- Les sources du Nil
Ptolémée les avaient situées aux «monts de la Lune» et avait deviné que le fleuve doit
s'alimenter à des lacs. Dès 1770, James Bruce avait découvert les sources du Nil Bleu, en
Ethiopie. En 1821, Caillaud et Letorzec atteignirent le confluent du Nil Bleu et du Nil Blanc.
Des expéditions égyptiennes remontèrent le Nil mais ne purent dépasser Gondokoro, à 5
degrés au nord de l'équateur. En 1857, les Anglais Burton et Speke, partis de Zanzibar,
découvrirent d'abord le lac Tanganyika. Au cours d'un second voyage (1860/1861), Speke
parvint à un lac, auquel il donna le nom de Victoria, et devina que ce lac donne naissance au
Nil. Peu après, Baker découvrait le lac Albert et les chutes Murchison.
- Le bassin du Congo et l'Afrique centrale
Les deux grands explorateurs de cette région furent Livingstone et Stanley. Livingstone
explora le bassin du Zambèze (1853/1856), découvrit les chutes Victoria (1855), les lacs
Nyassa (1859), Moero et Bangouélo (1869); il fut le premier Européen à pénétrer dans les
confins orientaux du bassin du Congo et séjourna sur les rives du lac Tanganyika. Devenu
célèbre pour avoir retrouvé Livingstone, Stanley réalisa la première traversée de l'Afrique
d'est en ouest ; il explora ensuite, après l'anglais Cameron (1873/1875), le bassin du Congo
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et contribua largement à la fondation du futur Congo belge. Vers la même époque,
Savorgnan de Brazza parcourait le Gabon et reconnaissait le cours inférieur du Congo
(1875/1885), le Portugais Serpa Pinto traversait l'Afrique australe d'ouest en est
(1877/1879), Grandier explorait Madagascar (1868/1870).
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