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SEANCE N°4 INTRODUCTION A « AU-DELA DU PRINCIPE DE PLAISIR »
II.PROBLEMES
A.La notion de pulsion de mort
Dans « Au-delà du PP », Freud fait l’hypothèse de pulsions de mort. Avant même de
se demander quel statut il accorde à cette hypothèse, il faut prendre la mesure du caractère
problématique voire scandaleux de la notion même de pulsion de mort.
1.Obscurité et mythologie
D’une façon générale, Freud souligne toujours le caractère obscur et hypothétique
des théories portant sur les pulsions et la vie pulsionnelle. Dans « Pulsions et destins des
pulsions » (in Métapsychologie, pp. 22-23.), Freud notait déjà la difficulté d’élaborer des
connaissances ayant trait aux pulsions, leur nombre, etc. L’étude des troubles psychiques lui
apparaissait comme la seule source de connaissance de la vie pulsionnelle ; or celle-ci avait
fourni presque uniquement des renseignements que sur les pulsions sexuelles (grâce à l’étude
des psychonévroses). On ne savait presque rien des pulsions du moi. De plus, l’étude des
pulsions pose le problème délicat de l’articulation de la biologie et de la psychologie et de
la transposition des connaissances d’un domaine dans l’autre. En effet, les pulsions, parce
qu’elles possèdent un ancrage somatique, sont un objet pour la biologie1 ; mais, en tant que la
pulsion possède aussi un versant psychique (les représentants de pulsion), elle est un objet
d’étude pour la psychologie des profondeurs.
Freud est ainsi souvent conduit à affirmer que la doctrine des pulsions est la
mythologie de la psychanalyse et qu’il y a là une source d’obscurité importante :
« Au-delà du principe de plaisir », « Jenseits des Lustprinzips », 1920, pp. 273-338, in OC XV
(p. 331.) Sur la seconde hypothèse qui est plutôt un mythe qu’une explication scientifique : « Effectivement, elle
fait dériver une pulsion du besoin de réinstaurer un état antérieur. » cf. Discours d’Aristophane dans le Banquet.
« Pourquoi la guerre », (« Warum Krieg ? »), 1933, pp. 61-81, in OC XIX
(p. 78.) « Peut-être avez-vous l’impression que nos théories sont une sorte de mythologie, dans le cas présent une
mythologie qui n’est pas même réjouissante. Mais toute science de la nature ne revient-elle pas à une telle sorte
de mythologie. En va-t-il autrement pour vous en physique ? »
« A partir de notre mythologique doctrine des pulsions, nous trouvons aisément une formule indiquant les voies
indirectes pour combattre la guerre. »
« La nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse », Neue Folge der Vorlesungen zur
Einführung in die Psychoanalyse »), 1933, pp. 83-268, in OC XIX
(p. 178.) « La doctrine des pulsions est, pour ainsi dire, notre mythologie. Les pulsions sont des êtres mythiques,
grandioses dans leur indétermination. Nous ne pouvons, dans notre travail, faire abstraction d’elles un seul
instant, et cependant nous ne sommes jamais sûrs de les voir distinctement. »
« Psycho-Analysis », [1925], pp. 153-160, in Freud, S., Résultats, idées, problèmes, pp. 155-6 :
« Psychologie des profondeurs, la psychanalyse envisage la vie psychique de trois points de vue : dynamique,
économique et topique. En ce qui concerne le premier, elle ramène tous les processus psychiques – à l’exception
de la réception de stimuli extérieurs au jeu de forces qui s’activent ou s’inhibent, se combinent, entrent dans
des compromis, etc. A l’origine, toutes ces forces sont de nature pulsionnelle, donc d’origine organique,
1 Une partie des apports de la biologie sont déjà manifestes pour Freud, en particulier concernant la sexualité,
une autre partie reste à l’état d’hypothèse : « on peut prévoir que viendra le jour s’ouvriront les voies à notre
connaissance et, espérons-le, aussi à notre influence, voies menant de la biologie des organes et de la chimie au
domaine phénoménal des névroses. Ce jour paraît encore lointain, actuellement ces états de maladie nous sont
inaccessibles par le versant médical. », « La question de l’analyse profane. Entretiens avec un homme
impartial », 1926, pp. 1-92, in OC XVIII, p. 58.
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caractérisées par une formidable capacité (somatique) (compulsion de répétition), et trouvent leur légation
psychique dans des représentations affectivement investies. La doctrine des pulsions est un domaine obscur
même pour la psychanalyse. L’analyse de l’observation conduit à poser deux groupes de pulsions, ce qu’on
appelle pulsions du moi dont le but est l’affirmation de soi, et les pulsions d’objet qui ont pour contenu la
relation à l’objet. Les pulsions sociales ne sont pas reconnues comme élémentaires et irréductibles. La
spéculation théorique laisse supposer l’existence de deux pulsions fondamentales qui se cachent derrière les
pulsions manifestes du moi et de l’objet : la pulsion aspirant à une unification toujours plus vaste, l’Eros, et la
pulsion de destruction qui conduit à la désintégration du vivant. En psychanalyse, on appelle libido l’expression
de la force d’Eros.
Le point de vue économique admet que les délégations psychiques des pulsions sont investies de
quantités détermies d’énergie (cathexis) et que l’appareil psychique a tendance à empêcher une stase de ces
énergies et à maintenir au plus bas niveau possible la somme totale des excitations dont il est chargé. Le
déroulement des processus psychiques est automatiquement réglé par le principe de plaisir-déplaisir, le déplaisir
ayant de quelque façon rapport avec un accroissement, le plaisir avec une diminution de l’excitation.
Le principe de plaisir originaire subit au cours de l’évolution une modification par la prise en
considération du monde extérieur (principe de réalité), l’appareil psychique apprenant à différer les satisfactions
du plaisir et à supporter pendant un certain temps les sensations de déplaisir.
Le point de vue topique envisage l’appareil psychique comme un instrument compo [de parties] et
cherche à établir en quels lieux de celui-ci se produisent les différents processus psychiques. Etc, etc… »
2.Vie et pulsion
La notion de pulsion de mort pose un second problème : les deux termes qui
composent l’expression semblent dans un rapport antagoniste, leur réunion formant un
oxymore. Le français « pulsion » traduit l’allemand « Trieb ». (Todestrieb) L’inconscient est
un ensemble de pulsions, soit un ensemble de mouvements ou de poussées intérieurs qui
impose à l’appareil psychique une exigence de travail. La pulsion se distingue entre autre de
l’excitation physiologique en ce que cette dernière est apportée de l’extérieure et est
déchargée aussi vers l’extérieure par une action.
En anglais, on rencontre deux traduction pour Trieb : 1.Drive, qui évoque bien le
mouvement (Lacan parlera de « dérive ») ; 2.Instinct : les traducteurs de la Standard Edition
(édition anglaise de référence des œuvres de Freud, dont la traduction a été relue par Freud
lui-même) adopte cette traduction-là. En français, longtemps on a aussi traduit Trieb par
« instinct ». Lacan et d’autres parle ainsi d’ « instincts de mort ». Laplanche et Pontalis, dans
leur Vocabulaire de la psychanalyse, ont expliqué les raisons de choisir plutôt « pulsion de
mort ».
La pulsion pour Freud est « un concept limite entre le psychique et le somatique ».
Si la poussée est convertie en motion psychique, elle procède bien du corps, de l’organique,
possède une source somatique : le pulsionnel est ancré dans le vivant. Le vivant est d’abord
animé d’excitations externes et de pulsions (poussées internes). Freud affirme ainsi dans la
Métapsychologie que la pulsion est « l’exigence de travail qui est imposée au psychisme en
conséquence de sa liaison au corporel. ». Elle met l’âme au travail.2 Sans le corporel, il n’y
aurait donc pas d’activité psychique. En deçà de la pulsion comme objet métapsychologique,
nous ne savons rien d’elle, soutient Freud dans la Métapsychologie. On ne connaît pas la
source (aveugle) des excitations. Ca déborde le champ de la psychologie.
Le lieu principal de la pulsion pour Freud, c’est la sexualité. Laplanche, dans Vie et
mort en psychanalyse, rappelle que la sexualité pour Freud représente le modèle de toute
pulsion et constitue sans doute la seule pulsion au sens propre du terme. Attention : ça
n’accrédite pas l’accusation de pansexualisme. Il y a pour Freud toujours du conflit et
quelque chose qui s’oppose à la sexualité, les intérêts du moi d’abord, ce qui entraîne la
formation de psychonévroses de défense. Les Leçons d’introduction à la psychanalyse
2 Le point de vue économique est précisément celui d’une exigence de travail. S’il y a travail, modification dans
l’organisme, c’est qu’il y a une exigence à la base, une force, et comme dans les sciences physiques, la force ne
peut se définir que par la mesure d’une quantité de travail.
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définissent la libido comme les investissements d’énergie que le moi adresse aux objets de ses
tendances sexuelles (OC XIV, p. 429.). Freud distingue alors la libido des « intérêts » qui
désignent tous les autres investissements qui sont envoyés par les pulsions
d’autoconservation. Il justifie cette distinction entre libido et intérêt, pulsions sexuelles et
pulsions du moi, et le refus de rendre compte des observations par l’hypothèse d’une énergie
unique et unitaire, qui investirait tantôt l’objet tantôt le moi, en raison du conflit nécessaire à
l’explication des vroses de transfert. Le dualisme est alors indispensable à la
compréhension de la vie psychique :
« Notre conception était s le début dualiste et elle l’est aujourd’hui de façon plus tranchée qu’auparavant,
depuis que nous dénommons les opposés, non plus pulsions du moi et pulsions sexuelles, mais pulsions de vie et
pulsions de mort. La théorie de la libido de Jung est au contraire moniste… »3
Dans le cadre du second dualisme, la libido se trouve du côté de l’Eros : « C’est ainsi
que la libido de nos pulsions sexuelles coïnciderait avec l’Eros des poètes et des philosophes,
qui maintient en cohésion tout ce qui est vivant. »4
Malgré tout, la libido reste l’énergie d’investissement qui anime toute la vie
psychique. Freud dit ainsi que « Libido est une expression provenant de la doctrine de
l’affectivité. Nous appelons ainsi l’énergie, considérée comme grandeur quantitative
quoique pour l’instant non mesurable , de ces pulsions qui ont à faire avec tout ce que l’on
peut regrouper en tant qu’amour. »5 Or il précise qu’amour désigne ici tout à la fois l’amour
entre les sexes avec comme but l’union sexuée, l’amour de soi, l’amour filial, l’amour
parental, l’amitié, l’amour entre les hommes en général, le dévouement à des objets concrets
et à des idées abstraites. Toutes ces tendances sont l’expression des mêmes motions
pulsionnelles.
Cette généralité fait le caractère scandaleux de la doctrine et a engendré une forme de
résistance à laquelle Freud a lui-même résisté. Lacan le rappelle bien :
« Mais justement, Freud était un homme qui, quand il avait une fois vu quelque chose - et il savait
voir, et le premier - n'en lâchait pas le tranchant. Et c'est ce qui fait la valeur prodigieuse de son
oeuvre. Bien entendu, dès qu'il avait fait une découverte, immédiatement s'exerçait sur elle ce travail
de rongeur qui se produit toujours autour de toute espèce de nouveauté spéculative, et tend à tout faire
rentrer dans la routine. Voyez la première grande notion originale qu'il a apportée sur le plan purement
théorique, la libido, et le relief, le caractère irréductible qu'il lui donne en disant - la libido est sexuelle.
Pour bien nous faire entendre de nos jours, il faudrait dire que ce que Freud a apporté, c'est que le mo-
teur essentiel du progrès humain, le moteur du pathétique, du conflictuel, du fécond, du créateur dans
la vie humaine, c'est la luxure. Et déjà au bout de dix ans, il y avait Jung pour expliquer que la libido,
c'était les intérêts psychiques. Non, la libido, c'est la libido sexuelle. Quand je parle de la libido, c'est
de la libido sexuelle. »6
Quoiqu’il en soit la notion de pulsion semble arrimée à la vie, au vivant, au
changement, au mouvement, etc. Comment alors parler de pulsion de mort ? Comment ce
qui pulse et vit, ce qui bout dans le chaudron psychique, pourrait-il rechercher la mort ? A
l’inverse, comment ce qui aspire à la mort, à la situation du comme mort, à l’état inanimé,
pourrait-il être pulsion, mettre en mouvement, constituer une exigence de travail psychique ?
3 « Au-delà du principe de plaisir », « Jenseits des Lustprinzips », 1920, pp. 273-338, OC XV, p. 336.
4 OC XV, p. 324.
5 « Psychologie des masses et analyse du moi », « Massenpsychologie und Ich-analyse », 1921/1921, pp. 1-83,
OC XVI, p. 29.
6 Lacan, Jacques, Séminaire II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique psychanalytique, Seuil, p.
83.
4
Jean-Bertrand Pontalis a résumé ce scandale pour la pensée que constitue la notion de pulsion
de mort :
« Et peut-être Freud n’a-t-il inventé la notion de pulsion de mort qui est et doit rester un scandale pour la
pensée, car quelle alliance plus étrange que celle de Tod et de Trieb en un seul mot ? Pour faire coexister,
pour faire se rejoindre, s’entrelacer, dans une union impossible, l’extrême de l’affirmation et de la
négation extrême. Pas facile de s’en sortir, de cette scène primitive là ! »7
A cela s’ajoute le problème qu’il y a à faire de la pulsion une force conservatrice. En
effet, la pulsion nous semblait être ce qui met en mouvement, ce qui induit un changement et
on associait facilement vie, pulsion et changement. Or, dans la seconde théorie des pulsions,
toutes les pulsions travaillent à une forme de conservation :
« J’ai regrou autoconservation et conservation de l’espèce sous le concept de l’Eros et je lui ai opposé la
pulsion de mort ou de destruction travaillant sans bruit. La pulsion est conçue d’une façon tout à fait générale
comme une sorte d’élasticité du vivant, comme une poussée à la réinstauration d’une situation qui avait jadis
existé et avait été supprimée par une perturbation exrieure. Cette nature par essence conservatrice des pulsions
est illustrée par les manifestations de la contrainte de répétition. L’action conjointe et antagoniste d’Eros et de la
pulsion de mort donne pour nous l’image de la vie. »8
En effet, dans « Au-delà du PP », Freud va donner une lecture neuve du concept de
pulsion. La pulsion aurait comme caractéristique principale d’être conservatrice, c’est-à-dire
d’être certes une poussée (Trieb) mais une poussée qui ne va pas vers l’avant, vers le
changement, mais vers l’arrière : une poussée dirigée vers le rétablissement d’un état
antérieur. Freud parle même d’élastici à propos de cette tendance des pulsions à retourner
vers un passé. Notons que ce conservatisme n’est pas le privilège de la pulsion de mort. Il y a
donc deux façons de conserver, c’est-à-dire aussi bien deux façons de répéter, car conserver
ici c’est faire venir à nouveau dans le présent un état révolu : « Partant de spéculations sur le
début de la vie et de parallèles biologiques, je tirai la conclusion qu’il fallait qu’il y eût, en
dehors de la pulsion à conserver la substance vivante, à la rassembler en unités de plus en plus
grandes, une autre pulsion, opposée à elle, qui tende à dissoudre ces unités et à les ramener à
l’état anorganique des primes origines. » (Malaise dans la culture) De même, dans l’Abrégé
de psychanalyse, on lit que le but d’Eros est la liaison tandis que le but de l’autre pulsion est
de briser les rapports. La pulsion de vie aussi est une répétition, une tendance au retour. Quant
à la pulsion de mort, elle est décrite comme un retour à l’inanimé. Il y a quelque chose
d’effrayant, car sont inanimés aussi bien les êtres naturels inertes que les machines. Il semble
bien que Freud fasse droit, en forgeant une pulsion de mort, à cette évidence que les hommes
se comportent parfois comme des machines alors qu’ils n’en sont pas. En effet, que le second
dualisme pulsionnel semble signifier que la psyché n’équilibre pas la balance de ses comptes
pulsionnels de façon autonome. Elle paraît bien plutôt travaillée par une tendance mécanique
et compulsive à la répétition. Cette tendance impérieuse et indépendante du désir personnel
apparaît dénuée de sens.
C’est, nous y reviendrons, ce qu’il y a de très inquiétant dans la répétition que
constitue la pulsion de mort. C’est qu’elle signifie moins un retour à l’état antérieur ou une
régression qu’un retour de l’état antérieur, non un retour en arrière qui pour être régressif
peut être un retour à quelque chose de stable ou de familier, mais un retour de l’inconnu, de
l’altérité interne, de l’exclu, soit une forme de hantise plus qu’une régression.
7 « Sur le négatif », Jean-Bertrand Pontalis, pp. 107-127, in Le négatif, travail et pensée, Green, A., Favarel-
Guarrigues, B., Guillaumin, J., Fedida, P., alii, Bordeaux-Le-Bouscat, L’Esprit du temps, Perspectives
psychanalytiques, 1995.
8 Freud, S., « Autoprésentation » (1924), in OC XVII, p. 105.
5
3.L’inconscient ignore la mort…
Troisième grand problème relatif à la notion de pulsion de mort : comment
l’inconscient pourrait-il abriter des pulsions de mort alors que Freud n’a cessé de répéter que
l’inconscient ignore tous les registres du négatif ? Que la mort soit exclue par Freud du
champ de l’inconscient rend très énigmatique son irruption au cœur du psychisme à partir de
1920.
Que l’inconscient ignore le négatif est une idée ancienne que Freud défendra toujours.
Elle apparaît très tôt dans la pensée freudienne, puisqu’on la trouve déjà formulée pour
l’essentiel dans l’Interprétation du rêve, qui paraît en novembre 1899. Dans la sixième partie
du livre, consacrée au travail du rêve, on peut lire ceci :
« La façon dont le rêve se comporte à l’égard de la catégorie de l’opposition et de la contradiction est des plus
frappantes. Celle-ci est tout bonnement négligée, le « non » semble pour le rêve ne pas exister. Avec une
particulière prédilection, les oppositions sont contractées en une unité ou présentées en une seule fois. Mieux, le
rêve s’octroie la liberde présenter n’importe quel élément au moyen de son opposé-quant-au-souhait, de sorte
que d’emblée on ne sait d’aucun élément susceptible d’avoir un contraire s’il est contenu positivement ou
négativement dans la pensée de rêve. »9
Et ce qu’il dit du rêve vaut pour le système inconscient lui-même. Pour Freud, c’est
tout contenu de pensée inconscient qui ignore la négation et non pas uniquement celui qui
forme le rêve, comme le rappelle bien cet extrait de la quatorzième Leçon d’introduction : « A
cela s’ajoute que l’angoisse est l’opposé direct du souhait, que les opposés sont
particulièrement proches dans l’association et qu’ils coïncident, comme nous l’avons vu,
dans l’inconscient. »10
Il y d’autres représentants de la négation que la contradiction et l’opposition, eux aussi
exclus de la pensée inconsciente. La seconde ignorance que Freud prête à l’inconscient, c’est
le temps. Freud parle de « l’ « atemporalité » de nos processus inconscients. »11 Cette
atemporalité des processus inconscients se rattache à leur ignorance générale de la négation,
car temps est synonyme d’une certaine caducité et précarité de ce qu’il touche : ce qui est
dans le temps peut passer, cesser d’être, être détruit ou simplement changer. En vertu de cette
négativité du temps et si l’inconscient ignore la négation, on comprend qu’il ignore aussi le
temps. Cette hypothèse, attachée à l’idée que le temps œuvre à la manière d’une négation,
semble confirmée par ce passage d’« Au-delà du principe de plaisir » :
« Nous avons appris d’expérience que les processus animiques inconscients sont en soi « atemporels ». Cela
signifie d’abord qu’ils ne sont pas ordonnés temporellement, que le temps ne modifie rien en eux et qu’on ne
peut pas leur appliquer la représentation du temps. Ce sont là des caractères négatifs dont on ne peut se faire une
idée nette que par la comparaison avec les procédés animiques conscients. Notre représentation abstraite du
temps semble plutôt avoir été tirée du mode de travail du sysme Pc-Cs et correspondre à une autoperception de
ce mode de travail. »12
Troisième catégorie de négation qui, de par sa nature, est exclue de l’inconscient : la
mort. On comprend pourquoi l’ignorance par l’inconscient de la mort se rattache à son
ignorance générale de la négation. Néanmoins, il faut préciser que c’est plus précisément le
9 Freud, S., Interprétation du rêve, pp. 362-363.
10 Freud, S., OC XIV, p. 226.
11 « Sur l’engagement du traitement », « Zur Einleitung der Behandlung », 1913, pp. 161-184, in Freud, S., OC
XII, p. 170.
12 « Au-delà du principe de plaisir », « Jenseits des Lustprinzips », 1919-1920/1920, pp. 273-338, in Freud, S.,
OC XV, p. 299.
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