Gros plan sur un marché émergent Comment l’Equateur fait face à la baisse des revenus du pétrole > Coupes budgétaires et mesures protectionnistes ont été annoncées Pablo Hidalgo L’Equateur (le plus petit membre de l’OPEP) a récemment subi des pressions sur ses recettes fiscales causées par la chute du prix du brut amorcée au troisième trimestre 2014. Le pétrole représente un cinquième des recettes et plus de 50% des exportations de la nation andine pour qui cette baisse, conjuguée à l’appréciation du dollar, a eu un impact de près de 2 milliards de dollars durant le premier trimestre de 2015. Cela étant, le président actuel du pays, Rafael Correa, a déjà mis en œuvre plusieurs mesures pour corriger ces effets. Le gouvernement a notamment assuré que les investissements dans les infrastructures ne s’arrêteraient pas. Cela s’explique aisément. Ces dernières années, une politique dynamique et agressive en ma- Chiffres clés de l’Equateur COLOMBIE Equateur Océan Atlantique É Q U AT E U R GAMBIE 100 km 20 AL MALI kar Guayaquil SÉN Océan Pacifique 0 0 M A U R I TA N I E Quito Sénégal G U I N PÉ EÉ - O U BISSAU Données 2014 (sauf risque pays: 2015) Population 15,7 millions Population pauvre en fonction du seuil de pauvreté national 22,5% PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat 11 400 dollars Taux de croissance du PIB réel 4% Taux d’inflation 3,9% Risque pays B+ SOURCE: BANQUE MONDIALE, CIA, STANDARD & POOR’S tière de dépenses publiques dans les secteurs stratégiques tels que les réseaux routiers, hôpitaux, écoles ou centrales électriques (passant de 21% du PIB en 2006 à 43% en 2014) a été pratiquée, stimulée par des niveaux historiques des cours du pétrole. Et la croissance en a largement bénéficié. Mais les temps ont changé. L’Equateur souffre aujourd’hui non seulement de la chute du prix du baril mais aussi de son économie «dollarisée», qui l’empêche d’avoir recours aux politiques monétaires classiques face Le pétrole représente un cinquième des recettes et plus de 50% des exportations de la nation andine aux dévaluations délibérées des pays voisins. Le gouvernement a été amené à mettre en place trois types de mesures pour mobiliser des ressources supplémentaires. La première, la réduction du budget fédéral de 3,7 milliards de dollars (économies sur l’achat de carburants, les fonds de pension et les salaires des fonctionnaires publics), est toutefois susceptible de frapper durement les populations les plus démunies lors d’une période de ralentissement économique. Tandis que les deux autres mesures peuvent leur être bénéfiques. Il s’agit d’une part de l’adoption de politiques protectionnistes (augmentation des droits d’importation pour 2800 produits et maintien des quotas d’importation) et, d’autre part, de l’augmentation des investissements étrangers par le biais d’accords avec la Chine (7,2 milliards de dollars pour les cinq prochaines années), d’émissions obligataires et de prêts d’organisations internationales telles que la Banque interaméricaine de développement. De plus, la stratégie phare des autorités équatoriennes a été de promouvoir des projets de développement social visant à avan- tager le bas de la pyramide. L’Economía Popular y Solidaria qui définit le cadre de cette stratégie comme «un mode d’organisation économique au sein duquel les membres s’unissent pour produire, échanger, commercialiser, financer et consommer des biens et des services qui leur permettront de répondre à leurs besoins et de générer des revenus». Cela a renforcé le secteur de la microfinance. Depuis la fin 2012, la Superintendencia de Economía Popular y Solidaria réglemente en effet de manière exigeante les institutions qui fonctionnent selon ce système (y compris et surtout les coopératives qui, avec les banques spécialisées et les ONG, composent le secteur). Au final, les politiques protectionnistes, conjuguées au renforcement des coopératives les plus solides, constituent donc une opportunité à saisir pour cette partie de la population qui travaille principalement dans le secteur de la production locale (agriculture, textile et élevage). Et, malgré un premier semestre 2015 difficile, les investissements publics réalisés par l’Equateur devraient commencer à porter leurs fruits et l’industrie locale pourra tirer profit de ces avancées pour devenir plus compétitive. Au vu de la stabilité politique et économique, d’une inflation et d’un taux de chômage faibles ainsi que d’une croissance soutenue du PIB (4% en 2014), il y a de bonnes raisons de penser qu’un ralentissement économique potentiel ne constitue plus guère une menace. D’autant plus si le récent rebond du prix du brut se confirme. * Analyste, Symbiotics