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Lettres spéciales utilisées : Ê î ð n í Ì a ô Ô r sauf les d m et n avec point dessous.
La famille et la société selon l’école Theravada.
(Conférence donnée par San SARIN)
Dans la littérature bouddhique de langue pali, on note de nombreuses références mentionnant
des hommes et des femmes qui, menant une existence ordinaire, étaient arrivés à atteindre le
Nirvana.
Ces hommes et ces femmes réalisaient les hauts degrés spirituels dans cette vie.
Pratiquer le bouddhisme dans le même milieu que ses semblables implique un courage bien
affûté visant aux possibilités de contrôler son mental.
Dans son environnement, un homme (ou une femme) doué de tel tempérament peut être capable
de perfectionner son esprit, capable de comprendre l’impermanence, le cercle de l’existence, la
naissance, la douleur, la vieillesse et la mort.
Un homme qui a choisi de rester dans la forêt, menant une vie solitaire, doit se préoccuper de
son problème personnel de « Salut » et de « son bonheur ».
Ce genre d’homme doit être supposé resté indifférent aux malheurs de ses semblables ; cette
attitude est contraire à lenseignement du Bouddha qui met en avant la compassion, la
sympathie et le service à rendre aux autres.
Nous constatons que dans les pays de religion bouddhique, il existe des monastères où vivent des
moines en Communauté (Sangha).
On peut poser la question qui fut celle de la création de la Communauté (Sangha).
Cette création devait satisfaire un besoin, car la réunion des initiés ou ordonnés était l’endroit et
l’occasion permettant à ceux qui, consacrant leur vie au développement ininterrompu dans
l’enseignement et la voie montrée par le Bouddha, étaient disponibles à la demande des autres
dans l’édification spirituelle, intellectuelle.
Bien qu’il soit très dévoué à l’enseignement bouddhiste, un laïc ne peut pas satisfaire à la
fonction monacale, car il a des responsabilités familiales, des devoirs de citoyen, à commencer
par celui de payer correctement les impôts exigés par les pouvoirs publics de son pays.
Les moines bouddhiques, selon les règles de Discipline prescrites par le Bouddha lui-même,
doivent observer le célibat, avoir le strict minimum de biens personnels.
Cependant, ils peuvent utiliser des biens communs offerts par les laïcs.
Pour des liens familiaux, il faut préciser que certaines branches bouddhistes du Japon et du
Tibet, autorisent leurs membres à se marier ; cette pratique fut adoptée tardivement.
L’Ordre des moines, régi par la Discipline, permet à ses membres d’approfondir
l’enseignement bouddhiste, les moines disposent du temps pour s’y consacrer.
En plus, ils peuvent diffuser leurs connaissances des textes auprès des fidèles laïcs qui les
invitent à communiquer à travers le prêche ou des discutions portant sur tel ou tel sujet.
Après de longues périodes, chaque monastère est devenu en quelque sorte un « centre
socioculturel » à l’ombre de la statue du Bouddha ou de celle de l’arbre de l’éveil.
N.B : La question du bouddhisme et des femmes n’est pas abordée dans le présent propos. Cette question mérite une
séance exclusive, tout en tenant compte de son importance dans les mouvements des idées.
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Une constatation s’impose. Depuis très longtemps et surtout en Occident, de nombreuses
publications en tous genres sur le bouddhisme sont axées sur l’aspect supérieur de la
philosophie eschatologique, enfin sur les hautes pensées morales.
On a oublié ou on a ignoré l’aspect fondamental et pragmatique qui est l’aspect socio-économique.
Bouddha, très tôt, a admis le besoin matériel dans la vie quotidienne, même dans la
Communauté des moines.
La société a évidemment besoin des ressources économiques et d’une façon impérieuse pour
entretenir normalement une vie.
Bouddha n’a pas écarté la satisfaction matérielle qui n’est pas une fin en soi.
Cette satisfaction matérielle est seulement un simple moyen pour atteindre un but plus haut,
plus noble.
Le bouddhisme reconnaît le besoin minimum en matériel, ce besoin contribue à faciliter la vie de
la Communauté dans la conquête spirituelle et intellectuelle de ces membres.
Cependant, le bouddhisme n’a jamais encouragé l’accumulation des richesses en vue de
constituer une force ou un moyen de pression pour briser les rivalités.
Cette opinion d’accumulation de richesse est absolument inadmissible dans l’enseignement du
Bouddha.
Le Bouddha lui-même n’a pas séparé les domaines variés de la vie sociale, à savoir les aspects
spirituels, philosophiques, sociaux, économiques et politiques.
Son enseignement n’a pas négligé le sens important lié au contexte. Dans certains discours, le
Bouddha affirme sans détour que la pauvreté est la cause directe de la violence, de la haine,
d’immoralité et du crime.
Les gouvernements de l’époque du Bouddha comme ceux de nos jours, utilisent les répressions et
les châtiments pour endiguer ou limiter les crimes.
Bouddha dit que ces répressions n’ont aucun résultat positif. Il donne son point de vue en
soulignant que la criminalité peut être réduite grâce à l’apport économique.
Il faut améliorer les ressources économiques et veiller à la répartition de ces ressources,
répartition guidée par le souci de justice.
D’autre part, les gouvernements doivent accorder une priorité aux activités agricoles afin que les
gens puissent manger à leur faim.
Chaque famille doit avoir un revenu suffisant. Ce faisant, les gens n’ont plus d’anxiété, ne
ressentent plus la peur du lendemain, et, par conséquent, la criminalité, le banditisme ont
progressivement diminués.
Alors, l’édification de la paix sociale peut être envisagée d’une façon encourageante.
Dans tout groupe humain ou dans une société, il y a des gouvernants et des gouvernés ; ils
constituent deux identités qui souvent, ont des points de vues différents sur un même problème.
Bouddha n’était pas indifférent aux pratiques des pouvoirs publics utilisant des répressions, des
exactions, des oppressions, des exploitations éhontées, prélevant des impôts excessifs.
Le problème du bon gouvernement se posait à l’époque du Bouddha comme à l’heure actuelle,
mais en des termes différents.
Le point commun, dans le passé comme dans le présent, est le facteur humain.
Un pays va subir la corruption, la dégénérescence, le malheur quand les personnes formant
l’équipe gouvernementale sont corrompues, vouées aux pratiques illicites.
Dans son discours, Bouddha indiqua ceux qui détiennent les pouvoirs publics d’un pays sous le
terme de kîatriya, soit « guerrier, roi ».
A notre époque, on peut comprendre l’idée d’après le terme « gouvernant ».
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L’objectif ou l’esprit reste le même. En guise de solution ou issue à l’aspect problématique de la
question, Bouddha montre les « dix devoirs du roi » ou les « dix devoirs du gouvernant ».
L’homme qui détient la haute magistrature d’un pays, doit :
1) Avoir la libéralité, la générosité en accomplissant le don (dana).
2) Être imprégné d’un caractère moral élevé et guidé par la moralité appelée sila en pali ;
Il doit observer les Cinq préceptes moraux de base.
3) Être prêt à sacrifier tout au bien du peuple, conformément au terme pali pariccaga ; il
risque même sa vie, pourvu que le bien ou la survie de son peuple soit réellement assuré.
4) Observer honnêteté et intégrité (ajjava) dans l’exercice de ses fonctions ; il prend soin
d’écarter toute forme de favoritisme ; ses intentions doivent être claires et nettes, dans
lesquelles toute forme de tromperie du public sera bannie.
5) Montrer avec sincérité, de l’amabilité (maddava). Son tempérament doit être régulier et
doux.
6) Observer de bonnes habitudes empreintes d’une austérité (tapa), c'est-à-dire avoir une vie
simple ; ainsi qu’il ne doit pas penser à entasser des privilèges pour lui-même et pour son
entourage.
7) Exercer les pouvoirs publics dans l’absence de haine, de l’inimitié (akkodha) ; toute forme
de rancune doit être écartée.
8) Pratiquer la non-violence (avihimsa) ; il doit favoriser les actions en faveur de la paix réelle
et juste, en empêchant la guerre.
9) Observer la patiente, le pardon, la tolérance, la compréhension (khanti) tout en se fondant
sur la raison et non sur l’instinct ou sur le sentiment.
10) Cultiver l’ouverture d’esprit empreint de générosité, c'est-à-dire ne pas pratiquer
l’opposition ou obstruction (avirodha) ; il doit suivre de près la volonté du peuple.
A notre époque dite « moderne » ou « de progrès », l’humanité a cru à la technologie et aux
prouesses des sciences.
L’humanité doit faire face aux défis, nés de l’ingéniosité de l’esprit humain. Cette ingéniosité doit
être normalement soumise à l’attitude et aux méthodes scientifiques.
La manière moderne de penser doit obéir à un ensemble composé de trois éléments, à savoir :
raison, ordre et mesure.
Bien que le bien-fondé de la technologie et de la science reste appréciable, de cette ingéniosité
découle la rentabilité qui, elle, est arrivée à la piéger.
L’intellectualisme moderne perd peu à peu ses lettres de noblesse. Tout est brouillé sauf la
rentabilité.
Sans armes, le bouddhisme continue à marquer sa présence, avec un espoir de modifier le besoin
et la vision de l’être humain.
Bouddha n’a pas suggéré les actes liés au verbe prier, car la destinée humaine est entre les
mains des êtres humains.
Prier offre-t-il un horizon d’espoir certain pour les êtres humains ?
Le 20ième siècle est à jamais marqué par « la lutte des classes » animée par la propagande
communiste ; le résultat final est la production de près de 80 millions de cadavres dont tout le
monde évite de parler.
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La préoccupation actuelle est le marché économique, mû par la culture comptable. On crée
l’exclusion et on exclue l’exclusion, ce qui est le mode opérationnel des nombreux
gouvernements.
Ce qui est certain c’est que l’époque de « progrès » atteindra l’impasse.
Le bon gouvernement selon Bouddha pourra-t-il attirer l’attention des nouveaux guides
politiques ?
Certes, l’humanité a été fascinée par le pari audacieux de la technologie et a fermement statué
sur les promesses des sciences, sans trop discuter sur le fond.
On continue à avoir un besoin pressant d’autorité, pour valider le pouvoir de tout contrôler.
L’humanité doit affronter les périls : la pauvreté, la famine, le partage discordant des ressources
de la planète, l’écologie et l’environnement, les maladies (causées par la civilisation) et les
maladies déjà connues qui reviennent avec la menace, les conflits religieux ou idéologiques, les
nationalités opprimées, le perfectionnement des armes ultramodernes.
Les milliards d’êtres humains attendent des solutions prometteuses de paix et de bien-être. Les
nombreux responsables politiques dans le monde, ont-ils encore des tours dans leurs sacs pour
faire miroiter les avantages qu’ils pourraient en tirer ?
La destinée humaine est-elle certainement sous la volonté de l’Être Suprême ou entre les mains
des êtres humains ?
Prier détient-il encore un effet majeur chez les êtres humains ?
On peut dire que le genre humain a atteint, après la période protohistorique, un progrès en
créant l’entité Nation État renforcée plus tard par la démocratie qui est loin d’être généralisée sur
la planète.
Maintenant, il est correct d’apporter des idées fondamentales permettant de saisir, ce qu’on
souhaite, l’esprit du bon gouvernement. Ces quelques idées sont dans le Dhammapada,
l’une des perles du discours du Bouddha.
Tout le monde a le droit de les accepter, de les critiquer, de les refuser et encore de les renvoyer
au rebut. Le Bouddha n’a jamais obligé personne à le suivre et encore moins à le croire.
Yo sahassam sahassena sangame manuse jine
ekañ ca jeyyamattanam sa ve sangamajuttamo. // 103 // (VIII)
« A celui qui vaincrait mille milliers d’hommes dans la bataille, celui qui ne vaincrait
que lui-même, celui-ci serait vraiment supérieur comme vainqueur dans la bataille.»
Jayam veram pasavati dukkham seti parajito
upasanto sukham seti hitva jayaparajayam. // 201 // (XV)
« La victoire engendre l’hostilité. Dans la douleur gît le vaincu.
le pacifique vit dans le bonheur, ayant abandonné la victoire et la défaite. »
Dans l’Avadanaíataka, on voit la version de cette stance :
Jayo vairam prasavati duÊkham sete parajitaÊ
upasantaÊ sukham seti hitva jayaparajayam.
Akkodhena jine kodham asadhum sadhuna jine
jine kadariyam danena saccenalikavadinam. // 223 // (XVII)
« Par l’absence de colère, on peut vaincre le coléreux. Le méchant par le bien peut être vaincu.
On peut vaincre l’avare par la générosité, le menteur par la vérité. »
Dans le Mahabharata, Udyogaparvan, 38. 73, 74 :
Akrodhena jayet krodham asadhum sadhuna jayet
5
jayet kadaryam danena satyenalÌkavadinam.
Na hi verena verani sammantidha kudacanam
averena ca sammanti esa dhammo sanantano. // 5 // (I)
« Ce n’est pas par l’hostilité que l’hostilité s’apaise ici-bas,
mais c’est par l’absence d’hostilité qu’elle s’apaise. Telle est la Loi éternelle.»
Une Nation État est, bien entendu, composée par des êtres humains groupés en famille ou en
association au sens large du terme.
La réalisation possible du bonheur dépend aussi des groupes sociaux ou des familles.
Tout ramène à l’individu qui compose un groupe social. La solution menant vers la paix et la
tranquillité dépend du gouvernant et des gouvernés.
Ces deux éléments sont étroitement liés à la conquête de la paix durable.
Je pense que le discours intitulé Mangalasutta, « Discours sur le talisman » aide à saisir les idées
du Bouddha sur le problème. Le titre en pali peut aussi être rendu par « Discours sur les
auspices », mais le mot « talisman » est choisi en premier par son sens lié à « l’effet souverain ».
Sur la fréquentation, le Bouddha dit :
Asevana ca balanam panditanaÔ ca sevana
pôja ca pôjanÌyanam etammangalamuttamam //
« Ne pas fréquenter les ignorants, fréquenter les érudits et rendre hommage (à ceux) qui
méritent les hommages, tel est le meilleur des talismans. »
Bouddha est revenu sur les conditions du gouvernement en disant :
Paðirôpadesavaso ca pubbe ca katapuÔÔata
attasammapanÌdhi ca etammangalamuttamam //
« Vivre dans un pays convenable, avoir créé des mérites dans (la vie) antérieure et avoir de
bonnes résolutions, tel est le meilleur des talismans. »
Paðirôpadesa vise un pays ayant une institution,
et j’ai choisi de le rendre par « pays convenable ».
Il est souhaitable qu’un pays ait une institution établie sur l’intelligence et la raison, afin de
mieux servir la volonté du peuple. En plus, il faut que cette institution fonctionne comme on a
prévu qu’elle devrait être.
Parfois un disfonctionnement a été constaté, mais il est généralement dû au facteur humain
enclin à la transgression. Dans le début du présent siècle, combien y a-t-il de pays qui peuvent
être qualifiés de « convenables » ?
Le début de la présente stance peut être compris d’une autre façon : supposons que chaque jour,
quand on est réveillé, on a conscience que le pays où on habite n’est pas « convenable », alors il
faut mener des actions pacifiques, positives pour établir ce qui est « convenable » dans l’intérêt de
tous.
Avoir de bonnes résolutions peut, avec la présence du mot atta (atman en Sanskrit), avoir le sens
qu’en tant qu’individu, il ne faut pas créer des problèmes partout où on va.
En effet, il y a dans la vie courante, des individus qui créent des problèmes et qui compliquent
tout dans leur passage. Tout membre d’un groupe social doit être bien instruit dans un métier, la
formation lui inculque une discipline répondant aux conditions légales et juridiques de la société.
Il doit pouvoir y exercer correctement sa profession.
Sur ce point de vue, Bouddha dit simplement :
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