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Le corps de Jésus est cette croix de chair, où « la verticale de la Croix exprime aussi parfaitement la
réponse de l'homme à toutes ces prévenances de Dieu : Je te bénis, Père… Jésus, c'est la "bénédiction de
Dieu faite chair" ; mais c'est aussi "l'homme fait bénédiction", remontant tout entier vers le Père en
louange de gloire. »
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Déjà les pères grecs l’avaient magnifiquement dit, on pourrait citer Irénée ou Athanase parmi les
nombreuses méditations sur les bras étendus sur la croix.
Verbe tout-puissant de Dieu, sa présence invisible s’étend à la création tout entière et en soutient la
longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur : tout est gouverné par le Verbe de Dieu. Il a été crucifié, lui
le Fils de Dieu, en ces quatre dimensions, lui dont l’univers portait déjà l’empreinte cruciforme […] Car
c’est lui qui illumine les hauteurs, c’est à dire les cieux, qui scrute les profondeurs de la terre ; il parcourt
l’étendue de l’Orient à l’Occident, il atteint l’immense espace du Nord au Midi, et appelle à la connaissance
de son Père les hommes partout dispersés.
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Car c’est seulement sur la croix que l’on meurt les mains étendues. Aussi convenait-il que le
Seigneur subît cette mort et étendit les mains : de l’une il attirerait l’ancien peuple, de l’autre les Gentils,
et il réunirait les deux en lui. Et cela, lui-même l’a dit, en indiquant par quelle mort il rachèterait tous les
hommes : « Quand je serai élevé, je les attirerai tous à moi » (Jn 12,32)
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Le point d’appui de cette théologie est le verset de l’Évangile de Jean : « pour moi, quand j’aurai été
élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes »
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. La plupart des commentateurs de ce verset, comme
l’Évangile lui-même, entendent que Jésus a été élevé sur la croix, c’est là le lieu de sa glorification, et le lieu
de notre salut.
La croix de chair élevée
Regardons mieux cette croix de chair sur l’icône de Tibhirine.
Que voyons-nous ?
Un homme debout, pas affaissé ou arqué comme chez Cimabue ou Giotto, mais droit
verticalement, et les bras étendus à l’horizontale.
A la place habituelle des clous, nous voyons des étoiles de lumière cf. l’homélie de la croix
glorieuse : « c’est l’amour, et non les clous, qui le tenait fixé à ce gibet que nous lui avions taillé ». Il n’a pas
de trace de blessure ou de souffrance, pas de sang qui s’écoule.
Un homme vêtu avec une tunique blanche et un drapé rouge. Le seul vêtement blanc pourrait
évoquer la transfiguration. Le drapé rouge est plutôt signe de la royauté de celui qui s’est laissé revêtir par
le Père de gloire et d’honneur
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. Il y a aussi une allusion à l’habit des noces, et il faut étendre les bras pour se
laisser vêtir de cet habit
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.
Un homme vivant
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, avec les yeux ouverts et les mains tournées vers le haut. Il semble nous
regarder et nous accueillir comme le Père du prodigue.
Il n’est pas cloué sur la croix, mais tient-il sur ses pieds ? Ou est-il élevé ?
On a donc la représentation d’un Christ de type byzantin, pas seulement glorieux ou triomphant,
mais ressuscité, élevé !
Et en effet, en allant chercher dans les écrits de Christian de Chergé à quels endroits il parlait de la
croix, je suis arrivée à des sermons sur … l’Ascension
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! Notons que pour lui, l’Ascension est
« consommation en gloire du Verbe incarné »
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, autre façon donc de dire la résurrection ou l’exaltation du
Christ.
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chapitre du 28 avril 1994
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Irénée de Lyon La prédication des apôtres et ses preuves 34, DDB 1977 page 43
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Athanase d’Alexandrie De l’incarnation 25
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kagw ean uqwyw ek thv ghv pantav elkusw prov emauton (Jn 12,32 IGNT)
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Chapitre du 28 octobre 1987
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cf. en particulier l’homélie du 14 octobre 1984
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« Le gibet prend vie dans l’élan du corps vivant qui s’en détache » homélie du 22 juin 1980
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En particulier le 20 mai 1982 et le 28 mai 1992
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Chapitre du 14 mai 1994