LAPHYSIQUE AU CANADA, VOL. 60, NO. 1 janvier / février 2004 15
ARTICLE DE FOND ( ... HISTOIRE DU LASER TEA CO2)
Mégawatt avec une cavité d'un mètre de longueur. Nous avions
atteint les conditions où la puissance est proportionnelle au
volume du laser. Cette technique fut baptisée " double décharge
". Nous avions pensé baptiser le laser DDT (Doubles Décharges
Transverses) mais comme à ce moment là l'insecticide DDT
commençait à avoir mauvaise réputation, le nom TEA
(Transverse Excitation Atmospheric pressure) fut choisi, étant
plus socialement acceptable.
En même temps, les recherches se poursuivaient pour étudier
les effets de différentes géométries telles que les électrodes héli-
coïdales pour créer un milieu amplificateur ayant un gain très
élevé au centre de la décharge et diminuant en s'éloignant du
centre. Ceci faisait une sélection naturelle du mode fondamental
du résonateur optique et produisait des impulsions laser ayant
la divergence la plus faible et lka brillance maximale. D'autres
configurations donnèrent de moins bonnes performances à
cause de problèmes de réfraction associés aux gradients ther-
miques apparaissant lors de la stimulation.
Comme la technique des lasers TEA CO2est basée sur le fait
que d'une impulsion à l'autre, le gaz devait pouvoir se refroidir,
le taux de répétition pour un laser scellé devait se limiter à
quelques impulsions par seconde pour permettre au gaz de se
refroidir entre les stimulations. Pour atteindre des taux de
répétition comparable à ceux des radars, il est nécessaire de
renouveler rapidement le gaz entre les électrodes. Vu la
géométrie typique de lasers à excitation transversale, un
déplacement des gaz perpendiculairement à l'axe du laser per-
met de déplacer très rapidement les gaz à travers la région de
stimulation du laser. Comme la pression est la pression atmo-
sphérique, un tel déplacement peut être obtenu facilement à
l'aide d'éventails simples et commercialement disponibles. On
peut aussi facilement refroidir les gaz en les passant à travers
un échangeur de chaleur refroidi à l'eau. Un premier prototype
d'évaluation de cette technologie a permis d'obtenir des taux de
répétition supérieur à 100 impulsions à la seconde. Un second
prototype fut alors mis en chantier incorporant un système de
soufflerie plus important visant des taux de répétition
supérieurs à 1000 impulsions à la seconde et une puissance
moyenne supérieure à 1 KiloWatt.
À l'été '69, vu l'évolution des travaux concernant ce type de
laser dans le monde, il fut décidé qu'il était temps de révéler
nos résultats. Mais il fallait alors s'assurer que nos découvertes
étaient protégées par des brevets. L'application de brevets en
France précéda de quelques semaines une application de brevet
de la Compagnie Générale d'Électricité de France qui présentait
un premier modèle d'excitation transverse.
L'annonce publique du laser TEA se fit en Janvier 1970 et la pre-
mière action fut d'inviter les compagnies intéressées à dévelop-
per sous licence ce type de laser à faire des propositions. Il y eut
un grand nombre de propositions venant principalement de
compagnies américaines. Mais deux compagnies canadiennes
furent sélectionnées : GenTec, une petite compagnie de Québec
qui était un contracteur du CRDV en équipements électron-
iques, et Lumonics d'Ottawa, une compagnie créée spécifique-
ment pour la commercialisation de ce laser. Des échanges d'in-
formations et de techniques furent aussi mis en place avec le
Laboratoire de Recherches en Optique et Laser (LROL) de
l'Université Laval, qui devint un partenaire naturel dans la
poursuite de la R&D sur les lasers et leurs applications.
Lorsque les détails du potentiel de ce nouveau type de laser se
sont répandus, plusieurs laboratoires de recherche ont été
intéressés à coopérer avec Valcartier et des coopérations actives
ont été créés avec le CNRC, IREQ et INRS-Énergie portant prin-
cipalement sur les applications à des problèmes spécifiques tels
la fusion nucléaire contrôlée, un programme canadien visant à
Comme la technique d'excitation transversale et la haute pres-
sion atmosphérique obtenue différait radicalement de tout ce
qui se faisait ailleurs, il fut décidé de garder le plus longtemps
possible le secret sur nos travaux dans ce domaine afin de pou-
voir raffiner nos techniques. Au début de '69, nous apprenions
que les forces aériennes de Grande Bretagne avaient décidé d'a-
bandonner l'idée d’un radar au laser CO2parce qu'ils avaient
calculé que pour obtenir des impulsions de puissance suff-
isante pour obtenir une bonne portée, il fallait avoir au moins
1 MWatt de puissance crête et qu'un laser d'une telle puissance
devait avoir un longueur d'au moins 200 mètres. On ne pouvait
pas contenir un tel laser dans le plus gros des avions alors
disponibles. À ce moment nous avions un laser de 10 MWatt
de puissance crête qui faisait moins d'un mètre de long. Nos
travaux demeurèrent secrets pendant près de deux ans.
Une fois la faisabilité du principe démontré, un deuxième pro-
totype de recherche fut dessiné en tenant compte du fait que
l'opération du laser se ferait à pression atmosphérique. Le con-
tenant de gaz n'ayant plus à être scellé pour supporter sans
fuites de basses pressions, un nouveau degré de liberté était
donc possible lors de la conception de ce prototype. Il fut donc
construit en contreplaqué parce que plus facile à usiner. Au
lieu d'une seule rangée de résistances, trois rangées furent util-
isées de façon à produire une section de décharges plus large.
N'ayant pas à supporter de différences de pression importante,
les miroirs du résonateur pouvaient être montés sur des mon-
tures de laboratoire classiques, ce qui facilitait l'enlignement de
ces miroirs. La longueur de ce prototype était de 48 pouces, (la
largeur d'une feuille de contreplaqué). Ce laser produisait des
impulsions de quelques Mégawatts, ce qui était amplement
suffisant pour des applications de télémètre ou de radar
optique. La qualité optique était suffisante pour produire un
claquage de l'air (plasma causé par l'ionisation des molécules
de l'air) lorsque focalisé avec une lentille de moins de 10 cm de
longueur focale.
Un autre avantage inattendu de la technique d'excitation trans-
versale était que ce laser s'auto déclenchait (self Q-switching).
La stimulation était suffisamment courte pour que le laser
atteignat son maximum de gain dans un temps plus court qu'il
n'en fallait pour construire l'énergie laser dans le résonateur
optique. Ainsi on obtenait une impulsion géante sans avoir
recours à des systèmes optiques impliquant des miroirs oscil-
lant ou des cellules d'absorbants saturables. De plus, la pres-
sion étant élevée, les bandes d'amplification lumineuse sont
plus larges, permettant une amplification plus rapide des sig-
naux. Les impulsions géantes des lasers à pression atmo-
sphérique étaient encore plus courtes que ce qui pouvait être
obtenu avec les lasers à basse pression utilisant des modula-
tions optiques du résonateur.
C'est alors que commença la recherche pour l'optimisation de
la structure électronique de la stimulation électrique. Plusieurs
méthodes pour contrôler l'uniformité de la stimulation élec-
trique furent éprouvées. Le premier objectif était de se débar-
rasser des résistances qui réduisaient l'efficacité totale du laser.
Une méthode consistait à employer des aiguilles au lieu des
résistances. En prenant soin de diminuer l'inductance dans le
circuit de décharge, c'était l'inductance des aiguilles qui stabili-
saient la décharge. Mais la méthode qui finalement apparut la
meilleure était basée sur le principe des éclateurs électriques
déclenchés (triggered spark-gap). Une première petite décharge
électrique est utilisée pour créer une ionisation du gaz qui se
diffuse uniformément entre deux électrodes avant d'appliquer
la décharge principale, qui alors produit une décharge diffuse
de grande dimension et de faible impédance. Par cette tech-
nique des décharges uniformes de section 10x10 cm furent
obtenues produisant des impulsions de plusieurs centaines de
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