Origines et développement de la théorie des parties du discours en

Jean Lallot
Origines et développement de la théorie des parties du discours
en Grèce
In: Langages, 23e année, n°92, 1988. pp. 11-23.
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Lallot Jean. Origines et développement de la théorie des parties du discours en Grèce. In: Langages, 23e année, n°92, 1988.
pp. 11-23.
doi : 10.3406/lgge.1988.1996
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1988_num_23_92_1996
Jean
LALLOT
Écoie
normale
supérieure
et
URA
381
du
CNRS
ORIGINES
ET
DEVELOPPEMENT
DE
LA
THÉORIE
DES
PARTIES
DU
DISCOURS
EN
GRÈCE
Cet
article
a
un
double
propos,
historique
et
méthodologique.
Après
avoir
(1.)
esquissé
brièvement
ce
qu'on
pourrait
appeler
la
«
préhistoire
»
de
la
théorie
des
parties
du
discours
en
Grèce
préhistoire
qui
s'achève
avec
Platon
,
puis
(2.
(rappelé
les
étapes
du
développement
qui
nous
conduit,
au
seuil
de
l'ère
chré
tienne,
à
une
liste
de
huit
parties
(nom,
verbe,
participe,
article,
pronom,
préposit
ion,
adverbe,
conjonction),
j'examinerai
(3.),
chez
le
grand
grammairien
alexandrin
du
2e
siècle
de
notre
ère,
Apollonius
Dyscole,
quels
sont
les
critères
et
les
principes
mis
en
œuvre
dans
les
opérations
de
classement
grammatical
des
mots
de
la
langue
grecque.
Une
question
retiendra
plus
spécialement
mon
attention
dans
cette
dernière
partie
:
dans
les
cas
un
même
signifiant
semble
pouvoir
légitimement
prétendre
à
figurer
dans
plus
d'une
classe,
que
fait
le
grammairien
grec
?
quel
discours
tient-il
?
pour
justifier
quelle
décision
?
1.
Préhistoire
de
la
partition
du
discours
:
de
la
langue
comme
nomenclature
à
la
découverte
de
l'opposition
nom-verbe
1.1.
Les
scribes
mycéniens
séparaient
les
mots
Les
Grecs
ont
su
écrire
dès
le
deuxième
millénaire
avant
notre
ère
:
les
scribes
qui
tenaient
la
comptabilité
des
palais
mycéniens
notaient
sur
des
tablettes
d'argile,
à
l'aide
des
signes
syllabiques
du
système
appelé
«
linéaire
В
».
des
phrases
dont
ils
séparaient
régulièrement
les
mots
par
un
petit
trait
vertical.
Cette
pratique,
qui
peut
paraître
banale
à
un
moderne
habitué,
quand
il
écrit,
à
laisser
un
blanc
entre
les
mots,
mérite
d'être
remarquée
pour
l'antiquité
grecque
:
on
sait
en
effet
que
l'usage
de
séparer
les
mots
écrits
s'est
perdu
en
Grèce
avec
l'écriture
syllabique,
et
que
la
pratique
de
la
scriptio
continua
règne
sur
l'écriture
alphabétique
depuis
son
adoption
vers
800
av.
J.C.
jusque
très
avant
dans
le
moyen-âge.
Cela
dit,
séparer
les
mots,
simple
usage
graphique,
n'implique
en
rien
une
prise
de
conscience
de
leurs
spécifici
tés
grammaticales,
et
il
est
fort
improbable
que
le
savoir
linguistique
des
scribes
mycéniens
se
soit
étendu
bien
au-delà
de
la
connaissance
des
règles
de
l'orthographe.
1.2.
Homère
et
les
idiomes
étrangers
:
les
sons
et
les noms
Si
nous
passons
maintenant
de
ces
périodes
reculées,
et
pour
lesquelles
les
chanc
es
de
trouver
une
documentation
positive
sur
l'état
de
la
doctrine
grammaticale
sont
évidemment
fort
minces,
aux
premiers
grands
témoins
de
la
culture
linguistique
au
1er
millénaire,
que
trouvons-nous
?
À
tout
seigneur
tout
honneur
:
nous
trouvons
Homère
(appelons
ainsi,
conventionnellement,
le
ou
les
poète(s)
de
Ylliade
et
de
l'Odyssée).
Il
ne
nous
parle
pas
de
grammaire,
comme
chacun
sait,
ni
d'art
poétique.
Aussi
n'avons-nous
pas
la
moindre
idée,
par
exemple,
du
degré
de
conscience
qu'il
pouvait
avoir
d'une
réalité
aussi
importante,
dans
la
poésie
dactylique,
que
la
11
syllabe.
Nous
pouvons
malgré
tout,
à
la
lecture
des
poèmes
homériques,
glaner
quel
ques
informations
intéressant
notre
propos.
L'essentiel
consiste
dans
les
mentions,
assez
nombreuses,
de
la
diversité
des
lan
gues
:
les
différents
contingents
qui
forment
la
coalition
troyenne
parlent
chacun
leur
langue
(//.
II.
804
;
IV,
437)
;
certains
parlent
«
barbare
»
(barbarophônoi,
II,
867)
;
dans
YOdyssée.
l'adjectif
composé
allo-throos
(I,
183
;
III,
302
;
XIV,
43
;
XV,
4531,
appliqué
au
peuple
étranger
que
vient
à
rencontrer
un
voyageur,
le
qualif
ie
comme
«
parlant
autrement
».
Cette
altérité
se
traduit
globalement
par
l'impossi
bilité
de
comprendre
les
paroles
qu'on
entend
;
mais,
à
y
regarder
de
plus
près,
elle
paraît
avoir
deux
dimensions
:
d'abord,
l'idiome
de
l'autre
est
phonétiquement
étrange
au
point
d'être,
parfois,
à
peine
humain
(les
parlers
barbares
étaient
plus
ou
moins
assimilés
par
les
Grecs
à
des
gazouillis
d'oiseaux
*)
;
ensuite,
l'étranger
appelle
les
mêmes
choses
d'un
autre
nom.
Chez
Homère,
nous
avons
un
aperçu
sur
ce
niveau
de
l
'altérité
quand
nous
apprenons
les
noms
dont
usent
respectivement
les
hommes
et
les
dieux
pour
désigner
le
même
être
mythique
(//.
I,
403),
ou
le
même
oiseau
(XIV,
290)
;
parfois,
le
poète
ne
nous
révèle
que
le
nom
divin
(Od.
X,
305
;
XII,
61).
Ce
que
suggèrent
implicitement
ces
indications
occasionnelles,
c'est
que
les
langues
sont
en
fait
des
nomenclatures,
des
collections
de
noms
qui
ont
le
monde
pour
réfèrent.
1.3.
Le
Ve
siècle
:
du vocabulaire
sans
grammaire
(Hérojdote)
aux
premières
intuitions
grammaticales
sans
métalangage
(Sophistes!
Il
serait
aisé
de
montrer
que
cette
image
de
la
langue
est
encore
celle
qui
prévaut,
au
5e
siècle,
chez
Hérodote.
Cet
enquêteur
infatigable
manifeste
entre
autres
une
grande
curiosité
linguistique.
Or
il
est
significatif
que
les
renseignements
qu'il
nous
donne
sur
les
langues
des
groupes
humains
autres
que
le
sien
propre
(surtout
des
peuples
non
grecs
Egyptiens,
Lybiens,
Mèdes,
Scythes,
etc.
,
quelquefois
des
Grecs
non
ioniens
Chypriotes,
Delphiens,
etc.
)
sont
toujours
des
équivalences
de
vocabulaire
:
2.156
:
«
en
égyptien,
Apollon
(s'appelle)
Horos,
Dèmèter
Isis.
Artémis
Boubas-
tis
»
;
4.192
:
«
zegeries
est
un
nom
libyen
qui
a
pour
équivalent
en
langue
grecque
bou-
noi
[collines]
».
Parfois,
Hérodote
va
un
peu
plus
loin
et
élucide
pour
nous
la
structure
d'un
mot
composé.
Nous
apprenons
ainsi
(4.110)
que
le
nom
Oiorpata
des
«
Amazones
»,
en
langue
scythe,
s'analyse
en
oior
«
homme
»
-f
pata
«
tuer
»,
ou
encore
(4.27)
que
le
nom,
également
scythe,
des
«
Arimaspes
»
repose
sur
arima
«
un
»
+
spou
«
œil
».
Mais
on
ne
saurait
inférer
de
ces
indicationss
(au
demeurant
fantaisistes,
mais
ce
n'est
pas
grave)
qu'Hérodote
maîtrisait
si
peu que
ce
soit
des
éléments
un
peu
rigou
reux
d'analyse
linguistique.
L'impression
qui
se
dégage
de
ses
notations
en
la
matière
est
que,
tout
comme
«
Homère
».
il
voyait
les
langues
comme
des
collections
de
«
noms
»,
c'est-à-dire
de
désignations
correspondant
à
des
êtres,
à
des
«
choses
»
(objets,
états,
etc.),
référentiellement
spécialisées,
mais
grammaticalement
indifféren
ciées.
On
n'a
certes
pas
non
plus
le
droit
de
tirer
trop
de
conclusions,
même
négatives,
du
silence
des
textes
les
plus
anciens
en
matière
grammaticale.
Après
tout,
ni
1.
Cf.
Esch.
Ag.
1050
;
frag.
450
N.
;
Hérodote
2.
57.
On
sait
d'autre
part
que
le
mot
bar-
baros
lui-même
est
une
formation
onomatopéique
expressive
(cf.
le
redoublement
bar-bar-)
qui
présente
les
parlers
non
grecs
comme
des
bredouillis,
à
peine
des
langues.
12
Homère,
ni
Hérodote,
ni
Eschyle
ou
Pindare
n'avaient
spécialement
de
raison
de
laisser
paraître
dans
leurs
écrits
la
trace
d'un
enseignement
grammatical
qui
aurait
été
celui
des
scribes
ou
des
écoles
de
leur
temps.
Et
rien
n'interdit
d'imaginer
que
très
tôt
les
professionnels
de
l'écriture
et
de
sa
transmission
aient
pu
avoir
recours,
pour
des
besoins
pédagogiques,
à
des
éléments
déjà
un
peu
précis
de
métalangage
grammatical.
La
même
supposition
me
paraît
a
fortiori
justifiée
dans
le
cas
des
philosophes
pré
socratiques
et
des
sophistes,
dont
il
est
patent
qu'ils
ont
beaucoup
réfléchi,
et
donc
aussi
parlé,
sur
le
langage.
Que
le
problème
fût
celui
de
son
origine,
de
son
adéquat
ion
au
réel,
des
conditions
du
dire
vrai
ou
du
bien
dire,
l'examen
des
mots
et
des
phrases
grecs
sur
lesquels
portait
leur
réflexion
devait
les
mettre
sur
le
chemin
de
la
découverte
des
catégories
de
la
grammaire
:
quand
Protagoras
discutait
le
genre
des
noms
{cf.
Aristote,
Soph.
El.
14,
173
b
17
;
Rhet.
III,
1467
b
6),
il
avait
pour
objets
les
noms
2
;
quand
il
distinguait
des
classes
de
phrases
(souhait,
question,
ordre,
cf.
Diog.
Laërce
IX
53
sq.),
il
rencontrait,
entre
autres,
les
modes
du
verbe
;
quand
Prodicos,
comme
son
contemporain
Socrate
(celui
du
Cratyle),
s'attachait
à
préciser
la
«
correction
des
noms
»
(orthotes
ton
onomatôn,
cf.
Plat.
Euthyd.
277
e
;
Crat.
384
b),
les
noms
qu'il
était
amené
à
comparer
pour
en
distinguer
le
sens,
séparés
par
des
différences
sémantiques
minimales,
appartenaient
presque
inévitablement
à
la
même
classe
de
mots
:
verbe
{cf.
Plat.
Prot.
337
b-c
;
340
b-c)
ou
nom
{cf.
Galien,
De
vin.
Physic.
II
9
=
Vors.
84
В
4
D.-K.).
Un
passage
comme
Plat.
Ménon
75
e,
Socrate
passe
du
couple
nominal
teleutè-peras
fin
»-«
terme
»)
au
couple
verbal
teteleutekenai-peperanthai
être
fini
»-«
être
terminé
»),
signale
sûrement,
même
si
le
nom
de
Prodicos
n'y
est
indiqué
qu'allusivement,
que
ce
sophiste
s'était
livré
lui-
même
à
ce
genre
de
manipulations
linguistiques.
Or
on
ne
peut
nier
qu'un
minimum
de
métalangage
grammatical,
à
commencer
par
la
distinction
«
nom
»-«
verbe
»,
ait
pu
rendre
de
grands
services
à
celui
qui
s'y
adonnait
et
rien
ne
nous
prouve
posit
ivement
qu'il
n'en
ait
pas
disposé.
La
seule
chose
que
nous
puissions
dire,
c'est
que
nous
n'avons
pas
trace
d'un
tel
métalangage
dans
des
textes
antérieurs
au
quatrième
siècle.
C'est
seulement
avec
Platon
que
les
«
noms
»
vont
explicitement
éclater
en
noms
et
en
verbes.
1.4.
Platon
:
onoma
et
rhema,
constituants
du
logos
Le
Cratyle
est
à
juste
titre
le
premier
dialogue
auquel
on
pense
quand
on
s'inté
resse
à
la
réflexion
de
Platon
sur
le
langage.
Or
ce
dialogue
traite
du
problème
de
la
conformité
des
«
noms
»
aux
«
choses
»
{orthotes
onomatôn),
cette
conformité
étant
conçue
comme
une
condition
sine
qua
non
de
la
fiabilité
du
langage
dans
sa
fonction
de
représentation
du
monde.
C'est
dans
cette
perspective
que
Socrate
s'applique
à
discerner
1
'etymologie
littéralement,
le
«
dire-vrai
»
de
quelque
cent-quarante
mots
de
la
langue
grecque.
Implicitement
au
moins,
une
telle
problématique
et
une
telle
procédure
ne
peuvent
que
renforcer
l'image
de
la
langue
comme
collection
de
noms
:
à
cet
égard,
le
Cratyle
se
situe
bien
dans
la
continuité
des
représentations
tra
ditionnelles
de
la
langue.
2.
Cf.
Robins
(1951
:
14)
:
«
Protagoras
is
reported
to
have
dealt
with
genders,
and
by
implication
to
have
isolated
the
noun
».
Le
même
auteur
{ibid.,
p.
9)
observe,
avec
raison
je
crois,
à
propos
de
la
controverse
sur
l'origine,
naturelle
ou
conventionnelle,
du
langage
:
«
In
the
theory
that
words
reflected
in
their
forms
the
nature
of
things,
conventionalists
were
led
to
examine
more
closely
the
structure
of
words
and
sentences
and
to
take
notice
of
the
formal
classes
and
patterns
of
behaviour
that
words
exhibited
when
used
in
various
combinations.
It
is
in
such
investigations
that
the
categories
of
verb,
noun,
case
and
tense
and
the
rest
have
their
origin
».
13
En
deux
passages,
cependant,
Socrate
laisse
entrevoir
qu'il
a
connaissance
d'une
différenciation
fonctionnelle
à
l'intérieur
du
matériau
lexical
qu'il
explore.
En
424
e,
non
content
d'envisager
l'adéquation
du
son
élémentaire,
puis
de
la
syllabe,
puis
des
noms
aux
choses,
il
se
laisse
emporter
(exënekhthën,
avoue-t-il
lui-même)
à
franchir
un
nouveau
seuil
dans
la
série
des
processus
d'assemblage
auxquels
donne
lieu
l'exer
cice
du
langage,
et
il
évoque,
non
sans
quelque
grandiloquence,
la
constitution
de
«
quelque
chose
de
grand,
de
beau
et
qui
forme
un
tout
»
le
logos,
qui
se
forme
ek
ton
onomaidn
kai
rhêmatdn
:
«
à
partir
des
«
noms
»
et
des
«
verbes
»
».
Un
peu
plus
loin
(431
b),
Cratyle
lui
ayant
concédé
qu'on
peut
parfois
appliquer
des
noms
(onomata)
à
faux
(en
appelant,
par
exemple,
«
homme
»
une
femme),
Socrate
l'invite
à
admettre
aussi
la
possibilité
d'une
application
erronée
des
rhêmata
verbes
»),
et
par
conséquent
des
logoi,
qui
«
sont,
à
ce
que
je
crois,
l'assemblage
des
précédents
:
toutôn
xunthesis
».
Le
mot
rhëma,
qu'on
traduit
ici,
comme
plus
tard
chez
les
grammariens,
par
«
verbe
»,
n'a
sans
doute
pas,
chez
Platon,
une
signi
fication
morphologique
très
restrictive
:
on
n'a
pas
de
peine
à
montrer
qu'il
peut
s'appliquer
à
certaines
locutions
nominales,
comme
Du
philos
«
ami
de
Zeus
»,
opposé
en
399
b
à
Vonoma
«
Diphilos
»
(nom
d'homme),
qui
en
est
issu
;
ce
qu'il
y
a
de
commun
à
Dii
philos
et
à
un
verbe,
au
sens
morphologique
du
terme,
c'est
que
l'un
et
l'autre
peuvent
remplir
dans
une
proposition
la
fonction
de
prédicat,
celle
de
sujet
étant
remplie,
typiquement,
par
un
onoma
:
«
Diphilos
est
ami
de
Zeus
».
L'opposition
onoma-rhëma,
chez
Platon,
apparaît
donc
plus
logique
que
morphologi
que.
Cela
dit,
le
Cratyle
montre
aussi
clairement
que
les
verbes,
au
sens
étroitement
grammatical
du
terme,
ont
été
repérés
comme
représentants
typiques
de
l'espèce
rhëma
:
ainsi
en
426
e,
Socrate
énumère
à
titre
d'exemples
«
des
rhëmata
comme
krouein
heurter
»],
thrauein
broyer
»],
ereikein
déchirer
»],
thruptein
écraser
»],
etc.
»
et
ce
ne
sont
pas
les
prédicats,
mais
bien
les
formes
mêmes
qui
sont
ici
désignées
par
rhëma,
puisqu'elles
sont
censées
illustrer
la
valeur
expres
sive
du
son
[r]
qu'elles
contiennent
Le
Cratyle,
dialogue
sur
la
«
justesse
des
noms
»,
laisse
donc
entrevoir,
à
côté
de
l'image
traditionnelle
de
la
langue
comme
nomenclature,
une
première
partition
fonc
tionnelle
du
lexique
en
«
noms
»
et
en
«
verbes
»
;
logique
dans
sa
conception,
cette
partition
a
visiblement
déjà
donné
lieu
à
des
observations
morphologiques.
Les
cho
ses
sont
encore
plus
nettes
dans
un
dialogue
un
peu
postérieur,
le
Sophiste.
Dans
ce
dialogue,
Platon
cherche
à
préciser
comment
est
possible
l'art
d'illusion
du
sophiste,
qui
consiste
à
introduire
la
fausseté
dans
le
discours
(logos).
Il
est
donc
amené
à
décrire
la
structure
du
logos.
Le
passage
central
est
en
261
d-262
c.
J'en
résume
ce
qui
est
essentiel
à
notre
propos.
De
même,
dit
l'Étranger
d'Élée
qui
discute
avec
le
jeune
Théètète,
que,
pour
former
des
syllabes,
les
lettres
ne
se
groupent
pas
au
hasard,
mais
en
vertu
d'un
principe
de
complémentarité
entre
voyelles
et
conson
nes
(cf.
253
a),
de
même
les
mots
ne
peuvent
former
des
phrases,
énoncés
suscepti
bles
d'être
jugés
vrais
ou
faux,
que
s'il
y
a
«
mélange
»,
au
minimum,
d'un
«
nom
»
(onoma)
désignant
un
actant
(prattôn)
et
d'un
«
verbe
»
(rhëma)
référant
à
une
action
(praxis
К
En
juxtaposant
des
verbes
marche
court
dort
»)
ou
des
noms
lion
cerf
cheval
»),
souligne
l'Étranger,
on
ne
formera
jamais
un
logos
;
en
revan
che,
dès
lors
qu'on
associe
un
nom
et
un
verbe
l'homme
apprend
»),
quittant
le
domaine
de
la
simple
nomination,
on
dit
(legeîn)
quelque
chose,
on
produit
un
logos,
«
phrase
»
ou
«
proposition
»
(262
d).
Platon
est-il
l'inventeur
de
cette
partition
du
logos
en
deux
constituants
fonction
nels,
onoma
et
rhëma,
au
sens
strict
«
parties
du
discours
»
dont
le
nom
et
le
verbe
apparaissent
déjà
chez
lui,
respectivement,
comme
les
représentants
privilégiés
?
Il
n'est
ni
facile,
ni
somme
toute
très
important
de
répondre
à
cette
question.
L'import
ant,
c'est
que
Platon
ait,
au
minimum,
prêté
sa
voix
à
l'annonce
de
cette
découv
erte,
sans
doute
la
plus
féconde
de
l'histoire
de
la
grammaire
:
une
fois
constaté
qu'on
parle
avec
(au
moins)
deux
espèces
de
mots,
philosophes,
puis
grammairiens,
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