316 MAŁGORZATA GRYGIELEWICZ
fr`eres, que vous soyez aid´es en cela par le jardin du mariage. »3Son jardin poss`ede
les murs bien ´edifi´es qui s´eparent des vieilles choses, des habitudes des vieilles
gens, qui croient en un seul dieu, et de leur foi qui seule sauve ce vieux dieu.
Zarathushtra accuse ce dieu de ne pas s’occuper de ses enfants, qui sont devenus
les veilleurs de la nuit et ennemis de la lumi`ere. « Et quelques-uns d’entre eux
se sont mˆeme fait veilleurs de nuit : ils savent maintenant souffler dans la corne,
circuler la nuit et r´eveiller de vieilles choses endormies depuis longtemps. J’ai
entendu hier dans la nuit, le long des vieux murs du jardin, cinq paroles `a propos
de ces vieilles choses : elles venaient de ces vieux veilleurs de nuit tristes et grˆeles.
“Pour un p`ere, il ne veille pas assez sur ses enfants : des p`eres humains font cela
mieux que lui !” “Il est trop vieux. Il ne s’occupe plus du tout de ses enfants”, (...)
– Ainsi parl`erent l’un `a l’autre les deux veilleurs de nuit, ennemis de la lumi`ere,
puis ils souffl`erent tristement dans leurs cornes. Voil`a ce qui se passa hier dans la
nuit, le long des vieux murs du jardin. »4Stendhal disait que « la seule excuse de
Dieu, c’est de ne pas exister. »5A la diff´erence du vieux dieu Zarathushtra existe
et prend soin de ses enfants, il les aime v´eritablement, et le consid`ere comme les
arbres ´erig´es dans son jardin. « Car seul on aime du fond du cœur son enfant et
son œuvre ; et o`u il y a un grand amour de soi, c’est signe de f´econdit´e : voil`a
ce que j’ai remarqu´e. Mes enfants fleurissent encore dans leur premier printemps,
les uns aupr`es des autres, secou´es ensemble par le vent, ce sont les arbres de mon
jardin et de mon meilleur terrain. Et en v´erit´e ! O`u il y a de tels arbres, les uns
aupr`es des autres, l`a il y a des Iles Bienheureuses ! Mais un jour je les d´eplanterai
et je les placerai chacun pour soi : afin que chacun apprenne la solitude, la fiert´e
et la prudence. »6
Zarathushtra d´esire toujours entendre parler de ses Iles Bienheureuses, ha-
bit´es par ses enfants. Dans son jardin poussent ses enfants comme les arbres, dont
les arbres de la vie, qui seuls donnent l’espoir. « Parlez-moi donc de mes jardins,
de mes Iles Bienheureuses, de ma belle et nouvelle esp`ece, – pourquoi ne m’en
parlez-vous pas ? J’implore votre amour de r´ecompenser mon hospitalit´e en me
parlant de mes enfants. C’est pour eux que je me suis fait riche, c’est pour eux
que je me suis appauvri : que n’ai-je pas donn´e, – que ne donnerais-je pour avoir
une chose : ces enfants, ces plantations vivantes, ces arbres de la vie de mon plus
haut espoir ! »7
3Ibidem, Troisi`eme partie, Des vieilles et des nouvelles tables, fg. 24.
4Ibidem, Troisi`eme partie, Des transfuges.
5Stendhal, cit´e par Nietzsche dans Ecce homo dans fg. 3 de pourquoi j’en sais si long, traduit
de l’allemand par Alexandre Viallete.
6–, Ainsi parlait Zarathoustra, Troisi`eme partie, De la b´eatitude involontaire.
7–, Ainsi parlait Zarathoustra, Quatri`eme partie, La salutation.