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engeances pour faire reculer Pollux : blocs sonores entrechoqués, traits
instrumentaux zébrant les airs, syllabes martelées, couleurs sombres
(les dessus – sopranos – sont absents du chœur). Mais Pollux combat
héroïquement les Démons, secouru finalement par Mercure qui les frappe
de son caducée. Tous deux s’abîment dans le gouffre infernal.
A l’acte IV, on découvre Castor aux champs Elysées. Malgré l’agrément du
lieu, son âme s’attriste à la pensée de Télaïre. Les Ombres s’emploient à
le divertir, avec notamment deux morceaux tout de grâce champêtre : l’Air
pour les Ombres, et le chœur “Qu’il soit heureux comme nous”, qui en
est une paraphrase. Après de touchantes retrouvailles, Pollux explique le
but de sa venue. Castor, qui a compris que Pollux aimait Télaïre, finit par
accepter son sacrifice à une seule condition : qu’il ne retourne sur terre
que pour une journée, le temps de revoir une dernière fois sa bien-aimée,
et revienne ensuite libérer son frère.
L’acte V s’ouvre sur la fureur vengeresse de Phébé, furieuse à la vue de
Mercure ramenant Castor sur terre. Puis on retrouve Télaïre et Castor, dont
la joie s’assombrit bientôt lorsque Castor explique qu’il doit retourner en
enfer le soir même. Dans son désespoir, elle tente de le retenir. Le tonnerre
retentit alors : c’est Jupiter qui descend. Il annonce que Castor est libéré
de son serment et obtiendra l’immortalité, ainsi que Pollux et Télaïre,
sous la forme d’un astre. La dernière scène a pour décor le Zodiaque,
où les Astres, Planètes, Satellites et Dieux accueillent les deux héros.
Le divertissement final décrit la transfiguration de Castor et Pollux au
travers d’une succession de danses et de morceaux chantés. Dans l’entrée
des Astres, on retrouve un motif pointé déjà entendu dans l’ouverture,
traduction en musique du caractère inflexible de la mécanique céleste.
Comme dans tant de tragédies en musique, les deux derniers morceaux sont
une vaste chaconne, apothéose instrumentale de l’ouvrage, et un chœur
qui tire la conclusion. La chaconne accompagne, dans Castor et Pollux, le
ballet majestueux et irréel des corps célestes et des divinités. Dans cette
forme contrainte (à l’instar de la passacaille, la chaconne consiste en de
multiples variations sur une basse obstinée), Rameau fait toujours preuve
d’une imagination particulièrement fertile. Ici, il ne faillit nullement à
sa réputation. Ce morceau plein de trouvailles et de surprises est en la
majeur (ton, selon Rameau, du “chant d’allégresse et de reconnaissance”).
Le chœur final, “Que le ciel, que la terre et l’onde”, célèbre la gloire du
maître du monde, Jupiter, qui invite l’univers à se réjouir.
William Christie dirige ce soir la version de 1737, dont ne subsiste plus que le
chant et la basse continue. Les parties intermédiaires ont été reconstituées d’après
les morceaux correspondants de la version de 1753 ou, en cas de divergence
entre ces deux versions, reconstruites par William Christie et Elisabeth Matiffa.