MINISTERE DU DEVELOPPEMENT, DE L’ANALYSE ECONOMIQUE ET DE LA PROSPECTIVE l’Anticipation au service du Développement Secrétariat Permanant de la Commission de Modélisation Economique des Impacts et de l’Intégration des Changements Climatiques dans le Budget Général de l’Etat - CMEICB Modélisation des impacts économiques des changements climatiques par secteur de développement SECTEUR RESSOURCES EN EAU Septembre 2014 Etude réalisée dans le cadre du PROJET SAP-BENIN Renforcement de l’information sur le climat et systèmes d’alerte précoce en Afrique pour un développement résilient au climat et adaptation aux changements climatiques 1 SOMMAIRE Résumé .................................................................................................................................................... 4 Sigles et acronymes ................................................................................................................................. 6 Liste des figures ....................................................................................................................................... 7 Liste des tableaux .................................................................................................................................... 8 1. Introduction ....................................................................................................................................... 9 2. Objectifs de l’étude .......................................................................................................................... 10 2.1. Objectif général ........................................................................................................................ 10 2.2. Objectifs spécifiques................................................................................................................. 10 3. Résultats attendus............................................................................................................................ 10 4. Problématique des changements climatiques : de l’échelle globale à l’échelle nationale.............. 11 5. Description des données, outils et méthodes.................................................................................. 14 5.1. Données utilisées...................................................................................................................... 14 5.2. Scénarii climatiques .................................................................................................................. 14 5.3. Modèles climatiques, hydrologiques et socioéconomiques .................................................... 15 5.4. Méthodes utilisées ................................................................................................................... 16 6. Evaluation des impacts de la variabilité et des changements climatiques ...................................... 16 6.1. Impacts passés et actuels ......................................................................................................... 16 6.1.1. Sur les précipitations ........................................................................................................... 17 6.1.2. Sur les écoulements ............................................................................................................ 18 6.1.3. Autres impacts connexes .................................................................................................... 20 6.2. Impacts potentiels futurs ......................................................................................................... 23 6.2.1. Sur les précipitations ........................................................................................................... 23 6.2.2. Sur les volumes écoulés ...................................................................................................... 24 6.2.3. Sur le réseau hydrographique ............................................................................................. 25 2 6.2.4. Sur les volumes d’eau mobilisables..................................................................................... 25 6.2.5. Sur la qualité de l’eau .......................................................................................................... 26 6.2.6. Autres impacts connexes .................................................................................................... 27 6.2.7. Tendance des phénomènes météorologiques extrêmes .................................................... 27 6.2.8. Mesures potentielles d’adaptation ..................................................................................... 28 7. Evaluation des capacités sectorielles et besoins de renforcement de capacité. ............................. 29 7.1. Evaluation des capacités sectorielles ....................................................................................... 29 7.2. Besoins de renforcement de capacité ...................................................................................... 30 8. Evaluation des impacts économiques .............................................................................................. 30 8.1. Impacts économiques actuels .................................................................................................. 30 8.2. Evaluation sommaire des coûts d’impact et d’adaptation futurs ............................................ 30 9. Limites de l’étude ............................................................................................................................. 31 10.Conclusion ........................................................................................................................................ 33 Références bibliographiques ................................................................................................................. 35 3 RESUME Le réchauffement climatique est établi sans équivoque. Les implications de la variabilité climatique actuelle sur les différents secteurs de la vie socio économiques sont lourdes de conséquences et menacent dangereusement le développement de l’économie nationale en général. L’objectif de la présente étude est d’évaluer les coûts futurs des changements climatiques dans le secteur de l’eau pour le Bénin afin de les intégrer à la planification du développement. A ce titre, après avoir évoqué la problématique des changements climatiques de l’échelle globale à l’échelle nationale, une évaluation des impacts passés et actuels de la variabilité du climat sur les ressources en eau a été faite. Il en ressort que ces impacts se traduisent par des sécheresses intenses impliquant le tarissement de certains cours d’eau dans la région septentrionale du pays et au sud ouest, la baisse des niveaux de certaines retenues d’eau voire leur tarissement, des inondations qui détruisent les cultures, les récoltes les habitations et infrastructures de transport rural et dégradent la qualité des ressources en eau de surface. Aussi des impacts sur la santé en matière de recrudescence de maladies liées à l’eau ont été relevés. Bien que les scénarii climatiques pour le futur présentent quelques opportunités, en général les projections annoncent un climat plus hostile et rude marqué par des déficits pluviométriques et des inondations. Ces variations extrêmes impacteront négativement la qualité de l’eau et augmenteront, par conséquence, les coûts de traitement de l’eau. De même, l’élévation du niveau de la mer devrait impacter négativement la qualité des ressources en eau souterraines dans la région côtière et par ricochet les volumes d’eau mobilisables alors que la demande sera en augmentation. Pour limiter les impacts des inondations, les options potentielles suivantes pourraient être mises en œuvre : i) la mise en place d’un système d’alerte précoce aux inondations et à la sécheresse, ii) la construction de digues de protection, iii) la construction de retenues d’eau sur les cours des principaux fleuves et rivières et iv) la sensibilisation et l’opérationnalisation de la législation en matière d’occupation des berges des cours d’eau. L’investissement de 300 milliards de FCFA en 2014 ou 369 milliards de FCFA en 2020 pour les deux mesures d’adaptation qui requièrent des travaux de génie civil permettra d’éviter tous les coûts liés à la réalisation des risques d’inondation jusqu’en 2050 au moins ainsi que les surcoûts de la mise en œuvre de ces mesures en 2050. Par ailleurs, cet investissement permettra d’éviter les pertes en vies humaines, les arrêts d’activités économiques et sociales et les conséquences de ces arrêts. Enfin, l’analyse de la capacité des services en charge du secteur de l’eau et du climat, à traiter des questions d’évaluation économique des impacts des 4 changements climatiques sur le secteur et de définition de stratégies pertinentes d’adaptation, révèle que dans leurs factures actuelles, ces services n’ont pas toutes les capacités techniques, matérielles et humaines nécessaires. Le besoin d’un renforcement de capacité du Bénin dans ce cadre s’avère indispensable. 5 Sigles et acronymes CCNUCC Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques CEDEAO Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest DGEau Direction Générale de l’Eau DNM Direction Nationale de la Météorologie FCFA Francs des Communautés Financières d’Afrique GCM Global Circulation Model (En français : Modèle de Circulation Globale) GES Gaz à Effet de Serre GIEC Groupe Intergouvernemental d’Expert sur l’évolution du Climat IMSP Institut de Mathématiques et de Sciences Physiques INSAE Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique MEHU Ministère de l’Environnement de l’Habitat et de l’Urbanisme MEPN Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature PIB Produit Intérieur Brut PNE Partenariat National de l’Eau SONEB Société Nationale des Eaux du Bénin WACDEP Water and Climate Development Program (en français : Programme Eau, Climat et Développement) 6 Liste des figures Figure 1: Variation de la température globale (en haut) du niveau moyen de la mer (au milieu) et de la superficie neigeuse dans l’hémisphère nord (en bas). ....................... 11 Figure 2: Tendance de la température moyenne de l'air.............................................................. 13 Figure 3 : Variation de la température moyenne à l'horizon 2050 par rapport à 2000 sous le scénario A1B........................................................................................................................ 14 Figure 4: Tendance de la pluviométrie moyenne interannuelle ................................................... 17 Figure 5: Variabilité interannuelle des débits sur l'Alibori à Yankin indiquant la tendance nette au déficit d’écoulement à partir de1975........................................................................... 18 Figure 6: Variabilité interannuelle des débits sur l'Ouémé à Bétérou montrant clairement un déficit d’écoulement à partir de 1970. .............................................................................. 19 Figure 7: Assèchement du Fleuve Momo à Athiémé en Avril 2013 ............................................ 19 Figure 8: Inondation dans un village dans la commune d'Athiémé ............................................ 20 Figure 9: Impact des précipitations intenses sur les pistes rurales à Aplahoué ....................... 21 Figure 10:Destruction d’un dalot sur la route Kandi-Ségbana en 2013 ..................................... 22 Figure 11: Impact des précipitations intenses sur les pistes rurales à Savalou ....................... 22 Figure 12: variation de la pluviométrie annuelle à l'horizon 2050 (scénario A1B) par rapport à la période de référence 1961 – 1990. .............................................................................. 23 Figure 13: Evolution du débit sur l'Ouémé à Bonou à différents horizons temporels .............. 24 Figure 14: Evolution de la recharge sur l'Ouémé à divers horizons. .......................................... 26 Figure 15: Inondations et sécheresses en Afrique de l'Ouest de 1970 à 2010. ....................... 27 7 Liste des tableaux Tableau 1: Projection des précipitations aux horizons 2025 et 2050 sur la haute vallée du fleuve Ouémé suivants deux scénarios climatiques. .................................................. 24 Tableau 2: Coûts d'impact estimatifs des inondations à différents horizons temporels .......... 31 Tableau 3: Evolution du coût des mesures d’adaptation sélectionnées .................................... 31 8 1. INTRODUCTION De plus en plus, les changements climatiques sont reconnus comme des contraintes majeures pour le développement économique et social de toute la planète. Leur origine anthropique a été établie sans ambage par le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC). Il s’agit la concentration croissante du dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère terrestre. L’augmentation subite de la concentration de ces gaz dans l’atmosphère remonte au début de l’ère industrielle. Au regard des impacts négatifs multiples observés dans plusieurs secteurs du développement économique et social des nations, la nécessité de développer des stratégies adaptatives pertinentes par secteur de développement s’impose. Au plan international, des instruments comme la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) et le Protocol de Kyoto (PK) ont été élaborés et constituent les premières réponses internationales à la lutte contre les changements climatiques. Au plan régional, des initiatives comme le programme de renforcement des capacités sur l’«Économie de l'adaptation, la sécurité en eau et le développement résilient aux changements climatiques» en Afrique (2013-2015) constituent également des stratégies sous régionales de riposte contre les changements climatiques. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de l’opérationnalisation des engagements pris en matière d’adaptation aux changements climatiques et de plans d’investissement de la Déclaration de Sharm el-Sheikh de l’Union Africaine de 2008 sur l'Eau et l’Assainissement. L’objectif de cette initiative est, entre autres, d’accroître les capacités techniques, analytiques et institutionnelles des ministères en charge de la planification, des finances, de l'environnement, de l'agriculture, de l'eau, des travaux publics, aux fins d’assurer un développement résilient aux changements climatiques dans les pays africains. Ainsi, au plan national, dans le cadre du Programme Eau, Climat et Développement (WACDEP : 2013-2016) du Conseil des Ministres de l’Union Africaine chargés de l’eau, la thématique spécifique choisie au Bénin porte sur le renforcement de capacités sur les outils et méthodes d’évaluation, de modélisation et de prévision économique des impacts du climat en vue de l’optimisation des stratégies d’adaptation à développer et du développement résilient à promouvoir. La présente étude dans le secteur de l’eau, qui fait partie d’un ensemble de trois études sectorielles (l’agriculture et la sécurité alimentaire ; l’eau et les risques 9 hydrologiques et la santé et les épidémies d’origine climatique) s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action issu de l’atelier des 26 et 27 décembre 2013 tenu à Grand-Popo dans le cadre du programme WACDEP. 2. OBJECTIFS DE L’ETUDE 2.1. OBJECTIF GENERAL L’objectif général de l’étude est d’évaluer les coûts futurs des changements climatiques dans le secteur de l’eau pour le Bénin afin de les intégrer à la planification du développement. 2.2. OBJECTIFS SPECIFIQUES De façon spécifique, l’étude vise à : présenter de façon générale et succincte la problématique des changements climatiques, de l’échelle globale à l’échelle nationale en passant par l’échelle régionale ; évaluer les impacts passés, présents et futurs de la variabilité climatique et des changements climatiques sur le secteur des ressources en eau évaluer les capacités du secteur des ressources en eau à traiter convenablement les questions liées à la définition des stratégies d’adaptation dans le secteur ; évaluer les impacts économiques des changements climatiques sur le secteur ressources en eau. 3. RESULTATS ATTENDUS Les principaux résultats escomptés au terme de cette étude sont : la problématique des changements climatiques est décrite de l’échelle globale à l’échelle nationale les impacts passés, présents et futurs de la variabilité climatique et des changements climatiques sur le secteur des ressources en eau sont évalués les capacités sectorielles à traiter convenablement les questions liées à la définition des stratégies d’adaptation dans le secteur ressources en eau sont évaluer et les besoins en renforcement de capacité sont connues les impacts économiques des changements climatiques sur le secteur ressources en eau sont évalués. 10 4. PROBLEMATIQUE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : DE L’ECHELLE GLOBALE A L’ECHELLE NATIONALE Il est établi (GIEC, 2007) que le climat global subi des changements majeurs, conséquences directes d’importants rejets de Gaz à Effet de Serre (GES) dans l’atmosphère. Ces changements se traduisent, sans équivoque, à l’échelle globale par (Figure 1) : - l’augmentation sans équivoque de la température moyenne de l’atmosphère et de l’océan ; - l’augmentation du niveau moyen de la mer à l’échelle du globe ; - la fonte massive de la couverture neigeuse. Figure 1: Variation de la température globale (en haut) du niveau moyen de la mer (au milieu) et de la superficie neigeuse dans l’hémisphère nord (en bas). Source : GIEC, 2007 11 Ce réchauffement de la température de la surface du globe, issue des observations induit, entre autres, une augmentation de la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes ; notamment les inondations, les sécheresses, les cyclones (l’exemple de Katarina est édifiant), les vagues de chaleurs etc. Par ailleurs, les simulations des modèles climatiques pour le XXI e siècle s’accordent à prévoir une augmentation très probable des précipitations dans les latitudes élevées et une partie des tropiques, et une diminution probable dans certaines régions subtropicales et aux latitudes moyennes et inférieures. Ainsi, l’augmentation de l’intensité et de la variabilité des précipitations induirait une augmentation des risques d’inondation et de sécheresse et influencerait non seulement la disponibilité mais également la qualité de l’eau dans plusieurs régions du monde, surtout en Afrique. A l’échelle régionale, en Afrique, le Sahel, la corne de l’Afrique et l’Afrique Australe sont affectées par la sécheresse depuis la fin des années 1960s avec de sévères impacts sur les ressources en eau, la sécurité alimentaire et l’occurrence des situations de famine (Nicholson et al., 2000). De même l’Afrique de l’Ouest a connu des décroissances des pluviométries annuelles depuis la fin des années 1960s avec des pics de 20 à 40% au cours de la période 1968-1990 par rapport à la période 1931-1960 (Nicholson et al., 2000 ; Chappell and Agnew, 2004 ; Dai et al.,2004). La diminution de la surface du lac Tchad, conséquence de la sévérité des sécheresses consécutives et prolongées des années 1970s-1990s, est un exemple édifiant de l’existence d’un signal climatique défavorable au secteur des ressources en eau. Au delà de ce signal régional, partout en Afrique et surtout en Afrique de l’Ouest, on a assisté ces vingt dernières années à l’augmentation de la fréquence des inondations tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Les cas des inondations de 2009 au Burkina Faso (310 mm d’eau en 10 heures : plus de la moitié du cumul moyen interannuel), 2010 dans la plupart des pays du Bassin du fleuve Niger témoignent d’une accentuation de la variabilité climatique dans la sous région. Aussi, la disparition de mares temporaires au Sahel, la tendance à la diminution des normales pluviométriques un peu partout dans la sous région ouest africaine dénotent d’un changement en cours. Ces modifications posent la question fondamentale de l’approvisionnement en eau pour tous les usages et de la sécurité de l’eau au niveau régional. Il est prévu qu’en Afrique environ 75 à 250 millions de personnes subiront une augmentation du stress hydrique à l’horizon 2020 et ce chiffre peut atteindre 350 à 600 millions à l’horizon 2050 (Arnell, 2004 cité dans Bates et al., 2008). 12 Au niveau national, le Bénin n’est pas épargné par le réchauffement planétaire. En effet, on a déjà observé (McSweeney et al., 2008) une augmentation de la température moyenne annuelle de 1.1˚C depuis 1960, avec un taux d’augmentation de 0.24˚C par décennie. A noter que cette moyenne nationale cache bien des disparités zonales dans le pays. Ces vingt dernières années, les extrêmes hydrométéorologiques (sécheresse, inondation, vagues de chaleurs, vents violents etc.) ont été marqués par une augmentation de leurs fréquences. En effet, les années 2008, 2009, 2010, 2012 et 2013 ont été caractérisées par des inondations majeures dont celles de l’année 2010 ont été les plus graves compte tenu de leur étendue spatiale (55 communes touchées sur les 77 du pays) et du nombre de personnes touchées (680.000 personnes). Au plan économique, l’impact des inondations de 2010 a été estimé à plus de 127 milliards de FCFA et une baisse du taux de croissance du PIB de l’ordre de 0,8 point (Bénin, 2011). De plus, au Bénin, il est déjà constaté que l’approvisionnement en eau des zones rurales est influencé par le prolongement de la saison sèche compte tenu de l’arrêt précoce des précipitations. Des institutions opérant dans le secteur de l’eau comme le Partenariat National de l’Eau du Bénin (PNE-Bénin), la Direction Générale de l’Eau (DGEau) tirent déjà sur la sonnette d’alarme sur le fait que, si rien n’est fait face au comblement du barrage d’Okpara (comblement qui découle de la combinaison des précipitations plus intenses qui augmentent l’effet d’érosion des terres dénudées par l’activité agricole), il ne sera plus capable d’approvisionner la ville de Parakou d’ici 2025. Aussi, la retenue d’eau de Djougou connait-elle la même situation de comblement que la retenue de l’Okpara qui alimente la ville de Parakou. Des études récentes (McSweeney et al, 2008, Figure 3 et Lawin et al., 2013, Figure 3) ont mis en évidence la persistance de l’augmentation de la température moyenne de l’air aux horizons 2050 et 2100. A l’horizon 2050, les modèles prévoient une augmentation de l’ordre de 0.5°C pour le modèle le moins pessimiste, à 3°C pour le modèle le plus pessimiste. A l’horizon 2100, l’augmentation pourrait varier de +2°C (Scénario B1) à +6°C (Scénario A2) Figure 2: Tendance de la température moyenne de l'air. Source : McSweeney et al, 2008 13 Figure 3 : Variation de la température moyenne à l'horizon 2050 par rapport à 2000 sous le scénario A1B. Source : Lawin et al., 2013 5. DESCRIPTION DES DONNEES, OUTILS ET METHODES 5.1. Données utilisées Les données hydroclimatiques exploitées ou dont les résultats d’exploitation sont rapportés dans cette étude concernent notamment : les précipitations sur la période 1940-2010 fournies par le réseau pluviométrique de la Direction Nationale de la Météorologie (DNM), la température (Minimum, moyenne, Maximum) aux stations synoptiques du pays, les débits de rivières, principalement l’Ouémé à Bétérou et l’Alibori à Yankin, sur la période 1951-2000. Les données socioéconomiques exploitées concernent les inondations de 2010 et se réfèrent au nombre de communes touchées, au coût économique des impacts, au nombre de points de PIB perdus. 5.2. Scénarii climatiques Les scénarii d’évolution du climat implémentés au Bénin sont les scénarii A1, A1B, A2, B1 et B2 du GIEC dont une description synthétique est donnée ci – après : Scénario A1 : il suppose un monde futur caractérisé par une croissance économique très rapide, une population mondiale qui atteint son maximum au milieu du siècle pour diminuer ensuite et 14 l’apparition rapide de technologies nouvelles et plus efficaces. Réduction sensible de la disparité régionale du revenu par habitant. La variante A1B de la famille de A1 suppose un équilibre entre toutes les sources d’énergie en admettant que toutes les technologies propres à l’approvisionnement énergétique et à l’utilisation finale se perfectionnent à un rythme similaire. Scénario B1 : il fait l’hypothèse d’un monde où la population mondiale atteint son maximum au milieu du siècle pour diminuer ensuite (comme dans les A1), mais avec une évolution rapide des structures économiques vers une économie axée sur les services et l’information et l’adoption de technologies propres et fondées sur une utilisation efficace des ressources. L’accent est mis sur la recherche de solutions mondiales en matière de viabilité économique, sociale et environnementale, y compris par le biais d’une plus grande équité, mais sans nouvelles initiatives ayant trait au climat. Scénario A2 : ce scénario suppose un monde très hétérogène, avec une forte augmentation démographique. Le développement économique est moindre avec une forte émission de gaz à effet de serre. Scénario B2 : il suppose un monde où l'accent est mis sur des solutions locales ou régionales, dans un sens de viabilité économique, sociale et environnementale. L’analyse de la politique de développement du Bénin montre que le pays aspire à une économie émergence. Dans ce contexte, toutes les formes d’énergie (fossile et renouvelable) sont considérées avec l’adoption de technologies propres. Les scénarii A1B et B1 sont donc les plus en cohérence avec les stratégies de développement du Bénin. Ainsi, pour les projections des impacts potentiels futurs des changements climatiques au Bénin ce sont les résultats de ces deux scénarii (A1B et B1) qui seront exploités dans cette étude. 5.3. MODELES CLIMATIQUES, HYDROLOGIQUES ET SOCIOECONOMIQUES Les modèles climatiques implémentés au Bénin dans le cadre de projets comme impétus ou d’études prospectives comprennent notamment : CGCM3, MRI, HadCM3, HadGEM1, CNRM (Royer et al., 2002), CSIRO (Gordon et al., 2002), ECHAM5 (Jungclaus et al., 2006), et MIROC3.2 (K-1 Model Developers. 2004). Les conditions aux limites utilisées pour le forçage des modèles concernent notamment la pression atmosphérique, la composante horizontale de la vitesse du vent, la température et l’humidité de l’air. 15 Les modèles hydrologiques et socioéconomiques utilisés sont respectivement (Speth et al., 2010) BenHydro et BenEau puis WEAP. BenHydro simule la disponibilité de l’eau et BenEau simule la demande en eau tandis que WEAP permet de combiner ces deux modèles pour la gestion des ressources en eau. 5.4. METHODES UTILISEES Les travaux et résultats présentés dans cette étude découlent de la combinaison de plusieurs méthodologies allant des méthodes statistiques aux méthodes de projection climatique ou de projection économique en passant par les méthodes géostatistiques de cartographie dynamique pour élaborer les cartes. Pour les projections climatiques (température et précipitation), les horizons temporels les plus exploités sont 2025 et 2050. Toutefois, l’horizon 2100 a été utilisé pour la température. Les sorties des modèles de circulation générale (GCMs) utilisés sont désagrégées à la résolution de 9 min d’arc (soit environ 10 Km). L’évaluation des coûts d’impact des inondations s’est basée sur l’année 2010 comme année de référence car, non seulement les inondations de 2010 sont exceptionnelles de par leur ampleur mais également ce n’est que ces inondations qui ont connu d’évaluation économique complète des dommages et pertes dont les résultats validés sont disponibles. On suppose donc que 2010 constitue le pire cas d’inondation que puisse connaître le pays. Les coûts d’impact économique projetés reflètent le coût des impacts qu’occasionnerait une inondation du type 2010 à chaque horizon si rien n’est fait à partir de maintenant (inaction). La projection des coûts des mesures d’adaptation s’est basée sur l’année en cours (2014) pour la référence des coûts. Les coûts sont actualisés en utilisant un taux d’inflation fixé par hypothèse à 3% qui est la valeur moyenne sur les cinq dernières années (2009 à 2013). 6. EVALUATION DES IMPACTS DE LA VARIABILITE ET DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES 6.1. IMPACTS PASSES ET ACTUELS Plusieurs impacts de la variabilité climatique et des événements météorologiques extrêmes ont été observés sur les précipitations, les débits, les infrastructures de mobilisation des ressources en eau de surface, le réseau hydrographique de même que la vie des populations. Une synthèse des constats majeurs est donnée dans cette section. 16 6.1.1. SUR LES PRECIPITATIONS Dans l’ensemble du pays on a noté : l’augmentation de la fréquence des inondations qui implique des impacts majeurs sur la qualité de l’eau ; les cas des années 2008, 2009, 2010, 2012 et 2013 sont très marquants ; o l’augmentation des séquences sèches à l’intérieur de la saison des pluies entraînant la baisse des rendements agricoles. Plus spécifiquement : dans la région septentrionale du pays il a été mis en évidence: o la baisse de la pluviométrie moyenne interannuelle (post 1970 versus avant 1970) (Figure 4, MEPN, 2010) ; o une répartition des pluies évoluant vers le retard des événements pluvieux ; o le raccourcissement de l’unique saison pluvieuse qui implique l’allongement de la période sèche ; dans la région méridionale du pays, il est observé : o une légère tendance à la hausse des précipitations dans la zone côtière ; o un déficit et le raccourcissement de la seconde saison des pluies ; o la jonction de la seconde saison des pluies, certaines années, avec la grande saison. o 1940 - 1970 1971 - 2000 17 Figure 4: Tendance de la pluviométrie moyenne interannuelle Source : MEPN, 2010 6.1.2. SUR LES ECOULEMENTS De 1951 à 2000, et à l’échelle annuelle, la baisse des précipitations a été de 3 à 5% sur les deux grands bassins du Bénin (l’Ouémé et le sous bassin béninois du fleuve Niger) sur la période 1971-2000 par rapport à 1951-1970. Ainsi, les écoulements de surface ont baissé d’environ 10% sur ces deux bassins. Les Figure 6 et 6 montrent ce déficit d’écoulement à partir de 1971 pour le bassin de l’Alibori et le sous bassin de l’Ouémé à Bétérou. Il importe de donner ici quelques détails sur la manifestation de l’accentuation de la variabilité climatique sur les ressources en eau de surface. Sans être exhaustif, il est constaté : un déficit presque général d’écoulement sur l’ensemble des rivières; - le tarissement précoce de certaines rivières ; - le prolongement de la période d’étiage ; 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 -0,5 -1,0 -1,5 -2,0 1999 1996 1993 1990 1987 1984 1981 1978 1975 1972 1969 1966 1963 1960 1957 1954 Alibori 1951 Indice annuel - Années Figure 5: Variabilité interannuelle des débits sur l'Alibori à Yankin indiquant la tendance nette au déficit d’écoulement à partir de1975. - des étiages sévères obligeant des rivières pérennes à devenir saisonnières comme c’est le cas souvent ces dernières années pour la Pendjari ou le Momo à Athiémé (Figure 7 : cas du Mono à Athiémé en Avril 2013); - la baisse des hauteurs maximales d’eau dans les cours d’eau; - l’augmentation du nombre de jours de débordement (nombre de jours où la hauteur d’eau est supérieure à 8 mètre) du fleuve Ouémé à Bonou; 18 - l’augmentation du ruissellement de surface sur le bassin du fleuve Niger (portion béninoise) induisant une baisse de la recharge des nappes; - la baisse des niveaux d’eau dans les retenues d’approvisionnement en eau potable comme ceux de Parakou et Djougou, en particulier la retenue d’eau de Djougou s’est asséchée cette année 2014; des inondations récurrentes dans la basse vallée du fleuve Ouémé et dans la vallée du fleuve Niger. 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 -0,5 -1,0 -1,5 -2,0 -2,5 -3,0 1999 1996 1993 1990 1987 1984 1981 1978 1975 1972 1969 1966 1963 1960 1957 1954 Ouémé à Bétérou 1951 Indice annuel - Années Figure 6: Variabilité interannuelle des débits sur l'Ouémé à Bétérou montrant clairement un déficit d’écoulement à partir de 1970. Figure 7: Assèchement du Fleuve Momo à Athiémé en Avril 2013 Cliché : Agnidé Emmanuel LAWIN, 19 Avril 2013 19 6.1.3. AUTRES IMPACTS CONNEXES La surabondance ou le déficit en en eau cause également des déconvenues qui touchent d’autres secteurs comme la santé, l’agriculture et l’habitat où des pertes énormes sont constatées suite aux inondations ou à la sécheresse. Par exemple, les inondations de 2008, dans le département de l’Ouémé, ont entrainé la mort de cinq personnes, la perte de 15498 ha de culture, 3190 animaux et 5965 tonnes de vivres. De plus des infrastructures sociocommunautaires dont 13 écoles primaires, un collège et 3 centres de santé ont été inondées (MEHU, 2011). Le cas des inondations de 2010 constitue l’événement le plus extrême jusque là connu par le pays de par son ampleur puisque ces inondations ont touché tous les départements du pays avec 45 pertes en vies humaines directement dues aux inondations au 25 Octobre 2010 (MEHU, 2011) avec 680.000 personnes affectées et d’énormes quantités de vivres détruits. La Figure 8 donne un aperçu des inondations dans un village dans la commune Figure 8: Inondation dans un village dans la commune d'Athiémé Cliché : Mairie Athiémé, 2009 d’Athiémé en 2009. On peut remarquer que le village est transformé en rivière avec pour conséquence les maisons en terre en voie d’écroulement. Par ailleurs, la mauvaise répartition des précipitations dans la saison ainsi que l’augmentation des intensités de pluie créent des dommages importants (DANIDA, 2012) aux pistes rurales (Figure 9 et Erreur ! Source du renvoi introuvable.), notamment : o la traversée de la route par l’eau ; 20 o la submersion temporaire ou prolongée de radier ; o la submersion temporaire ou prolongée de dalots et/ou ponts; o l’érosion de la chaussée ou de ses accotements (Figure 9 : en haut à gauche puis en bas à droite); o l’inondation complète de la chaussée (Erreur ! Source du renvoi introuvable. : en bas à droite) ; o la coupure de la voie empêchant tout passage; o le ravinement longitudinal de la chaussée (Erreur ! Source du renvoi introuvable. : en haut puis en bas à gauche) ; o l’apparition d’ornières ; o le début de bourbier (Figure 9 : en haut à droite) ; o l’érosion du talus des dalots ; o la destruction de remblais d’accès des dalots comme c’est le cas à Aplahoué en 2011 sur la Figure 9 (en bas à gauche) ; o destruction de dalots comme c’est le cas sur la route Kandi-Ségbana en 2013 (Figure 10) ; o le comblement et l’affouillement des dalots ; o la destruction de sol support des radiers submersibles. 21 les pistes rurales à Aplahoué Figure 9: Impact des précipitations intenses sur Cliché : Agnidé Emmanuel LAWIN, Août 2012 Figure 11: Impact des précipitations intenses sur les pistes rurales à Savalou Cliché : Thomas BAGAN, Août 2012 Figure 10:Destruction d’un dalot sur la route Kandi-Ségbana en 2013 Cliché : Agnidé Emmanuel LAWIN, Octobre 2013 22 6.2. IMPACTS POTENTIELS FUTURS 6.2.1. SUR LES PRECIPITATIONS Les projections pour le futur montrent une gamme variée de tendances qui dépendent des régions considérées dans le pays ainsi que des modèles, comme le reportent MEHU (2011) pour différents horizons temporels allant jusqu’à 2100, Lawin et al. (2013) pour l’horizon 2050 et McSweeney et al. (2008) pour l’horizon 2100. En effet, à l’échelle annuelle, selon MEHU (2011), sous les scénarii A1B et B1, le Sud du Bénin et ne devrait pas connaître de variation significative des précipitations mais la région septentrionale connaîtra une augmentation pouvant atteindre 15% par rapport à la normale 1971-2000. Lawin et al. (2013) indique également (Figure 12) des variations similaires à l’horizon 2050. Ainsi, selon les modèles climatiques CNRM et MIROC, l’extrême nord subira une légère augmentation (+50 à +100 mm) voire significative (+100 à +200 mm) des précipitations. Mais il faut noter que les modèles CSIRO et MIROC indiquent que les régions sud et centrale du pays pourraient connaître une diminution sensible voire significative des précipitations jusqu’à -200 mm. Figure 12: variation de la pluviométrie annuelle à l'horizon 2050 (scénario A1B) par rapport à la période de référence 1961 – 1990. Source : Lawin et al., 2013. A l’échelle des bassins versants, sur la haute vallée de l’Ouémé, selon le scénario considéré (Tableau 1) on pourrait assister à une diminution de la pluviométrie de 5 % à 8% à l’horizon 2050 par rapport à la période de référence 1971 – 2000. 23 Tableau 1: Projection des précipitations aux horizons 2025 et 2050 sur la haute vallée du fleuve Ouémé suivants deux scénarios climatiques. Bassin Données d’entrée : normale 1971 2000 (mm) Ouémé Supérieur 1184 (haute vallée) Scénario A1B Scénario B1 2025 2050 2025 2050 -4% -8% -3% -5 % Source : IMPETUS, 2009 6.2.2. SUR LES VOLUMES ECOULES Dans le bassin béninois du fleuve Niger et dans les régions centrale et méridionale, la diminution des précipitations pourrait entraîner une diminution des écoulements. Le déplacement de la saison pourrait introduire un décalage de l’occurrence des périodes de hautes eaux. Les sorties du modèle BenHydro (Speth et al. 2010) sur l’ensemble du bassin du fleuve Ouémé montrent bien l’impact de la diminution des précipitations sur les écoulements de surface à l’horizon 2050 (Figure 13). Figure 13: Evolution du débit sur l'Ouémé à Bonou à différents horizons temporels Source : MEPN, 2010 24 6.2.3. SUR LE RESEAU HYDROGRAPHIQUE La diminution des précipitations est projetée par certains modèles climatiques, il est probable que des rivières temporaires ou saisonnières aujourd’hui disparaissent sous l’action conjuguée de la diminution des pluies et du comblement suite à l’augmentation des intensités de pluie qui engendreront une augmentation de l’érosion et du transport de sédiments. En revanche, dans les scénarii de l’augmentation des précipitations, il est probable que des rivières temporaires deviennent permanentes et qu’on assiste également à l’élargissement de certains cours et plans d’eau. Ainsi, les changements climatiques feront évoluer davantage le réseau hydrographique. 6.2.4. SUR LES VOLUMES D’EAU MOBILISABLES Dans le scénario de l’augmentation de la durée et de la fréquence des saisons sèches de même que la diminution des précipitations sur le haut bassin du fleuve Ouémé et le bassin béninois du fleuve Niger tels que rapporter par MEHU (2011) et Lawin et al. (2013), il y aura un impact négatif sur la disponibilité des ressources en eau. En effet, par exemple, la diminution des précipitations peut entrainer la diminution des écoulements ; ce qui pourrait entraîner la réduction des quantités d’eau stockée dans les réservoirs naturels ou construits (retenues d’eau), alimentés par des rivières saisonnières. Ce qui signifie qu’on pourrait assister à la récurrence des situations de tarissement des retenues d’eau comme c’est le cas en 2014 pour la retenue d’eau de Djougou. La situation de tarissement pourrait s’aggraver pour les retenues d’eau de Savalou et de Yéripao qui connaissent déjà aujourd’hui des tarissements pour plusieurs mois après la fin de la saison des pluies. Cet impact négatif sur les quantités d’eau mobilisables est illustrée par les sorties du modèle BenHydro qui montrent bien une diminution des recharges des nappes souterraines à l’horizon 2050 sur l’Ouémé (Figure 14) qui aura pour implication la baisse des niveaux des nappes phréatiques et il faudra aller chercher l’eau de plus en plus loin en profondeur. Ce qui pourrait avoir un coût supplémentaire. De même, l’augmentation de la température augmentera l’évaporation de sorte que les volumes d’eau de surface mobilisables diminueront. L’augmentation des températures engendrera une augmentation de la demande en eau notamment en ce qui concerne la consommation en eau pour l’irrigation ; ce qui influencera la disponibilité de l’eau pour l’approvisionnement en eau potable et pour les autres usages. 25 Pour la basse vallée du fleuve Ouémé, dans un scénario d’augmentation des précipitations, ce serait un bénéfice pour la disponibilité des ressources en eau. Mais, en cas d’inondation, les installations de traitement de l’eau sont hors d’usage, comme ce fût le cas en 2009 et 2010 à la station de prétraitement de la SONEB à Godomey – Togoudo. Figure 14: Evolution de la recharge sur l'Ouémé à divers horizons. Source : MEPN, 2010 6.2.5. SUR LA QUALITE DE L’EAU D’après MEHU (2011), plusieurs impacts potentiels peuvent affecter la qualité des ressources en eau. Les faibles écoulements peuvent conduire à des concentrations fortes de contaminants des eaux du fait de la diminution du pouvoir de dilution. De même, les fortes crues peuvent conduire à de fortes érosions et à des transports fluviaux de grandes quantités de sédiments qui dégraderont la qualité des eaux de surface. La montée du niveau de la mer dans les zones côtières entraînera l’intrusion saline dans les aquifères côtiers. Par ailleurs, les aquifères à l’intérieur des terres sur le bassin du fleuve Ouémé ou sur le bassin béninois du fleuve Niger peuvent être concernés par la salinisation en raison de la réduction de l’alimentation des nappes souterraines. Du fait de l’augmentation des températures, des températures élevées combinées à l’augmentation de la concentration en phosphate dans les réservoirs naturels ou construits favoriseront le développement des fleurs d’eau (par exemple la jacinthe d’eau). Ces fleurs d’eau dégradent la qualité de l’eau en modifiant sa couleur, son odeur, son goût du fait de la réduction de la teneur en oxygène dissout, des configurations de mélange et de la capacité d’autoépuration de l’eau. Elles peuvent même donner à l’eau, une toxicité nuisible tant à l’homme qu’à la faune et la flore 26 aquatiques. Le traitement de telles eaux polluées reviendra certainement très coûteux pour le pays. 6.2.6. AUTRES IMPACTS CONNEXES La dégradation de la qualité des ressources en eau, du fait des inondations et des sécheresses, aura des impacts sur d’autres secteurs comme la santé. En effet, ces phénomènes extrêmes, dans le cas de leur exacerbation, induiront une augmentation de la morbidité et de la mortalité par les maladies d’origine hydrique, du fait de l’approvisionnement en eau potable qui sera insuffisant et de la présence plus accrue d’agents pathogènes transportés lors des crues suite aux fortes précipitations. 6.2.7. TENDANCE DES PHENOMENES METEOROLOGIQUES EXTREMES Au plan global, il est montré que le nombre d’évènements climatiques extrêmes est en nette progression depuis trois décennies (Munich Re, 2010) en raison de l’évolution croissante des niveaux de concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. De même, au plan régional ouest africain, la tendance depuis 1970 est à l’augmentation du nombre d’inondations (Figure 15), surtout à partir de 1992, se superposant parfois à des années de forte sécheresse. Figure 15: Inondations et sécheresses en Afrique de l'Ouest de 1970 à 2010. Sources : EM-DAT: The OFDA/CRED International Disaster Database. www.emdat.be Université Catholique de Louvain -Brussels – Belgium. Au Bénin, les inondations et la sécheresse sont les phénomènes météorologiques extrêmes majeurs. Ces vingt dernières années, l’inondation apparaît comme le risque le plus récurrent. Les cas des années 2008, 2010 et 2012 sont très marquants avec des conséquences dramatiques tant du point de vue des dégâts matériels que des pertes en vies humaines. 27 En tenant compte des effets individuels ou combinés de : i) l’extension des établissements humains dans les plaines d’inondation ; ii) l’installation anarchique des populations dans les secteurs bas, inappropriés à l’installation humaine ; iii) l’insuffisance des réseaux d’assainissement et de drainage des eaux de pluies ; iv) la destruction de la végétation naturelle des berges des fleuves et rivières au profit de l’installation des habitations ou des champs ; ce qui favorise la propagation des eaux en période de crue et d’inondation et augmente l’exposition des populations à l’inondation dans les différentes vallées du pays ; v) les modes d’utilisation des terres évoluant vers une dégradation des sols plus enclins à l’érosion hydrique avec pour conséquence entre autres le comblement des cours et plan d’eau. On peut s’attendre à l’augmentation non seulement de la fréquence des inondations mais également de leurs impacts. Ainsi, les régions les plus exposées du pays pourraient connaître une exacerbation des inondations et de la sécheresse notamment l’extrême nord et les vallées des fleuves Ouémé et Mono. 6.2.8. MESURES POTENTIELLES D’ADAPTATION En se limitant aux régions les plus exposées (extrême nord et la zone des pêcheries) aux inondations, les mesures d’adaptation suivantes pourraient être mise en œuvre. Il s’agit de : o La mise en place d’un système d’alerte précoce aux inondations et à la sécheresse ; o La construction de digues de protection ; o La construction de retenues d’eau sur les cours des principaux fleuves et rivières ; o La sensibilisation et l’opérationnalisation de la législation en matière d’occupation des berges des cours d’eau. 28 7. EVALUATION DES CAPACITES SECTORIELLES ET BESOINS DE RENFORCEMENT DE CAPACITE. 7.1. EVALUATION DES CAPACITES SECTORIELLES La définition de stratégies pertinentes d’adaptation aux changements climatiques dans le secteur des ressources en eau comme sur tout autre secteur commence d’abord par l’évaluation des variations futures des principaux paramètres déterminant le climat à l’échelle régional et local. Ce qui nécessite la maîtrise des outils de simulation climatique que constituent les modèles climatiques globaux ou régionaux. L’implémentation d’un modèle climatique requiert des équipements informatiques sophistiqués tels que les clusters (calculateurs performants à 4, 8 voire 16 processeurs au moins) et des capacités de stockage importantes. De plus il faut maîtriser l’utilisation de modèles d’impacts spécifiques au secteur concerné. Dans leurs factures actuelles, les services comme la Direction Générale de l’Eau, la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB) et la Direction Nationale de la Météorologie en charge des questions touchant aux ressources en eau et au climat même s’ils ont quelques cadres capables d’utiliser quelques modèles d’impacts sectoriels, ne disposent pas de toutes les ressources humaines qualifiées pour l’exercice d’évaluation des impacts économiques des changements climatiques sur les ressources en eau, encore moins les ressources matérielles et techniques indispensables pour l’implémentation des modèles de simulation climatiques. En somme, dans l’état actuel des services en charge du secteur des ressources en eau, il n’est pas physiquement et techniquement possible de tourner un modèle climatique et le coupler à un modèle sectoriel d’évaluation d’impact afin d’en dériver les impacts économiques. Plus largement, le Bénin ne dispose pas non plus d’un centre de calcul numérique ayant des capacités matérielles nécessaires pour tourner un modèle climatique. Un renforcement de capacités techniques et matérielles est donc nécessaire, voire indispensable pour rendre les services techniques à même d’assurer la fonction d’évaluation, à fine échelle spatiale, des impacts des changements climatiques sur le secteur des ressources en eau ou créer une plateforme pour prendre en compte cet exercice. 29 7.2. BESOINS DE RENFORCEMENT DE CAPACITE Les besoins de renforcement de capacité sont d’ordre systémique, humain et matériel. Au plan systémique, il s’avère nécessaire de créer une structure pour prendre en charge la question de projection et de modélisation climatique. Ainsi, nous proposons un renforcement du « Centre CEDEAO de calcul numérique et de modélisation climatique de l’Institut de Mathématiques et de Sciences Physiques (IMSP) de Dangbo » à travers la création d’une division « modélisation climatique ». Au plan humain, la division « modélisation climatique » n’ayant pas encore de personnel propre, il convient de recruter et mettre à disposition de l’IMSP des météorologues prévisionnistes (04), des océanographes(04) et des hydrologues (04). Au plan matériel, les besoins s’expriment en termes de calculateurs performants, de disques de stockage de données, de serveurs internet, de logiciels et outils de projection climatique et économique. 8. EVALUATION DES IMPACTS ECONOMIQUES 8.1. IMPACTS ECONOMIQUES ACTUELS La littérature béninoise n’est pas assez fournie en matière d’évaluation des coûts économiques des impacts de la variabilité et des changements climatiques. L’exercice a été fait pour le cas des inondations de 2010. Les pertes et dommages engendrés en dehors des pertes en vies humaines ont été évalués à environ 127 milliards de francs CFA avec 778 millions pour le secteur de l’eau et assainissement soit 0,61% (Bénin, 2011). En termes de PIB, ces inondations exceptionnelles ont fait chuter le PIB réel de 0,8 sans compter que le taux de pauvreté a augmenté de 0,7% entrainant 12.283 supplémentaires à basculer dans la pauvreté. Par ailleurs, le taux d’inflation a augmenté d’un point. 8.2. EVALUATION SOMMAIRE DES COUTS D’IMPACT ET D’ADAPTATION FUTURS La présente évaluation n’est pas exhaustive car on se limitera à l’extrême nord du pays et la zone des pêcheries. Le risque hydrologique visé est l’inondation et les mesures d’adaptation considérées sont : la construction de digue et la construction de retenues d’eau. L’année de référence est 2010. Les horizons temporels ciblés sont 2020 et 2030 et 2050. Le tableau présente globalement, ce que coûterait, dans l’hypothèse basse d’un taux d’inflation constant, une inondation du type 2010 pour les horizons temporels sélectionnés si rien n’est fait. 30 Tableau 2: Coûts d'impact estimatifs des inondations à différents horizons temporels Année 2010 (Référence) 2020 2030 2050 Coût (milliards) 127 156 210 379 Ainsi, si rien n’est fait aujourd’hui et qu’une inondation du type de 2010 survenait en 2050, elle occasionnera des dommages et pertes dont le coût global triplerait le coût de la situation de 2010. Pour réduire les impacts des inondations et profiter de l’avantage qu’offrent les accroissements de précipitation projetés plus haut par certains modèles climatiques au Nord du Bénin (Figure 12), le coût total actuel des deux mesures d’adaptation sélectionnées plus haut s’élèvent à 300 milliards. Ces mesures se traduiraient par : i) la construction d’un barrage à but multiple sur l’Ouémé au Centre du Bénin (pour protéger la basse vallée de l’Ouémé), ii) la construction des retenues hydro agricoles sur les bassins de l’Alibori et la Sota puis iii) la construction de digue à Malanville et Karimama. L’évolution future de ce coût se présente comme l’indique le Tableau 3 si les mesures préconisées ne sont pas mises en œuvre assez rapidement. Tableau 3: Evolution du coût des mesures d’adaptation sélectionnées Année 2014 (Référence) 2020 2030 2050 Coût (milliards) 300 369 496 896 Il en résulte que l’investissement des 300 milliards de FCFA en 2014 ou 369 milliards de FCFA en 2020 pour les mesures d’adaptation permettra d’éviter tous les coûts liés à la réalisation des risques d’inondation jusqu’en 2050 au moins (Tableau 2). Par ailleurs en réalisant cet investissement, on éviterait non seulement les coûts prévus dans le Tableau 3 à partir de 2020 mais aussi les pertes en vies humaines, les arrêts d’activités économiques et sociales et les conséquences de ces arrêts. 9. LIMITES DE L’ETUDE L’implémentation d’un modèle climatique requiert des équipements informatiques sophistiqués tels que les clusters (calculateurs performants à 4 ou 8 ou 16 processeurs) et des capacités de stockage importantes. Les conditions aux limites à 31 utiliser pour tourner un modèle climatique nécessitent des capacités mémoires multiples du térabit (1000 Go). En outre, il faut disposer d’une autonomie énergétique d’au moins trois mois pour une résolution de 50 Km x 50 Km ou de six mois lorsqu’on s’intéresse à plus de détail à la résolution de 25 Km x 25 Km. Pour descendre plus bas jusqu’à l’échelle de 1 Km x 1 Km il faut encore plus de temps et de capacité de stockage. Ainsi, au cours de cette étude, aucun modèle climatique n’a été tourné faute de temps et des aspects logistiques évoqués ci-dessus. Les résultats présentés concernent donc plus ceux de travaux antérieurs. Par ailleurs, l’évaluation des coûts des mesures d’adaptation s’est limitée non seulement à quelques mesures mais également à quelques régions du pays (notamment la basse vallée de l’Ouémé et l’extrême nord). Ainsi, l’évaluation économique des impacts des changements climatiques et des coûts des mesures d’adaptation n’est pas exhaustive. Enfin, les questions d’évaluation des impacts des changements climatiques sur les besoins en eau, la production d’eau potable et la satisfaction des besoins en eau n’ont pas pu être abordées. Il convient donc, pour aller plus loin, d’apporter des corrections aux limites exprimées dans la présente étude. 32 10. CONCLUSION La problématique des changements climatiques s’exprime pour les ressources en eau en termes de variabilité, de surabondance en un temps très court (inondation) ou de déficit en eau (sécheresse) puis de la qualité de l’eau. En somme il s’agit de l’amenuisement de la disponibilité et de la dégradation de la qualité de l’eau. Il est mis en évidence un réchauffement climatique global qui n’épargne pas le Bénin. Ce réchauffement observé est de l’ordre de 1,1°C depuis 1960. Les projections climatiques indiquent globalement, quelque soit le scénario, que le réchauffement se poursuivra, jusqu’à atteindre une augmentation de +3°C considérant les scénarii les plus optimistes voire +6°C à l’horizon 2100 selon les scénarii les plus pessimistes. Plusieurs impacts actuels de la variabilité accentuée du climat ont été relevés sur les ressources en eau et les secteurs connexes. Ces impacts se traduisent par des sécheresses intenses impliquant le tarissement de certains cours d’eau dans la région septentrionale du pays et au sud ouest, la baisse des niveaux de certaines retenues d’eau voire leur tarissement, les inondations qui dégradent la qualité des ressources en eau de surface. Aussi des impacts sur la santé en matière de recrudescence de maladies liées à l’eau ont été relevés de même que la dégradation d’infrastructures de transport rural. Les prévisions climatiques indiquent des situations de diminution des précipitations de même que des situations d’augmentation des précipitations pour certaines régions du pays. Ces variations extrêmes impacteront négativement la qualité de l’eau et augmenteront, par conséquence, les coûts de traitement de l’eau. De même, l’élévation du niveau de la mer devrait impacter négativement la qualité des ressources en eau souterraines dans la région côtière et donc par ricochet les volumes d’eau mobilisables alors que la demande sera en augmentation. L’analyse de la capacité des services en charge du secteur de l’eau et du climat, à traiter des questions d’évaluation économique des impacts des changements climatiques sur le secteur, révèle que dans leurs factures actuelles, ces services n’ont pas toutes les capacités techniques, matérielles et humaines nécessaires. Le besoin d’un renforcement de capacité du Bénin dans ce cadre s’avère indispensable. Les options potentielles suivantes pourraient être mises en œuvres : il s’agit de i) la mise en place d’un système d’alerte précoce aux inondations et à la sécheresse, ii) la construction de digues de protection, iii) la construction de retenues d’eau sur les cours des principaux fleuves et rivières et iv) la sensibilisation et l’opérationnalisation de la législation en matière d’occupation des berges des cours d’eau. 33 L’investissement de 300 milliards de FCFA en 2014 ou 369 milliards de FCFA en 2020 pour les deux mesures d’adaptation qui requièrent des travaux de génie civil permettra d’éviter tous les coûts liés à la réalisation des risques d’inondation jusqu’en 2050 au moins ainsi que les surcoûts de la mise en œuvre de ces mesures en 2050. Plus importants encore, cet investissement permettra d’éviter les pertes en vies humaines, les arrêts d’activités économiques et sociales et les conséquences de ces arrêts. 34 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Bénin (2011). Inondations au Bénin : Rapport d’évaluation des besoins post catastrophe. Rapport d’étude, 83p. DANIDA (2012). Analyse de l’influence des changements climatiques sur les Infrastructures de Transports Routiers (ITR) réalisées/en cours de réalisation ou prévues. Rapport d’étude. 81p. GIEC (2007). Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Équipe de rédaction principale, Pachauri, R.K. et Reisinger, A.]. GIEC, Genève, Suisse, 103p. Gordon, H. B., Rotstayn, L. D., McGregor, J. L., Dix, M. R., Kowalczyk, E. A., O'Farrell, S. P., Waterman, L. J., Hirst, A. C., Wilson, S. G., Collier, M. A., Watterson, I. G., and Elliott, T. I. (2002). "The CSIRO Mk3 Climate System Model" [Electronic publication], CSIRO Atmospheric Research technical paper n° 60, CSIRO Atmospheric Research, Aspendale, Australia. IMPETUS (2009). Atlas du Bénin. Résultats de Recherche 2000 – 2007 Jungclaus, J.H., M. Botzet, H. Haak, N. Keenlyside, J.-J. Luo, M. Latif, J. Marotzke, U. Mikolajewicz, and E. Roeckner. (2006). "Ocean circulation and tropical variability in the AOGCM ECHAM5/MPI-OM", J. Climate 19(August):3952-3972. K-1 Model Developers. 2004. "K-1 coupled model (MIROC) description", in K-1 technical report 1, edited by H. Hasumi and S. Emori, Center for Climate System Research, University of Tokyo. Lawin A. Emmanuel, Akponikpè P. B. Irénikatché, Jalloh A., Nelson C. Gerald and Thomas S. Timothy (2013). Chapter 3: Benin. pp. 53 – 77. In West African Agriculture and climate change: A comprehensive analysis. Edited by Abdulai Jalloh, Gerald C. Nelson, Timothy S. Thomas, Robert Zougmoré, and Harold Roy-Macauley. 408p. McSweeney C., M. New and G. Lizcano (2008). UNDP Climate Change Country Profiles: Benin MEHU (2011). Deuxième Communication Nationale de la République du Bénin sur les Changements climatiques. 165p. MEPN (2008). Programme d’Action National d’Adaptation aux effets néfastes des changements climatiques. 81p. MEPN (2010). Etude de la vulnérabilité, des impacts et de l’adaptation des ressources en eau du Bénin aux changements climatiques. 97p. Munich Re, (2010). TOPICS GEO – Catastrophes naturelles 2010, Analyses – Évaluations –Positions. 44p. 35 Royer, J.-F., D. Cariolle, F. Chauvin, M. Deque, H. Douville, R.M. Hu, S. Planton, A. Rascol, J.-L. Ricard, D. Salas y Melia, F. Sevault, P. Simon, S. Somot, S. Tyteca, L. Terray, S. Valcke.(2002). "Simulation des changements climatiques au cours du 21-ieme siecle incluant l'ozone stratosphérique", C. R. Geophys. 334:147-154. Documentation for CNRM-CM3 GCM. Speth, P. Chritoph M., and Dickrüger (2010). Impacts of global change on the hydrological cycle in West and Northwest Africa. Springer, Theidelberg, Dordrecht London, New York, 675p. 36