Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
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LA MORALE, LE DEVOIR
Qu'est-ce que faire son devoir ?
Occurrences en problématisation : « La conscience », « Autrui », « La justice et le
droit », « L’Etat », « La religion », « La liberté », « Le bonheur »
PLAN DU COURS :
I) L’OBLIGATION MORALE
A) LA MORALE, DEFINITION
A.1) Morale et moralisme
A.2) Morale, éthique et déontologie
B) DROIT, MORALE, POLITIQUE ET RELIGION
B.1) Le fondement des commandements du droit et de la morale
B.2) Morale et politique
B.3) Devoir moral et devoir religieux
C) LE PROBLEME DU FONDEMENT DE LA MORALE ET DU SOUVERAIN BIEN
C.1) Les trois fondements de l'obligation morale : le bien, l'utilité, la liberté
C.2) La morale, un semblant d’amour ?
II) LES GRANDES ORIENTATIONS DE LA MORALE
A) LE SOUVERAIN BIEN ET L’EXCELLENCE NATURELLE
A.1) La vertu ou l’excellence
A.2) Le bonheur, souverain bien
B) DEVOIR ET FINALITE : L’ETHIQUE DE LA RESPONSABILITE
B.1) L'utilitarisme
B.2) Les dilemmes moraux
B.3) La fin et les moyens
B.4) Les apories de l’utilitarisme
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C) MORALE DU MERITE : L'ETHIQUE DE LA CONVICTION
C.1) La liberté et la raison, fondements de la morale
C.2) Le désintéressement et la bonne volonté
C.3) L’impératif catégorique
III) LES CRITIQUES DE LA MORALE KANTIENNE
A) LA CONSCIENCE MORALE COMME INTERIORISATION
A.1) Le problème de l’égoïsme
A.2) La critique du formalisme kantien
A.3) Les postulats de la raison pratique
A.4) Le devoir, une contrainte
B) LA GENEALOGIE DE LA MORALE
B.1) La morale, une dépréciation de la vie et du concret, une figure du ressentiment
B.2) Le nihilisme : la mort de Dieu
B.3) Par-delà bien et mal
B.4) Nietzsche ou l’impossible immoralisme
C) LA MORALE, UN PRODUIT DE L'HISTOIRE ?
C.1) L'universalité de la morale
C.2) La morale, un besoin : l'effet réversif
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INTRODUCTION
Les hommes semblent poursuivre deux fins : le bonheur et le bien moral. En effet, le
bonheur est d’abord le but poursuivi par tout homme: les choses n’ont de valeur que parce
qu’elles contribuent soit à notre survie, soit à notre bonheur. Les hommes se battent aussi pour la
justice, se dévouent à de nobles causes, en sacrifiant éventuellement leur bonheur. L’homme se
trouve donc en face de deux fins possibles pour son existence, le bien et le bonheur, qui ne
coïncident pas toujours. Force est de constater que si les hommes devraient se préoccuper du bien
et de la justice, tous ne le font pas, alors que tous poursuivent effectivement le bonheur, même si
cette recherche n’est pas toujours consciente et assumée comme telle.
Cette question du rapport entre le bien moral et le bonheur est une des questions
essentielles de la philosophie morale et va donner lieu à quelques doctrines fondamentales que
nous allons examiner tour à tour.
Nous remarquons ensuite que le bien moral se présente à la conscience sous la forme
d’une obligation, d’un devoir à réaliser en vue de l’excellence, du bonheur : « je dois dire la
vérité », « tu ne tueras point », etc. En sorte que toute action qu’un homme est obligé d’accomplir
en vertu d’une règle quelle qu’elle soit est un devoir : le devoir découle, en effet, d’une norme à
caractère obligatoire qui exerce une contrainte sur la volonté.
Le verbe devoir n'exprime toutefois ni une nécessité psychologique ni une contrainte
extérieure. Je me sens en effet tenu de faire mon devoir même s’il est contraire à mon intérêt, à
mes passions, à ma nature. Le devoir en tant que contrainte n’est donc pas irrésistible, nécessaire,
puisque le sujet reste libre de s’y soustraire.
Le mot « devoir » contient l’obligation morale issue de la conscience et de la liberté
humaines, par opposition à la nécessité : ce qui est obligatoire peut être fait ou ne pas l’être, alors
que je ne puis en aucun cas me soustraire à ce qui est nécessaire. Dans le devoir, c'est donc moi
qui m'oblige librement : l'obligation morale est la soumission à une loi que je m'impose à moi-
même. Cette loi morale instaure une distance radicale entre ce qui est et ce qui doit être, de
sorte que bien et mal sont les concepts normatifs par lesquels s'exprime ce pouvoir de juger.
On peut distinguer plusieurs types de devoirs : des devoirs envers nous-mêmes et des
devoirs envers les autres. La distinction entre éthique et morale recoupe cette distinction : en
un sens, l’éthique consiste en un art de vivre personnel, tandis que la morale désigne plutôt les
devoirs qui s’imposent à nous par la pression sociale et qui concernent essentiellement le
respect d’autrui; une éthique implique certes des devoirs, elle implique que l'on s'oblige à
certains actes en vue d'une certaine fin, mais ces devoirs sont conditionnels car ils découlent d'un
choix initial à quoi l'on n'était pas obligé (si le journaliste, le médecin veulent échapper aux
devoirs de leurs professions, il leur suffit de n'être pas journaliste ou médecin); la morale, au
contraire, est une exigence inconditionnelle relativement à la façon de se conduire envers autrui
(respecter la personne d'autrui et les droits de l'homme); le choix éthique est libre et permis dans
les limites fixées par la morale.
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De même distingue-t-on le devoir juridique, le devoir moral et le devoir religieux.
Le devoir juridique est une obligation parfaite qui donne le droit à autrui d’en exiger
l’accomplissement sous peine de poursuites spécifiées par la loi. Par obligation parfaite, il faut
entendre une contrainte principalement extérieure.
Le devoir moral est une obligation imparfaite dans la mesure où il ne donne pas à autrui
un tel droit ; la contrainte, qui plus est, est purement intérieure, de sorte que les devoirs moraux
ne sauraient obliger avec autant d’efficacité que les obligations juridiques.
Le devoir religieux, enfin, peut être parfait ou imparfait selon les cas : les gles
religieuses sont, le plus souvent des normes juridiques, même s’il existe des obligations
religieuses dont nous ne sommes comptables qu’à Dieu.
Pourtant bien des devoirs sont impérieux au point de paraître nécessaires : j'ai le plus
souvent l'impression dans le devoir d'être obligé que de m'obliger. Le cas dont traite la morale
est toujours semblable : un sujet, par une certaine intention, accomplit un acte qui produit
certaines conséquences. Qu’est-ce qui doit fournir le principe de l’évaluation ? Les
conséquences, l’acte lui-même, les intentions, ou même le sujet ? Pour les utilitaristes, il faut
considérer les conséquences ; pour Kant et les morales religieuses, il ne faut considérer que l’acte
et l’intention ; pour Nietzsche, il faut considérer le sujet, et savoir si la source de l’acte (fût-elle
inconsciente) est la force ou la faiblesse.
Suis-je dès lors capable de m'obliger au point de faire mienne la règle qui m'oblige ? Est-
ce qu'au contraire les règles du devoir me restent toujours extérieures ? Le devoir peut-il donc
vraiment être libre, ou bien n'est-il jamais consenti que sous la contrainte ? Comment expliquer
que la conscience morale se donne à voir comme conscience d’une obligation qui nous dépasse ?
Comment rendre compte de ce caractère transcendant du devoir ? Qu'est-ce qui m'autorise à dire
« c'est mal » ou « c'est bien » ? Quel est le fondement de l’obligation morale ?
I) L’OBLIGATION MORALE
L'opinion commune confond souvent l'obligation morale avec l'obligation sociale, c’est-à-
dire le système des règles en vigueur dans la société, les restrictions à notre liberté qui rendent la
vie en commun possible. Or que faut-il entendre par « morale » ? Quelles sont les
caractéristiques d’une action et d’une obligation morales ? Qu'est-ce qui distingue l'obligation
morale d'autres formes de devoirs - le devoir d'obéir à la loi juridique, le devoir religieux ?
Pourquoi la morale existe-t-elle ?
A) LA MORALE, DEFINITION
Qu'est-ce qui distingue morale et moralisme, morale et éthique, morale et déontologie ?
Que recouvre au juste le terme de "morale " ?
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A.1) Morale et moralisme
Le terme « morale » vient du latin moralis, de mos, moris, « mœurs », « coutumes ». Il
désigne, en une première acception, l’ensemble des gles en vigueur que les membres d’une
société donnée rencontrent comme guides de leur conduite, règles énoncées en termes de bien et
de mal. La morale, autrement dit, est une doctrine des mœurs qui dit les diverses manières de
bien se conduire, de se comporter convenablement, selon les règles, les conventions, les
normes, les valeurs d'un groupe humain, sinon de l'humanité tout entière.
La morale apparaît ainsi comme le système des règles que l’homme suit ou doit suivre
dans sa vie aussi bien personnelle que sociale. La morale est donc l'ensemble « des obligations
et des interdits que nous nous imposons à nous-mêmes, indépendamment de toute récompense ou
sanction attendue, et même de toute espérance. »
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Il ne faut pas confondre morale et moralisme : le moralisme est du côté des leçons de
morale et de l’ordre moral, tandis que la morale est cet effort permanent consistant à réfléchir
et à juger par soi-même. La morale, contrairement à ce qu'on croit souvent, n'a rien à voir avec
la religion ou avec la peur du gendarme ou du scandale. Ramenée à son essence, la morale est le
contraire du conformisme - du moralisme ! -, de l'intégrisme, de l'ordre moral ou de ce qu'on
appelle aujourd'hui " le politiquement correct ". Elle n'est pas le règne de la soumission intéressée
ou craintive, encore moins la loi de la société, du pouvoir, de Dieu, des médias, des Églises.
Définissons alors la morale comme la loi que l'individu se prescrit à lui-même, l'ensemble
des règles que je m'impose à moi-même, ou que je devrais m'imposer de façon désintéressée,
libre, parce que ces règles me paraissent s'imposer universellement.
Le problème moral constitue ainsi le centre de toute réflexion puisque toute entreprise
humaine est soumise à la question de savoir si elle est justifiée ou non, nécessaire, admissible ou
répréhensible, c’est-à-dire si elle aide à la réalisation de ce qui est considéré comme souhaitable,
à la prévention ou à l’élimination de ce qui est jugé mauvais.
A.2) Morale, éthique et déontologie
Rien dans l'étymologie ne nous permet de distinguer entre morale et éthique puisque ces
deux mots sont synonymes : ta èthè (en grec, «les mœurs»), mores (en latin, «coutumes»)
façons d'agir déterminées par l'usage.
La notion d'éthique est pour le moins ambivalente dans l'usage actuel du mot.
On parle, en effet, de comité d'«éthique», d'une «éthique des affaires», d'une «éthique des
médias», de «bioéthique», déthique médicale», d'éthique «personnelle». Le mot éthique est
ainsi souvent confondu avec celui de déontologie, - confusion qui peut indiquer que l'éthique,
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André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, p. 389
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