VOIE
SAUVAGE
La plupart des traductions sont de Guyseika sauf pour le poème «Le joueur
de ûte bossu» de Gary Snyder que l’on retrouvera dans le recueil «Mon-
tagnes et rivières sans n» paru aux éditions du Rocher. De nombreux
poèmes zen et taoïstes ont été tirés des excellents recueils des éditions
Moundarren. Leurs traductions respirent souvent la simplicité de la voie.
www.guyseika.com
INTRODUCTION : Les Dharma Punks
Voie Sauvage parle du tonnerre qui secoua ciel et terre lorsque l’Est rencon-
tra l’Ouest à travers la Beat Generation.
J’ai fait plusieurs fois des lectures d’une partie des textes qui suivent. Cette
lecture était intitulée Dharma Punk. J’avais directement tiré cette appellation du
roman de Jack Kerouac “Dharma bums” (Les Clochards Célestes), Kerouac nous
présente la première génération d’occidentaux à vivre les sagesses orientales du
Taoïsme et du Zen à travers leurs prismes d’américains des années 50. En eet,
séparée du reste des Etats-Unis, engoncés dans la guerre froide, par les Rocheuses,
faisant face au Japon et à la Chine, la Californie devint le point de fusion privilégié
entre l’orient et l’occident. J’avais utilisé le mot punk pour remettre cette appro-
che au goût du jour, mais aussi, bien sûr, pour choquer et pousser au questionne-
ment. Qu’est-ce que punk peut avoir à faire avec Dharma (= Ordre Naturel, Voie) ?
Il faut savoir qu’en Inde et en Chine les personnes s’engageant sur la Voie
pour résoudre la grande énigme de la vie et de la mort allaient à l’encontre de
nombreuses normes sociales, et ils se retrouvaient souvent en porte-à-faux avec
les autorités. Ainsi leurs postures étaient largement non-conventionnelles et ico-
noclastes. Voilà pourquoi «punk» est particulièrement adapté à la manière d’être
et d’enseigner de certains maîtres zen, sages taoïstes, tibétains ou hindous. De
plus, l’approche de la Beat Generation était une approche que l’on pourrait quali-
er de tantrique, puisqu’exprimant le désir d’utiliser les phénomènes pour accéder
à la plus haute vérité, ou réaliser la plus haute vérité dans les phénomènes (bien
que, d’après Chogyam Trungpa, pour pratiquer véritablement le tantrisme il faille
d’abord passer par les disciplines Hynayana et Mahayana, ce que nirent par faire
les Gary Snyder et autres Allen Ginsberg). Ainsi, ils accueillaient toute expérience
comme une nourriture pour leur recherche, ce qui détonnait parfois avec l’idée
que l’on se fait d’une pratique spirituelle.
Pendant un certain temps, tous les branchés qui nous dictent la mode
n’avaient que le mot punk à la bouche. Ils nous le sortaient à toutes les sauces, à
travers des groupes préfabriqués MTV, des panoplies punk de grands couturiers
à quinze mille balles, des articles concoctés dans des bureaux de presse du 8ème
etc. ha ha ha ! On nous vend du punk chez Carrefour et Prisunic et il ne nous reste
plus qu’à arborer un zest de cynisme pour rejoindre la grande famille des stéréo-
typés. Noon !..
Non, s’il vous plaît, soyons sérieux, remettons le punk à sa place... Ne nous
arrêtons pas à la surface et plongeons au coeur de la chose : Punk, c’est à dire la
destruction du petit ordre que l’on s’est établi,
destroy
!, la destruction de nos
préjugés sur les autres, la destruction de nos préconceptions sur le monde. Punk,
c’est à dire “ne se poser sur rien”.
Profondément, on pourrait dire que le punk c’est Kali, la parèdre de Shiva,
ou la Palden Lhamo des tibétains, tueuse des démons, briseuse d’illusions, celle qui
annihile la fausse identication un « moi » permanent, à ce que nous pensons
être), qui explose l’univers, qui tue le temps,
no future
!
Voilà du punk qui fait trembler la terre et remet le cosmos à sa place. Voilà
pourquoi des punks éternels devant lesquels on peut s’incliner sont des person-
nages tels Han Shan, Ikkyu, Shakyamuni Bouddha, Kosen Barbara, Parvathi Baul,
Gary Snyder ou Milarepa. Bâuls, moines errants, clochards célestes. Voilà des ré-
volutionnaires ! Comme vont nous le révéler les textes ô combien actuels, et les
dessins qui suivent.
J’ai commencé ces dessins « zen » en 1999. À l’époque, il s’agissait pour moi
de payer mes frais pour les retraites bouddhistes auxquelles je participais. Dans ces
dessins, je tente d’évoquer symboliquement une recherche de vérité engageant
une frugalité et une ouverture permanente au monde. Ainsi les personnages qui
les peuplent sont fortement inspirés par les «peintures à l’encre» zen tradition-
nelles, rassemblant un dessin essentiel et expressif avec un poème ou une citation
éloquente évoquant la pratique de la Voie. Ces dessins sont faits sur des papiers
artisanaux indiens.
On entend parfois que nous autres, occidentaux, sommes trop cartésiens
pour aborder l’extrême-orient. En eet, des montagnes chinoises du VIIIe siècle
aux faubourgs cacophoniques de nos villes modernes, comment les sagesses orien-
tales peuvent-elles s’actualiser dans nos vies ? Wanshi disait : «Tout dans l’univers
brille et prêche la vérité», même nos poubelles, même les lumières de Carrefour et
Prisunic, même Johnny Rotten et son micro, même le rosier dans le jardin. Il sut
d’ouvrir les yeux, les yeux du “coeur”... À bientôt...
Seika, Nantes, décembre 2011-2014
Les gens demandent le chemin de Han Shan.
Nulle route ne mène à Han Shan.
L’été, la glace ne fond pas,
À peine levé le soleil se noie dans le brouillard.
Comment y parvenir, tout comme moi
Si votre cœur n’est pas pareil au mien ?
Si par contre votre cœur est pareil au mien
Vous êtes alors en plein milieu.
Han Shan
(Chine, VIIIe siècle)
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