Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration
clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke.
Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012
Réaliser la nécessité d’établir un niveau de soins
La détermination d’un niveau de soins pour la personne atteinte d’une maladie grave ou
d’une maladie chronique à haut risque de complications vise à s’assurer qu’elle «ne
reçoive ni plus ni moins que les soins qu’elle désire et qui sont appropriés à son état » et
ainsi éviter «les deux grands dangers de la thérapeutique : l’abandon et l’acharnement
(réels et/ou perçus par le patient et par ses proches).»
On reconnaît au médecin la
responsabilité d’amorcer ces décisions de soins et de coordonner la communication et la
recherche de l’opinion de chacune des parties concernées. On soulèvera le sujet
suffisamment tôt au cours de l’évolution de la maladie grave, idéalement avant qu’un
problème de santé aigu y oblige. La prise de décisions de soins en situation d’urgence
génère du stress et parfois de la frustration ou de l’insatisfaction de part et d’autre; le
temps de réflexion est limité; occasionnellement, des décisions inappropriées sont
prises puis regrettées. Si le médecin n’aborde pas ce sujet, une approche axée sur la
prolongation de la vie, avec l’utilisation de tout l’arsenal diagnostic et thérapeutique
disponible (dont les soins intensifs et la RCR), est souvent poursuivie jusqu'à ce que le
décès apparaisse imminent.
Dans ces circonstances, de très nombreux patients
décèdent non soulagés.
Or, la très grande majorité des patients ne souhaitent pas
« d’acharnement thérapeutique » en situation de fin de la vie et veulent « mourir
dignement, sans souffrance ».
Le premier travail du médecin et des soignants est donc de prendre conscience que le
patient souffre d’une grave maladie menaçant à plus ou moins brève échéance le
pronostic vital ou fonctionnel, malgré l’incertitude associée à tout jugement professionnel
sur le pronostic. Cette étape est cruciale et limitante. Tant que cette prise de conscience
n’est pas réalisée, il sera difficile pour le médecin de percevoir une pertinence à discuter
du niveau de soins et de la réanimation cardio-respiratoire, à moins que le patient ou
ses proches n’abordent directement le sujet. Mais cela est peu fréquent. Souvent, le
médecin réalisera la pertinence d’aborder ce sujet à la suite d’une détérioration récente
de l’état de santé du patient ou encore d’un questionnement de l’infirmière. Il faut
rappeler que le confort du médecin en regard de la réalité de la mort, tant d’un point de
vue personnel que professionnel, influence le processus de décision de soins en fin de
vie.
Faire participer la patient ou son représentant aux décisions
La préparation de la rencontre
Avant la rencontre où la négociation du niveau de soins sera réalisée, il faut déterminer
qui y participera. Si le patient est apte à décider pour lui-même, la discussion se fera
avec lui. Il faut alors moduler la participation de tiers en fonction de la volonté du patient
et de ses besoins (exemple : problème de communication). Il sera important de
s’assurer que le patient est en mesure d’exprimer clairement sa volonté et que son
consentement est libre et éclairé à la participation d’un tiers. Souvent, la présence d’un
proche en qui le patient a confiance est utile afin de s’assurer que la compréhension et
la rétention soient maximales dans un contexte d’implication émotive élevée. Ce proche
peut aider à la remémoration d’informations, à préciser certains éléments et à soutenir le
patient dans sa réflexion pendant et après la rencontre. Si le patient a déjà pris sa
décision, associer les proches permet de préciser les volontés du patient auprès des
siens. Parfois, la présence des proches peut poser problème. Il faut rester vigilant et
s’assurer que le patient ne se sente pas «poussé» à prendre une décision en fonction