Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke. Négociation du niveau de soins et du statut de RCR1 Au Québec, les objectifs des soins en contexte de maladies graves et chroniques sont souvent discutés à l’aide d’un outil : l’échelle de niveau de soins. Cette approche s’est développée depuis les années 1990, à la suite d’une recommandation du Collège des médecins du Québec d’utiliser ce paramètre pour les patients hébergés en soins de longue durée.2 Depuis, une majorité d’institutions de soins au Québec se sont dotées d’un tel outil pour réfléchir et discuter du plan thérapeutique avec les personnes gravement malades. L’échelle de niveaux de soins prend alors la forme d’un formulaire élaboré par l’institution, présentant les différents niveaux.. Selon sa formulation, l’échelle propose de 3 à 5 niveaux, évitant la dichotomie entre la prestation maximale de soins curatifs et la prestation de soins axés uniquement sur la recherche et le maintien du confort.3 Certaines échelles sont davantage axées sur la description d’un plateau technique; dans ce cas les niveaux de soins se distinguent les uns des autres par l’inclusion ou non de types de traitements visant la prolongation de la vie. Voici des formulations utilisées : tous les traitements, dont la réanimation cardio-respiratoire (RCR) et les soins intensifs ; tous les traitements sauf la RCR ; tous les traitements sauf la RCR et les soins intensifs ; traitements limités aux traitements conservateurs ; en CHSLD : investigations et traitements limités à ceux disponibles sur place ; interventions limitées aux soins de base et de confort. D’autres échelles ont une formulation plus axée sur des objectifs de soins globaux (exemple : échelle du Collège des médecins du Québec). Voici des formulations utilisées : soins visant le maintien de toutes les fonctions vitales ; soins visant la prolongation de la vie par tout moyen disponible ; soins visant la prolongation de la vie par tout moyen proportionné à la situation ; soins visant à corriger un problème de santé aigu s’il est potentiellement réversible ; soins visant en priorité le maintien du confort, incluant la correction de détériorations de l’état de santé sans causer ou accentuer l’inconfort (médicament per os ; éviter le transfert, etc.) ; soins visant uniquement et exclusivement le maintien du confort (cessation de tout traitement visant la prolongation de la vie). La plus part des échelles intègrent également la détermination du statut de réanimation cardio-respiratoire et exigent que cette décision de soins soit discutée et colligée spécifiquement. Lorsqu’un niveau de soins est déterminé avec la personne malade, le formulaire est annoté par le médecin, puis versé au dossier, en évidence. Ce formulaire devient alors un outil de communication entre les professionnels et la personne malade. Il favorise la continuité des soins lors de détériorations subites de l’état de santé, de rotations de soignants dans l’équipe traitante ou lors d’un transfert interhospitalier. Il contribue à améliorer la qualité des soins. L’utilisation appropriée de cet outil par les professionnels de la santé contribue au respect des personnes malades, de leur dignité et de leurs volontés en regard de la fin de vie. Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012 Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke. Réaliser la nécessité d’établir un niveau de soins La détermination d’un niveau de soins pour la personne atteinte d’une maladie grave ou d’une maladie chronique à haut risque de complications vise à s’assurer qu’elle «ne reçoive ni plus ni moins que les soins qu’elle désire et qui sont appropriés à son état » et ainsi éviter «les deux grands dangers de la thérapeutique : l’abandon et l’acharnement (réels et/ou perçus par le patient et par ses proches).»4 On reconnaît au médecin la responsabilité d’amorcer ces décisions de soins et de coordonner la communication et la recherche de l’opinion de chacune des parties concernées. On soulèvera le sujet suffisamment tôt au cours de l’évolution de la maladie grave, idéalement avant qu’un problème de santé aigu y oblige. La prise de décisions de soins en situation d’urgence génère du stress et parfois de la frustration ou de l’insatisfaction de part et d’autre; le temps de réflexion est limité; occasionnellement, des décisions inappropriées sont prises puis regrettées. Si le médecin n’aborde pas ce sujet, une approche axée sur la prolongation de la vie, avec l’utilisation de tout l’arsenal diagnostic et thérapeutique disponible (dont les soins intensifs et la RCR), est souvent poursuivie jusqu'à ce que le décès apparaisse imminent.5 Dans ces circonstances, de très nombreux patients décèdent non soulagés.6 Or, la très grande majorité des patients ne souhaitent pas « d’acharnement thérapeutique » en situation de fin de la vie et veulent « mourir dignement, sans souffrance ».7 Le premier travail du médecin et des soignants est donc de prendre conscience que le patient souffre d’une grave maladie menaçant à plus ou moins brève échéance le pronostic vital ou fonctionnel, malgré l’incertitude associée à tout jugement professionnel sur le pronostic. Cette étape est cruciale et limitante. Tant que cette prise de conscience n’est pas réalisée, il sera difficile pour le médecin de percevoir une pertinence à discuter du niveau de soins et de la réanimation cardio-respiratoire, à moins que le patient ou ses proches n’abordent directement le sujet. Mais cela est peu fréquent. Souvent, le médecin réalisera la pertinence d’aborder ce sujet à la suite d’une détérioration récente de l’état de santé du patient ou encore d’un questionnement de l’infirmière. Il faut rappeler que le confort du médecin en regard de la réalité de la mort, tant d’un point de vue personnel que professionnel, influence le processus de décision de soins en fin de vie. Faire participer la patient ou son représentant aux décisions La préparation de la rencontre Avant la rencontre où la négociation du niveau de soins sera réalisée, il faut déterminer qui y participera. Si le patient est apte à décider pour lui-même, la discussion se fera avec lui. Il faut alors moduler la participation de tiers en fonction de la volonté du patient et de ses besoins (exemple : problème de communication). Il sera important de s’assurer que le patient est en mesure d’exprimer clairement sa volonté et que son consentement est libre et éclairé à la participation d’un tiers. Souvent, la présence d’un proche en qui le patient a confiance est utile afin de s’assurer que la compréhension et la rétention soient maximales dans un contexte d’implication émotive élevée. Ce proche peut aider à la remémoration d’informations, à préciser certains éléments et à soutenir le patient dans sa réflexion pendant et après la rencontre. Si le patient a déjà pris sa décision, associer les proches permet de préciser les volontés du patient auprès des siens. Parfois, la présence des proches peut poser problème. Il faut rester vigilant et s’assurer que le patient ne se sente pas «poussé» à prendre une décision en fonction Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012 Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke. des intérêts de la famille qui iraient à l’encontre de sa volonté. Il est notre responsabilité de protéger notre patient. Si le patient est inapte, il faut déterminer qui le représente pour consentir aux soins ou, si l’inaptitude est partielle, qui sera son conseiller au majeur. On devra également se questionner sur la pertinence de la participation d’autres soignants, particulièrement en contexte de travail interdisciplinaire. Cette préparation fait également appel aux principes qui prévalent lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Il faut prévoir suffisamment de temps, car la discussion peut susciter plusieurs questions et demandes de précision. Un lieu intime est de mise pour la confidentialité et pour favoriser l’échange. Cet aspect est particulièrement important en milieu institutionnel. Parfois, la discussion devra se dérouler sur 2 à 3 rencontres. Le temps écoulé entre les rencontres permet alors la réflexion, l’intégration, la présence d’un tiers souhaitée par le patient ou de soulever des questions restées jusque-là en suspens. Juste avant la rencontre, il faut se projeter mentalement dans celle-ci. Cela a pour but de prendre conscience de ses appréhensions face à la discussion, créer une ouverture mentale à l’imprévu ainsi qu’une disponibilité à percevoir et réagir aux émotions, incompréhensions de part et d'autre, incertitudes et divergences qui se manifesteront. Les incompréhensions et les divergences sont assez fréquentes ; elles portent soit sur la compréhension de la maladie et ses conséquences, soit sur les valeurs, les finalités ou les objectifs à poursuivre, soit plus spécifiquement sur les interventions à mettre en œuvre. La rencontre décisionnelle Lors de la rencontre où le niveau de soins et le statut de RCR sont négociés, 3 principes directeurs doivent animer la discussion pour favoriser une démarche mutuellement satisfaisante de décision de soins. 1. Intégrer systématiquement les éléments généraux d’une bonne communication. 2. Utiliser de manière orientée des questions ouvertes pour faire exprimer par le patient son point de vue sur l’orientation des soins. 3. Adopter un processus décisionnel qui vise la détermination à la fois des objectifs de soins et d’interventions spécifiques de soins à mettre en œuvre (plateau technique, etc.) pour différentes situations cliniques prévisibles. 1. Intégrer systématiquement les éléments généraux d’une bonne communication a) Rechercher et intégrer à l’agenda de la rencontre, les autres préoccupations du patient afin que ces dernières n’entravent pas la discussion. b) Signaler chaque étape de la discussion et valider l’accord de poursuivre afin d’adopter un rythme convenant au patient. c) Utiliser l’alternance au maximum. Il s’agit, au fur et à mesure que le patient dévoile son point de vue sa maladie, son vécu, sur l’orientation des soins et ses motifs, que ces éléments soient manifestement pris en compte par le médecin. Cela prendra la forme d’acquiescements verbaux, de résumés et de reformulations des propos du patient, de redirection et d’adaptation de la discussion en conséquence. De plus, si des difficultés ou des émotions émergent, celles-ci doivent être l’objet d’écoute Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012 Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke. active, de reflet empathique, de soutien, puis de redirection en vue de la poursuite la négociation. L’alternance est cruciale compte tenu de la délicatesse du sujet et du niveau d’implication personnelle exigée pour le patient. d) Adopter un vocabulaire clair, précis, mais adapté au patient. Lorsque des termes médicaux sont utilisés (niveaux de soins, RCR, soins intensifs, etc.), on ne doit pas tenir pour acquis qu’ils aient été compris par le patient; ce pourrait être la source d’incompréhensions et de divergences. Il faut vérifier le niveau de connaissance et/ou les expliquer. Ce souci à l’égard du patient consolide sa collaboration. 2. Utiliser de manière orientée des questions ouvertes pour faire exprimer par le patient son point de vue sur l’orientation des soins. Le but recherché est de rester centré le plus possible sur le patient, son histoire de vie, ses propres recherches de sens en regard de la fin de la vie et ses propres mots plutôt que ceux du « monde médical ». Se centrer sur le patient et son vécu permet aussi d’ouvrir un lieu de parole sur le travail cognitif, émotif et moral que doit réaliser toute personne confrontée à la grave maladie et éventuellement à la mort. De plus, si le patient peut exprimer, dans ses propres mots, son point de vue sur l’orientation des soins, l’introduction des niveaux de soins et la détermination du statut de réanimation pourront se faire aisément en réutilisant les mots du patient et sa vision de la maladie (alternance). On peut mettre en œuvre ce principe directeur par les stratégies suivantes : a) En recherchant si, dans le passé, le patient a déjà discuté du sujet (l’orientation des soins, les objectifs des soins, mandat en cas d’inaptitude, testament de vie, la RCR, etc.) avec d’autres médecins, soignants ou ses proches. b) En demandant au patient d’exprimer son point de vue (sa compréhension) sur sa maladie. Cela permet d’identifier des écarts importants au niveau de la compréhension de la maladie entre le patient et le médecin, reflétant un manque d’information et parfois une négation du sérieux de la situation dont il faudra tenir compte. En explorant la situation du patient d’une manière plus globale : les impacts de sa maladie dans sa vie quotidienne, son niveau de bien-être, comment entrevoit-il l’avenir, quelles sont ses attentes et ses préoccupations en regard de l’évolution de sa maladie. Cette exploration réussit souvent à faire émerger les éléments de sens en regard de la fin de vie et les préoccupations les plus importantes du patient, qui orienteront les soins. c) En évoquant que des choix sont possibles entre la prolongation de la vie en utilisant tout l’arsenal des techniques médicales existantes et des soins orientés en priorité sur le maintien du confort ; puis en recherchant l’avis du patient. d) En dernier ressort, en recourant à l’explication détaillée des niveaux de soins. 3. Adopter un processus décisionnel qui vise la détermination à la fois des objectifs de soins et d’interventions spécifiques de soins à mettre en œuvre (plateau technique, etc.) pour différentes situations cliniques prévisibles Les échelles de niveaux de soins sont des outils qui, peu importe leur formulation, comportent toujours des limites à traduire les nuances des volontés d’un patient en regard de la fin de la vie, compte tenu des infinies particularités des situations. Le Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012 Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke. moyen le plus simple de contourner cette difficulté est d’adopter une approche triangulaire où : pour différentes situations cliniques prévisibles, on cherche à mettre en évidence à la fois l’objectif de soins poursuivi et les interventions spécifiques souhaitées (conduite à tenir). Objectifs de soins Situations cliniques prévisibles Interventions spécifiques (plateau technique – transfert, etc.) Les situations prévisibles à explorer concernent : les complications prévisibles liées à l’évolution de la maladie de base ; les détériorations aiguës intercurrentes non liées à la maladie de base et comportant un bon pronostic de réversibilité (exemples : pneumonie, appendicite) ; les détériorations aiguës intercurrentes avec un pronostic vital et/ou fonctionnel très sombre (exemple : ACV massif); l’arrêt cardio-respiratoire. L’approche triangulaire permet au fur et à mesure de l’exploration des situations prévisibles : a) De discriminer et de valider avec le patient (les) niveau(x) de soins émergent(s). Il peut arriver que le patient souhaite des approches différentes selon les situations cliniques envisagées. En voici un exemple : Monsieur Giguère, 60 ans, est atteint d’un cancer métastatique avec un pronostic moyen de 1 an pour les patients dans sa condition. Il maintient une bonne qualité de vie. La discussion fait ressortir les 2 objectifs de soins suivants : Viser la correction de toute détérioration ayant un bon potentiel de réversibilité et de retour à son état fonctionnel actuel : exemple, une pneumonie et même un infarctus aigu. Par contre, si la situation clinique se détériore et que le pronostic vital est sombre (lié à l’évolution de son cancer ou non), il souhaite que les soins soient alors axés sur le maintien de son confort et d’éviter toute forme « d’acharnement thérapeutique ». b) De mettre en évidence des choix particuliers du patient concernant ce qu’il juge proportionné ou non à sa situation. Par exemple, pour de nombreux patients qui limitent certains soins, la RCR et les soins intensifs sont exclus d’emblée. Mais certains patients souhaiteront la mise en œuvre de ces techniques si le pronostic de réversibilité est bon et éventuellement leur arrêt si le pronostic s’assombrit. c) De mettre en évidence des incongruités nécessitant clarification et discussion. Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012 Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke. Ces trois principes directeurs sont interreliés et complémentaires les uns aux autres. Ils facilitent nettement la réalisation de la négociation du niveau de soin et du statut de RCR avec le patient (ou son représentant). Le tableau qui suit présente les étapes de la négociation d’un niveau de soins, avec des exemples d’expressions verbales et les objectifs de communication visés à chacune de ces étapes, intégrant ces trois principes directeurs. L’échelle de niveaux de soins qui a été choisie pour illustrer la discussion celle proposée par le Collège des médecins du Québec (1995). Cette échelle est une des plus répandues au Québec et a l’avantage d’être axée sur des objectifs de soins, ce qui de l’avis des auteurs, est préférable pour réaliser la négociation du niveau de soins avec le patient (les patients pensent davantage en terme d’objectifs de soins que de plateau technique à mettre en œuvre ou non…). Quelques précautions a) Ne pas se limiter à une discussion « très technique », axée uniquement sur les interventions à mettre en œuvre ou non (RCR, intubation, soins intensifs, chirurgie) en évitant d’ « entrer dans le monde du patient » et son vécu en regard de la fin de vie. La discussion se déroule alors à double niveau : « très médical » au niveau verbal, avec une réflexion intime d’ordre plus existentiel chez le patient qu’il n’est pas invité à partager. Cela peut induire un vécu d’isolement et d’incompréhension chez ce dernier. 5 Une telle situation peut générer de l’insatisfaction de part et d’autre. b) S’assurer que le choix émis par le patient, d’un niveau de soins uniquement axé sur la prolongation de la vie avec les soins maximaux, ne cache pas l’insécurité ou la peur d’abandon. c) Éviter l’abandon thérapeutique quand le patient opte pour des soins de confort. Parfois, du fait que celui-ci fait un choix de ne pas passer par tout l’arsenal technologique de pointe, le patient pourrait devenir «moins intéressant» ou «moins important» pour le médecin : « Ce n’est pas grave s’il n’a pas ce qu’il veut et ce que sa condition nécessite… » Certains craignent aussi de maintenir une relation thérapeutique parce qu’ils sont inconfortables face aux limites de la médecine et face à la mort. Or un patient reste en vie tant qu’il n’est pas mort; il importe de maintenir une relation de soins et un accompagnement personnalisé, pour lui et ses proches, jusqu’à la fin. Inscription des décisions au dossier et transmission de l’information La détermination d’un niveau de soins et du statut de RCR n’est utile que si ces décisions sont accessibles et consultées par les soignants lors d’une détérioration ultérieure de l’état de santé du patient. Ceci soulève le problème de la diffusion de l’information tant à la famille qu’à l’ensemble des équipes traitantes actuelles et futures. Les décisions de soins doivent donc être colligées au dossier du patient après la rencontre (ou lors de celle-ci si on laisse une copie du document au patient en contexte de soins à domicile ou de consultation externe). Si une échelle de niveaux de soins est utilisée dans le milieu, on utilise le formulaire en question, accompagné d’une note médicale. L’important sera alors de « traduire » avec le plus de précision possible les volontés du patient à l’aide de l’outil des niveaux de soins. La note devra comprendre le résumé de l’état de santé qui a été discuté (dont la compréhension du pronostic), les décisions prises et leurs motifs en utilisant le plus possible les mots du patient. Si le patient est inapte, il faut inclure le processus d’évaluation de l’aptitude et l’identification du représentant. En milieu institutionnel, toute décision de non-réanimation cardiorespiratoire (et idéalement de réanimation) doit être prescrite au dossier du patient. Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012 Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke. Chaque institution de soins de santé se dote de procédures à cet égard (politique d’ordonnances de non-réanimation, échelle de niveaux de soins, procédure en cas d’arrêt cardiaque) ; il faut également connaître ces politiques spécifiques à son milieu. Souvent, la décision sera inscrite au «Kardex» des infirmières, ce qui augmente la chance que les volontés du patient soient respectées. Outre la transmission des décisions par des notes écrites, il est également pertinent que ces décisions soient transmises et discutées verbalement avec les autres soignants impliqués en contexte d’équipe interdisciplinaire (soins de longue durée, soins intensifs, soins palliatifs, équipes spécialisées, maintien à domicile, etc.). C’est l’occasion de se concerter, de discuter les divergences et de créer une culture (une ethos) en regard de la fin de vie. Une continuité de soins est également renforcée ainsi. Si le patient n’est pas hospitalisé, l’idéal serait qu’une copie du formulaire soit disponible au dossier, une copie soit remise au patient pour être communiquée aux médecins en situation d’urgence et finalement une copie soit transmise aux autres instances pertinentes, toujours avec l’accord du patient (médecins consultants, etc.). Dans le contexte de soins de fin de vie au domicile, l’ordonnance écrite de nonréanimation à garder disponible au domicile est également très importante. Elle permet d’éviter que les ambulanciers n’initient les manœuvres de RCR. L’idéal serait même de prévoir, avec les services des soins à domicile, le constat du décès par un médecin pour éviter le transport du corps à l’hôpital et parfois même l’initiation de manœuvres de réanimation contre la volonté du patient ou de sa famille. Révision et mise en application des décisions L’avis de la personne peut se modifier au fil de l’évolution de son état de santé et des évènements. Elle peut l’exprimer au médecin en tout temps. Elle peut aussi le transmettre à un membre de l’équipe de soins qui devra s’assurer que l’information puisse remonter jusqu’au médecin. Le niveau de soins sera alors révisé en conséquence. Lors d’un problème aigu, l’existence d’un niveau de soins ne soustrait pas le médecin à l’obligation de valider ou de réviser l’orientation des soins avec la personne malade ou son représentant en cas d’inaptitude. Cette décision a donc un caractère dynamique, évolutif, pouvant être révisé en tout temps. Toutefois, s’il y a urgence, le niveau de soins guidera l’intervention. L’évolution de ces décisions est généralement un passage, par étapes, de soins de visant en priorité la prolongation de la vie, à des soins proportionnés à la situation, visant éventuellement que le confort. Ce passage se réalise en soutenant et en respectant le cheminement singulier de la personne dans la dernière étape de sa vie. 1 L’élaboration de ce texte et du tableau sur la négociation du niveau de soins s’est appuyée grandement sur les travaux de recherche suivants : Boire-Lavigne AM. Un modèle complexe de la prise de décisions de soins en fin de vie. Montréal: Thèse de doctorat en Sciences biomédicales option bioéthique, Université de Montréal, 2003. Autres références : Boire-Lavigne, A.-M. (2009). L’échelle de niveaux de soins : un outil de passage de soins curatifs vers des soins adaptés à la fin de vie. In P. Ancet, N.-J. Mazen, F. Mourey, & P. Pfitzenmeyer (Éds), Vieillir dans la dignité, un combat pour demain (pp. 251264). Bordeaux-Centre (France): Les Études Hospitalières. Anne-Marie Boire-Lavigne. L’échelle de niveaux de soins : un outil pour préserver la dignité et le confort en fin de vie. "Revue Vie et vieillissement.2010, 8 (1) : Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012 Par Anne-Marie Boire-Lavigne et Jean-Marc Bigonnesse, extrait et adapté du cours « Intégration clinique et professionnelle » du Programme de médecine, Université de Sherbrooke. 2 Corporation professionnelle des médecins du Québec. (1994). Centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD): guide de l'exercice médical (pp. 6-7). Montréal: Auteur. 3 Ventres,W., Nichter,M., Reed,R., & Frankel,R. Limitation of medical care: an ethnographic analysis. J.Clin.Ethics, 1993; 4(2) :134-145. Collège des médecins du Québec. (2007). La pratique médicale en soins de longue durée : guide d’exercice (pp. 31-32). Montréal : Auteur. Nazerali, N., Ska, B., & Lajeunesse, Y. (1998). A new health care directive for long-term care elderly based on personal values of life. Canadian Journal on Aging, 17(1), 24-39. 4 Béland G, Bergeron R. Les niveaux de soins et l’ordonnance de ne pas réanimer. Le Médecin du Québec avril 2002; 37(4) : 105-111. 5 The SUPPORT Principal Investigators. A controlled trial to improve care for seriously ill hospitalized patients. The study to understand prognoses and preferences for outcomes and risks of treatments (SUPPORT). JAMA, 1995; 274(20) : 1591-1598. 6 The SUPPORT Principal Investigators. A controlled trial to improve care for seriously ill hospitalized patients. The study to understand prognoses and preferences for outcomes and risks of treatments (SUPPORT). JAMA, 1995; 274(20) : 1591-1598. 7 Lynn,J., Teno,J.M., Phillips,R.S., & et al for the SUPPORT investigators. Perceptions by family members of the dying experience of older and seriously ill patients. Ann.Intern.Med.,1997;126, 97-106. Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, mise à jour 2012