de l'article zéro, « moyen de référer l'appartenance au sujet éprouvant, et, par là, de la
soustraire à la préposition de qui la référerait au nom suivant » (Guillaume, 1938-1939 :
292)
. Autrement dit par exemple, eau de source qualifie l'eau par son appartenance à la
source, par opposition à eau de la source qui affecte l'eau à la source, définit la source par
l'eau qui lui « appartient »
; de même chien de berger spécifie à quel chien on a affaire : il
s'agit d'un chien comme en ont les bergers, tandis que chien du berger marque la possession,
par le berger, d'un chien (Guillaume, 1945-1946c : 164-165)
. Si l'on suit cette analyse, un
cas d'urgence, une hospitalisation d'urgence, un hébergement d'urgence sont présentés
respectivement comme un cas, une hospitalisation, un hébergement dont la caractéristique est
de provenir de l'urgence, d'être imposés par l'urgence
.
La préposition, dans d'urgence, marque donc ce qui déclenche l'obligation d'agir, mais d'un
point de vue extérieur au procès lui-même – autrement dit, l'urgence vue comme cause n'a pas
forcément d'incidence sur la manière d'accomplir le procès (à l'opposé de la préposition en,
qui introduit la manière dont le procès se déroule) : une opération ou hospitalisation d'urgence
n'entraîne donc pas nécessairement une opération ou hospitalisation en urgence. Une glose
explicative pourrait être : « l'urgence est de l'hospitaliser (ce qui, pour autant, n'empêche pas
de respecter les règles et étapes de ce processus) » : le patient est admis d'emblée (d'urgence),
mais n'échappe pas au protocole normal d'admission d'un patient – ce n'est pas comme s'il
était admis en urgence). En d'autres mots, la décision de l'admettre (ou de l'hospitaliser) est
rapide (car une bonne raison l'impose), mais le processus d'admission (ou d'hospitalisation)
lui-même suivra les règles normales − ainsi (16) montre que d'urgence concerne le
déclenchement de l'action (ce qui motive la décision de l'accomplir), et non son déroulement
même :
16) Je suis soufflé, abasourdi, ça m'estomaque, ma foi en la médecine est ébranlée, elle
chancelle, déjà à Paris, un chirurgien qui déclare qu'il faut m'opérer d'urgence, l'autre
qui opine que je peux attendre et revenir à Noël pour l'intervention, si j'avais écouté son
avis, décidé de revenir à Noël, je ne serais jamais revenu (Doubrovsky, Un homme de
passage, 2011)
1.4. En résumé
Contrairement au réflexe intuitif qui ne voit guère de différence entre les trois prépositions
dans le cotexte urgence, chacune a son rôle propre dans la construction du sens de
l’ensemble :
17) On l’a transporté d’urgence à l’hôpital
signifie « il était urgent de le transporter », « l’urgence était/exigeait de le transporter » :
l’urgence est la cause justifiant le transport ‒ la préposition de indique l’origine, la
L'absence d'article produit le même effet avec en, puisque dans X en Y, X se voit (re)qualifier par l'attribution
des propriétés stéréotypiques de Y.
Boire de l'eau de source, c'est donc choisir une certaine qualité d'eau, tandis que boire de l'eau de la source,
c'est s'abreuver à la source.
Acheter un chien de berger, c'est acheter un chien d'une certaine race, mais acheter un chien du berger, c'est
opérer une transaction avec le berger.
Il est possible d'expliciter la relation d' « appartenance » entre les deux noms à l'aide du possessif ‒ {le cas,
l'hospitalisation, l'hébergement}, son urgence (a justifié la décision du personnel médical).