Résumé
En dépit d’importantes transformations, l’enseignement supérieur français est marqué par une démo-
cratisation profondément ségrégative, ce dont témoignent les voies les plus sélectives et prestigieuses que
sont les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Leur démocratisation demeure limitée malgré une
série de réformes destinées à soutenir leur développement et élargir socialement leur recrutement. Citons
l’implantation de CPGE scientifiques dans des villes moyennes (à partir de 1985), l’ouverture aux bacheliers
technologiques (1995), le renouvellement et le passage de 1 à 2 ans de la filière économique et commerciale
(1995) et la mise en œuvre de nombreux dispositifs d’ouverture sociale (dans les années 2000).
La persistance des inégalités en CPGE
Dans leur rapport portant sur 25 ans d’évolution des CPGE, Baudelot et al. (2003) mettaient en avant
"un tableau de la constance et des permanences statistiques" du recrutement des CPGE. En 2015, l’analyse
diachronique montre que les réformes récentes n’ont pas fondamentalement transformé ce tableau. Si la
croissance des effectifs de CPGE est avérée, elle semble être surtout liée au processus général de
démocratisation du supérieur, lequel emprunte in fine à la réforme du secondaire (1959) son principe
d’élargissement de l’accès, en combinant une réponse à des nécessités économiques et une visée de justice
sociale (Robert,2007). Le rapport Baudelot considérait en particulier que les femmes et les bacheliers[ères]
technologiques constitueraient un vivier pour les CPGE. Qu’en est-il aujourd’hui ? Depuis 2003, on constate
une hausse des effectifs en CPGE de plus de 15 %, mais, malgré les réformes, le recrutement évolue peu si
ce n’est du point de vue de l’accès des femmes aux filières traditionnellement masculines.
La part de la population féminine au sein des CPGE a globalement très peu évolué, ces dix
dernières années, passant de 41,4 % en 2002 à 42 % en 2013. Cependant, sur cette période, on peut
noter une légère inversion des tendances au sein de chaque filière. La proportion des femmes en CPGE
scientifiques passe de 27,8 % en 2002 à 29,5 % en 2013. Au contraire dans la filière littéraire, la plus
féminisée, leur part diminue de 76,4 % à 73,5 % et dans les CPGE économiques et commerciales, elle
passe de 56,2 % à 54,3 %. L’origine du phénomène tient aux politiques éducatives qui, afin d’endiguer les
effets de genre dans l’orientation (Duru-Bellat,1993), ont largement promu les sciences auprès du public
féminin (Biljana,2012). Toutefois, si la part des femmes en filières scientifiques a augmenté, elles restent
surreprésentées en biologie-chimie-physique-sciences de la terre et sous-représentées en maths-physique, plus
encore dans les classes d’excellence (étoilées). Un second indicateur est particulièrement éclairant : cette
diminution de leur part entre 1re et 2de année s’est maintenue ces dix dernières années. Le renoncement
des filles à l’année de la préparation au concours peut être attribué à l’augmentation de la compétition
avec ses corollaires, dont la recherche a montré qu’elle est préjudiciable. La proportion de bacheliers
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