HYDROMÉDUSES DE LA MER DE BISMARCK.
(PAPOUASIE NOUVELLE-GUINÉE)
PARTIE III : ANTHOMÉDUSAE FILIFERA
(HYDROZOA CNIDARIA) (1)
par
Jean Bouillon
Laboratoire de Zoologie, Université Libre de Bruxelles, Belgique.
et
Station biologique Léopold III, Laing Island, Papua New-Guinea.
Résumé
53 espèces d’Anthoméduses Filifera ont été récoltées dans les eaux baignant
l’île de Laing, Papouasie, Nouvelle-Guinée.
9 nouvelles espèces sont décrites : Bougainvillia aurantiaca, Halitiara inflexa,
H. rigida, Halitiarella ocellata, Hansiella fragilis, Janiopsis costaia, Leuckartiara
simplex, Merga bulbosa, Nubiella mitra.
4 nouveaux genres ont dû être érigés : Halitiarella, Hansiella, Janiopsis et
Nubiella.
Protiara tropica, considérée comme une Pandeidae, est transférée dans les
Calycopsidae sous une nouvelle combinaison générique : Pseudotiara tropica.
La famille des Timoididae Kramp 1961 (Leptomedusae), comprenant l’unique
espèce Timoides agassizi, est supprimée, Timoides n’étant, en réalité, qu’une
Pandeidae. La description de plusieurs espèces est précisée.
Cet article est consacré à l’étude des Anthomedusae-Filifera de la
mer de Bismarck (Papouasie Nouvelle-Guinée). Il constitue la troisième
partie de l’inventaire faunistique des Hvdroméduses de cette région
(Bouillon 1978 b et c).
Le matériel étudié provient des eaux baignant l’île de Laing dans la
baie de Hansa (4°09’S 144°52’E). Les conditions de récolte et un bref
aperçu climatique sont donnés dans la première partie de l’inventaire
faunistique (Bouillon, 1978 b).
Les holotypes des nouvelles espèces décrites ont été déposés au Musée
de Copenhague, les paratypes, lorsqu’ils existent, de même que le reste
de la collection, à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique.
LISTE DES ESPÈCES RÉCOLTÉES
Les familles et les espèces sont classées par ordre alphabétique.
Les espèces marquées d’un astérisque sont soit décrites soit discutées
dans le texte, les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre d’indi-
vidus récoltés.
(1) Contribution n° 14.
CAHIERS DE BIOLOGIE MARINE
Tome XXI - 1980 - pp. 307-344
308 J. BOUILLON
ANTHOMEDUSAE
FILIFERA
1) Bougainvilliidae
* Bougainvillia aurantiaca n. sp. ; (58).
Bougainvillia britannica (Forbes, 1841) ; (25).
* Bougainvillia fulva Agassiz et Mayer, 1899 ; (94).
Bougainvillia muscoides (Sars, 1846) ; (1).
Bougainvillia platygaster (Haeckel, 1879) ; (29).
Bougainvillia ramosa (Van Beneden, 1844) ; (14).
* Koellikerina constricta (Menon, 1932) ; (40).
Koellikerina multicirrata (Kramp, 1928) ; (4).
Koellikerina octonemalis (Maas, 1905) ; (3).
* Koellikerina ornata Kramp, 1959 ; (9).
* Nubiella mitra n. gen., n. sp. ; (30).
2) Calycopsidae
* Bythotiara depressa Naumov, 1960 ; (4).
Bythotiara murrayi Günther, 1903 ; (2).
* Heterotiara anonyma Maas, 1905 ; (35).
Heterotiara minor Vanhöffen 1911 ; (10).
* Kanaka pelagica Uchida, 1947 ; (3).
* Pseudotiara tropica Bigelow, 1912 ; (18), nom. gen. nov.
3) Clavidae
Oceania armata Kölliker, 1853 ; (15).
Turritopsis nutricula Mc Crady, 1856 ; (23).
4) Cytaeididae
* Cytaeis tetrastyla Eschscholtz, 1829 ; (plus de 10.000).
* Paracytaeis octona Bouillon, 1978 ; (13).
5) Hydractiniidae
* Hansiella fragilis n. gen., n, sp. ; (3).
Podocoryne apicata Kramp, 1959 ; (55).
Podocoryne minima (Trinci, 1903) ; (19).
* Podocoryne ocellata (Agassiz et Mayer, 1902) ; (4).
6) Pandeidae
Amphinema dinema (Péron et Lesueur, 1809) ; (6).
Amphinema rugosum (Mayer, 1900) ; (284).
* Amphinema turrida (Mayer, 1900) ; (28).
Annatiara affinis (Hartlaub, 1913) ; (1).
* Halitiara inflexa n. sp. ; (plus de 5.000).
HYDROMÉDUSES DE NOUVELLE-GUINÉE. III 309
* Halitiara rigida n. sp. ; (25).
* Halitiarella ocellata n. gen., n. sp. ; (62).
* Janiopsis costata n. gen., n. sp. ; )5).
Leuckartiara annexa Kramp, 1957 ; (1).
* Leuckartiara gardineri Browne, 1916 ; (plus de 5.000).
Leuckartiara hoepplii Hsu, 1928 ; (1) (juvénile).
Leuckartiara octona (Fleming, 1823) ; (168).
* Leuckartiara simplex n. sp. ; (15).
Leuckartiara zacae Bigelow, 1940 ; (3).
* Merga bulbosa n. sp. ; (22).
Merga tergestina (Neppi et Stiasny, 1912) ; (2).
* Merga tregoubovii Picard, 1960 ; (163).
Merga violacea (Agassiz et Mayer, 1899) ; (3).
Neoturris bigelowi Kramp, 1959 ; (1).
Neoturris papua (Lesson, 1843) ; (16) (la plupart juvéniles).
Neoturris pelagica (Agassiz et Mayer, 1902) ; (1).
Niobia dendrotentacula Mayer, 1900 ; (58).
Octotiara russelli Kramp, 1953 ; (24).
Pandea conica (Quoy et Gaimard, 1827) ; (17) (juvéniles).
* Pandeopsis ikarii (Uchida, 1927) ; (plus de 10.000).
* Stomotoca atra L. Agassiz, 1862, (66).
Stomotoca pterophylla Haeckel, 1879 ; (2).
* Timoides agassizi Bigelow, 1904 ; (2).
PARTIE SYSTÉMATIQUE
FAMILLE BOUGAINVILLIIDAE
BOUGAINVILLIA AURANTIACA n. sp. (Fig. 1)
Description
Méduse à ombrelle en forme de cloche, légèrement plus large que haute
(diamètre : 1.9 mm, hauteur : 1,8 mm) ; la mésoglée est relativement épaisse
dans la région apicale, plus mince latéralement. Le manubrium est court,
porté par un pédoncule mésogléen peu marqué mais néanmoins visible
sur du matériel vivant. Les quatre tentacules oraux sont insérés bien au-
dessus de la bouche simple et circulaire. Chacun d'eux se divise deux fois
distalement, plus exceptionnellement trois fois chez les plus grands indi-
vidus. La portion indivise des tentacules oraux est assez longue, grêle ;
leurs extrémités terminales sont pourvues de petits boutons de cnidocystes.
Les tentacules marginaux sont issus de quatre gros bulbes hémisphé-
riques de couleur orange vif. Il y a deux, plus rarement trois, tentacules par
bulbe, lis sont minces, très allongés, atteignant jusqu'à trois fois la hauteur
de l'ombrelle. Leur extrémité est légèrement dilatée et de couleur verte.
Il n'y a pas d'ocelle, les canaux radiaires et le canal circulaire sont peu
développés.
Les gonades sont interradiaires, très volumineuses et complètement
séparées, quel que soit le sexe considéré, au niveau des perradius. Chez
les individus femelles, les œufs deviennent très proéminents.
Les éléments sexuels se différencient très précocement ; ils sont déjà
visibles chez des individus de moins de 0,5 mm de hauteur. On observe
310 J. BOUILLON
quatre taches interradiaires apicales orange qui correspondent en fait aux
pigments tapissant la face interne des gonades.
Discussion
C'est avec B. bitentaculata décrite du Japon que B. aurantiaca présente
le plus d'affinités morphologiques"; elle s'en différencie toutefois par
l'absence d'ocelle et un pédoncule gastrique beaucoup moins marqué.
Deux autres Bougainvillia : B. muscoides et B. frondosa sont également
dépourvues d'ocelles.
Bougainvillia muscoides a, tout comme B. aurantiaca, les gonades inter-
radiaires. Elle se distingue cependant de cette dernière par une taille plus
grande (4-5 mm), la forme de l'ombrelle, des tentacules oraux plus ramifiés
(divisés 4 à 5 fois) et issus d'un tronc court, ainsi que par le nombre
plus élevé des tentacules marginaux par bulbe (5 à 7).
Bougainvillia frondosa possède, quant à elle, huit gonades adradiales,
ce qui la différencie aisément de B. aurantiaca.
Bougainvillia trinema est une espèce insuffisamment décrite par von
Lendenfeld en 1884 et considérée comme une jeune B. fulva par Mayer
(1910). Elle présente le même nombre de tentacules marginaux par bulbe
HYDROMÉDUSES DE NOUVELLE-GUINÉE. Ill 311
que B. aurantiaca. Toutefois, les tentacules oraux de cette forme n'ont
que trois branches terminales et, surtout, les gonades ne sont pas encore
développées chez des individus de 3 mm, ce qui exclut tout rapprochement
avec notre espèce.
Diagnose
Bougainvillia de petite taille (1,8 mm), présentant un léger pédon-
cule, des tentacules oraux assez longs, divisés deux à trois fois distale-
ment, deux à trois tentacules marginaux par bulbe ; ces derniers sont
hémisphériques, de couleur orange ; les gonades sont interradiaires,
très volumineuses. Il n'y a pas d'ocelle.
BOUGAINVILLIA FULVA Agassiz et Mayer, 1899
Bougainvillia fulva Agassiz et Mayer, 1899 : 162 ; planche 2, fig. 6 ; Kramp,
1962 : 77 ; Kramp, 1965 : 14 à 18 ; Kramp, 1968 : 33, 144, 153, 163, 167 ; fig. 84 ;
Vannucci, Santhakumari et Dos Santos, 1970 : 52 ; Fagetti, 1973 : 33, 34 ; fig. 1B
et 3 ; Schmidt, 1973 : 15, 19 ; Vannucci et Navas, 1973 : 276 ; Schmidt et Klinker,
1974 : 32, 33 ; Hamond, 1974 : 551, 555 ; Bouillon, 1978a : 124.
Cnidome : un bicnidome composé d'eurytèles microbasiques ellip-
tiques, allongés et de desmonèmes piriformes classiques.
Type de cnidocystes
Eurvtèles microbasiques.
N.D. : 10,0 X 3,5 µ
D. : 9,0 X 3,0 µ
Desmonèmes.
N.D. : 8,0 X 6,0 µ
D. : 7,0 X 5,0 µ
N.D. : non dévaginés ; D. : dévagines.
Tentacules oraux
+
_
s.
Tentacules marginaux
+
+
KOELLIKERINA CONSTRICTA (Menon, 1932) (Fig. 2)
Koellikeria constricta Menon, 1932 : 11, pl. II, fig. 11.
Koellikerina constricta Kramp, 1939 : 512 ; Kramp, 1959 : 231 ; Kramp, 1961 :
87 ; Kramp, 1965 : 22 ; Kramp, 1968 : 37, fig. 94.
Cette méduse nous est connue par quatre exemplaires, l'un provenant
de Madras (Menon, 1932), un autre de Ceylan (Kramp, 1959) et deux de la
mer de Banda (Kramp, 1965).
Elle est commune, à certains moments de l'année, à Laing où nous
avons pu en récolter, vivants, 40 individus de grande taille.
La seule illustration que nous en possédions est un dessin peu expli-
cite de la face orale, provenant du travail de Menon (1932).
Bien que, dans l'ensemble, nos exemplaires correspondent à ceux
décrits par Menon et Kramp, il nous a paru opportun de préciser certains
détails et d'illustrer cette très jolie méduse. Contrairement à ce que signale
Menon (1932) et Kramp (1961), l'ombrelle de K. constricta n'est pas piri-
forme mais cylindrique et pourvue d'un sommet très légèrement arrondi,
presque plat. (Fig. 2).
Nos spécimens ont une taille nettement supérieure à ceux décrits dans
la littérature, les plus grands d'entre eux atteignant le double : 8 mm de
hauteur pour 7 mm de diamètre.
Aucun ne présente la constriction de l'ombrelle dont fait état Menon
et qui serait caractéristique de l'espèce. Kramp (1965) avait déjà signalé
que ce critère n'avait guère de valeur systématique.
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