I LE RETOUR DE LA MORALE
Dans ce premier temps, l’auteur propose d’esquisser le contexte d’un « retour de la morale », retour qui se
fait essentiellement dans les discours et non dans les comportements. Il propose trois voies d’explications
dans le temps court, dans une durée moyenne et sur le temps long.
1 Deux générations, deux erreurs
A ce niveau d’analyse on se place à l’échelle de deux ou trois générations :
La génération de Mai 68, mobilisée à son paroxysme dans des affrontements principalement étudiants avec
les pouvoirs publics.
Cette génération croyait que tout était politique et que la politique tenait lieu de tout. L’apolitisme était
presque inenvisageable et tous, sans être militants, étaient au moins engagés. La politique tenait lieu de
morale : Ce qui était « juste » politiquement était nécessairement « bon » moralement.
La jeunesse se scindait, très schématiquement, entre adorateurs du général De Gaulle et admirateurs de Che
Guevara. C’était une génération conflictuelle parce que, justement, politique, et la politique ne vas pas sans
oppositions.
Vingt ans plus tard, une autre génération faisait son entrée dans les années 80. Cette génération n’est plus
intéressée par la politique, elle est lassée (surtout la jeunesse) par les oppositions répétées et anciennes entre
« pro » et « anti ». Au lieu de ça, la question morale a pris une place de première importance. Sans parler
précisément de « morale », cette génération préfère, encore aujourd’hui, les mots de « solidarité »,
« humanitaire », « droits de l’Homme », les organisations comme « SOS Racisme », « les Restos du Cœur »,
« Médecins sans frontière » et des personnages comme l’abbé Pierre.
« Deux générations, deux erreurs » : L’une de croire que la politique peut tout et que le conflit est
nécessaire, l’autre de penser que la morale tient lieu de politique et que le consensus est une solution.
Pourtant, politique et morale coexistent et possèdent une égale importance, les deux sont donc
nécessaires. Mais ce passage du « tout politique » au « tout moral » est le symptôme d’une crise et d’un
recul du politique : Si les bons sentiments sont nombreux, les idéaux moraux placés bien hauts, il n’empêche
que les taux d’abstention augmentent et les extrémistes (notamment de droite) sont en progression !
Rien n’étant figé, on observe aujourd’hui le recul de la « génération morale » au profit d’une toute nouvelle
génération que l’on pourrait qualifier de « spirituelle » qui place la question spirituelle (celle du sens de la
vie) au centre des choses. Les Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris, le succès de livres initiatiques
comme l’Alchimiste de Paulo Coehlo ou l’admiration d’une partie de la population pour le Dalaï Lama
étayent la thèse d’une ‘’« génération spirituelle »’’.
2 Le triomphe du capitalisme
Ici, on se place dans le moyen terme, sur un siècle pour expliquer ce retour de la morale.
Ce processus s’étale sur tout le XXème siècle et prend une signification plus forte avec l’effondrement du
bloc soviétique et la chute du modèle communiste à la fin des années 80. En effet, deux modèles
s’affrontaient durant toute cette période, le modèle occidental, libéral et capitaliste et le modèle de l’est,
communiste (l’honnêteté intellectuelle impose de préférer les mots « soviétique » ou « stalinien »).
Ces deux antagonismes se servaient mutuellement de justification : L’occidental montrait le système
communiste qu’il assimilait au « mal » et l’opposait au système capitaliste qui, logiquement, était
dépositaire du « bien ». L’effondrement du bloc soviétique entraînait la disparition de l’antagonisme
planétaire et laissait seul le modèle occidental en position de dominer. Le capitalisme, aspect économique du
modèle occidental, devenait le seul modèle économique. C’est le « triomphe du capitalisme ».
Mais le capitalisme perdait sa justification négative, et le modèle occidental perdait de sons « sens ».