Rapprocher les familles de pensée musulmanes,
année après année, dans l'espoir de contribuer à
apaiser les tensions politiques qui déchirent le
monde islamique : c'est le projet poussé depuis
treize ans par le Sultanat d'Oman, et tout
particulièrement par son ministre des affaires
religieuses, le cheikh Abdullah bin Mohammed
al-Salimi. Il a reçu Fait-religieux.com à l'occasion
de la Conférence de jurisprudence islamique, du 6
au 9 avril 2014 à Mascate, ouverte pour la première
fois à la presse occidentale.
Cheikh Abdullah dirige le ministère des donations
pieuses (awqaf) et des affaires religieuses depuis
1997. Il a traversé sans coup férir les importants
remaniements du gouvernement omanais intervenus
en 2011 dans le contexte d'effervescence des
printemps arabes. Contrairement à ses
prédécesseurs, il est ministre des affaires religieuses
et non des affaires islamiques, ce qui place sous sa responsabilité les nombreux cultes - hindous, chrétiens de toutes obédiences, ou
même la petite communauté juive - qui sont pratiqués à Oman. Il est lui-même le descendant d'Abdullah al-Salimi, grand
réformateur au début du XX siècle de l'ibadisme, la troisième branche historique de l'islam à côté des sunnites et des chiites, dont
Oman est en quelque sorte la capitale. Cet homme doux et érudit s'exprime rarement dans les médias.
Fait-religieux.com : Cheikh Abdullah, que pouvez-vous dire aux lecteurs francophones pour leur faire
comprendre ce qu'est l'ibadisme ?
Cheikh Abdullah : L'école ibadite est l'une des écoles de jurisprudence islamique, qui partage avec les autres écoles l'essentiel,
c'est-à-dire les cinq piliers de l'islam que chacun connaît. La différence substantielle qui existe entre l'ibadisme et les autres écoles,
c'est la question politique. La théorie politique des ibadites préconise la méritocratie : peut gouverner celui qui le mérite. Tandis que
pour les autres, seule compte l'origine familiale. Pour les sunnites, ce sont ceux qui appartiennent à la famille du Prophète qui
doivent gouverner. Pour les chiites, ce sont ceux qui descendent l'Ali, le gendre du Prophète, qui doivent gouverner. Mais pour les
ibadites, chaque musulman qui a une bonne réputation peut prétendre au pouvoir : voilà le principe méritocratique dont je parlais.
Le Sultanat d'Oman est-il désireux d'assumer un rôle plus visible tant sur le plan diplomatique que religieux ?
Telle est depuis longtemps la politique du Sultanat d'Oman. Elle reflète la volonté de sa Majesté le Sultan Qabous qui a toujours
voulu être un rassembleur plutôt qu'un diviseur. Il aspire à rassembler le monde arabe, à rassembler les volontés politiques nobles et
bonnes pour la concorde et non pas pour la discorde. Il existe deux sortes de réconciliation : l'une longuement mûrie, l'autre à la
sauvette. Je préfère celle qui est mûrie et rationnelle. Nous espérons y contribuer.
Les quelque 250 religieux des différentes traditions de l'islam que vous avez réunis à Mascate ont réfléchi
ensemble sur les valeurs communes de l'humanité, puisque tel était le thème de la conférence de cette année.
Ont-ils un message à délivrer au monde ?
Oui, ces oulémas sont porteurs d'un message. Leurs travaux consistent à refléter la vision islamique du monde pour ensuite la
comparer avec la vision du monde des autres civilisations. Et, ainsi, de chercher les points d'intersection, là où peuvent se réunir ces
deux visions du monde. Il ne s'agit pas pour autant de nier les différences. Mais ce sont des différences qui peuvent être maîtrisées,
connues, reconnues, des différences qui n'empêchent pas la coexistence. Pour contribuer à ce croisement des idées, nous envisageons
des déclinaisons de ces conférences à l'étranger, par exemple en France.
En Europe, quand un Etat réunit les autorités religieuses, c'est en général dans un cadre restreint, ou quand les
choses vont vraiment très mal. Ici, vous semblez compter sur leur parole pour avancer.
Je vais peut-être vous surprendre mais ici, au Sultanat d'Oman, nous appliquons, par étapes, une laïcité de type calviniste. Il s'agit de
protéger la religion de l'influence de l'Etat.
Alors que la laïcité française visait historiquement surtout à protéger l'Etat des empiètements de la religion !
C'est pourquoi je parle plutôt d'un modèle protestant de laïcité. Pour nous, la religion joue un rôle de lien social. A bien des égards,
elle protège les individus de l'intervention parfois trop musclée de l'Etat. J'invite d'ailleurs tous les Français à venir à Oman se rendre
compte par eux-mêmes. Chacun peut y pratiquer sa religion, qu'il soit musulman, juif, chrétien, hindou : tous les citoyens sont
égaux.
Vous êtes ministre depuis 1997. Quel bilan tirez-vous de cette longue expérience ?
Ce que j'ai appris au fil des années c'est que ce ne sont pas les lois qui importent, mais l'adaptation des lois aux besoins des hommes,
Monde / Moyen-Orient
Cheikh Abdullah al-Salimi, ministre omanais des
affaires religieuses.
e
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dans le temps et dans l'espace. Les lois ne créent pas de politique. Ce qui crée de la politique, c'est la justice, c'est la morale, c'est ce
que les gens attendent de vous.
Propos en arabe recueillis par Sophie Gherardi. Merci au professeur de philosophie marocain Mohammed Ech-Cheikh pour ses
talents d'interprète.
Mascate organisait du 6 au 9 avril sa 13e conférence de jurisprudence islamique : une
rare occasion de dialogue entre les trois branches historiques de l'islam, à l'initiative de
la...
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