II. — Une approche objective « scientifique »
Pour sortir de cette impasse, un certain nombre de scientifiques
et de penseurs, même chrétiens, ont interrogé les divers stades de
développement que présente un embryon dans l’espoir d’y trouver
une frontière déterminante qui fixerait le moment où cet embryon
deviendrait « humain ». L’idée est la même, en quelque sorte, que
celle de distinguer le moment de « l’animation » de l’embryon, mais
en s’efforçant de la fonder sur des données objectives.
Une des caractéristiques de la personne humaine est qu’elle est
originale, une et indivisible. Certains ont ainsi proposé qu’aussi
longtemps que chaque cellule de l’embryon, détachée des autres,
restait capable de donner à elle seule un nouvel embryon, l’ensemble
embryonnaire ne devait pas être considéré comme un véritable indi-
vidu. (±14 premiers jours — McCormick). D’autres (Singer et
Khuse) estiment qu’un trait nécessaire pour qu’il y ait un sujet
humain est qu’il soit capable d’un minimum de perceptions, les-
quelles demandent la présence d’un début au moins de système ner-
veux. Celui-ci apparaît, dans ses premiers linéaments, entre le qua-
torzième et le vingt-huitième jour. D’autres encore (B. Brody) font
le parallèle avec la mort cérébrale : comme la mort est déterminée
par l’absence de toute activité électrique cérébrale, ainsi le début de
la vie (humaine) commencerait avec celle-ci, soit ±six semaines
après la conception. Dans la même ligne de pensée, on pourrait
prendre comme signe de vie humaine les premiers mouvements du
foetus, ou encore le moment où il devient capable de vie autonome
hors de l’utérus maternel, etc.
Ne fut-ce que par leur multiplicité, ces propositions ne nous sor-
tent pas de l’impasse : pourquoi choisirions-nous un de ces repères
plutôt qu’un autre? Mais elles ont ceci d’intéressant que par leur
arbitraire même, elles nous montrent une faille de ce type de raison-
nement. Ces propositions, comme la précédente qui fait débuter la
vie humaine à la fécondation, rattachent le concept de « vie
humaine » à son seul support physiologique. C’est la matérialité de
la fusion chromosomique, ou de l’inséparabilité des cellules, ou des
premiers neurones, etc. qui entraîne, comme une nécessité logique,
que nous admettions qu’il y a là désormais un nouvel être humain
qui doit être traité avec toute la dignité qui revient à une personne
à part entière. Sous son apparente évidence, ce type de raisonne-
ment méconnaît tout à fait que la notion de « personne humaine »
affectée de « dignité » est en réalité une création éthique d’ordre
culturel qui ne surgit pas de manière obligée de la « nature » physi-
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