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Avertissement.
Nous avons pris un grand plaisir à faire le travail qui suit. La question qui nous a été
soumise en début d’année n’est pas anodine. La multidisciplinarité, voire, la transdisciplinarité
est un fait. Elle est un fait, doublement intéressant à étudier, pour un philosophe : d’une part,
elle incarne l’évolution ‘intellectuelle’ de l’enseignement des disciplines – et il est évident
qu’un certain nombre de disciplines ‘nouvelles’, qui sont rendues nécessaires par les pratiques,
ne trouvent pas de place dans nos découpages académiques parfois ‘ancestraux’ – ; d’autre part,
il s’agit, a contrario, et par-delà les découpages disciplinaires, de la conservation d’un savoir,
lui aussi, ‘ancestral’. Entre rupture et tradition, tel semble se situer le travail de l’éthique,
notamment médicale.
De quoi avertir alors ? Cette approche que nous avons, fortement induite par notre
directeur de recherche (mais à laquelle nous souscrivons de longue date) est celle de la
multidisciplinarité. Cependant, elle ne fait pas sens pour tout le monde. Dès lors, nous semblait-
il intéressant de nous y attacher, car au final, c’est sur cela que porte notre travail.
Il y a donc un conflit d’intérêt dans notre travail. Nous avons pu tisser des liens d’amitié
avec ‘nos petits camarades’ de cette année. Cela ne veut pas dire que notre travail soit entaché
du plus grand des subjectivismes. En effet, il serait intéressant que la même ‘observation’ soit
menée par un ‘observateur’, tout autant qualifié en éthique médicale et en philosophie – un post
doctorant, par exemple – et de comparer ses conclusions aux nôtres.
Notre parti pris a été le suivant : nous intégrons le champ de l’éthique médicale par
‘vocation’, qu’en est-il de l’autre clan ? Et, dans cette ‘lutte’ qu’est le M2 d’éthique, que
pouvons-nous construire ensemble ? Car notre problématique est double : que peut apporter le
philosophe à l’éthique médicale ? Que peuvent ‘prendre’ les médecins à la philosophie ?
Nous assumons donc cette ambiguïté du fait qu’il y a un intérêt à ce que nous suivions
une petite cohorte au même rang – c’est-à-dire en assistant aux mêmes cours, assis sur les
mêmes chaises. Dès lors, apparaît le conflit d’intérêt : nous ne jugeons pas, mais en tant que
philosophe, nous ‘évaluons’ – c’est-à-dire que nous exhibons des valeurs. Or, nous soutenons
tous en même temps. Il y a donc un problème éthique au sein-même de notre travail éthique :
comment évaluer ce que nos ‘amis’ mettent en évidence et l’écrire, sans pour autant risquer de
biaiser le regard que les correcteurs peuvent y porter ? Et pour cela, il n’est aucun comité autre
que la responsabilité et l’autonomie pour y apporter réponse.
Ainsi, nous avons demandé aux personnes interrogées ce qu’elles nous autorisaient à
‘publier’. Dès lors aussi, nous avons, en fonction des réponses – mais sans sacrifice pour la
scientificité du travail – au maximum ‘anonymisé’ leurs déclarations. Car bien que n’étant pas
en position de juger, nous sommes dans celle, comme tout un chacun, d’influencer. Et s’il est
vrai que nous travaillons pour faire ‘bouger les choses’, il est hors de question – et il s’agit là
d’une éthique de ‘petit chercheur’ – de causer volontairement du tort à autrui.