2 Fatigue des matériaux et des structures
Une fois la fissure initiée à l’échelle microscopique, sa propagation trans-
granulaire en stade I est pilotée par l’orientation cristalline du grain et de ses
voisins : la description fine de ce phénomène peut se faire de façon déterministe
à l’échelle des grains. Cependant, lorsqu’on considère l’échelle macroscopique
de la structure, la propagation des micro-fissures est là encore aléatoire.
A l’échelle de l’éprouvette, les différents mécanismes succinctement évo-
qués ci-dessus ne peuvent être prévus de façon déterministe : la durée de vie
d’une éprouvette d’un matériau particulier (i.e. dont la composition est parfai-
tement maîtrisée) soumise à un chargement identique, varie d’une éprouvette
à l’autre : c’est la dispersion observée par tout expérimentateur, et qui se re-
présente par un nuage de points dans le plan (log N , S), où Sest l’amplitude
de sollicitation et Nle nombre de cycles à rupture mesuré selon les normes en
vigueur [AFN 90].
Lorsque l’on considère le phénomène de fatigue sous l’angle de la propa-
gation d’une fissure sous chargement cyclique à l’échelle macroscopique, on
constate également que les paramètres qui régissent la propagation (les para-
mètres de la loi de Paris [PAR 63]) sont aléatoires, comme le montrent par
exemple les expériences de [VIR 78] sur l’aluminium.
Ainsi, l’aspect aléatoire du phénomène de fatigue semble bien présent à
toutes les échelles de description. Pourtant, du point de vue de la réglemen-
tation en vigueur pour la justification de la tenue de structures sollicitées en
fatigue, c’est une philosophie essentiellement déterministe qui domine (code
RCC-M pour l’industrie nucléaire [AFC 00], règles AC25.571-1 de la Federal
Aviation Administration dans l’aéronautique, etc.). S’appuyant sur des critères
dits conservatifs (c’est-à-dire tels que le dimensionnement effectué avec ces
critères soit du côté de la sécurité), les approches de l’ingénieur ont le mé-
rite d’être simples d’application. A l’opposé, les travaux académiques sur la
fatigue cherchent souvent à expliquer dans un cadre déterministe le pourquoi
des phénomènes. Forcément basés sur des paramètres à identifier par des essais