08-1. Niveaux Soins Texte de reference complementaire

Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration
clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke.
Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012
Négociation du niveau de soins et du statut de RCR
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Au Québec, les objectifs des soins en contexte de maladies graves et chroniques sont
souvent discutés à l’aide d’un outil : l’échelle de niveau de soins. Cette approche s’est
développée depuis les années 1990, à la suite d’une recommandation du Collège des
médecins du Québec d’utiliser ce paramètre pour les patients hébergés en soins de
longue durée.
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Depuis, une majori d’institutions de soins au Québec se sont dotées
d’un tel outil pour réfléchir et discuter du plan thérapeutique avec les personnes
gravement malades. L’échelle de niveaux de soins prend alors la forme d’un formulaire
élaboré par l’institution, présentant les différents niveaux.. Selon sa formulation, l’échelle
propose de 3 à 5 niveaux, évitant la dichotomie entre la prestation maximale de soins
curatifs et la prestation de soins axés uniquement sur la recherche et le maintien du
confort.
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Certaines échelles sont davantage axées sur la description d’un plateau technique; dans
ce cas les niveaux de soins se distinguent les uns des autres par l’inclusion ou non de
types de traitements visant la prolongation de la vie. Voici des formulations utilisées :
tous les traitements, dont la réanimation cardio-respiratoire (RCR) et les soins
intensifs ;
tous les traitements sauf la RCR ;
tous les traitements sauf la RCR et les soins intensifs ;
traitements limités aux traitements conservateurs ;
en CHSLD : investigations et traitements limités à ceux disponibles sur place ;
interventions limitées aux soins de base et de confort.
D’autres échelles ont une formulation plus axée sur des objectifs de soins globaux
(exemple : échelle du Collège des médecins du Québec). Voici des formulations
utilisées :
soins visant le maintien de toutes les fonctions vitales ; soins visant la
prolongation de la vie par tout moyen disponible ;
soins visant la prolongation de la vie par tout moyen proportionné à la situation ;
soins visant à corriger un problème de san aigu s’il est potentiellement
réversible ;
soins visant en priori le maintien du confort, incluant la correction de
détériorations de l’état de san sans causer ou accentuer l’inconfort
(médicament per os ; éviter le transfert, etc.) ;
soins visant uniquement et exclusivement le maintien du confort (cessation de
tout traitement visant la prolongation de la vie).
La plus part des échelles intègrent également la détermination du statut de réanimation
cardio-respiratoire et exigent que cette décision de soins soit discutée et colligée
spécifiquement.
Lorsqu’un niveau de soins est déterminé avec la personne malade, le formulaire est
annoté par le médecin, puis versé au dossier, en évidence. Ce formulaire devient alors
un outil de communication entre les professionnels et la personne malade. Il favorise la
continuité des soins lors de tériorations subites de l’état de santé, de rotations de
soignants dans l’équipe traitante ou lors d’un transfert interhospitalier. Il contribue à
améliorer la qualité des soins. L’utilisation appropriée de cet outil par les professionnels
de la santé contribue au respect des personnes malades, de leur dignité et de leurs
volontés en regard de la fin de vie.
Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration
clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke.
Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012
Réaliser la nécessité d’établir un niveau de soins
La détermination d’un niveau de soins pour la personne atteinte d’une maladie grave ou
d’une maladie chronique à haut risque de complications vise à s’assurer qu’elle «ne
reçoive ni plus ni moins que les soins qu’elle désire et qui sont appropriés à son état » et
ainsi éviter «les deux grands dangers de la thérapeutique : l’abandon et l’acharnement
(réels et/ou perçus par le patient et par ses proches).»
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On reconnaît au médecin la
responsabilité d’amorcer ces décisions de soins et de coordonner la communication et la
recherche de l’opinion de chacune des parties concernées. On soulèvera le sujet
suffisamment tôt au cours de l’évolution de la maladie grave, idéalement avant qu’un
problème de santé aigu y oblige. La prise de décisions de soins en situation d’urgence
génère du stress et parfois de la frustration ou de l’insatisfaction de part et d’autre; le
temps de réflexion est limité; occasionnellement, des décisions inappropriées sont
prises puis regrettées. Si le médecin n’aborde pas ce sujet, une approche axée sur la
prolongation de la vie, avec l’utilisation de tout l’arsenal diagnostic et thérapeutique
disponible (dont les soins intensifs et la RCR), est souvent poursuivie jusqu'à ce que le
décès apparaisse imminent.
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Dans ces circonstances, de très nombreux patients
décèdent non soulagés.
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Or, la très grande majorité des patients ne souhaitent pas
« d’acharnement thérapeutique » en situation de fin de la vie et veulent « mourir
dignement, sans souffrance ».
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Le premier travail du médecin et des soignants est donc de prendre conscience que le
patient souffre d’une grave maladie menaçant à plus ou moins brève échéance le
pronostic vital ou fonctionnel, malgré l’incertitude associée à tout jugement professionnel
sur le pronostic. Cette étape est cruciale et limitante. Tant que cette prise de conscience
n’est pas réalisée, il sera difficile pour le médecin de percevoir une pertinence à discuter
du niveau de soins et de la réanimation cardio-respiratoire, à moins que le patient ou
ses proches n’abordent directement le sujet. Mais cela est peu fréquent. Souvent, le
médecin alisera la pertinence d’aborder ce sujet à la suite d’une détérioration récente
de l’état de santé du patient ou encore d’un questionnement de l’infirmière. Il faut
rappeler que le confort du médecin en regard de la réalité de la mort, tant d’un point de
vue personnel que professionnel, influence le processus de décision de soins en fin de
vie.
Faire participer la patient ou son représentant aux décisions
La préparation de la rencontre
Avant la rencontre la négociation du niveau de soins sera réalie, il faut déterminer
qui y participera. Si le patient est apte à cider pour lui-même, la discussion se fera
avec lui. Il faut alors moduler la participation de tiers en fonction de la volonté du patient
et de ses besoins (exemple : probme de communication). Il sera important de
s’assurer que le patient est en mesure d’exprimer clairement sa volonté et que son
consentement est libre et éclairé à la participation d’un tiers. Souvent, la présence d’un
proche en qui le patient a confiance est utile afin de s’assurer que la compréhension et
la rétention soient maximales dans un contexte d’implication émotive élevée. Ce proche
peut aider à la remémoration d’informations, à préciser certains éléments et à soutenir le
patient dans sa flexion pendant et après la rencontre. Si le patient a déjà pris sa
décision, associer les proches permet de préciser les volontés du patient auprès des
siens. Parfois, la présence des proches peut poser problème. Il faut rester vigilant et
s’assurer que le patient ne se sente pas «poussé» à prendre une décision en fonction
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des intérêts de la famille qui iraient à l’encontre de sa volonté. Il est notre responsabilité
de protéger notre patient. Si le patient est inapte, il faut déterminer qui le représente
pour consentir aux soins ou, si l’inaptitude est partielle, qui sera son conseiller au
majeur.
On devra également se questionner sur la pertinence de la participation d’autres
soignants, particulièrement en contexte de travail interdisciplinaire.
Cette préparation fait également appel aux principes qui prévalent lors de l’annonce
d’une mauvaise nouvelle. Il faut prévoir suffisamment de temps, car la discussion peut
susciter plusieurs questions et demandes de précision. Un lieu intime est de mise pour
la confidentialité et pour favoriser l’échange. Cet aspect est particulièrement important
en milieu institutionnel. Parfois, la discussion devra se dérouler sur 2 à 3 rencontres. Le
temps écoulé entre les rencontres permet alors la réflexion, l’intégration, la présence
d’un tiers souhaitée par le patient ou de soulever des questions restées jusque-là en
suspens.
Juste avant la rencontre, il faut se projeter mentalement dans celle-ci. Cela a pour but
de prendre conscience de ses appréhensions face à la discussion, créer une ouverture
mentale à l’imprévu ainsi qu’une disponibilité à percevoir et réagir aux émotions,
incompréhensions de part et d'autre, incertitudes et divergences qui se manifesteront.
Les incompréhensions et les divergences sont assez fréquentes ; elles portent soit sur la
compréhension de la maladie et ses conséquences, soit sur les valeurs, les finalités ou
les objectifs à poursuivre, soit plus spécifiquement sur les interventions à mettre en
œuvre.
La rencontre décisionnelle
Lors de la rencontre où le niveau de soins et le statut de RCR sont négociés, 3 principes
directeurs doivent animer la discussion pour favoriser une démarche mutuellement
satisfaisante de décision de soins.
1. Intégrer systématiquement les éléments généraux d’une bonne communication.
2. Utiliser de manière orientée des questions ouvertes pour faire exprimer par le patient
son point de vue sur l’orientation des soins.
3. Adopter un processus décisionnel qui vise la termination à la fois des objectifs de
soins et d’interventions spécifiques de soins à mettre en œuvre (plateau technique,
etc.) pour différentes situations cliniques prévisibles.
1. Intégrer systématiquement les éléments généraux d’une bonne communication
a) Rechercher et intégrer à l’agenda de la rencontre, les autres préoccupations du
patient afin que ces dernières n’entravent pas la discussion.
b) Signaler chaque étape de la discussion et valider l’accord de poursuivre afin
d’adopter un rythme convenant au patient.
c) Utiliser l’alternance au maximum. Il s’agit, au fur et à mesure que le patient dévoile
son point de vue sa maladie, son vécu, sur l’orientation des soins et ses motifs, que
ces éments soient manifestement pris en compte par le decin. Cela prendra la
forme d’acquiescements verbaux, de résumés et de reformulations des propos du
patient, de redirection et d’adaptation de la discussion en conséquence. De plus, si
des difficultés ou des émotions émergent, celles-ci doivent être l’objet d’écoute
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active, de reflet empathique, de soutien, puis de redirection en vue de la poursuite la
négociation. L’alternance est cruciale compte tenu de la délicatesse du sujet et du
niveau d’implication personnelle exigée pour le patient.
d) Adopter un vocabulaire clair, précis, mais adapté au patient. Lorsque des termes
médicaux sont utilisés (niveaux de soins, RCR, soins intensifs, etc.), on ne doit pas
tenir pour acquis qu’ils aient été compris par le patient; ce pourrait être la source
d’incompréhensions et de divergences. Il faut rifier le niveau de connaissance
et/ou les expliquer. Ce souci à l’égard du patient consolide sa collaboration.
2. Utiliser de manière orientée des questions ouvertes pour faire exprimer par le patient
son point de vue sur l’orientation des soins.
Le but recherché est de rester centré le plus possible sur le patient, son histoire de vie,
ses propres recherches de sens en regard de la fin de la vie et ses propres mots plutôt
que ceux du « monde médical ». Se centrer sur le patient et son vécu permet aussi
d’ouvrir un lieu de parole sur le travail cognitif, émotif et moral que doit réaliser toute
personne confrontée à la grave maladie et éventuellement à la mort. De plus, si le
patient peut exprimer, dans ses propres mots, son point de vue sur l’orientation des
soins, l’introduction des niveaux de soins et la termination du statut de réanimation
pourront se faire aisément en réutilisant les mots du patient et sa vision de la maladie
(alternance). On peut mettre en œuvre ce principe directeur par les stratégies
suivantes :
a) En recherchant si, dans le passé, le patient a déjà discuté du sujet (l’orientation
des soins, les objectifs des soins, mandat en cas d’inaptitude, testament de vie, la
RCR, etc.) avec d’autres médecins, soignants ou ses proches.
b) En demandant au patient d’exprimer son point de vue (sa compréhension) sur sa
maladie. Cela permet d’identifier des écarts importants au niveau de la
compréhension de la maladie entre le patient et le médecin, reflétant un manque
d’information et parfois une gation du sérieux de la situation dont il faudra tenir
compte. En explorant la situation du patient d’une manière plus globale : les impacts
de sa maladie dans sa vie quotidienne, son niveau de bien-être, comment entrevoit-il
l’avenir, quelles sont ses attentes et ses préoccupations en regard de l’évolution de
sa maladie. Cette exploration réussit souvent à faire émerger les éléments de sens
en regard de la fin de vie et les préoccupations les plus importantes du patient, qui
orienteront les soins.
c) En évoquant que des choix sont possibles entre la prolongation de la vie en
utilisant tout l’arsenal des techniques médicales existantes et des soins orientés en
priorité sur le maintien du confort ; puis en recherchant l’avis du patient.
d) En dernier ressort, en recourant à l’explication détaillée des niveaux de soins.
3. Adopter un processus décisionnel qui vise la détermination à la fois des objectifs de
soins et d’interventions spécifiques de soins à mettre en œuvre (plateau technique, etc.)
pour différentes situations cliniques prévisibles
Les échelles de niveaux de soins sont des outils qui, peu importe leur formulation,
comportent toujours des limites à traduire les nuances des volontés d’un patient en
regard de la fin de la vie, compte tenu des infinies particularités des situations. Le
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moyen le plus simple de contourner cette difficulté est d’adopter une approche
triangulaire où :
pour différentes situations cliniques prévisibles,
on cherche à mettre en évidence à la fois l’objectif de soins poursuivi
et les interventions spécifiques souhaitées (conduite à tenir).
Objectifs de soins
Situations cliniques prévisibles Interventions spécifiques
(plateau technique
transfert, etc.)
Les situations prévisibles à explorer concernent :
les complications prévisibles liées à l’évolution de la maladie de base ;
les détériorations aiguës intercurrentes non liées à la maladie de base et
comportant un bon pronostic de réversibilité (exemples : pneumonie,
appendicite) ;
les détériorations aiguës intercurrentes avec un pronostic vital et/ou fonctionnel
très sombre (exemple : ACV massif);
l’arrêt cardio-respiratoire.
L’approche triangulaire permet au fur et à mesure de l’exploration des situations
prévisibles :
a) De discriminer et de valider avec le patient (les) niveau(x) de soins
émergent(s).
Il peut arriver que le patient souhaite des approches différentes selon les
situations cliniques envisagées. En voici un exemple :
Monsieur Giguère, 60 ans, est atteint d’un cancer métastatique avec un pronostic
moyen de 1 an pour les patients dans sa condition. Il maintient une bonne quali
de vie. La discussion fait ressortir les 2 objectifs de soins suivants :
Viser la correction de toute détérioration ayant un bon potentiel de réversibiliet
de retour à son état fonctionnel actuel : exemple, une pneumonie et même un
infarctus aigu. Par contre, si la situation clinique se détériore et que le pronostic
vital est sombre (lié à l’évolution de son cancer ou non), il souhaite que les soins
soient alors axés sur le maintien de son confort et d’éviter toute forme
« d’acharnement thérapeutique ».
b) De mettre en évidence des choix particuliers du patient concernant ce qu’il
juge proportionné ou non à sa situation. Par exemple, pour de nombreux patients
qui limitent certains soins, la RCR et les soins intensifs sont exclus d’emblée.
Mais certains patients souhaiteront la mise en œuvre de ces techniques si le
pronostic de réversibilité est bon et éventuellement leur arrêt si le pronostic
s’assombrit.
c) De mettre en évidence des incongruités nécessitant clarification et discussion.
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