Date : 26 décembre 2014 18:56
À : ombudsman@radio-canada.ca
Émission : Enquêtes du 27 novembre 2014
Sujet : Plainte au sujet de cette émission Par Akli Ourdja, Ali Kaidi, Djemila Benhabib, Gilles Toupin et
Louise Mailloux
Message : PLAINTE AU SUJET DE L’ÉMISSION ENQUÊTE DU 27 NOVEMBRE 2014
25 QUESTIONS À L’ÉMISSION ENQUÊTE
AU SUJET DE L’INTÉGRISME MUSULMAN
Par Akli Ourdja, Ali Kaidi, Djemila Benhabib, Gilles Toupin et Louise Mailloux
M. l’ombudsman de Radio-Canada,
Nous vous écrivons pour déposer plainte au sujet de l’émission «Enquête» du 27 novembre dernier
consacrée, selon son titre en tout cas, à l’intégrisme musulman au Québec. Nous considérons que
cette émission contrevient aux normes journalistiques et au droit du public à une information juste,
équilibrée et exacte.
En effet, nous estimons que cette émission ne reflète en rien les réalités complexes auxquelles fait
face le Québec tout comme le Canada vis-à-vis de la montée de l’intégrisme musulman.
Phénomène responsable de la radicalisation des jeunes et de leur enrôlement dans le djihad
international ainsi que de la violence faite aux femmes au nom d’une interprétation rigoriste de l’islam.
Phénomène qui conduit à une présence de plus en plus prosélyte de l’islam dans l’espace public.
Phénomène qui entraîne le monde dans la spirale infernale de la violence.
C’est à la lumière de cette analyse que nous nous sommes engagés dans le débat public, dans
plusieurs pays, depuis de nombreuses années.
Or, la tonalité de ce reportage est la même du début à la fin à l’effet que l’intégrisme musulman
n’existe pas, que l’on n’en trouve nulle trace en ce sens qu’il est extrêmement marginal.
Ce reportage ne s’intéresse nullement aux actes terroristes qui ont émaillé notre histoire depuis deux
décennies. La liste de ces actes est bien longue. Ce n’est pas d’hier que le terrorisme sévit chez nous.
Nous savons qu’il existe. Faire fi de pans entiers de l’histoire de l’intégrisme au Québec n’est pas ce
que l’on peut appeler faire du bon journalisme lorsque l’on enquête sur ce sujet. La rétention
d’informations aussi capitales est un geste répréhensible que nous dénonçons.
Certes Akli Ourdja, militant laïque et membre fondateur d’AQNAL (Association québécoise des Nord-
Africains pour la laïcité) y participe modestement mais son message ne trouve aucun écho, nul
prolongement intellectuel. Pire encore, son inquiétude principale formulée à la journaliste rencontrée à
l’effet que le fondamentalisme exerce une pression considérable sur les communautés musulmanes a
été totalement écartée du montage. La journaliste a sciemment censuré le propos principal de son
intervention. Minimiser les observations de ce démocrate algérien, professeur de philosophie, menacé
de mort dans son pays par les islamistes, revient tout simplement à banaliser les contraintes que
vivent de nombreux démocrates en exil.
La journaliste a également écarté la participation de Djemila Benhabib qu’elle a rencontrée à Trois-
Rivières à l’été 2014 en présence de la réalisatrice. Pourtant, lors de cette rencontre de plus de deux
heures, à maintes reprises, Benhabib a attiré l’attention de la journaliste sur le rôle des écoles
musulmanes qui voilent les petites filles dès l’âge de 9 et ce à même les deniers publics ainsi que sur
la radicalisation de jeunes montréalais à travers internet. Pourtant, aucun suivi n’a été fait à cet égard.
Cette démarche journalistique relève ni plus ni moins de la censure. Ce qui nous fait dire que la
pluralité des voix n’a pas été entendue, ni prise en considération. La démocratie, c'est accepter et
permettre la confrontation des idées. Ceux qui dénoncent l’intégrisme musulman avec force et
courage à visages découverts, en prenant des risques inouïs, ont été soigneusement écartés de ce
reportage. Alors, nous nous interrogeons.
Question 1 Pourquoi ?
I. Des FAITS rien que des FAITS qui confirment l’existence de l’intégrisme musulman
Quelques jours à peine après la diffusion du documentaire, la presse québécoise fourmille d’articles;
on en recense, ici, quelques-uns :
• Dons au Hamas: une filière très active à Montréal, La Presse, Vincent Larouche
1 décembre 20014.
• Les dossiers liés au terrorisme monopolisent jusqu'à 300 agents du SPVM, Le Devoir, 2 décembre
2014.
• Le destin horrible des femmes Shafia, La Presse, Hugo Dumas, jeudi 4 décembre 2014.
• L'horreur des Shafia en documentaire, Le Soleil, Richard Therrien, 4 décembre 2014.
• Séduit par le djihad, un ado risque 10 ans de prison, Gabrielle Duchaine, La Presse, 4 décembre
2104.
• Séduit par le djihad à 15 ans, Gabrielle Duchaine, La Presse, 24 novembre 2014.
• Elle aurait poignardé sa fille qui était rentrée trop tard, Claude Berthiaume, Le journal de Montréal, 5
décembre 2014.
• Documentaire Shafia, Canal D. Le 7 décembre 2014.
• Dans les bulletins d’information de Radio-Canada le 7 et 8 décembre au sujet du djihadiste canadien
John Maguire combattant du groupe armé État islamique (EI). Repris dans Le Devoir et La Presse et
le Journal de Montréal le 8 décembre.
Notre gouvernement fédéral, notre parlement fédéral, nos services de police, la GRC, l’armée
canadienne ainsi que le Service canadien du renseignement de sécurité sont mobilisés contre la
menace terroriste. Le chiffre d’une centaine, voire de 150, djihadistes canadiens circule. Des actions
concrètes sont prises : changement de législation, confiscation de passeports, enquêtes policières, les
militaires sont invités à ne plus porter leur tenus à la suite des attentats d’Ottawa et de Saint-Jean-sur-
Richelieu dans des lieux publics.
En dépit d’une preuve accablante, quelle est la conclusion de l’émission Enquête? Que la menace
intégriste n’existe pas. Eh bien, nous vivons dans un conte de fées!
Pourtant, en 2010, l’ancien patron du SCRS, Richard B. Fadden, affirmait que : « Ces dernières
années, la plus grande menace qui pèse sur la sécurité nationale du Canada est le terrorisme. Au
Canada, le phénomène est associé à divers mouvements radicaux, politiques et religieux. La nature
du terrorisme continue d’évoluer, mais de nos jours la menace la plus palpable vient de l’extrémisme
islamique. » (https://www.csis.gc.ca/pblctns/nnlrprt/2010/index-fr.php#activitie2) . Djemila Benhabib a
assisté à son témoignage à la Chambre des communes à Ottawa devant le Comité permanent de la
sécurité publique et nationale.
Alors, nous nous interrogeons :
Question 2 Comment est-ce qu’une enquête journalistique, c’est-à-dire un reportage d’information au
sens strict du terme qui n’est pas un documentaire d’opinion peut faire fi de faits si probants
précédemment mentionnés et qui démontrent bel et bien l’existence de l’intégrisme musulman chez
nous?
Question 3 Qui peut croire encore après tous les événements que le Québec et le Canada ont connu
depuis 1999, année qui coïncide avec l’arrestation de Ahmed Ressam (membre du Front islamique du
salut (FIS) et du Groupe islamique armée (GIA) en Algérie) aux États-Unis, largement étayés par des
reportages, que ces actes sont isolés et qu’ils n’ont aucune ramifications à l’échelle internationale?
Cette violence s’inscrirait dans le vide? Pire encore, elle est le résultat d’une folie passagère, en
somme, l’œuvre de quelques individus tourmentés tel que suggéré dans l’émission.
Question 4 Qui a intérêt à nous faire croire que cette violence n’a rien avoir avec la matrice
idéologique de l’islam politique ?
Les assassinats de femmes et d’hommes au nom de l’islam, que ce soit en Afghanistan, en Iran, en
Algérie, en Tunisie, en Indonésie, au Nigéria, en France, en Angleterre, en Espagne, aux États-Unis,
au Canada, bref aux quatre coins de la planète, correspondent à la même logique qui se réfère à la
même idéologie qui a tracé la voie au djihad international. Car tout acte de violence s’inscrit dans une
idéologie donnée et s’enracine dans une construction mentale.
L’islam politique ne serait pas devenu ce qu’il est s’il n’y avait pas au départ un projet de domination
du monde et de destruction de l’Occident, des juifs, des apostats, des États nations (dans le monde
musulman) et de la soumission des femmes.
Partir à la recherche des intégristes au Québec comme l’évoque Johanne Faucher au début du
reportage aurait supposé mettre à nu cette idéologie et la présenter au public. Pourquoi s’en
préoccuper? Parce que c’est le cœur du problème.
Quelles sont ses grandes lignes? Qui sont ses idéologues? Que disent-ils? Que revendiquent-ils?
Question 5 Peut-on traiter de la question de l’intégrisme musulman et la dissocier de sa matrice
idéologique? Est-ce une démarche journalistique valable?
II. Des thèses fallacieuses et dangereuses
Au lieu d’adopter une démarche rigoureuse, l’enquête s’appuie sur un argumentaire erroné basé sur
des dires jamais vérifiables. Pris au piège d’une rhétorique stérile, les intervenants qui ont la tâche
d’expliquer l’intégrisme en sont incapables, car ils partent de l’hypothèse de départ qu’il n’existe pas.
Alors, à quoi bon ? Dans un éditorial bien senti, à la fin de l’émission, la journaliste Johanne Faucher
véhicule les thèses suivantes :
1. Il n’existe pas d’intégrisme musulman à Montréal.
2. Par ailleurs, « il existe un risque de radicaliser la communauté musulmane et de la rendre
vulnérable au discours intégriste en raison de la propagande de gens qui pataugent dans l’intolérance
». (Johanne Faucher)
3. Parmi « ces intolérants », différents groupes « islamophobes » sont identifiés (certains directement,
d’autres indirectement) : Point de bascule, Poste de Veille, Louise Mailloux, Richard Martineau, Mario
Dumont, (et à travers eux les médias de Québecor), le PQ, les pro-chartes, les Janette, et même Julie
Snyder passe au tordeur dans une déclaration sur le voile islamique.
Première thèse: si l’intégrisme musulman est inopérant à Montréal, l’islamophobie est un phénomène
bel et bien présent et inquiétant responsable (dans le temps) d’une possible radicalisation.
4. Le voile islamique est un choix individuel. (« Si des Québécois croient que chaque femme
musulmane qui porte le voile islamique est une femme soumise c’est en grande partie en raison de la
propagande de gens qui pataugent dans l’intolérance. » (Johanne Faucher à la fin de l’émission.)
Deuxième thèse: dénoncer le voile islamique revient à stigmatiser les femmes musulmanes voilées.
Ceci est le fait « des intolérants », des islamophobes.
En conclusion, le problème n’est pas l’intégrisme musulman mais l’islamophobie.
Pour cette raison l’émission Enquêtes aurait dû nommer son reportage : « La montée de
l’islamophobie : lever le voile. À la recherche de la menace islamophobe et non « La montée de
l'intégrisme: lever le voile. À la recherche de la menace intégriste » tel que cela a été présenté au
public.
Le fait de déresponsabiliser et de déculpabiliser l’intégrisme musulman de ses actes pour mettre
l’emphase sur les « intolérants » revient à considérer que la société québécoise est atteinte d'une
nouvelle pathologie sociale, un «nouveau racisme» dissimulé sous les oripeaux de l'intolérance
culturelle et religieuse.
Alors, nous nous interrogeons encore :
Question 6 Pourquoi et comment est-ce qu’une enquête sur l’intégrisme musulman, échelonnée sur
une dizaine de mois, est devenue une tribune anti-charte, anti-laïcité, anti-Parti québécois, anti-
Janette? Si l’intégrisme musulman est marginal, quels sont les faits qui nous permettent de conclure
que le phénomène de « l’islamophobie », lui, ne le serait pas?
III. Déclarations troublantes de Nadia Zouaoui
Interviewée à Radio9 Montréal, à deux reprisses, le 29 octobre et le 5 novembre 2014 ,
(http://extraits.rncmedia.ca/CKLX/Lemieux_29_10_2014.mp3; http://extraits.rncmedia.ca/CKLX/Tete_d
e_Proulx_05_11_2014.mp3)
la recherchiste d’Enquête, Nadia Zouaoui, confirme l’existence à Montréal d’un islam beaucoup plus
rigoriste et vindicatif qu’il ne l’était il y a une dizaine d’années.
Nadia Zouaoui affirme : « Cet été, j’ai travaillé sur une autre enquête comme recherchiste et je vous
dirais que si j’avais à faire le même reportage… et bien oui, il y a un retour vers un islam dans
plusieurs mosquées beaucoup plus rigoriste, beaucoup plus salafiste. En faisant la recherche, il y a
des parents qui me disent qu’ils ont même peur d’envoyer leurs enfants apprendre l’arabe ou bien
apprendre le Coran les samedis matin dans des … écoles. »
Dans ces deux entrevues, la journaliste à la recherche parle notamment du discours islamiste, de la
victimisation des musulmans et de la politisation des mosquées.
Fait aussi intéressant à noter, Zouaoui donne une perspective historique de la montée de l’intégrisme
musulman sur une échelle d’une dizaine d’années. Il est question, ici, d’une tendance. En science
politique, c’est ce qui valide une hypothèse. On veut comprendre l’évolution d’un phénomène pour en
mesurer l’ampleur et la dynamique à l’échelle du temps.
On n’est plus dans le simple coup de sonde instantané ou dans la cartographie des lieux de cultes
dans la région montréalaise comme cela est présenté sur le site Internet de l’émission. D’ailleurs, cette
cartographie ne permet nullement de saisir l’évolution du nombre de mosquées. Elle sous-tend que le
nombre des lieux de culte est déterminant. Puisque le nombre des églises est largement supérieur à
celui des mosquées alors nous n’avons rien à craindre.
Alors, nous nous interrogeons à nouveau :
Question 7 Comment expliquer le fait que l’islam est la religion qui gagne le plus d’adeptes au Québec
? Pourquoi le phénomène des conversions est passé sous silence?
Question 8 Pourquoi les observations de terrain de Nadia Zouaoui ont été écartées du reportage?
IV. Une méthodologie d’une grande faiblesse, des concepts non définis ou mal définis et une
problématique mal exploitée
• L’islamophobie
Le responsable de Point de bascule, Marc Lebuis, soutient dans le reportage l’idée de la présence de
groupes islamistes radicaux. On nous le présente comme un islamophobe qui entretient la haine sans
jamais nous expliquer pourquoi et nous exposer les faits sur la base desquels on l’incrimine.
Marc Lebuis est le seul intervenant à qui Johanne Faucher demande quel est son pedigree
académique. Etonnant que cette question si pertinente n’ait pas trouvé d’échos ailleurs dans le
reportage auprès du reste des personnes interrogées.
Alors, nous nous interrogeons encore :
Question 9 Point de bascule tout comme Poste de veille sont des sites Internet dans lesquels on
trouve une abondante information sur des organisations islamistes. Cette information est-elle erronée
? Si tel est le cas, de quelle façon l’est-elle?
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