16 . DEES 109/OCTOBRE 1997
faire jouer à un film de fiction un rôle
central dans la construction du cours
et non plus un jeu d’appoints souvent
perçu par les élèves comme un simple
moment de distraction ;
– la deuxième idée est relative à la
spécificité du document audiovisuel
utilisé. Le choix d’un film de fiction
repose sur quelques hypothèses de tra-
vail, en grande partie vérifiées par la
mise en pratique du projet. Prendre
ses distances avec le film documen-
taire, souvent reflet d’une situation
assimilée à une certaine « réalité
sociale », semble plus judicieux qu’on
ne pourrait le penser a priori. Si l’ana-
lyse des documents d’information
requiert souvent un travail de décryp-
tage de l’image et de questionnement
sur les effets de la construction de l’in-
formation (un travail essentiel qui
retient souvent notre attention), notre
objectif était plutôt d’intégrer un docu-
ment audiovisuel au cours.
Le choix d’un film de fiction, souvent
connu et apprécié de nos élèves, pré-
sentait au moins deux avantages :
-le parti pris caricatural de la mise en
scène permet, grâce à l’humour et au
comique déployés, de se distancier
davantage de situations difficiles que
peuvent vivre certains de nos élèves
et dont la mise en exergue par le tra-
vail sociologique peut s’avérer dou-
loureuse. En effet, une fiction n’a pas
pour ambition première de faire péné-
trer l’actualité dans la classe, elle est le
résultat de la mise en scène d’une his-
toire constituée de situations particu-
lières et de valeurs issues d’un ou de
plusieurs systèmes culturels. Le réa-
lisateur veut montrer sa propre per-
ception de la réalité ; contrairement
aux reportages, documentaires et
autres journaux télévisés, le film ne
prétend pas à l’objectivité ou du moins
n’est pas présenté comme tel,
-l’analyse d’une situation fictive est
renforcée par la dimension caricatu-
rale du film qui ne trompe pas les
élèves (le bilan écrit effectué à la fin de
la séquence ne laisse aucun doute sur
ce point).
En ne cherchant pas la véracité des
faits, la déconstruction des princi-
pales logiques sociales à l’œuvre dans
le film est facilitée, (un travail sur le
dossier de presse du film permet de
plus d’aborder en fin de séquence la
critique du scénario et de ses sous-
entendus) ;
– enfin, la troisième idée tient à la
dialectique image/écrit. En effet, tout
se passe comme si l’audiovisuel res-
tait prisonnier d’une logique de
l’écrit. Tant que l’image est utilisée
comme une illustration, elle est vécue
par les élèves comme une échappa-
toire aux formes habituelles de l’en-
seignement. La production d’un tra-
vail écrit à l’issue de la diffusion du
film peut permettre à l’élève de consi-
dérer l’image et le texte comme des
moyens d’apprentissage et non
comme une fin. L’élaboration d’un
travail de ce type, pas nécessairement
individuel, renforce aussi chez cer-
tains élèves les capacités d’initiative
et/ou de valorisation du travail sco-
laire notamment pour ceux qui n’in-
tériorisent en général qu’échecs et
déceptions. Le rapport à l’image étant
proche de leur univers, ils prennent
plus facilement la parole.
Remarques et limites
de la démarche
La transposabilité de ce travail n’est
pas automatique, l’ordre de traite-
ment des thèmes variant selon la
méthode de chacun.
La conception et la mise en œuvre
d’un travail de cette nature deman-
dent beaucoup de temps ; la systé-
matiser semble donc difficile.
Bien que l’audiovisuel nous semble
devoir mériter une meilleure place
dans notre enseignement, il ne s’agit
pas pour autant d’en faire l’apologie.
La multiplication des séquences
audiovisuelles ne résoudrait aucun
problème si elles étaient reléguées au
statut de « boîtes à exemples ».
Enfin, comme souvent, certaines
notions ou mécanismes mis en valeur
suite au travail sur le film peuvent se
voir réduit aux exemples que déve-
loppe É. Chatilliez (travers que l’on
retrouve également avec d’autres types
de documents). À nous de veiller à
élargir et diversifier les exemples.
Conditions
de réalisation du projet
L’intégration du film dans le chapitre
consacré à la socialisation est un choix
délibéré. L’étude des cultures et des
hiérarchies sociales abordée dans le
film ne sera traitée que plus avant dans
le cours. Il nous a semblé important
de bien séparer le travail autour du film
des cours relatifs à l’analyse des classes
sociales situés plus loin dans le pro-
gramme. Ceci afin d’éviter tout risque
d’amalgame entre les familles dont le
mode de vie est traité dans la fiction
et les classes sociales en général, le
mode de vie des Groseille ne devant
pas être assimilé par les élèves à la
culture ouvrière dont nous savons
qu’elle a des caractéristiques bien
différentes.
DÉROULEMENT
DE LA SÉQUENCE
La durée totale de réalisation du projet
varie entre six et huit heures. Il est
envisageable (en ayant préalablement
présenté le synopsis) de ne sélectionner
que les principaux passages du film,
notamment ceux décrivant le mode
de vie des deux familles. On pourra
éventuellement les visionner plusieurs
fois avant la réalisation de l’exercice
ou après, pour confronter les réponses
avec l’extrait choisi1.
Le processus
de socialisation
Analyse du processus
de socialisation
Cette partie a pour objet le traitement
du processus de socialisation entendu
dans une acception large2. Il s’agit
d’aborder sa dynamique grâce à l’uti-
lisation d’exemples tirés du film. Le
but est de cerner au mieux un pro-
cessus qui est souvent saisi de façon
partielle sans le contenir dans une
1. Sur les problèmes spécifiques des droits d’auteur,
cf.
DEES
, n° 94, décembre 1993, p. 56.
2. Sur les problèmes relatifs au concept
de socialisation et à sa présentation, cf.
DEES
,
n° 108, juin 1996, p. 52.
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