Thème 4 : Colonisation et décolonisation : Le temps des dominations coloniales Introduction : Lexique : Qu’est-ce que la colonisation ? Plan du cours : I. La colonisation au XIXe siècle II. Le partage colonial de l’Afrique III. L’apogée de l’Empire français I. La colonisation au XIXe siècle A. Contexte historique : La conquête des Amériques : o La colonisation d’une partie du monde par les Européens commence au XVIe siècle. Ils conquièrent la majorité des territoires des Amériques, et utilisent des esclaves qu’ils vont chercher en Afrique pour y travailler, après avoir décimé les populations indigènes. o Entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe, les colonies américaines (surtout britanniques et espagnoles) prennent leur indépendance. Le début du XIXe : Au début du XIXe, le Royaume-Uni est la première puissance mondiale (économie-monde britannique). Elle est la seule à posséder un véritable empire colonial. Les autres puissances européennes n’ont que quelques colonies comme la France qui détient l’Algérie depuis 1830. A ce moment-là, la colonisation n’intéresse que quelques milieux (marins, géographes, missionnaires, marchands), mais pas les Etats. La ruée sur l’Afrique : o La colonisation prend un nouvel élan au XIXe siècle : les Européens se lancent dans la conquête du continent africain. La différence majeure avec la colonisation des Amériques est que l’esclavage est progressivement réduit. Mais les populations africaines sont quandmême massacrées et maltraitées. o A la fin du XIXe siècle, c’est l’inverse. On assiste à une véritable ruée des pays européens sur l’Afrique, appelée scramble for Africa (ruée vers l’Afrique). Les acteurs qui prennent les choses en main sont les Etats et tous les Etats veulent avoir des colonies. C’est entre 1880 et 1939 que les empires coloniaux atteignent leur extension maximale, ces dates correspondent à l’apogée de la colonisation. B. Les types de domination coloniale Colonies et protectorats : o Les deux principaux types de domination coloniale sont les colonies (qui sont entièrement administrées par la métropole) et les protectorats (qui gardent une partie de leur souveraineté). Les Empires français et 1 britannique possèdent les deux types de territoires mais les Français ont surtout des colonies et les Britanniques surtout des protectorats. o Les Français prônent l’assimilation culturelle, c’est-à-dire qu’ils veulent transformer les colonisés en citoyens français, en leur faisant changer de culture. Les Britanniques préfèrent l’association ou indirect rule qui laisse plus d’autonomie aux populations locales. Autres types de domination coloniale : o Il existe encore des colonies de peuplement. Ce sont des colonies où beaucoup d’européens vont habiter. C’est le cas de l’Algérie qui est considérée comme faisant partie intégrante de la France. Comme tout territoire français, elle est découpée en départements. o Dans l’Empire britannique, les colonies de peuplement qui accèdent à l’indépendance continuent parfois de reconnaître la souveraineté de la couronne britannique. Dans ce cas elles sont appelées des dominions (Canada, Australie). o Après la Première Guerre mondiale, la Société des Nations (SDN) confie à la France et au Royaume-Uni les colonies des empires allemands et ottomans vaincus à travers un système de mandats. La SDN considérait que les peuples concernés n’étaient pas encore mûrs pour l’indépendance donc elle les mettait sous tutelle européenne. C. L’idéologie du colonialisme L’essor de l’idéologie : Le colonialisme est une idéologie : il repose sur une série de croyances qui font que pour les Européens, le colonialisme est positif pour tout le monde. Pendant la majeure partie du XIXe siècle, cette idéologie est défendue par peu d’acteurs. Les colonies sont considérées par la majorité des Européens comme un fardeau, trop coûteux et sans réels bénéfices. Toutefois, chaque pays européens a un parti colonialiste qui s’efforce de convaincre les populations que la colonisation est positive pour tous. C’est dans les années 1890 que la propagande de ces partis commence à porter ses fruits. Les arguments idéologiques : L’idéologie colonialiste repose sur trois principaux types d’arguments en faveur de la colonisation : Arguments politiques : o Les puissances européennes se battent pour contrôler des axes/routes de circulation importants dans des buts commerciaux et militaires. Ils cherchent par exemple à s’assurer le contrôle des canaux et deltas qui relient l’Europe à l’Asie (canal de Suez, détroit d’Ormuz). o La question du prestige est aussi importante. Chaque pays européens cherche a avoir plus de colonies que ses rivaux. La France, après sa défaite de 1871, reprend sa politique de conquête, ce qui pousse l’Allemagne à faire de même pour ne pas être devancée. Le RoyaumeUni veut rester la première puissance. Arguments économiques : o Les défenseurs du colonialisme affirment que la colonisation permet d’offrir non seulement des matières premières mais également des débouchés pour leurs produits industriels. 2 II. o En effet, après la Grande Dépression (1873-1896) et la crise économique de 1929, la plupart des pays adoptent le protectionnisme pour protéger leurs économies. Du coup, les puissances européennes sont obligées d’aller faire du commerce et trouver des consommateurs ailleurs. Arguments moraux et philosophiques : o Les pays européens sont persuadés de leur supériorité. Du coup, ils considèrent que c’est leur devoir d’aller civiliser et amener le progrès dans le reste du monde. Ils appellent cela leur mission civilisatrice ou le fardeau de l’homme blanc. L’Europe juge les autres civilisations comme « primitives ». o L’Europe pense qu’elle est supérieure car depuis la révolution industrielle, elle possède une puissance technique et militaire sans égale. Par exemple, les armes à feu lui permettent de perpétrer des massacres à distance. La mission civilisatrice consiste donc à apporter le progrès dans le reste du monde. o Il existe deux versions de la supériorité européenne promue par l’idéologie colonialiste : Version modérée : les races « supérieures » doivent guider les « races inférieures » vers la civilisation. C’est comme si le colonisé était un grand enfant qu’il fallait éduquer, par la force si nécessaire (doc. 4 p. 247). Version radicale : c’est une version plus raciste qui affirme que les Européens ont une vocation naturelle à dominer les peuples « inférieurs ». Ces peuples doivent soit se soumettre et obéir, soit disparaître. o Une des conséquences de ces arguments moraux, est que la violence est justifiée par le fait qu’elle serait utilisée pour éduquer les peuples colonisés, et donc pour leur bien. Du coup, même si l’esclavage est peu courant pendant la colonisation de l’Afrique, la violence est très présente. Le partage colonial de l’Afrique A. La ruée sur l’Afrique La découverte de l’Afrique : Vers le milieu du XIXe, le continent africain est mal connu des Européens. Leur présence est limitée à des comptoirs de commerce ou à des points d’appui pour ravitailler les bateaux. Les premières missions d’exploration du continent sont lancées entre 1820 et 1880. Les premières cartes de l’Afrique sont dessinées. Une colonisation tardive : Seuls deux territoires sont véritablement colonisés au XIXe : o L’Algérie est possédée par la France depuis 1830. o En Afrique du Sud, les Britanniques cherchent à imposer leur domination sur les Boers (colons d’origine néerlandaise présents en Afrique du Sud depuis le XVIIe siècle). La course aux colonies : o La situation change radicalement au début des années 1880. Les expéditions coloniales, conduites par des militaires, se multiplient. Une 3 véritable course aux colonies s’engage entre les puissances européennes qui veulent toutes posséder le territoire le plus grand possible en Afrique. o En 1881, la France crée un protectorat en Tunisie. Le Royaume-Uni s’empare de l’Egypte pour contrôler le canal de Suez en 1882. Ces deux épisodes marquent les débuts du scamble for Africa. L’essentiel du continent est colonisé très rapidement. B. Les tensions liées à la colonisation Les tensions entre les Européens Les puissances européennes sont en compétition pour acquérir les territoires. Pour éviter que cela ne dégénère en guerre, 13 pays européens et des Etats-Unis se réunissent en 1884-1885 à la Conférence de Berlin. Le but est de se mettre d’accord sur les « règles du jeu » de la colonisation. Par exemple, à chaque fois qu’un pays européen colonise un territoire, il doit l’annoncer aux autres. Ainsi, plusieurs pays ne devraient pas se battre pour un même lieu. Les tensions se transforment parfois en véritables crises mais elles sont réglées par voies diplomatiques. Exemples : o En 1898, a lieu la crise de Fachoada entre les Britanniques et les Français. A cette époque, les Français cherchent à avoir un Empire colonial qui traverse l’Afrique d’Ouest en Est de l’Afrique. Or, les Britanniques cherchent à faire de même mais du Nord au Sud. La ville de Fachoada se trouve au milieu de ces deux axes. En novembre 1898, les Britanniques forcent les Français à l’évacuer, ce qui aboutit à une crise diplomatique. Finalement, en 1898, la France accepte de laisser Fachoada aux Anglais en échange du Tchad. o En 1905 et en 1911, la France et l’Allemagne s’affrontent diplomatiquement pour la possession du Maroc. Ces tensions sont une des causes de la Première Guerre mondiale. Les grandes puissances européennes se partagent donc les territoires de l’Afrique, comme on partagerait un gâteau. Pour délimiter les frontières de leurs nouveaux territoires, ils utilisent parfois des éléments naturels (fleuves, montagnes…), mais la plupart du temps, ils utilisent simplement une règle. Ainsi, ils ne prennent pas en compte l’organisation territoriale passée, ni les peuples et les ethnies parfois séparées entre plusieurs pays, ce qui a des conséquence sur l’instabilité des Etats africains jusqu’à aujourd’hui ! Les guerres coloniales La colonisation provoque des guerres entre les armées européennes et les armées africaines. Les Britanniques combattent par exemple les Zoulous en Afrique du Sud. En général, les Européens gagnent les guerres sauf les Italiens contre l’Ethiopie en 1896. Sur tout le continent, les guerres coloniales entraînent des massacres et des déplacements de populations. Ainsi, l’idée de mission civilisatrice est hypocrite. Les Européens cherchent surtout à s’enrichir. Ils n’hésitent pas à soumettre les populations au travail forcé et leur volent leurs terres. L’exploitation des populations passe avant leur éducation... Par exemple, la construction de la voie de chemin de fer au Congo belge s’opère dans des conditions de travail tellement mauvaises que 20'000 Africains périssent (doc. 5). 4 En 1900, trois quart du continent africain est sous le contrôle des métropoles européennes. Le reste est annexé avant la 1e Guerre mondiale. En l’espace d’une vingtaine d’années, l’Afrique, qui était un continent presque inconnu, est entièrement découpé par les européens. Les deux plus grands empires sont l’empire britannique et l’empire français. C. La situation en 1930 (carte p. 254) En 1930, les empires coloniaux européens rassemblent 31% de la population mondiale et couvrent 42% de la surface terrestre du globe ! Le plus grand Empire est l’Empire britannique avec environ 35 millions de km2 et 500 millions d’habitants. En 1931, est créé le Commonwealth qui constitue une fédération entre le Royaume-Uni et ses dominions : Canada, Australie, Afrique du Sud… Ces pays sont déjà indépendants mais ils gardent des liens économiques et politiques privilégiés avec leur ancienne métropole. L’Empire français est le second plus grand Empire. Il fait 12 millions de km2 et abrite plus de 60 millions d’habitants. Quels pays se trouvent dans l’Empire français ? Et dans l’Empire britannique ? III. L’empire français à son apogée A. Le succès de l’idéologie colonialiste L’apogée du colonialisme : La France possède des colonies en Afrique dès 1930, et c’est dans les années 1880 qu’elle en acquière le plus. L’apogée de l’Empire français, le moment où il est le plus vaste, est en 1930-1931. L’adhésion des Français : Dans ces années-là, la majorité des Français adhèrent à l’idéologie colonialiste. Ils sont convaincus que la colonisation est positive. Cet état de fait repose sur trois raisons contextuelles : o Pendant la Première Guerre mondiale, les colonies fournissent 550'000 soldats et 180'000 travailleurs. La colonisation est donc positive pour garder une bonne puissance militaire. o Après la Première Guerre mondiale, la SDN confie des mandats à la France sur le Togo, le Cameroun, la Syrie et le Liban. Du coup, les Français sont convaincus qu’ils ont en effet une mission civilisatrice, qu’ils doivent gouverner les peuples africains jugés « immatures ». o Avec la crise économique de 1929, beaucoup de Français voient l’Empire comme un remède économique. Comme la plupart des pays deviennent protectionnistes, la France ne peut plus commercer avec ses voisins. Les échanges avec les colonies pourraient ainsi compenser cet effondrement du commerce mondial. Manifestations : L’idéologie colonialiste se manifeste de diverses façons : o Soutien politique : Aussi bien la droite que la gauche sont favorables à la colonisation. o Arts : cinéma, chanson, publicité etc. adoptent les thèmes exotiques, et participent à représenter les Africains comme immatures et primitifs. o Evénements : L’Etat organise de nombreux événements nationaux autour de la colonisation pour renforcer l’engouement des masses. En 1930, il organise le centenaire de l’Algérie française. Mais surtout, en 1931, il organise une immense Exposition coloniale. 5 B. L’Exposition coloniale internationale de 1931 L’Exposition : Elle est organisée à Paris dans le bois de Vincennes de mai à novembre 1931. C’est une espèce de grand parc d’attractions colonial où chaque pays colonisé est représenté dans un pavillon (doc. 5). En tout, 200 pavillons sont construits dans le style des habitats et monuments des colonies représentées. L’exposition recevra 8 millions de visiteurs sur 7 mois. Objectifs : Le but de l’exposition est de faire la promotion du colonialisme et de montrer la puissance de l’Empire français. On propose aux visiteurs de faire « le tour du monde en 1 jour » (slogan publicitaire de l’exposition). On veut montrer aux Français à quel point la mission civilisatrice est un succès (doc. 2). Valorisation des produits : Les produits exotiques sont valorisés comme des conquêtes qui ont permis d’enrichir la civilisation française. C’est par exemple le cas du tabac. A l’époque, la cigarette est perçue comme un signe de distinction et l’exposition coloniale possède un pavillon des tabac qui montre différents types de cigares. Dévalorisation des populations : De leur côté, les peuples colonisés sont largement dénigrés dans l’exposition. Des milliers de figurants sont amenés à l’exposition depuis les colonies. Ils sont forcés à jouer dans des spectacles, défilés et danses traditionnelles. Certains groupes ethniques, comme les « kanaks » de Nouvelle Calédonie, sont exposés au zoo, avec l’étiquette « cannibales ». Même en plein hiver, ils doivent porter leurs vêtements traditionnels. C. Des contestations encore minoritaires La contre-exposition : En 1931, les opposants au colonialisme sont minoritaires en métropole. Il s’agit principalement des communistes et des anarchistes, et d’artistes comme les surréalistes et les dadaïstes. Les surréalistes créent un tract qui s’appelle « ne visitez pas l’exposition coloniale » (doc. 3) et organisent une contre-exposition « La vérité sur les colonies ». Leur exposition, qui dénonce les massacres, l’exploitation et les violences, reçoit seulement 5000 visiteurs. Les critiques de l’élite colonisée : Dans les colonies, les opposants au colonialisme sont par contre plus nombreux. L’opposition organisée est le fruit du travail de l’élite des peuples colonisés. Celle-ci bénéficie d’une éducation occidentale, souvent en France, et elle est ainsi sensibilisée aux droits de l’homme et au principe de l’égalité. Cette élite réalise rapidement que la France ne respecte pas les droits de l’homme en Afrique. Premières révoltes : Des mouvements anticolonialistes émergent dès les années 1920 : o Indochine : Hô Chi Minh crée le parti communiste indochinois en 1930 ce qui débouchera sur la guerre d’indépendance de l’Indochine dans les années 1950. o Maroc : En 1925, l’indépendantiste Abd El-Krim mène une révolte qui est rapidement écrasée par l’armée française. Mais le sentiment de révolte s’étend ensuite en Tunisie et en Algérie, où sont créés des partis politiques indépendantistes. 6