page 8 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 19
Il a été mis au point au milieu des années 80 une
méthode permettant de déterminer la composition des
minéraux à l’échelle de quelques dixièmes de
millimètres. Cette technique analytique, (appelée
LA-ICP-MS, Laser Ablation Inductively Coupled
Plasma Mass spectrometry), s’appuie sur l’utilisation
d’un laser pour tirer sur le solide à analyser. L’aérosol
produit est ensuite introduit dans un spectromètre de
masse à torche plasma pour la détection des éléments
chimiques. L’intérêt de l’analyse ponctuelle par
ablation laser est qu’elle permet d’étudier les
matériaux hétérogènes complexes, tels ceux rencontrés
dans la nature.
Roches magnétiques et coquilles de escargot
A l‘Observatoire Midi-Pyrénées (composante de
l’UPS), le LA-ICP-MS est utilisé pour l’analyse
d’éléments à des niveaux de concentrations de l’ordre
de la partie par million. Ces mesures sont réalisées sur
les minéraux du manteau de la Terre et de roches
magmatiques, sur leurs inclusions liquides ou
vitreuses, ou encore sur des charges expérimentales
produites à des températures et des pressions
dépassant respectivement le millier de degrés celsius et
le gigapascal. Elles permettent de déterminer la
nature et l’origine de fluides aqueux ou silicatés qui
affectent les roches dans les profondeurs de la Terre
mais qui n’existent pas à la surface de notre planète.
Des travaux expérimentaux sur des coquilles de
mollusques utilisant le LA-ICP-MS ont également
permis de démontrer l’importance du cycle de vie
diurne de l’animal sur les enregistrements
environnementaux que l’on peut réaliser grâce à
l’analyse de sa coquille.
Les premiers LA-ICP-MS n’étaient pas sans défauts
cependant. Ils utilisaient des lasers à rubis émettant
une impulsion de longue durée, dépassant la
microseconde, dans l’infrarouge. Les matériaux
transparents tel le quartz ou la calcite étaient
impossibles à analyser. Les ablations générées par ce
type de laser produisaient des effets thermiques
accompagnés de processus de fusion dégradant
sensiblement la justesse et la précision des analyses.
Matériaux transparents
Des avancées majeures ont été réalisées dans les
années 90 avec l’utilisation de lasers de type
« Nd-YAG ou Excimer, Q-switched » et l’emploi de
longueurs d’onde plus courtes, dans le proche
ultraviolet. Les matériaux transparents purent être
analysés et les effets thermiques furent ainsi
sensiblement réduits. La diminution des longueurs
d’onde et l’évolution des systèmes optiques ont
également permis d’améliorer la résolution spatiale
des analyses de minéraux, à l’échelle de la dizaine
de microns, élargissant ainsi le champ des études
possibles.
Les années 2000 ont vu le franchissement d’un
nouveau seuil avec la mise en œuvre des lasers
femtosecondes à impulsions 100 000 fois plus rapides
que les lasers nanosecondes utilisés jusqu’alors. Ce
nouveau domaine ne cesse d’évoluer et permet une
amélioration sensible des analyses chimiques, ne
serait-ce qu’en réduisant considérablement les
phénomènes thermiques. Les effets de matrice, par
lesquels le comportement d’un matériau lors de son
ablation va grandement varier en fonction de sa
nature, sont eux aussi quasiment supprimés.
L’Observatoire Midi-Pyrénées, en collaboration avec le
Laboratoire collision agrégats réactivité (LCAR, unité
mixte CNRS-UPS) et avec l’appui de la société
Amplitude Technologies, fabricant français de lasers
femtosecondes, est à la pointe au niveau international
dans le développement de cette technique. Ce groupe
étudie expérimentalement les mécanismes
d’interaction laser femtoseconde-matière et leurs
implications analytiques. Les cratères d’ablation
produits et les particules générées sont notamment
étudiés pour la première fois par microscopie
électronique en transmission. Ces travaux devraient
déboucher sur une amélioration de la qualité et de la
fiabilité des analyses in situ de solides. Ils vont aussi
permettre de développer de nouveaux champs
d’applications de cette technique, comme les mesures
ponctuelles d’isotopes stables de métaux.
Des tirs lasers
déchiffrent les minéraux
>>> Ablation laser dans un échantillon de Monazite
(Brésil). Energie: 100µJ/pulse, impulsions: 100fs,
cadence: 5Hz, durée: 120s. Noter la netteté des bords
et des parois du cratère, ainsi que l’absence
de matière fondue.
>>> Franck POITRASSON, directeur de
recherches CNRS et son équipe, au Laboratoire
des mécanismes et transferts en géologie
(LMTG, unité mixte UPS/IRD/CNRS).
Lasers
L’analyse des matériaux par ablation laser connaît de grandes améliorations.
Elle permet de connaître la composition de portions infimes de matériaux
complexes.