L`évolution de la position des pronoms clitiques par rapport au verbe

Le placement des pronoms clitiques par
rapport au verbe dans l’évolution du
français
Wendy Bluijs
Carte d’étudiant : 0417432
Mémoire de maîtrise
Département de français
Professeur : dr. A.P. Sleeman
Novembre 2008, Université d’Amsterdam
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 3
CHAPITRE I : LES PRONOMS CLITIQUES 7
§ 1.1 La forme des pronoms clitiques objets 8
§ 1.2 La place dans la phrase 10
§ 1.3 Proclise vs enclise 13
§ 1.4 La montée des clitiques 16
§ 1.5 Le statut des pronoms clitiques 17
CHAPITRE II : LES THEORIES GÉNÉRALES 19
§ 2.1 Deux analyses de la distribution des pronoms clitiques 19
§ 2.2 Le déplacement des pronoms clitiques 20
CHAPITRE III : LES ANALYSES ANTÉRIEURES 23
§ 3.1 Les propositions déclaratives à verbe fini 25
§ 3.2 Les propositions impératives 28
§ 3.2.1 L’évolution diachronique des propositions impé-
ratives positives : ancien français et moyen français 29
§ 3.2.2 L’impératif négatif 33
§ 3.2.3 Français moderne 34
§ 3.3 Les propositions interrogatives 35
§ 3.3.1 Le même cours que les propositions impératives 36
§ 3.3.2 Les pronoms clitiques se placent à la position initiale 36
§ 3.4 Les propositions déclaratives à verbe non fini 38
§ 3.4.1 L’évolution du placement du pronom clitique 39
§ 3.4.2 Le placement du pronom clitique par rapport à
l’infinitif 41
§ 3.4.3 la restructuration 42
§ 3.4.4 Les phrases sans la montée des clitiques 44
§3.4.5 Le classement des verbes 46
§ 3.4.6 L-marquage 48
§ 3.5 Le placement des pronoms clitiques par rapport à l’adverbe 51
§3.5.1 L’interpolation 53
CHAPITRE IV : ANALYSE DE L’ÉVOLUTION DU PLACEMENT DES
PRONOMS CLITIQUES EN FRANÇAIS 55
§ 4.1 Les pronoms clitiques dans les phrases simples 55
§ 4.2 Les pronoms clitiques dans les phrases complexes 59
CONCLUSION 63
BIBLIOGRAPHIE 67
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INTRODUCTION
« La langue n’est pas a-temporelle, une formalisation idéale d’un code expressif.
C’est plutôt un conglomérat qui se développe dans l’histoire. Ce conglomérat existe
de components et d’opérations différents. »1 Dieter Wanner (1987).
Dans la grande majorité des langues, on trouve certains éléments dont le statut est
problématique parce que leur comportement est en apparence intermédiaire entre
celui des mots indépendants et celui des affixes. Ils s'appuient phonologiquement sur
un hôte, contrairement aux mots, et forment avec lui un seul mot prosodique. De tels
éléments ont souvent été appelés pronoms clitiques. L’objectif de ce travail est
d’expliquer l’évolution de la place de ces pronoms clitiques objets par rapport au
verbe dans l’histoire du français. Je vais comparer la distribution des pronoms
clitiques objets en ancien français, en moyen français et en français moderne. Je me
concentre seulement sur les pronoms clitiques objets et pas sur les pronoms clitiques
sujets, parce qu’ils ne se comportent pas de la même manière que les pronoms
clitiques objets. La comparaison entre les pronoms clitiques objets en sujets peut être
un sujet pour une autre recherche dans l’avenir.
Dans l’histoire de la langue française le placement des pronoms clitiques par
rapport au verbe a beaucoup changé. La propriété la plus immédiatement distinctive
des pronoms clitiques dans les langues romanes est qu'ils n'apparaissent pas dans les
mêmes positions que les NP pleins correspondants. Il s'agit donc de ‘clitiques
spéciaux’ au sens de Zwicky (1977). En français moderne, les pronoms apparaissent
en général devant le verbe, alors que la position habituelle des syntagmes pleins
correspondants est derrière le verbe. Mais ce positionnement devant le verbe, nommé
proclise, n’était pas toujours la place des pronoms clitiques quand on voit l’évolution
de la langue française.
Quand on regarde les phrases déclaratives, en français moderne, on constate
que le pronom clitique se trouve devant le verbe fini (1a,b). En ancien français par
1 Wanner, D., The Development of Romance Clitic Pronuns. From Latin to Old Romance, Berlin,
Walter de Gruyter & Co, 1987, p. 5.
3
contre, le pronom clitique pouvait se placer ou devant le verbe ou derrière le verbe.
Le choix entre les deux positions était fait par la Loi de Tobler-Mussafia, qui interdit
le placement des pronoms clitiques dans la première position de la proposition. Cette
loi était appliquée en ancien français, mais on ne la retrouve plus en français
moderne :
(1) a. Martine le lit.
b. * Martine lit le.
c. (…) Deus les ad á mort livrez
(…) Dieu les a mis à mort.
d. Alogierent se li reis é li real en Gabáá Achile.
Le roi et la monnaie royale se rendirent en Gabáá Achille.
Pour les phrases interrogatives il y avait aussi un changement du placement des
pronoms clitiques par rapport au verbe. Tout comme dans les déclaratives, les
pronoms clitiques pouvaient se placer devant (2a) ou après le verbe (2b) en ancien
français,. Le pronom clitique se plaçait devant le verbe si ce placement obéissait à la
Loi de Tobler-Mussafia. En français moderne, seule la position préverbale est
grammaticale (2c) :
(2) a. Et li preudons li dist: « Conois la tu? »
Le religieux lui dit : « Tu le connais ? »
b. Sire, purquei m’as decéüé?
Sire, pourquoi tu m’as déçu?
c. Tu l’a vu hier soir ?
d. * Pourquoi tu a vu la hier soir ?
Et aussi pour les impératives, en ancien français les deux positions étaient possibles,
tandis qu’en français moderne on place le pronom clitique objet toujours derrière le
verbe dans les impératives positives. Seulement quand il s’agit d’une impérative
négative, on place le pronom clitique derrière le verbe.
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(3) a. Pursiu les, senz dute les prendras, sis ociras.
Poursuis-les, sans doute tu les prendras et les tueras.
b. Par Deu li dites /que, se il muert, qu'il en soit quites.
Par Dieu dites-lui que s’il meurt il en soit libre.
c. Lis-le !
d. Ne le lis pas !
Quand il s’agit d’un verbe non fini, d’un infinitif ou d’un participe présent, on
applique généralement proclise en français moderne, donc le pronom clitique se
place devant le verbe non fini :
(4) a. Martine veut le lire.
b. * Martine veut lire le.
c. En le lisant, il fut facile de décider.
d. * En lisant le, il fut facile de décider.
Cela n’était pas le cas en ancien français, où le pronom clitique ne se plaçait pas
devant le verbe non fini, mais où il se plaçait après le verbe infinitif ou après le
participe ou devant le verbe fini. Avec beaucoup de verbes finis on appliquait ce
qu’on appelle « la montée des clitiques ». Cela veut dire que le pronom clitique ne
s’attache pas au verbe qui lui donne son rôle thématique, mail il s’attache au verbe
plus haut dans la structure, le verbe fini (5a). En français moderne, cela n’est possible
qu’avec quelques verbes. Lorsque l’infinitif est précédé d’un verbe causatif ou d’un
verbe de perception (faire, laisser, entendre, voir, écouter, regarder, envoyer, sentir),
le clitique monte devant ce verbe fini (5c). Quand il s’agit d’une impérative, le
pronom clitique se place après le verbe fini (5d) :
(5) a. Mes ele ne la pot veoir.
Mais elle ne put pas la voir.
b. * Mais elle ne la peut pas voir.
c. Il la fait manger à Marie
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