Les choix en astrophotographie (5)
par Alain Kohler
5. Choix du système de suivi
Le choix du système de suivi va influencer :
La qualité esthétique de la photo
L’exploitation scientifique du résultat
5.a Introduction
La Terre tourne sur elle-même d’ouest en est en 23 h 56 m 4 s. Ce qui fait que, depuis cette bonne vieille Terre,
nous voyons tourner le ciel avec une même période dans le sens contraire : les astres se « lèvent » à l’est,
culminent au sud et se « couchent » à l’ouest. Si ce mouvement apparent est très agréable sensoriellement, il
pause quelques problèmes pratiques à l’astrophotographe qui désire obtenir un cliché net où les étoiles
ressemblent à des points et non à des arcs de cercle.
Trois stratégies essentielles s’offrent à lui :
Ne pas suivre volontairement les astres, c’est-à-dire laisser « filer » les étoiles dans le champ
photographique. L’application la plus connue est la réalisation d’un circumpolaire qui consiste à pauser
plusieurs dizaines de minutes autour d’un pôle céleste pour mettre en évidence la rotation des étoiles
autour de ce pôle.
Suivre les astres en tenant compte des limites de sa monture, en limitant par exemple la distance
focale de l’instrument et/ou en faisant un temps de pose assez petit en conséquence.
Désirer pouvoir réaliser des temps de poses « illimités » : dans ce cas, un système de guidage
s’impose.
L’amateur doit pouvoir placer son appareil photo avec au besoin le télescope sur une monture. On distingue deux
classes de monture : les montures altazimutales et les montures équatoriales.
5.b. Les montures altazimutales
Ces montures sont constituées d’un axe de rotation verticale (l’axe des azimuths) et d’un axe horizontal (l’axe
des « altitudes » ou hauteurs par rapport au sol).
Les azimuths représentent un comptage en degrés le long de notre horizon mathématique (par exemple 0° pour le
nord, 90° pour l’ouest, 180° pour le sud et 270° pour l’est).
Si l’on ne pivote que le seul axe azimutal, on se rend compte que le pointage se fait toujours à la même hauteur
par rapport à l’horizon, donc cela ne suffit pas pour suivre une étoile qui va monter dans le ciel jusqu’à ce qu’elle
arrive au méridien puis redescendre. Il faut donc agir simultanément sur les deux axes.
Dans le cas d’une monture manuelle, ce suivi peut être rendu plus confortable par une transmission fine des
mouvements à donner. Si cela est supportable en visuel avec des instruments de focale modeste, il est quasiment
impensable d’assurer un suivi correct en photographie avec une monture azimutale manuelle.
Exemples de telles montures : un simple trépied photographique, les montures équipant les lunettes ou petits
télescopes pour débutant.
Depuis 1993 sont apparues sur le marché des montures altazimutales motorisées (sur les 2 axes bien entendu !)
et qui suivent automatiquement les objets astronomiques : il suffit de pointer le télescope sur 2 étoiles du ciel et
c’est bon. Ces montures sont très pratiques pour l’observation visuelle du fait de leur compacité, de leur très
grande facilité de mise en station et parfois de leur grande stabilité.
Toutefois, ces montures ne conviennent guère pour la photographie pour les raisons suivantes :
Il faut d’abord une parfaite synchronisation des mouvements des deux axes.
Cela ne suffit pas encore : on assiste au phénomène de rotation du champ photographique comme le
montre le schéma ci-dessous où le rectangle représente le négatif.
Horizon : est sud ouest
Il existe depuis 1997 des dérotateurs de champ et qui ont pour but de pallier à ce défaut de rotation du
champ : l’ennui est qu’il faut commander un 3ème axe en synchronisation avec les 2 premiers…
La photo en parallèle sur le télescope n’est pas envisageable.
La monture altazimutale motorisée a été introduite par les professionnels en 1976 (le télescope russe de 6 mètres
de Zelenchuskaya) pour la raison majeure que le poids des montures équatoriales prenaient l’ascenseur. Si tous
les télescopes professionnels actuels bénéficient de telles montures, il ne faut pas oublier qu’il faut une
synchronisation parfaite entre trois axes de rotation : cela va pour les pros qui ont les moyens, mais pour les
amateurs, cela n’est pas encore tout à fait le cas. On ne voit d’ailleurs quasiment pas de belles photos réalisées
avec un dérotateur amateur. Peut-être que dans quelques années la situation changera.
Pour l’instant, la solution la plus sûre pour l’astrophotographe amateur reste la monture équatoriale.
5.c. La monture équatoriale
La monture équatoriale a l’axe des ascensions droites (RA) parallèle à l’axe terrestre. Et comme la distance entre
le télescope et l’axe terrestre ne compte pas par rapport aux distances des étoiles, on a ainsi cet axe de la monture
quasiment confondu avec l’axe terrestre.
L’avantage décisif de cette monture est qu’il suffit de motoriser uniquement cet axe pour pouvoir en principe
suivre les étoiles.
L’autre axe, évidemment perpendiculaire au premier, est l’axe des déclinaisons.
vers le pôle vers le pôle
céleste céleste
On remarque sur le graphique ci-contre que l’axe
des AR fait un angle α avec le sol qui correspond
exactement à la latitude du lieu d’observation.
La mise en station consiste donc à établir ce
parallélisme entre ces deux axes. Cela prend
d’autant plus de temps qu’on veut être précis.
α
α
5.d Les types de montures équatoriales
Le marché amateur est essentiellement dominé par deux types de montures équatoriales : les montures
allemandes et les montures à fourche.
La monture à fourche est surtout utilisée pour des
télescopes courts ou du moins des télescopes dont la
distance D entre le miroir et le centre du gravité du
télescope (qui doit se situer sur l’axe de déclinaison
pour l’équilibrage) ne doit pas être trop importante : en
effet, le défaut principal de ce genre de monture est le
porte-à-faux lié à une position du centre de gravité
assez loin de la roue horaire ce qui provoque un
moment de force tendant à vouloir faire basculer
l’ensemble.
Cela a pour conséquence une stabilité pas toujours
très bonne. Cette stabilité peut même être
catastrophique pour certaines montures mal
dimensionnées par rapport à la masse du télescope
qu’on installe dessus.
D
La monture allemande évite le porte-à-faux de la
monture à fourche par un rapprochement des deux axes
ce qui amène à placer l’instrument sur un côté de l’axe
des déclinaisons, l’autre côté étant réservé au
contrepoids pour l’équilibrage. Une telle monture
peut être très stable si elle est dimensionnée
correctement.
Un léger désavantage est qu’il faut renverser le sysme
au passage du méridien : autrement dit la photographie
longue pose (plusieurs heures !!…) n’est pas possible
au voisinage du méridien.
axe DEC
axe AR
contrepoids
Les montures allemandes équipent la grande majorité des réfracteurs. On la trouve aussi chez certains télescopes.
On trouve de plus en plus de montures allemandes pour des télescopes pouvant franchir la barre des 40 cm de
diamètre.
Il existe d’autres montures équatoriales comme la monture anglaise ou encore la monture à fer à cheval : la
monture anglaise est très stable mais empêche de voir dans la région du pôle céleste (où il n’y a certes pas grand
chose) alors que la monture fer à cheval est utilisée pour certains gros télescopes Newton (et des plus petits
aussi), le centre de gravité du télescope étant très bas.
5.e L’erreur périodique
La majorité des montures ont un système d’entraînement basé sur une roue dentée AR en contact avec une vis
sans fin. Dans ce genre de système mécanique, il y a forcément un jeu qui peut être plus ou moins important. Ce
jeu provoque un défaut dans le suivi qui est périodique, la période correspondant au temps de passage d’une dent
sur la vis sans fin.
Un jeu de 1/100 mm provoque typiquement (cela dépend du diamètre de la roue AR) une erreur périodique dont
l’amplitude totale avoisine 20 secondes d’arc.
L’erreur périodique peut être corrigée en partie en indiquant au télescope les corrections à faire sur le moteur
pour compenser l’erreur qui est obsevée : c’est le système PEC (Periodic Error Correction). Le gain sur
l’amplitude est typiquement compris entre 2 et 4. Mais on n’arrive pas avec le PEC à éliminer l’erreur pour la
raison que l’erreur n’est pas parfaitement reproductible d’une dent à une autre, comme le montre le schéma ci-
joint.
Et, est-il besoin de préciser, les fabricants ont la
fâcheuse tendance de donner des chiffres souvent
fantaisistes. Ils ne précisent pas toujours s’il s’agit de
l’amplitude complète ou de la demie-amplitude, on
peut déjà là être trompé d’un facteur 2. La monture du
télescope d’Arbaz était annoncée avec une erreur
périodique de ± 5 secondes d’arc. En fait, il s’agissait
certainement de 5 secondes, soit 10 secondes d’arc. Et
les mesures réalisées montrent que l’écart maximum
(entre les traits horizontaux pointillés sur le schéma) est
de 20 secondes d’arc !!
5.f La mise en station
Comme indiqué précédemment, pour qu’une monture équatoriale fonctionne bien, il faut que l’axe horaire soit
parfaitement parallèle à l’axe terrestre. Cette opération s’appelle la mise en station.
direction télescope
direction étoile
D
Quelle est la précision requise ? Cela dépend évidemment de
la focale qu’on utilise et le temps de pose. Examinons le cas
où la direction de l’axe horaire pointe à un degré sous le pôle
céleste. Considérons le cas défavorable d’une étoile qui se
lève à l’est : l’angle entre la direction de son mouvement et
la direction prise par l’instrument est également d’un degré.
Considérons une pose de 10 minutes : l’étoile s’est déplacée
dans le ciel de 2,5 degrés. La déviation angulaire D vaut
alors 157 secondes d’arc : c’est énorme et c’est très
supérieur à l’erreur périodique de la monture (voir l’exemple
3 dans le paragraphe suivant). Elle est ainsi égale à 16
secondes d’arc par minute de déplacement et pour 1 degré
d’erreur
Autrement dit, un simple pointage sur l’étoile polaire qui est 0,75° du pôle Nord céleste ne suffit habituellement
pas (à moins de faire des photos de poses courtes et avec une focale petite comme un objectif de 50 mm). Il faut
donc un système de pointage très précis (certains sont « quasi - automatiques », d’autres disposent d’un
chercheur réticulé qui permet de placer la Polaire à un endroit précis).
5.g. Tolérances de suivi
On espère avoir sur le cliché des étoiles rondes. On peut accepter toutefois un très léger glissement qu’on peut
estimer raisonnablement :
A environ 0,5 mm sur un tirage papier : les étoiles sont un peu ovales mais c’est acceptable. Le puriste
considérera une tolérance de 0,25 mm.
Donc si l’on prend un grand tirage de 24 x 36 cm, soit 10 x la taille d’un négatif, il ne faut pas que
l’objet glisse de plus d’une partie pour 500 de la largeur du négatif (240/0,5 = 480 500).
Avec une CCD au foyer d’un télescope moyen à grand, la tolérance de suivi doit être assez inférieure à
la turbulence, d’un facteur 2 au minimum. Ainsi, si la turbulence correspond à 2 secondes d’arc, le suivi
doit être plus précis que 1 seconde d’arc.
Cet ordre de grandeur permet d’affirmer dans ce cas qu’il est nécessaire d’avoir un guidage pour la
plupart des montures du marché amateur !! Que l’erreur périodique soit à 20 secondes d’arc ou à 5
secondes d’arc ne change pas vraiment le problème si l’on veut faire des longues poses en
CCD (supérieures à 2 minutes).
Exemple 1 : la photographie sur pied fixe des constellations avec un objectif de 50 mm.
Considérons une constellation proche de l’équateur céleste : elle parcourt 360° en près de 24 h, soit 15° par
heure, ou encore ¼ ° par minute. Le champ photographique est de 26° en largeur (cf chapitre 1). La tolérance
correspond à une partie sur 500, soit 26°/500, soit environ 1/20°. Cet angle est parcouru en 1/5 de minute, soit 12
secondes.
Donc, le temps de pose acceptable pour une photo des constellations avec un 50 mm sur un pied fixe est de
l’ordre de 10 secondes (20 secondes si on est plus tolérant ou si l’on prend une constellation avec une
déclinaison autour de 60°). Ce temps court exige bien sûr un objectif très ouvert (f/d petit) et un film très
sensible.
Exemple 2 : l’erreur périodique de la monture équatoriale est de 20 secondes d’arc. En utilisant le format film
standard, quelle focale maximale peut-on utiliser pour rester dans la tolérance de suivi ?
Ces 20 secondes d’arc ne doivent représenter que le 1/500 de la largeur du film. Cette largeur vaut donc au
moins 20 x 500 = 10'000 secondes d’arc = 2,78°. Et on vu au 1er chapitre une tabelle donnant le champ en
fonction de la distance focale. Cela correspond à une focale de 500 mm. C’est une focale typique d’un grand
téléobjectif ou d’une petite lunette.
Travailler sans guidage avec 2 mètre de focale et une telle erreur périodique est donc illusoire !
Exemple 3 : on dispose d’une monture dont l’erreur périodique permet de faire des poses CCD d’une minute
sans guidage. Quelle précision doit-on avoir sur la mise en station ?
On va donc exiger une dérive inférieure à la seconde d’arc. On a vu auparavant que la dérive est 16 secondes
d’arc par degré d’erreur et par minute de déplacement. Il faut donc une dérive 16 fois plus petite, donc une
direction de l’axe horaire ne s’écartant pas plus de 4 minutes d’arc (= 1 degré divisé par 16) de la direction de
l’axe terrestre. C’est une contrainte extrêmement exigeante pour une mise en station !
5. h Système de guidage
Lors de longues poses, quand on travail au foyer, il est nécessaire de faire un guidage. Il existe deux possibilités :
Faire un guidage avec un instrument en parallèle sur l’appareil principal. Il faut toutefois avoir une
focale de guidage qui soit au moins égale à la focale de l’instrument principal. L’avantage de ce
système est qu’on peut aller chercher une étoile guide assez brillante qui permet un guidage aisé. Le
désavantage est au niveau du coût et de la masse additionnelle souvent assez importante.
Prélever une partie de la lumière de l’instrument principal et l’envoyer dans l’oculaire de guidage
(technique de l’Off-Axis). Désavantage : pas toujours sûr d’avoir une étoile guide assez brillante à
disposition (en fait c’est rarement le cas en guidage manuel !), perte de luminosité lié au vignettage car
on prélève la lumière en bordure du champ. Avantages : coût et peu de masse additionnelle.
Le guidage peut se faire manuellement mais il engendre une fatigue oculaire d’autant plus rapidement que
l’étoile guide est faible.
Le guidage se fait actuellement de plus en plus automatiquement à l’aide d’une CCD de guidage. Les problèmes
ne sont toutefois pas toujours si simplement réglés (surtout à cause des moteurs).
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