Avant 1914 Chapitre unique Origines du 22 ème régiment d’infanterie coloniale (22 ème RIC) _______________________________ Au début du XXème siècle, l'importance de l'Empire colonial français nécessite l'envoi de nombreux contingents. Une nouvelle organisation se fait jour : par la loi du 7 juillet 1900, la Chambre des Députés (Actuellement l’Assemblée nationale) transfert du Ministère de la Marine à celui de la Guerre, les Troupes dites de Marine qui, désormais, seront appelées Coloniales. Celles-ci relèveront outre-mer du ministère des Colonies, étant précisé que les troupes coloniales stationnées en Afrique du Nord seront régies par le ministère de la Guerre, comme leurs sœurs métropolitaines. Aux huit anciens régiments d'infanterie coloniale, constituant quatre brigades, stationnées à Cherbourg, Brest, Rochefort et Toulon viennent s'ajouter quatre nouvelles unités, numérotées de 21 à 24. Les garnisons du 22ème RIC _______________________________________ Le 22e de Marine est créé le 17 janvier 1901, à La Seyne-sur-mer (Var), sous le nom de 22ème régiment d'infanterie coloniale, (22ème RIC) avec des éléments venus des 4e et 8e régiments d’infanterie coloniale, et par transformation du 4e régiment d’infanterie coloniale (4ème RIC) stationné à la caserne du Mourillon à Toulon. Il stationne à la caserne de « La Gatonne » à La Seyne sur mer. La caserne du Mourillon, du 4ème RIC, à Toulon. Sa porte monumentale en est le seul vestige La caserne de la Gatonne du 22ème Colonial à La Seyne sur mer. Le 22ème régiment d'infanterie coloniale quitte La Seyne-sur-mer le 1er septembre 1903, jour anniversaire de Bazeilles, pour Hyères les-Palmiers où il reçoit son drapeau dont la soie s'orne des inscriptions de son ancêtre, le 4e de Garnison (le 4ème RIC). Sébastopol 1854-1855 Saigon 1859 Ki-Hoa 1861 Lang Son 1884 Tuyen Quan 1885 Il est à noter qu'au cours de la guerre de Crimée, le 4e de Marine, aux ordres du colonel Bertin du Château, franchira l'Alma, rivière du Sud de la Crimée, à droite du village de Bourliouk, le 20 septembre 1854 et ce en compagnie du 2e régiment de Zouaves. Si ces derniers y trouvèrent la gloire, immortalisée dans la pierre pour l'un des leurs contre un pont parisien, les marsouins du 4e de Marine contribuèrent à cette victoire. L'empereur Napoléon III décidera d'ailleurs que leurs drapeaux porteraient en lettres d'or le nom de « Sébastopol ». Les autres inscriptions témoignent de la vocation extrême-orientale du 4ème de Marine et de l'attrait qu'aura cette partie du monde pour le 22ème RIC. A Hyères, le 22e Colonial s’installe dans les casernes des Grès qui prennent le nom de « caserne de Vassoigne », du nom du général de division Elie-Jean de Vassoigne (1811-1891) qui commandait la Division Bleue qui s'illustra à Bazeilles, le 1er septembre 1870. Ces casernes ont été construites pour le recevoir. « 1903, les plus belles casernes de France sont prêtes » ! Des étages ! Une vingtaine de bâtiments ! Un régiment colonial va s’y installer. C’est le dernier cri ! Pardon, le dernier créé ! e les trois garnisons du 22 avant le Premier conflit mondial : ème ère ème La Seyne sur mer (1 ) Hyères (2 ). Marseille (3 ) Le 22 ème de l’Arme. Journal de Hyères (auteur inconnu) Le général Jean, Elie de Vassoigne Originaire de Rivière Salée en Martinique, Jean, Elie de Vassoigne est né en 1811. Saint-cyrien de la promotion 1827-1829, il fut un homme d'honneur exemplaire. Il participe à la guerre menée avec l'Angleterre contre la Russie de 1854 à 1856, dans la Baltique et en La baie de Bomarsund est une grande baie, Grèce, durant la campagne de Crimée. située dans les îles « Aland » à l’ouest du golfe de Finlande, entourée de tous côtés Lieutenant-colonel, durant la campagne de la Baltique, dans la nuit du 15 au 16 août 1854, il emporte épée par des rochers abrupts. C’est à la fois un à la main, avec une poignée de Marsouins, de Marins et de Fusiliers Royaux britanniques, la tour sud de l'île mouillage et un abri sûrs à partir desquels Presto située dans la baie de Bomarsund et armée de 17 canons. on commande tout le golfe de Finlande au Jeune colonel distingué par ses chefs, il se retrouve pendant la campagne de Crimée à la tête du corps er fond duquel se trouve le port de guerre expéditionnaire de Grèce de 1854 à 1856. Il dispose de neuf compagnies du 1 régiment d'infanterie de russe de Cronstadt et Saint-Pétersbourg. Marine. Il empêche tout soulèvement en Grèce ... L’inscription « Bormar-sund » figure sur les Dès le lendemain de la guerre de Crimée, l'Angleterre propose à la France de se joindre à elle pour organiser er ème ème drapeaux des 1 , 2 et 3 régiments une expédition en Chine afin d'obtenir de faire commerce à l'intérieur de l'Empire, car la Chine représente déjà le quart de l'humanité, donc un enjeu économique important. Après que Tché-Fou, un port situé à l'extrémité du promontoire du Chantong, eut été occupé fin juin 1860, les forts chinois du Pei-Ho sont enlevés par une brigade mixte d'infanterie de Marine et ème du 102 régiment d’infanterie de ligne (infanterie métropolitaine). Au cours de combats très durs qui se déroulent du 18 au 21 août. C'est le combat le plus acharné de toute la guerre de Chine. Cinq cent dix-huit canons sont pris à l'ennemi et le colonel de Vassoigne est nommé général de brigade. Cette victoire ouvre au corps expéditionnaire la route de Pékin, pris le 15 octobre. En 1861,1a situation en Cochinchine est préoccupante. La dislocation du corps expéditionnaire de Chine permet de constituer une expédition pour renforcer les faibles éléments qui y ont été laissés. Le général de Vassoigne y commande une brigade composée de ème compagnies du 3ème et du 4 régiment d'infanterie de Marine. Sous les ordres de l'amiral Chanter, il empêche les massacres de la mission catholique de Tourane, puis à la tête d'un groupement franco-espagnol, il participe à l'attaque des lignes de Ki-Hoa le 22 février. A la tête de ses hommes, alors qu'il commande une Ki-Hoa est un camp retranché annamite organisé face à Saigon et faisant charge, il est gravement atteint par un biscaïen (projectile partie d’un système de défense redoutable s’étendant sur 12km et fort de mousquet à gros calibre de longue portée, balle de de 10000 Annamites. mitraille) qui lui transperce le bras et pénètre sa poitrine. Il est nommé à l'inspection des troupes de Marine et des colonies en 1862. Il réorganise l'Arme à partir de 1868. Le destin de la France va encore le mettre en avant de notre histoire lors du conflit franco-allemand de 1870. Le ministre de la guerre le charge de la montée en puissance et du er er commandement de la division d'infanterie de Marine regroupant les quatre régiments d'infanterie de Marine et le 1 régiment d'artillerie de Marine (1 RAMa). Pour la première fois de leur histoire, les troupes coloniales vont se battre ensemble et sur le sol national. Du 30 août au 2 septembre 1870, avec ses généraux adjoints Reboul et Martin des Pallières, il mène ses hommes au combat et éprouve durement les Bavarois à Bazeilles. La « Division bleue » s'impose à l'ennemi et lui fait subir des pertes plus que sensibles. er Plus tard, le poste de gouverneur de la Cochinchine lui est proposé mais il le refuse. Il prend sa retraite le 1 mai 1877 et est admis dans le cadre de réserve. Sa retraite effective ne lui est attribuée qu'en 1880. Il décède à Etretat en novembre 1891. Article réalisé sur une idée du sergent Bertrand Schlumberger , (à partir de documents en sa possession). Vue générale en 1903. Entrée de la caserne sur la Nle 7 Le bâtiment PC initial. Le Cl Spitzer inaugure la caserne de Vassoigne le 01/09/1903 Entrée de la caserne sur la Nle 7 er Le 1er septembre, un jour plein de soleil, de couleurs et de gaité ! Tout Hyères est dehors ! De l'Hôpital au « Bon Puits », les drapeaux claquent au vent, les fenêtres sont pavoisées et pleines de monde. Sous leurs ombrelles, les dames aux balcons agitent leurs mouchoirs avec enthousiasme. Une double haie de spectateurs se presse sur le parcours. Des grappes de gosses méprisant le danger sont juchées dans les platanes. Ils arrivent ! Le régiment défile au rythme de l’infanterie de Marine … Le colonel Spitzer, commandant le régiment, ouvre la marche … La rigueur des uniformes, la présentation et l’allure martiale de la troupe sont impressionnantes. Chacun et … chacune admirent la prestance, la jeunesse, la vigueur et l’allant des Marsouins tout « troublés » de cette réception qui leur laisse présager un excellent séjour dans leur nouvelle garnison… La liesse redouble. La foule applaudit. … Ils s’installent ! Le régiment prend possession de ses locaux … … Ils animent la ville d’Hyères ! Ils s’entraînent durement à la marche, à la manœuvre et au tir mais ils savent aussi se détendre. Du colonel au plus modeste des marsouins, tout le régiment participe très activement à la vie de la cité. On se côtoie, on s’apprécie, on se fréquente… Les officiers conduisent les cotillons dans les soirées de la bonne société et de la bourgeoisie, les sous-officiers et les Marsouins sont réclamés par tous en toutes circonstances particulièrement par la gent féminine. Des intimités se créent. Des idylles s’ébauchent, se concrétisent. Nombre d’officiers, de sousofficiers et de soldats convolent en justes noces. Pas toujours, bien sûr ! Mais très souvent… Des petits marsouins naissent… L’étiquette n’est pas toujours respectée à la lettre sans toutefois que la bienséance soit bafouée ( ! ?). Il faut bien que jeunesse se passe ! … En allant à la messe basse, dès potron-minet, les dévotes se C’est la pause mais ils s’entraînent signent à la vue de l’un ou l’autre de leur « méfaits », ce qui peut dans certains cas susciter durement ! quelques doutes quant à leur… candeur Mais ce n’est là qu’incartades, au fond sans conséquence, dont tout Hyères rit quelques jours après. Le colonel Lamolle (1907/1910) et les officiers. Journal de Hyères (auteur inconnu). Le 22 s'en va ! ème Le 28 septembre 1913, après dix années que personne n’a vu passer, le 22 Colonial quitte Hyères pour s'installer à Marseille à la caserne d’Aurelle. M. Ribier, maire d’Hyères, accompagné de tout le conseil municipal et de nombreuses délégations salue le colonel Tétard et son état-major. Dès l'aube la ville est dehors pour applaudir le régiment et son drapeau qui quittent la caserne de Vassoigne à six heures du matin aux accents de l'hymne de l'Infanterie de Marine joué par sa musique. Le temps est radieux mais la foule qui applaudit « ses marsouins » et agite ses mouchoirs n'est pas sans tristesse. Que de larmes écrasées ! Des « beaux hommes » et leur joie de vivre s'en vont. C'est tout un aspect de la vie hyéroise qui disparaît. Journal de Hyères (auteur inconnu) Le 28 septembre 1913, le 22ème RIC tient donc garnison à Marseille, à la caserne d'Aurelle, par permutation avec le 3ème régiment d'infanterie (3ème RI) qui le remplace à Hyères. La caserne d'Aurelle, attenante au Fort Saint-Nicolas s’est d’abord appelée caserne du fort Saint-Nicolas, puis caserne Saint-Nicolas. Elle prend le nom du général d'Aurelle de Paladines au début de la IIIème République. Elle est plus communément appelée caserne d’Aurelle. Après des études au Prytanée national militaire de la Flèche (Sarthe), le futur général Louis Jean-Baptiste d'Aurelle de Paladines (1804-1877) entre à l’école de Saint-Cyr. Il sert en Algérie entre 1841 et 1848, lieutenant-colonel, il prend part aux campagnes d’Italie de 1848 et 1849. Il participe à la guerre de Crimée de 1854-1856 comme colonel. En 1859, il assure depuis Marseille la logistique de la campagne de Lombardie. Il est rappelé à l'activité le 17 août 1870-71. Commandant de l'armée de la Loire, il remporte la bataille de Coulmiers (Loiret) et force les Allemands à évacuer Orléans. Après l'armistice, il est élu député de l’Allier puis, en 1875. Il meurt 1877. La caserne d’Aurelle jusqu’en 2012. ème ème Evolution de l’époque du 5 RI à celle du 22 RIC Aujourd’hui, une résidence d’habitation. On distingue au fond le fort Saint-Nicolas En 1660, Marseille est assujettie au pouvoir royal. Louis XIV prescrit d’édifier deux forts à l’entrée du port, l’actuel Vieux-Port, pour le protéger et aussi pour contrôler la ville qui lui a été longtemps hostile : sur la rive nord, le fort Saint-Jean, sur la rive sud le fort Saint-Nicolas. L’ensemble du fort Saint-Nicolas (en haut) et de la caserne d’Aurelle de Paladines (en bas). ⊳ Au coin à droite en haut, le « Bassin de Carénage ». Dès 1669, le fort Saint-Nicolas sert de séjour pour les soldats condamnés à de courtes peines par les tribunaux militaires. En 1823, à la suite de l’expédition d’Espagne, il compte 569 prisonniers. Enfin en 1939, Jean Giono et Habib Bourguiba y furent détenus. Le fort Saint-Nicolas et le fort Saint-Jean. Le fort Saint Nicolas domine Le 22ème RIC quitte la caserne d’Aurelle, et Marseille, le 8 août 1914 pour rejoindre la frontière belge et la Belgique au sein de la 2ème division coloniale (2ème DC) du corps d’armée colonial (CAC). Il est formé de trois bataillons, de 3 sections à 2 mitrailleuses et d’une compagnie hors rang (CHR). Son effectif est de 3327 hommes dont 68 officiers. Colonel (ER) Philippe Blanchet (01/12/2014). Les campagnes du 22 ème RIC avant la Grande Guerre _______________________________ Le 22e Colonial participe, par certains de ses éléments, à trois campagnes : − de 1901 à 1903, en Chine, − de 1911 à 1914, au Maroc, − de 1913 à 1916 dans les Balkans. La Chine L'intervention de puissances européennes dans l'Empire du Milieu remonte à la première moitié du XIXe siècle, avec notamment la Guerre de l'opium (1840-1842), puis les traités de Nankin (1842), de Pékin (1860) et d'Aigoun (1858). La guerre sino-japonaise (1894-1895) et l'installation de bases militaires européennes en Chine, dont celle de Kouang Tcheou, près d'Hai Nan, pour la France, vont accroître le ressentiment des Chinois à l'encontre des occupants : des « Diables étrangers ». Ce ressentiment xénophobe va s'exercer au travers des actions de sociétés secrètes, dont celle des Poings du patriotisme et de la paix ou Boxers (Boxeurs, selon la terminologie française) ou selon une autre définition « Société impériale très droite et très harmonieuse des Poings de Justice et de Concorde ». Le massacre de prêtres et d'indigènes catholiques, D’une excellente valeur maritime, Kuang Tcheou Wan est cédé à bail à la France pour une période de 99 ans à l'assassinat du ministre d'Allemagne, l'encerclement la date du 10 avril 1898, non sans susciter des révoltes de la part des autochtones. Il fut rendu à la chine le et l'attaque des concessions européennes (les 11 décembre 1945. Légations) par les Boxeurs et l'armée régulière chinoise vont amener l'intervention militaire de huit puissances mondiales : l’Allemagne, l’Angleterre, l’Autriche-Hongrie, les Etats-Unis d'Amérique, la France, l’Italie, le Japon et la Russie. Après la prise Pékin en août 1900, la Chine sera forcée de signer un traité douloureux, le 7 septembre 1901, mais qui préservera son intégrité territoriale, malgré la présence de contingents étrangers. La lutte est sans merci Massacre de missionnaires par les Boxers Décapitation de notables chinois en représailles Militaires japonais devant des cadavres de Boxers décapités «... Pékin est fini, son prestige tombé, son mystère percé à jour. » pourra écrire l'écrivain Pierre Loti (1850-1923). C'est ainsi que des éléments du 22e RIC seront appelés à séjourner en Chine et à effectuer surtout des opérations de police et d'occupation, jusqu'en 1903. Le Maroc Lorsque des éléments du 22e RIC arrivent au Maroc en 1911, la situation y est explosive. Des « troubles insurrectionnels graves » ont éclaté. La conquête de l'Algérie voisine, commencée en 1830, obligera la France à intervenir dans l'ensemble du Maghreb (Tunisie et Maroc). Pour autant, il faudra attendre les accords de 1904 passés tant avec l'Espagne qu'avec la Grande-Bretagne (l'Entente cordiale) pour que notre pays puisse effectivement pénétrer au Maroc. L'année 1911 vit donc l'éclatement de « troubles insurrectionnels graves » notamment dans les massifs montagneux. A la demande expresse du sultan, un véritable corps expéditionnaire français intervint massivement. On fit appel à des troupes d'Algérie, du Sénégal et de métropole (Armée d'Afrique, Légion étrangère et armée coloniale), soit 60.000 hommes, dont 12.000 conscrits. C'est dans ce contexte que des éléments du 22e RIC seront appelés à fouler le sol marocain. La 5e Cie (capitaine Beyern) et la 6ème Cie L'Allemagne de Guillaume II, écartée des négociations, a revendiqué une égalité de traitement avec le makhzen (gouvernement marocain), notamment en matière commerciale. Le voyage du kaiser, en mars 1905, à Tanger à et à Fez déboucha sur une tension extrême puisque l'empereur d'Allemagne « était résolu à aller jusqu'à la guerre ». La conférence d'Algésiras (Espagne) de 1906 calma un temps le jeu et reconnut la souveraineté du sultan, l'intégrité de l'Etat chérifien et la liberté économique pour toutes les nations. Toutefois, le vœu d'obtenir la sécurité et la tranquillité pour le Maroc resta pieu. L'anarchie reprit dans le pays. Moulay-Hafid, frère du sultan, se fit proclamer sultan et remporta la lutte en 1908. De plus, les menaces pesant sur la frontière algérienne avaient obligé le général Lyautey à intervenir au Maroc ; Oujda avait été occupée en 1907 ainsi que Casablanca. Les puissances européennes reconnurent le nouveau sultan qui avait accepté les termes de l'Acte d'Algésiras. (capitaine Maurice) quittent Marseille le 21 avril 1911. Elles vont former le 2e bataillon (chef de bataillon Petit-Demange) du ler Régiment de Marche du Maroc (le 1er RMM) aux ordres du colonel Gouraud. Avant leur départ, le colonel Hérisson, chef de corps du 22e RIC, les harangue de la manière suivante : « Vous saurez montrer ce que l'on peut attendre du 22e Colonial. J'ai confiance en vous ! » Le lendemain 22 avril 1911, les deux compagnies embarquent sur le vapeur Vinh-Long qui appareille pour l'empire chérifien. Les troupes françaises sont rassemblées à Kenifra qu'elles quitteront le 11 mai 1911 pour se réunir aux autres colonnes, Brulard et Gouraud, dont les éléments du 22e RIC, de la brigade Dalbiez, à Lalla-Ito. Du 19 au 25 mai, elles repoussent les attaquent des tribus hostiles. Fez est occupée, Meknès est prise. Survient « l'incident d'Agadir ». L'Allemagne considère que le maintien de troupes françaises à Fez est une violation des traités et envoie la canonnière Panther à Agadir pour «protéger les intérêts allemands menacés ». Un nouveau traité est signé entre la France et le Maroc, le 30 mars 1912. Le Maroc est placé sous notre protectorat. Le général Lyautey en devient le résident-général, il s'installe dans la capitale chérifienne, Fez. Fez subissant, deux nouvelles attaques successives, le colonel Gouraud prend l'offensive et taille en pièces les insurgés au camp d'Hadjerat el Kohila. Il s'empare ensite, au djebel Bou-Chta, d'un camp ennemi et met en fuite ses occupants le 6 juillet 1912. L'état de siège de Fez a été levé dès le 2 juillet 1912. De nombreuses « opérations de maintien de l'ordre » ont encore lieu en 1912 et en 1913. Le 10 mai 1914, le général Gouraud prend Taza. L'installation française au Maroc est consolidée. Les éléments du 22e RIC peuvent revenir en métropole. Ils débarquent à Marseille, où le régiment tient désormais garnison Henri Gouraud (1867-1946) de l'armée coloniale, nommé colonel après la capture du chef religieux l'Almany Samory Touré au Soudan français (actuel Mali) en 1898, promu général de brigade après sa campagne marocaine de 1911, puis général de division en 1914. Commandant le Corps expéditionnaire français des Dardanelles en 1915, sera sérieusement blessé le 1' juillet 1915. Il recevra les insignes de Grand Croix de la Légion d'Honneur à Strasbourg le 25 janvier 1919 et participera au/Défilé de la Victoire à Paris en passant sous l'Arc de Triomphe de l'Etoile. Colonel (ER) Philippe Blanchet (25/11/2014). Les Balkans Les Balkans ont toujours été un carrefour séculaire entre l'Occident et l'Orient, soumis aux appétits, aux ambitions directes et indirectes, aux convoitises des grandes puissances environnantes. « La Poudrière des Balkans » n'est plus la propriété pleine et entière de la Turquie. Bosnie-Herzégovine en 1878, annexée en 1908 par l'Autriche-Hongrie, Serbie, Roumanie, Monténégro en 1878, Bulgarie en 1908 se sont libérés de son joug. La Turquie n’est pas exempte de soubresauts. Depuis 1908, les « Jeunes Turcs » occupent le pouvoir politique et organisent un coup d'état victorieux, le 23 janvier 1913. Face à eux, une ligue formée par la Serbie, la Grèce et la Bulgarie, a l'ambition de chasser définitivement les Turcs de l'Europe orientale. Le 16 octobre 1912, la Bulgarie et la Serbie déclarent la guerre à l'Empire ottoman. C'est la Première Guerre balkanique qui débouche sur le Traité de Londres du 30 mai 1913. Les Turcs cèdent encore des territoires. L'Albanie devient ainsi une principauté indépendante et neutre sous la garantie des grandes puissances : Allemagne, Autriche-Hongrie, France, Grande-Bretagne, Italie, Russie. Celles-ci en confient le gouvernement à un prince allemand, Guillaume de Wied (Wilhelm von Wied (1876/1945) capitaine de l'armée prussienne et neveu de la reine de Roumanie). Le 29 juillet 1913, l'Albanie est officiellement reconnue «principauté souveraine, héréditaire et neutre », sous, cependant, protectorat ottoman. Avec les troupes françaises, celles de Grande-Bretagne, d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie, d'Italie et de Russie forment une force internationale, «force d'interposition» avant l'heure, pour faire respecter les clauses du traité de Londres et sauvegarder la toute nouvelle Albanie. Le 31 juillet 1913, la 4e Cie du 22e RIC, forte de 200 hommes et commandée par le capitaine Goulais, embarque à Marseille en direction de Bojana en Albanie pour relever les marins de « L'Ernest Renan ». Etant donné l’aspect diplomatique de la mission, les officiers, les sous-officiers et les hommes du rang ont été sélectionnés « de façon à donner toutes les garanties du point de vue de la représentation française à l’étranger ». Par ailleurs, presque tous on déjà combattu au Maroc. Après un long voyage, la compagnie arrive à Scutari (actuelle Shkodër) à bord de la canonnière de rivière italienne «Machira». Le 6 mars 1914, le prince Guillaume de Wied est couronné officiellement et monte sur le trône albanais. Il devient ainsi le souverain, le Mbret. Il arrive à Durrës (Durazzo), sa capitale, sur un navire austro-hongrois, escorté d'unités italiennes, anglaises et françaises. Son entourage se compose d'Albanais, d’experts allemands, anglais, austro-hongrois et italiens, d'anciens fonctionnaires ottomans et de grands féodaux. Le pouvoir effectif est aux mains de grands propriétaires fonciers, de grands féodaux. L’un d’entre eux, un Turc, Esad Toptani, devient d’ailleurs ministre de l'intérieur et de la guerre. Le roi, Guillaume de Wied, doit rapidement faire face à de nombreuses difficultés ainsi qu’à l’agitation qui se fait jour dans l’ensemble du royaume : − Son gouvernement est un nid de vipères où l'intrigue règne en maître. − L’Albanie suscite encore bien des convoitises, notamment ses accès à la mer, de la part de la Serbie qui l'envahit en octobre 1913. Grâce au soutien allemand et austro-hongrois, la Serbie évacue l'Albanie, le 25 octobre. − Des tribus montagnardes des régions de Tirana et Il y a juste un mois que l'Allemagne avait déclaré la guerre à la France. La Première guerre d'Elbasan se soulèvent contre les grands mondiale venait d'éclater. Guillaume de Wied avait en vain proclamé la neutralité de son pays. propriétaires et menacent la capitale. − Des bandes rebelles grecques, les « Andarte ») terrorisent les populations dans le Sud. Le roi essaie de reprendre la situation en main. Il fait notamment arrêter son ministre de la guerre, Esad bey mais il ne contrôle bientôt plus que la capitale et un port du Sud de l’Albanie, Volona (actuelle Vlorë ou Vlora). Il se réfugie à bord d'un navire de guerre italien. Le 3 septembre 1914, sous la pression du général turc Esad Pacha, et aussi faute de moyens de subsistance, Wilhelm von Wied est contraint d'abandonner son royaume d'Albanie. Le 4 octobre 1914, le général turc Esad Pacha est élu président du gouvernement provisoire d'Albanie. Jusqu’en 1914, la 4ème Cie assure, sous les ordres d’un colonel anglais gouverneur de Scutari, le maintien de l’ordre. C’est ainsi qu’en février 1914, certains de ses éléments assurent l’escorte de onze officiers ottomans arrêtés pour avoir fomenté un complot à Valonal (actuellement Vlorë ou Vlora). Le 24 août 1914, date à laquelle le premier conflit mondial a commencé dans cette région, la 4ème Cie, commandée désormais par le capitaine Aubert, le capitaine Goulais ayant été promu chef de bataillon, a été mise à la disposition de Nicolas 1er, roi du Monténégro. Elle cantonne à Cetticne, (actuel Cetinje) au sud du Monténégro. Tandis qu’elle garde le palais du monarque, le chef de bataillon Goulais, détaché à l’état-major monténégrin, réorganise les forces royales. Une section de mitrailleuses est créée au sein de la compagnie. En décembre 1915, du fait de l’offensive autrichienne et bulgare, la situation devient inquiétante. Par une décision du gouvernement français, la compagnie prête main forte à notre allié monténégrin. Ayant déjà subi de nombreux bombardements d’avions allemands et autrichiens, les marsouins, « en excellente forme mais souffrant de la faim car le pain de maïs fait défaut depuis huit jours » sont donc mis à la disposition du général Martinovich, le 8 janvier 1916. En occupant la position de Niecouch, à environ 15km au Nord-ouest de Cetinje, ils sont pris à parti par les canons de très gros calibre de navires autrichiens. Ils s’enterrent alors sous la neige. Peu après, ils stoppent une violente attaque de l’adversaire. Dès lors « des bruits les plus élogieux courent dans la capitale du Monténégro sur la valeur de la formation coloniale ». Le 11 janvier 1916, l’armée monténégrine étant en pleine déconfiture et sur le point de capituler, le chef de bataillon Goulais fait replier la 4ème Cie sur Cetinje. Au cours de cette dure retraite effectuée au milieu des troupes autochtones, seuls les marsouins continuent à livrer combat contre les Autrichiens, protégeant ainsi la retraite des serbes qui se fraient un chemin à travers les rudes montagnes albanaises. Ainsi, du 12 au 25 janvier 1916, la 4ème Cie effectua-t-elle une longue marche non seulement dans les pires conditions climatiques mais aussi dans des conditions sanitaires déplorables, des épidémies de choléra et de typhus s’étant déclarées dans ses rangs. Le 21 janvier, notamment, ils traversent les marais inondés de Brécu Mati, situés en Albanie à l’ouest du golfe du Drin, où ils progressent sous le feu ennemi dans 1,20m d’eau glacée et s’enfoncent à chaque pas de 30 à 40cm dans un sol de glaise délayée. La 4ème Cie, épuisée mais toujours aussi cohérente, atteint enfin Durazzo, appelée actuellement Durres, le 25 janvier à 11H. Après quelques jours de repos, elle est transférée sur l’île de Fano, actuellement « Île Othoni », au Nord de Corfou. Relevée par des éléments du 6ème bataillon de chasseurs alpins, elle rejoint sur deux chalutiers italiens l’île de Corfou qu’elle quitte le 27 février pour la France sur le « Savoie » après 29 mois de séjour. Au cours de leur périple, les Marsouins se sont montrés dignes des traditions de l’Arme. Passés en revue par le prince régent de Serbie, Alexandre 1er, futur roi de Yougoslavie, Alexandre Karadjordjevic (Karageorgevitch), né à Cetinje en 1888, futur Alexandre Ier roi des Serbes, des Croates et des Slovènes ils ont été qualifiés par celui-ci en 1921 au décès de Pierre Ier, et roi de Yougoslavie en 1929. Arrivé à Marseille le 9 octobre 1934, pour une visite officielle en « d’unité solide et bien encadrée » et France, il sera assassiné avec Louis Barthou, ministre français des affaires étrangères par un Oustachi (nationaliste croate). ont été chaleureusement remerciés. Très certainement, ensuite, les hommes de cette 4ème Cie rejoignent-ils le 22ème RIC alors engagés dans la Somme. Bien entendu, le corps comprend une autre 4ème Cie Marsouin de 1ère classe Daniel Therby, président de l’Amicale des anciens du 22ème de Marine, et colonel (ER) Maurice Rives. (25/01/1996)