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Introduction
La gynécologie obstétrique a ceci de particulier que, depuis ses origines préhistoriques, cette activité
a été essentiellement aux mains des femmes et ce pratiquement jusqu’au XVIIe siècle. La grossesse
et l’enfantement aussi bien que les maladies propres à la gent féminine se géraient dans un monde
relativement fermé de matrones qui transmettaient leur savoir de génération en génération d’une
façon exclusivement orale. Les hommes n’étaient que rarement impliqués, lorsque s’imposait l’une ou
l’autre manœuvre de force qui dépassait les possibilités physiques féminines. Depuis des temps
reculés l’élément masculin était systématiquement écarté comme l’indique, par exemple, le « Conte
de enfants de Rê » relaté dans le papyrus égyptien dit de Westcar (1700 av. J.C.) où le mari se voit
claquer au nez la porte de la chambre d’accouchement.
Quoi d’étonnant dans ces conditions que ces femmes aient développé un vocabulaire particulier pour
désigner les éléments particuliers de leurs activités.
A titre d’exemple, nous citerons, sans toutefois l’analyser en détail, le libellé d’un constat de
défloration établi au 16e siècle par trois sages-femmes parisiennes, qui en dit long sur le caractère
ésotérique des termes anatomiques qui avaient cours dans ce contexte :
« Nous, Marion Teste, Jeanne de Meus, Jeanne de la Guigans & Magdeleine de la Lippüe, Matrones-Jurées de la
ville de Paris, certifions à tous qu'il appartiendra, que le 14e jour de Juin 1532, par l'ordonnance de Monsieur le
Prévôt de Paris, ou son lieutenant en ladite ville, nous nous sommes transportées en la rue de Frépaut, où pend
pour enseigne la Pantoufle où nous avons vu et visité Henriette Pélicière, jeune fille âgée de quinze ans ou
environ, sur la plainte faite par elle en Justice contre Simon le Bragard, duquel elle a dit avoir été forcée &
déflorée. Et le tout vu & visité , au doigt et à l'œil, nous trouvons qu'elle a (1) les barres froissées, (2) le haleron
démis, (3) la dame du milieu retirée, (4) le pouvant debiffé, (5) les toutons dévoyés, (6) l'entrechenart retourné,
(7) la babole abattue, (8) l'entrepet ridé, (9) l'arrière fosse ouverte, (10) le guilboquet fendu, (11) le lippion
recoquillé, (12) le barbidaut tout écorché, (13) le lipendis pelé, (14) le guilhivard élargi, (15) les balunaus
pendans. Et le tout vu & visité feuillet par feuillet, avons trouvé qu'il y avait trace de ... Et ainsi, nous dites
Matrones, certifions être vrai, & à vous Monsieur le Prévôt, au serment qu'avons à ladite ville"; (traduction: 1:
l'os pubis ou Bertrand, 2: les Nymphes ou petites lèvres, 3: l'hymen, 4: la partie féminine appelée le pouvant
parce qu'elle peut tout (?), 5: la gorge flétrie, 6: les membranes qui lient les caroncules les unes aux autres, 7: les
nymphes, 8: le périnée, 9: l'orifice interne de la matrice, 10: le col de la matrice, 11: le poil, 12: le clitoris, 13: le
bord des grandes lèvres, 14: le vagin, 15: les lèvres de la vulve ) » (Laurent Joubert,1578).
Il convient de remarquer qu’aucun de ces termes anatomiques n’est retrouvé dans les traités de
l’époque, publiés en français par divers chirurgiens barbiers intéressés par l’art des accouchements et
les maladies des femmes (cfr Ambroise Paré, 1584 ; Jean Liebaut, 1617 ; Charles Guillemeau, 1642).
Il nous a paru justifié, dès lors, de nous livrer à un recensement et, dans la mesure du possible, à une
analyse étymologique, des termes anciens et obsolètes qui prévalaient autrefois dans la
nomenclature gynéco-obstétricale.