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le shofar
revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique
N° d’agréation P401058 MARS 2015 - N°361 / ADAR – NISSAN 5775
synagogue
beth hillel
bruxelles
JUBILEZ !
N°361
MARS 2015
ADAR – NISAN 5775
N° d’agréation P401058
re v ue mensuelle de l a
communauté isr aélite
libér ale de belgique
EDITEUR RESPONSABLE :
Gilbert Lederman
REDACTEUR EN CHEF : 
Luc Bourgeois
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION :
Yardenah Presler
COMITÉ DE RÉDACTION : 
Rabbi Marc Neiger,
Anne De Potter, Gilbert Lederman,
Alexandre Ezra Piraux,
Gaëlle Szyffer, Isabelle Telerman,
Jacqueline Wiener-Henrion,
Luc Bourgeois
Ont participé à ce numéro du Shofar :
Noam Bekhor, Pascale Leah
Engelmann, Naomie Silberwasser
MISE EN PAGE : 
inextremis.be
Le Shofar est édité par la
COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE
BELGIQUE A.S.B.L.
N° d’entreprise : 408.710.191
Synagogue Beth Hillel
80, rue des Primeurs
B-1190 Bruxelles
Tél. 02 332 25 28
Fax 02 376 72 19
www.beth-hillel.org
[email protected]
CBC 192-5133742-59
IBAN : BE84 1925 1337 4259
BIC : CREGBEBB
RABBIN : Rabbi Marc Neiger
RABBIN HONORAIRE :
Rabbi Abraham Dahan
DIRECTEUR : Luc Bourgeois
SECRÉTAIRE : Yardenah Presler
CONSEIL D’ADMINISTRATION : 
Gilbert Lederman (Président),
Myriam Abraham, Anne De Potter,
Benjamin Dobruszkes, Ephraïm Fischgrund,
Josiane Goldschmidt, Philippe Herman, Gilbert
Lederman, Willy Pomeranc, Elie Vulfs,
Thomas van Praag, Jacqueline Wiener-Henrion
Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs.
Illustration de couverture : Sept Zayin et un
Aleph, Sept fois Sept plus Un, Cinquante, par
Pascale Leah Engelmann
Sommaire
EDITORIAL
5Jubilez !
9
(Luc Bourgeois, Rédacteur en chef)
JUBILEZ !
Un jubilé pour jubiler
(Alexandre Ezra Piraux)
13 Judaïsme et Belgique
(Jacqueline Wiener-Henrion)
17 Beth Hillel, la maison de Hillel
(Gilbert Lederman, Président du Conseil
d’Administration)
19
19 Cette année sera pour vous le
Jubilé
(Rabbin Marc Neiger)
23 Un judaïsme ouvert sur la cité
(Stéphane Beder)
25 AGENDA
NOS BENÉ MITZVAH
29 D
erachah de Noam Bekhor
Chemot
23
33 D
erachah de Naomi Silberwasser
Yitro
37
ENVIE DE LI(V)RE
L e dernier des Juifs
de Jacques Derrida
(Alexandre Ezra Piraux)
38Juifs d’Alsace au XXème siècle
de Freddy Raphaël
29
38
(Luc Bourgeois)
41CARNET
Par sympathie
ESCOS SPRL
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Rue des Tongres 18 - 1040 Bruxelles - Tél : 02/733.09.75
le shofar
Jubilez !
Jubilez ! Cela sonne comme un ordre.
En 2015, dans un monde qui connaît violences, attentats, massacres. Dans un
monde dont les medias nous déversent
quotidiennement les horreurs ad nauseam.
Comment répondre à cet impératif, à cette
injonction ?
Pourquoi y répondre, pourquoi s’exécuter ?
Réponse simple, voire simpliste : parce que
c’est une mitzvah et qu’il faut s’y soumettre.
Mais encore ?
Parce qu’il faut garder l’espoir.
Parce qu’il faut regarder l’avenir.
Parce qu’il faut croire en l’avenir.
Parce qu’il faut croire que nous devons et
que nous pouvons agir dans ce monde pour
l’améliorer et lui (re)donner du sens 1.
Et nous ne pouvons réaliser cela qu’en nous
basant sur ce que d’autres ont fait avant
nous ; comme nous rappelons inlassablement au cours de nos offices la mémoire
de nos patriarches et matriarches, de nos
ancêtres, de ceux et de celles que nous avons
connus et dont nous évoquons la mémoire.
Ils nous ont donné et indiqué une voie, un
chemin et une méthode : à nous de ne pas
rester sur place, à nous de ne pas nous scléroser, à nous de ne pas baisser les bras.
1 Voir le Shofar 357 à propos de Tikoun Olam
par Luc Bourgeois
Le jubilé représente un arrêt dans le temps,
comme le chabbat : un arrêt pour regarder
le chemin parcouru, un arrêt pour regarder
le chemin et la tâche qui nous attendent,
un arrêt pour comprendre comment a fonctionné et fonctionnera l’énergie créatrice.
La racine hébraïque du mot jubilé (yovel) a
fait sont chemin jusqu’à nous à travers les
langues antiques comme le grec et le latin.
Et le mot a essaimé dans la plupart des langues européennes. Avec le temps, le sens du
mot a pris une connotation de célébration
festive et joyeuse.
2015 : Cinquante ans d’existence
pour Beth Hillel.
Cinquante ans de création et de progrès.
Cinquante ans de croissance, cinquante ans
de combats pour nous et pour les autres,
pour que les femmes soient considérées
à l’égal des hommes dans la synagogue,
cinquante ans de combat pour accueillir à
part entière celles et ceux qui étaient nés de
mère non juive ou qui n’avaient simplement
pas de parent juif mais désiraient rejoindre
la communauté d’Israël, cinquante ans de
combat pour que Beth Hillel et ses rabbins
soient pleinement reconnus dans le yichouv
belge. Cinquante ans de combat également
5
ÉD I TO R I A L
pour des causes en dehors de notre sphère
directe, comme l’aide que nous avons apportée à l’Institut Levovitch de Nathanya,
comme l’aide que nous avons apportée à
Israël au moment des incendies de forêts,
comme l’aide que nous avons apportée aux
Philippins, victimes des forces déchaînées
de la nature.
2015 : l’occasion pour notre communauté de
faire une courte pause, de regarder le chemin parcouru, de s’interroger sur notre avenir et sur la manière de continuer la route.
Dans un article détaillé, Alexandre Ezra
Piraux nous révèle l’origine et le sens
du Jubilé dans les traditions biblique et
rabbinique.
6
Le 18 janvier dernier, la séance inaugurale de notre jubilé a marqué l’entrée dans
une année de célébrations et d’animations
spéciales, comme la célébration du renouvellement de l’alliance de notre communauté avec la Torah le 10 mai prochain
(Cérémonie de Berit Matan Torah), comme
le stage organisé également les 30 et 31 mai
avec Frank Lalou et Tina Bosi sur le thème
de « L’hébreu : alphabet sacré », comme
le prestigieux concert du violoncelliste
Mischa Maisky, qui aura lieu le 12 octobre
et comme les Troisièmes Rencontres du
Judaïsme Libéral Francophone qui se tiendront à Bruxelles les 13, 14 et 15 novembre
et qui clôtureront l’année de notre jubilé.
En dépit des cœurs lourds des assassinats
à la rédaction du journal Charlie Hebdo et
à l’Hyper Cacher de Vincennes à peine une
semaine plus tôt, la séance inaugurale a
connu un grand succès par la qualité des
interventions des participants – représentants du monde diplomatique, représentants
du monde politique, représentants des communautés sœurs d’Europe, et membres et
amis fidèles de Beth Hillel. Des interventions édifiantes tant au-travers des discours
prononcés - forts et porteurs-, que par la voie
des chants, magnifiquement interprétés par
Aviv Weinberg. L’assemblée s’est ensuite
plongée dans les rencontres et/ou les retrouvailles autour du verre de l’amitié, concocté
par nos volontaires talentueux et proposés
avec le sourire par les jeunes de l’Hashomer
Hatzaïr.
Cinquante ans de combats pour nous et pour les autres
le shofar
Nous publions dans ce Shofar les discours de
plusieurs intervenants. Jacqueline WienerHenrion a replacé le Judaïsme Libéral, la
communauté juive et Beth Hillel dans le
cadre de l’histoire belge. Gilbert Lederman
a mis en avant la place de Beth Hillel dans
ses champs d’action multiples, ainsi que le
rôle essentiel de chacun de ses membres
dans son engagement pour notre communauté et pour le monde dans lequel nous
vivons. Notre Rabbin Marc Neiger a retracé
l’histoire et la nécessité du jubilé en les
replaçant dans une perspective écologique
contemporaine et urgente, comme garante
de l’avenir. Stéphane Beder de la Fédération
du Judaïsme Libéral Francophone a insisté
sur la place et la spécificité de Beth Hillel
au sein du Judaïsme Libéral francophone
européen, sur le caractère particulier et très
ouvert du Judaïsme Libéral et sur la nécessité de s’affirmer dans la cité en tant que
Juifs, et en tant que Juifs Libéraux.
La vie communautaire de Beth Hillel continue à faire germer l’espoir, lorsque nous
célébrons les bené mitzvah. Une fois de
plus, nos jeunes, Noam Bekhor et Naomi
Silberwasser, nous ont étonnés par la profondeur de l’analyse de leur parachah, qu’ils
nous offrent à méditer.
Au rayon des livres, Alexandre Ezra Piraux
nous invite à nous plonger dans un recueil
de deux conférences de Jacques Derrida. La
première s’intéresse au « Vivre ensemble »
qui est tellement mis en avant pour l’instant.
La seconde commente un texte de Franz
Kafka « Je pourrais, pour moi, penser un
autre Abraham », tiré d’une brève parabole,
une manière d’éclairer le patriarche d’une
lumière nouvelle et d’éviter l’enfermement
et le dogme. Nous avons également parcouru l’ouvrage dirigé par Freddy Raphaël
à propos des Juifs d’Alsace au XXème siècle :
études et analyses de certains aspects de
ces Juifs particuliers et de leur vie, présentés sous des angles parfois inattendus.
Nous vous souhaitons une bonne lecture et
espérons vous rencontrer à l’occasion des
festivités qui émailleront l’année jubilatoire
2015 à Beth Hillel.
D’avance Hag Pessah Sameah, (le seder
communautaire aura lieu le vendredi 3 avril
2015).
Luc Yehoshua Bourgeois
Rédacteur en chef
n
7
le shofar
Un Jubilé pour jubiler
par Alexandre Ezra Piraux
« En ce jour résonnera le grand shofar : alors arriveront ceux qui étaient perdus dans
le pays d’Achour, relégués dans la terre d’Egypte, et ils se prosterneront devant l’Eternel
sur la montagne sainte, à Jérusalem » (Isaïe 27 : 13).
Le mot Jubilé vient du terme hébreu « yovel ».
La justice sociale et la liberté
Lorsque nous ouvrons le dictionnaire de
Marc Cohn, hébreu-français, au mot « yovel »
nous sommes surpris, non par la signification
de ce mot en français mais par les significations de ce mot. En effet, le mot « yovel »
propose l’amphibologie 1 suivante : « bélier »
et « transporter, conduire ». L’amphibologie
ne nous enferme pas dans l’un des sens, mais
dans la relation entre eux-mêmes et nous
ouvre ainsi à l’interprétation.
L’année chabbatique ordinaire (chemitah) est
la septième année au cours de laquelle les
dettes sont libérées, le terrain mis en jachère,
et ses produits mis à la disposition de tout le
monde. (Lévitique, 25 : 4,7).
L’année appelée « Jubilé » est une année
chabbatique extraordinaire qui est célébrée
après un cycle de 7x7 (49) années soit tous les
cinquante ans, c’est-à-dire après un compte
de sept années chabbatiques. Elle implique
une proclamation de la liberté. Cette liberté
se manifeste par le retour de chaque travailleur et de sa famille à ses possessions patrimoniales. Cela se concrétise aussi par une
remise des dettes.
Ainsi le bélier est celui qui « transporte », qui
« conduit » (il transporte nos manquements
ou fautes). Mais le bélier fait également penser à sa corne, le « shofar » c’est-à-dire la
trompette en corne de bélier et par extension
une annonce d’un événement qu’on devine
important.
Un son qui conduit, qui transporte un évènement important.
L’année du jubilé, la terre était laissée complètement au repos, comme pendant l’année
chabbatique ordinaire qui a lieu tous les sept
ans, toutes les dettes sont remises, les terres
restituées aux descendants des propriétaires
anciens et les esclaves rendus à la liberté.
Les principes de justice sociale (tzedakah)
de réparation et de liberté sont donc historiquement et étroitement liés à la célébration
du jubilé.
1 L e terme « amphibologie » est admirablement défini par Roland Barthes. « Un même mot, dans un même phrase, veut dire en
même temps deux choses différentes et que l’on jouit (jubile ? ndlr) sémantiquement de l’un par l’autre ».
9
JUBILEZ !
Se situer dans le temps : un Jubilé pour
ponctuer le temps et se réjouir
La notion de jubilé est inévitablement associée à la mémoire d’une période écoulée. Pour
l’homme profane, le temps se répète, sans
variation, sans hiérarchie. Toutes les heures
sont semblables.
En revanche, la ritualité dans le judaïsme se
caractérise comme « l’art des formes symboliques dans le temps, comme une architecture du temps 2 » . La tradition juive proclame d’ailleurs qu’il existe une hiérarchie
des moments dans le temps et que toutes les
époques ne sont pas équivalentes.
10
Il s’agit surtout de prendre conscience de ce
temps écoulé et d’en tirer des enseignements
pour aller de l’avant.
L’année du jubilé est donc un marqueur temporel qui permet de remettre les compteurs
à zéro pour construire le futur.
Entre le monde de l’année 1965, qui est celle
de la fondation de Beth Hillel et le monde
d’aujourd’hui, il paraît parfois bien difficile
de construire rétrospectivement des ponts
pour retrouver le fil conducteur de tous les
changements intervenus dans la société.
Les changements sociétaux sont aussi bien
positifs que négatifs
La toute première question posée par Dieu à Un des aspects les plus notables et spectaAdam au jardin d’Eden est « où
culaires des bouleversements
es-tu ? » qu’on peut entendre
intervenus durant ces cinquante
Remettre les
dans le sens de « Où en es-tu ? »
dernières années semble être
compteurs
Mais « éikhah » signifie aussi,
celui de notre rapport au temps
à zéro pour
comment ?
et au rétrécissement de l’espace.
construire le
La question est posée à Adam
Selon le penseur allemand
futur.
même si la réponse est sans
contemporain Harmut Rosa,
doute connue du célèbre quesl’accélération du temps inclut
tionneur ; mais il n’est pas question de loca- trois dimensions : l’innovation technique,
lisation mais de bien faire le point après ce le changement social (principalement dans
séjour au gan eden.
le travail et la famille), et le « rythme de
vie ». On peut aussi ajouter une accélération
Toutefois, il ne s’agit pas tellement de se des mentalités, des comportements et des
(re)tourner trop longuement vers le passé, mœurs.
comme a pu le faire la femme de Loth, même
si un jubilé est l’occasion de regarder en Cette « accélération de l’accélération »
arrière et d’évaluer le chemin parcouru.
porte le risque de vider de tout sens profond
La femme de Loth (dont le nom n’est pas cité), des domaines fondamentaux de l’activité
s’est retournée lentement, et a regardé son humaine comme le travail, l’amour, le loisir 3
passé brûler. Alors que les siens continuent et a fortiori toute vie spirituelle.
à avancer, elle est figée, incapable de continuer. Elle reste là, statufiée. A trop regarder
et s’attarder on se sclérose.
2 Abraham Heschel, Les bâtisseurs du temps, Les éditions de Minuit, 1957.
3 Cf. Dany-Robert Dufour Le délire occidental, et ses effets actuels dans la vie quotidienne : travail, loisir, amour Les Liens qui
Libèrent, 2014.
le shofar
Ces constatations nous amènent à mesurer
l’importance du commandement du chabbat
hebdomadaire mais aussi de celui de l’année
chabbatique extraordinaire (le jubilé) qui est
une césure temporelle visant à nous ressourcer. Ce qui a été créé le septième jour est la
tranquillité, la paix et le repos (genèse rabbah, X, 9). Toutefois ce repos chabbatique,
qui est aussi celui de l’année chabbatique,
cette Menouha est plus qu’une abstention de
travail et d’activité. C’est un état où l’homme
s’apaise et met ses soucis au repos, mais ce
repos peut être éclairant et fécond. Cette
sérénité abrite donc une importante dimension de création et de renouvellement. La
récréation est une re-création.
Garder et cultiver l’esprit de ce sanctuaire
dans le temps qu’est le chabbat, est une des
façons de lutter contre une société d’anomie
et d’indifférence où l’homme est mis au service de la technique et de l’hyper consommation et où l’acte de consommation n’a d’autre
finalité qu’une autosatisfaction, par nature
insatiable.
L’année du jubilé qui est comme on l’a vu, une
année chabbatique extraordinaire est, me
semble-t-il, du même ordre. Elle représente
l’occasion d’une réinvention, d’une refondation et d’un renouvellement par des actions
différentes.
Si l’on y réfléchit bien, les actes de remise
de dettes et de terres à intervalles réguliers,
prescrits dans l’antiquité, et qui avaient en
théorie pour effet direct de provoquer la
restitution de certains droits patrimoniaux
acquis durant la période concernée, avaient
aussi comme conséquence indirecte de provoquer la (re)mise en question des habitudes.
C’était donc l’occasion d’un renouvellement
imposé par la nécessité de sortir d’une
exploitation épuisante des terres, et d’alléger
les pauvres du surpoids des dettes accumulées et donc d’aller également au-delà de la
routine des jours.
Cette annulation de la dette des plus démunis fait naturellement penser aux mouvements exigeant l’annulation de la dette du
tiers-monde (aujourd’hui appelé par euphémisme « les pays moins avancés ») ou d’Etats
européens en difficulté. Mais au-delà de ces
importants aspects de justice sociale, ne
peut-on aussi procéder à une lecture plus
symbolique et interpréter une telle annulation comme une sorte d’annulation des dettes
psychologiques des uns vis-à-vis des autres,
une levée des rancœurs et des récriminations
enkystées peut-être durant 49 ans 4, et donc
sur le long terme d’une génération à l’autre ?
Le jubilé c’est le moment de jubiler. La corne
du bélier émet un souffle de joie reconnaissant pour ce qui a été, pour ce qui est et pour
ce qui sera.
Alexandre Ezra Piraux
4 Malgré la purgation, l’expiation de Yom Kippour.
n
11
T I KO U N O L A M
12
le shofar
Judaïsme et Belgique
Discours prononcé par
Jacqueline Wiener-Henrion, le 18 janvier 2015
Aujourd’hui, être présent dans une synagogue, fréquenter un mouvement de jeunesse
juive, travailler au sein d’une institution juive,
déposer ses enfants à l’école juive, visiter un
musée juif, faire ses courses dans une épicerie juive, c’est hélas faire acte de résistance.
Parce que les Juifs d’Europe, les Juifs de
Belgique, les Juifs de notre pays, de mon
pays, sont une des cibles privilégiées d’une
idéologie islamique radicale. Celle-là même
qui, il y a 12 jours, avec le massacre perpétré
dans les locaux de Charlie Hebdo, deux jours
avant celui de l’Hyper Cacher, s’attaqua à une
des valeurs fondamentales de nos démocraties européennes : la Liberté.
Liberté. Liberté de caricaturer, liberté d’expression, liberté de penser, liberté de croire
ou de ne pas croire, liberté de vie, liberté
d’être en vie. En sécurité. Sans que l’on puisse
porter atteinte à votre intégrité physique ou
morale parce que vous êtes ce que vous êtes.
Cette liberté-là, il fut une époque, pas si
lointaine, où la population juive d’Europe y
accéda, après des siècles de soumission, de
ségrégation, voire de persécutions en tous
genres.
La Belgique fut une pionnière de liberté en la
matière. Car l’acquisition des droits civils et
politiques des Juifs intervint à des périodes
diverses, dans les différents pays de notre
’vieux’ continent, mais d’abord chez nous.
À la suite de son accession à l’indépendance
en 1830, la Belgique devint l’exemple type de
la modernité en Europe, notamment par le
libéralisme de sa Constitution. La liberté de
culte, l’égalité de tous les citoyens devant la
loi, la neutralité philosophique et religieuse
dans l’espace public, n’y furent pas inscrits en
vains mots et ne furent bafoués qu’entre le 28
octobre 1940, date de promulgation des premières ordonnances allemandes antijuives
en Belgique, et la Libération.
Dès 1830, donc, les Juifs de notre pays – peu
nombreux – se lovèrent avec un zèle farouche
dans une nouvelle bourgeoisie naissante qui
allait contribuer à l’épanouissement formidable du jeune Etat.
Cette émancipation des Juifs incita les plus
novateurs de nos aïeux, ici comme ailleurs,
à repenser le Judaïsme.
Car en effet, il s’agissait pour eux d’adapter
la sortie du cocon forcé dans lequel leurs
coreligionnaires avaient été si longtemps
maintenus, aux us et coutumes du monde
extérieur et à ses lois, dorénavant communes
à tous les citoyens.
L’Histoire du Judaïsme libéral débuta donc à
la fin du 18ème siècle et se développa tout au
long du 19ème siècle, avec ces pionniers qui
œuvrèrent pour que la religion juive puisse
répondre à l’extraordinaire et inédit défi que
représenta l’intégration des Juifs dans la
société européenne.
13
JUBILEZ !
Or donc, si ceux de nos aînés qui s’attelèrent
à la tâche furent dans un premier temps des
Juifs allemands, ils furent ensuite rejoints
dans leur mouvement réformateur par des
penseurs, responsables communautaires et
rabbins d’autres contrées européennes et
notamment de Belgique.
Les membres du Consistoire d’alors mirent
tout en œuvre pour affirmer la volonté d’intégration des Juifs de notre pays.
Cette volonté consistoriale d’intégration se
traduisit auprès des différentes communautés par des modifications apportées au culte,
typiques de la réforme, afin de montrer à la
face du monde combien les Juifs étaient peu
dissemblables de leurs compatriotes…
14
C’est ainsi qu’en Belgique, on introduisit,
dès son inauguration en 1834 à la première
grande synagogue consistoriale de Bruxelles
(alors établie Place de Bavière) des chœurs
mixtes, des enfants de chœur, une prédication en langue vernaculaire, un orchestre
et même, dès 1851, un orgue… qui jouait le
Chabbat !
C’est ainsi qu’en Belgique aussi, l’édification
des nouvelles synagogues des années 1870,
telles celle de Liège bâtie sur les ruines de
l’ancienne église Saint Julien, auparavant
transformée en halle aux viandes, ou celle
de la rue de la Régence à Bruxelles, furent
architecturalement organisées du sceau du
libéralisme ambiant…
Le mouvement rénovateur consistorial ne
s’arrêta pas là : aux réformes esthétiques
s’ajoutèrent celles de fond, telles l’émergence
tout à fait novatrice de sermons rabbiniques
diffusant une vision éthique et universaliste
du judaïsme, une instruction religieuse à la
synagogue indissociablement liée à l’instruction civique, la réduction de la durée des
offices par la suppression de certaines prières
ou encore la publication d’ouvrages prônant
une lecture rationaliste de la Torah…
Les grands rabbins de Belgique qui se succédèrent furent tous ce que l’on appellerait
aujourd’hui des rabbins ’libéraux’ :
- le 1er grand rabbin de Belgique, Eliakim
Carmoly, fut un adepte de la Haskala et était
un disciple de Naphtali Wessely 1 ;
- le 2ème grand rabbin de Belgique, Henri Loëb,
participa activement à l’importante réforme
de la liturgie voulue par le Consistoire ;
- le 3ème grand rabbin de Belgique, Aristide
Astruc, fut un libéral assumé qui participa au synode de Leipzig en 1869, une des
conférences rabbiniques qui se tinrent en
Allemagne au milieu du 19ème siècle et qui
revêtirent une importance considérable
dans l’histoire du Judaïsme libéral.
Ce Grand Rabbin de Belgique, Aristide
Astruc, compta, parmi ses plus fervents soutiens, un dirigeant communautaire qui devint
président du Consistoire. Cet homme, dont
je porte le nom et le prénom – féminisé –,
était libéral dans l’âme et profondément
convaincu du bienfondé de l’implantation en
Belgique d’un Judaïsme fidèle à ses traditions
mais résolument tourné vers la modernité.
1 Naphtali Herz (Hartwig) Wessely (1725–1805) fut, avec Moses Mendelssohn, un des chefs de file de la Haskala, le mouvement des
Lumières juives né en Allemagne à la fin du XVIIIème siècle.
Né à Hambourg, Wessely passa la plus grande partie de son enfance à Copenhague. Formé à la yeshiva du rabbin Eybeschuetz, il
s’intéressa à la littérature moderne et aux sciences qu’il appréhenda au travers d’ouvrages rédigés en différentes langues étrangères. Un temps banquier, Wessely consacra l’essentiel de son existence au judaïsme. C’est à Berlin où il s’installa en 1782 qu’il
devint le disciple de Moses Mendelssohn. Wessely se fit surtout remarquer pour son ouvrage sur l’Exode, la publication du ’Sefer
HaMidot’ –un traité d’éthique- et la diffusion d’un manifeste, ’Divrei Shalom Ve-emet’, rédigé sous forme d’un pamphlet en écho à
l’Edit de Tolérance promulgué par Joseph II. Ce manifeste -traduit en français et en italien- qui enjoignait les Juifs à suivre l’élan
voulu par l’Empereur et préconisait l’adjonction à l’instruction religieuse de sujets tels que la philosophie, les mathématiques ou
la géographie, fut très mal accueilli dans les milieux rabbiniques d’Europe centrale opposés au courant réformateur, lesquels en
vinrent même à menacer Wessely d’exclusion du judaïsme. JWH
le shofar
Il ignorait que leur formidable entreprise
novatrice allait s’éteindre, avec les vagues
successives d’immigration juive d’Europe
centrale et orientale, et qu’il faudrait attendre
1965 pour qu’enfin, grâce à un petit groupe de
Juifs anglo-saxons et un jeune rabbin français, Albert Dahan, elle revoie enfin le jour.
Cet homme, Jacques Wiener, le père de mon
arrière-grand-père, aurait été profondément
heureux que son arrière-arrière-petite fille
déclare à présent ouverte la cérémonie inaugurant l’année du Jubilé de la Communauté
Israélite Libérale de Belgique – Synagogue
Beth Hillel.
Jacqueline Wiener-Henrion
Aristide Astruc - gravé par Ch.Wiener
n
15
Grande synagogue de Bruxelles
le shofar
Beth Hillel.
La maison de Hillel.
Discours prononcé par
Gilbert Lederman, le 18 janvier 2015
Bienvenue à Beth Hillel. Votre présence
nombreuse et la diversité des responsables
communautaires, ici présents, nous touchent
beaucoup. Merci à vous tous.
Beth Hillel. La Maison de Hillel. L’association
de ces mots porte en elle une promesse que
nous célébrons aujourd’hui avec son jubilé.
Cette promesse, c’est celle de s’épanouir
dans un judaïsme ouvert et égalitaire, enraciné dans la tradition. A un gentil en voie de
conversion, lui demandant la définition du
judaïsme le temps de rester sur un seul pied,
Hillel le Sage répondit : « Ce que tu n’aimes
pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui.
C’est là toute la Loi. Le reste n’est que commentaires. Maintenant, va et étudie ».
Cette règle d’or tient dans un tweet de 140
caractères. L’essentiel y est énoncé : aucune
mention de l’Eternel, ni de pratiques rituelles,
mais une double invocation humaniste à l’altérité et à l’étude.
Chacun de nous est marqué ici par son histoire à Beth Hillel. Celle-ci remplit sa triple
mission de synagogue, celle d’être : une maison d’étude (Bet Midrach), un lieu de prières
(Bet Tefilah) et un centre communautaire
(Bet Knesset). Mais qui aurait pu penser en
1965, qu’en l’espace de 50 ans, notre communauté devienne un phare du judaïsme belge ?
Après la shoah, la reconstruction avec des
pierres était moins impérieuse que celle
des âmes. Ainsi, il fallait une sacrée dose
d’intuition de la part des fondateurs pour
confier le poste de rabbin à Albert Dahan.
Rabbi Dahan a œuvré pendant plus de quatre
décennies, avant de céder la place à Rabbi
Neiger, qui, tout en innovant, poursuit le rêve
de nos pionniers.
Si Beth Hillel trace son chemin de vie, c’est
grâce à son rabbin, à son staff, à son conseil
d’administration, au soutien de l’Etat, à ses
membres, mais c’est surtout grâce à ses nombreux bénévoles qui sont l’armature centrale
de notre édifice. Que tous ici soient chaleureusement et vivement remerciés pour leur
engagement et leur dévouement. J’aimerais
aussi partager avec vous, une forte pensée
pour ceux qui ne sont plus de ce monde, et
qui, en leur temps, ont contribué à notre communauté. L’air que nous respirons est rempli
de leur souffle, tandis que leur vision continue de nous inspirer.
Dans un monde anxiogène où ce qui est le
plus stable est le changement, le judaïsme
est structurant. On pourrait se demander si le
personnage central de la Torah, en filigrane,
ne serait pas finalement soi-même, tant la
Torah nous invite à une réflexion sur le sens
de notre existence, et à mener une vie responsable (de l’anglais : response – able. capable
[de fournir] des réponses). La nature du
judaïsme est de trouver un point d’équilibre
entre la lettre et l’esprit de la tradition. Ainsi,
alors que les sages du Talmud jugeaient avec
17
JUBILEZ !
la conscience de leur temps, nous jugeons,
nous, à notre tour, avec la conscience de
notre propre temps.
18
En fait, nous ne partageons rien de moins
que ce qui nous accompagne, dans la destinée de notre histoire, à savoir les valeurs du
judaïsme. Depuis 50 ans, c’est cet héritageAujourd’hui, après les drames du Musée Juif là, que nous transmettons à nos membres,
de Belgique et ceux de Paris, cette séance de génération en génération. Beth Hillel est
inaugurale s’inscrit dans une nouvelle un espace et un temps, où l’on rêve de notre
séquence, dans laquelle une exigence sup- tradition, où l’on partage des expériences,
plémentaire s’impose en diaspora, en plus où l’on crée du lien social et où l’on construit
de la lutte indéfectible contre
un avenir, car le juif a toujours
l’antisémitisme : celle d’ampliconfiance en l’espoir de temps
On pourrait se
fier l’épanouissement d’une vie
meilleurs.
demander si
juive, avec une émancipation
le personnage
plus forte que jamais dans la
Pour que cette lumière, le ner
cité.
tamid, brille dans cette synacentral de
Compte tenu des événe gogue, pour que notre commula Torah, en
ments des derniers jours,
nauté continue à éclairer les
permettez-moi de louer le
générations suivantes, l’esprit
filigrane, ne
travail de Monsieur Maurice
de Hillel le Sage continuera de
serait pas
So snowsk i, pré sident du
nous inspirer. Donc, pour les
Comité de Coordination des
50 ans à venir, accomplissonsfinalement
Organisations Juives, et de
nous donc pour le meilleur !
soi-même
Monsieur Julien Klener, président du Consistoire, qui, avec
Enfin, pour clore mon intervenleurs équipes respectives, ont veillé à l’intérêt tion avec jubilation, permettez-moi de citer
supérieur du yichouv. Nous les en remercions Woody Hillel, pardon Woody Allen le Sage :
de tout cœur.
« A ceux qui pensent que Dieu reste muet,
je leur répondrais : si seulement, nous
Donc, pour faire face à ce défi d’épanouisse- pouvions convaincre les hommes d’en faire
ment de la vie juive en diaspora, Beth Hillel, autant ».
à son niveau, compte sur quatre atouts :
Je vous remercie pour votre attention.
1. Avec un judaïsme vibrant, nous nous inscrivons dans la narration du peuple juif
Gilbert Lederman
n
2. Avec une capacité d’évolution, nous nous
déployons dans un état d’esprit stimulant
3. Nous bénéficions d’une diversité de
membres
4. Nous préservons le plus important :
l’amour d’un judaïsme altruiste
le shofar
Cette année sera pour vous
le Jubilé
Discours prononcé par
Rabbin Marc Neiger, le 18 janvier 2015
Comment condenser en quelques phrases
un jubilé, 50 ans de travail et d’action, alors
que je n’ai eu la chance de rejoindre cette
aventure que récemment ? La célébration de
mon propre jubilé pointe à l’horizon (j’aurais
50 ans l’an prochain), et j’essaie de mettre en
perspective la signification de ce cycle : 50
ans, un demi-siècle. 50 ans, c’est un peu plus
de la moitié de la vie d’un être humain, ce
sont deux générations, et c’est souvent plus
que la durée d’une vie active, d’une carrière.
La Torah nous le dit ainsi :
Vous sanctifierez cette cinquantième année,
en proclamant, dans le pays, la liberté pour
tous ceux qui l’habitent : cette année sera
pour vous le Jubilé, où chacun de vous rentrera dans son bien, où chacun retournera
à sa famille (Lev 25.10).
Pourquoi donc limiter la durée de l’activité ?
Surtout lorsqu’il y a matière à nous réjouir du
travail accompli. Or, si nous nous retournons
sur le parcours de Beth Hillel, il y a de quoi
être heureux et satisfaits, grâce à celles et
ceux qui ont dédié le meilleur de leur énergie
et de leurs talents à cette communauté.
Alors, pourquoi et comment marquer ce
cycle ? Par cette limitation à 50 ans, notre
tradition nous interpelle sur la manière de
mettre en œuvre le Jubilé. Même si notre fragilité d’êtres humains nous amène souvent à
contempler le travail déjà effectué pour pouvoir aller de l’avant et pour remercier ceux
qui y ont œuvré, le Judaïsme nous invite toujours à regarder vers le futur et non vers le
passé. C’est parfois une perspective difficile
à titre individuel, mais une perspective qui
reste nécessaire pour percevoir le sens que
donne le Judaïsme à notre monde.
Beaucoup d’entre vous connaissent l’histoire
de Honi Hame’aguel (Taanit 23a), Honi le traceur de cercles.
La cinquantième année, tous sont libérés
du service, même le serviteur qui refusait
d’être affranchi acquerra la liberté et retournera vers sa famille ; Rachi et les commentateurs du Moyen-âge sont quasi unanimes.
Actuellement, nous pourrions dire qu’une
carrière ne devrait pas dépasser 50 ans,
même pour celui qui souhaiterait continuer.
Alors qu’il se promenait, Honi remarqua
un homme qui plantait un caroubier et il
lui demanda : Combien de temps faut-il à
cet arbre pour donner des fruits ?
Septante ans répondit-il.
Crois-tu que tu seras encore en vie pour
en profiter ?
19
JUBILEZ !
L’homme rétorqua : j’ai trouvé un monde
empli de caroubiers parce que mes ancêtres
en avaient plantés, alors je plante celui-là
pour les prochaines générations.
Nous racontons souvent cette histoire à
l’occasion de Tou biChvat, le nouvel an des
arbres, car elle nous invite clairement à une
action responsable envers l’environnement
et les générations futures. Cette histoire est
résolument tournée vers l’avenir et exprime
de manière juive l’essence de ce que nous
appelons aujourd’hui l’exploitation durable.
Cependant l’histoire ne se termine pas là, et
le Talmud poursuit :
20
Honi mangea puis s’endormit. Pendant qu’il
dormait il fut masqué aux yeux du monde, et
il dormit pendant 70 ans. Quand il se réveilla,
il vit un homme qui cueillait des caroubes.
Es-tu celui qui a planté ce caroubier ?
Il répondit : Je suis son petit-fils.
Honi comprit qu’il avait dormi pendant
deux générations et se rendit à la maison d’étude. Là il entendit les rabbins qui
disaient :
– La loi est claire pour nous, comme lorsque
Honi venait en résoudre les difficultés.
– Mais je suis là, s’exclama Honi !
Ils ne le crurent pas et l’ignorèrent.
Honi est amer car les rabbins ne reconnaissent
pas son visage. C’est justement une question
de perspective. Honi voudrait faire un bilan
et être honoré pour ce qu’il a apporté, mais
il ne pourra l’obtenir. La perspective des rabbins dans cette histoire est différente, ils ne
reconnaissent pas Honi et ignorent le visiteur,
mais ils n’ignorent pas les accomplissements
de Honi pour autant : ils expriment ouvertement leur admiration et leur dette envers Honi
pour les avoir aidés à comprendre la loi. Euxmêmes continuent à étudier et poursuivent
ainsi l’œuvre à laquelle Honi a participé en
son temps, et dont Honi peut finalement
contempler la succession grâce à un étrange
phénomène temporel.
Les rabbins reconnaissent l’œuvre accomplie
mais, contrairement à Honi, ils sont tournés
vers l’avenir et leur voix est à la fois collective
et anonyme. Le Judaïsme n’est pas un chemin
personnel, le Judaïsme engage tout le peuple
Juif. Et d’une certaine manière, parce que le
peuple Juif est lui-même une miniature de
toute l’humanité, il engage également toute
l’humanité.
La célébration du jubilé de Beth Hillel, de
notre communauté, n’est donc par tournée
exclusivement vers les 50 ans écoulés mais
vers les 50 années à venir. C’est le sens de
« ledor vador », « de génération en génération » : quel Judaïsme, quels projets allonsnous transmettre aux générations suivantes ?
« Agir en juif, c’est chaque fois un nouveau
départ sur une ancienne route ». 1
Nous vivons une période difficile en Europe et
dans le monde, et, nous ne le savons que trop,
encore plus difficile pour les juifs. Comme
trop souvent nous sommes désignés comme
cibles et exutoires par ceux qui haïssent
les fondements de notre société. Peut-être
sommes-nous - malgré nous - un symbole de
liberté, la liberté que le jubilé vient justement
proclamer universellement ? Après Toulouse,
après Bruxelles, la barbarie nous a coupé le
souffle en frappant à Paris avec une violence
insoutenable, à la fois notre communauté,
l’emblème de la liberté qu’est Charlie Hebdo
et enfin les forces de l’ordre chargées de protéger l’idéal universaliste de notre société.
Malgré l’intensité de ce choc, qui vient s’ajouter à celui de l’attaque du musée Juif, et le
deuil qui continue à nous étreindre, je souhaiterais prendre le recul qui sied à la perspective du Jubilé, et comme les rabbins de
1 Abraham Joshua Heschel, "A passion for Truth", d’après les enseignements du Rabbi de Kotzk
le shofar
la maison d’étude de Honi, me tourner résolument vers l’avenir. Dimanche dernier, une
vague de fraternité dépassant largement les
frontières de l’Europe a uni de par le monde
ceux qui souhaitent affirmer le sens de la
liberté. Le souffle de ce rassemblement
contient des germes d’espoir pour l’humanité.
Rabbi Eleazar disait au nom de Rabbi
Hanina : Les disciples des sages accroissent
la paix du monde, comme il est dit, “Et tous
tes enfants (Banayikh) seront des disciples
de l’Eternel, Et grande sera la paix de tes
enfants”. 2 Ne lis pas Banayikh, “tes enfants”
mais Bonayikh, “tes bâtisseurs”.
Le terrorisme n’est pas la seule menace à
laquelle nous devons faire face ; l’évolution
de notre monde, la viabilité de l’exploitation
des ressources et le réchauffement climatique,
sont dans l’horizon des 50 prochaines années
des défis critiques. Ces défis ont une portée
absolument globale : c’est toute l’humanité
qui y est aujourd’hui confrontée.
Trop souvent, ce texte est mal compris en
interprétant "tes bâtisseurs" par "ceux qui
TE bâtiront", comme si nos mérites pouvaient
s’appuyer sur les œuvres de nos enfants à
venir. Cette attitude, que l’on rencontre pourtant souvent, mène directement à une forme
de cynisme qui nous autoriserait à vivre à
crédit sur le dos des générations futures.
Nous voyons bien que les religions sont capables
de fédérer et de motiver avec une force extraordinaire. Ce sont les croyances religieuses,
toutes les croyances qui touchent à ce qui
dépasse et transcende l’être humain, qui sont
le moteur apte à l’action. Malheureusement, les
religions sont capables de le faire tant pour le
meilleur que pour le pire. Dans la pensée religieuse, le premier pas d’une catalyse destructrice est le repli sur soi-même, inéluctablement
accompagné du rejet et de la haine des autres.
Au contraire, le possessif "tes" indique les
bâtisseurs qui viendront de TA lignée, les
bâtisseurs que TU engendreras. Le cœur de
l’enseignement de ce Midrach, et le principe
de cette année Jubilaire, est la transmission
symbolisée par la phrase Ledor Vador, de
génération en génération. Nous devons préparer le Judaïsme des 50 prochaines années,
insuffler ce qui permettra d’accroître la paix,
et participer à bâtir la société civile du futur.
Le Judaïsme libéral n’est pas une panacée
mais il est une réponse constructive, juive.
Et j’ai envie de lire ici libéral comme « libérateur », car notre Judaïsme refuse toute
tentation de repli sur soi. C’est un Judaïsme
qui prône à la fois l’intégration à notre société
et la coexistence avec les autres religions. Il
offre une manière de laisser jaillir la dynamique universaliste du Judaïsme, une façon
de transmettre à nos enfants cette vision dont
les générations qui viennent auront besoin, et
d’être un exemple pour nombre de concitoyens
d’autres croyances.
Nous trouvons le petit Midrach suivant en
conclusion du traité Berakhot (64a) :
Parce que nous affirmons que notre vision du
Judaïsme est progressiste, nous voulons à la
fois tenir compte des spécificités du Judaïsme
et être un modèle pour bâtir une société plus
juste et plus solidaire face aux défis des prochaines décennies comme nous le proclamons explicitement à la fin de chaque office.
Celui qui établit la paix dans Ses hauteurs
établira la paix sur nous, sur tout Israël et
sur toute l’humanité. Et nous dirons : amen.
Rabbin Marc Neiger
2 Isaïe 54.13. S’adressant à Israël personnalisé par une femme stérile.
n
21
Offrez un Oneg Chabbat
Créez un moment de partage,
convivial et informel, à l’occasion
de toute commémoration ou
célébration qui vous tient à cœur.
… A quand votre
Oneg Chabbat ?
Appelez-nous au 02.332.25.28.
le shofar
Un judaïsme ouvert
sur la cité
Discours prononcé par
Stéphane Beder, le 18 janvier 2015
Transcription du discours de Stéphane
Beder, président de la FJLF (Fédération
du Judaïsme Libéral Francophone)
exemple, en concevant et produisant des
ouvrages d’enseignement moderne en langue
française, mais également dans l’organisation de centres de vacances pour nos jeunes.
Mesdames, Messieurs, les responsables Beth Hillel, comme d’autres synagogues,
laïques et religieux, chers amis,
contribue aussi à la formation de rabbins
francophones, dont la demande augmente
Beth Hillel, dont nous célébrons l’ouverture avec le développement de nos communaude l’année jubilaire ce matin, est la deuxième tés dans toute la région. Et puis, tout sim(en âge) synagogue libérale du
plement, l’échange. L’échange,
monde francophone, après
notamment de meilleures prale Judaïsme
l’ULIF de la rue Copernic à
tiques que nous partageons,
Libéral, c’est
Paris (Union Libérale Israélite
sans avoir à les réinventer, dans
de France), qui est déjà centechaque communauté.
tout
sauf
un
naire. Et, effectivement, comme
judaïsme
il est bon de le rappeler, elle
Alors, ce que nous avons en
fait partie de la Fédération du
commun, c’est cette notion de
« light ». C’est
Judaïsme Libéral Francophone,
Judaïsme Libéral, un judaïsme
tout sauf un
ensemble qui réunit des comouvert sur la cité, c’est-à-dire,
munautés en Belgique, au
judaïsme facile. complètement intégré dans la
Luxembourg, en Suisse et en
vie civile.
France. Et je salue d’ailleurs
Un judaïsme ouvert aux autres,
les représentants des différentes commu- notamment à travers le dialogue interrelinautés ici présentes : Genève, Belgique bien gieux qui est, plus que jamais, fondamental.
sûr, Luxembourg (Esch sur Alzette), Lyon, Un judaïsme inclusif où nous voulons être
Toulouse, Paris, et également Kehilat Gesher accueillants, à commencer par ceux et celles
(la synagogue franco-américaine de Paris), qui se lancent sur le chemin d’une conversion.
la CJL, l’ULIF, le MJLF et d’autres que je n’ai Un judaïsme qui rejette toute forme de dispeut-être pas encore vues avant ce matin.
crimination, que ce soit sur les orientations
Beth Hillel a toujours apporté, et conti- sexuelles ou autres.
nue d’apporter une singularité, et joue un Et un judaïsme profondément égalitaire, à
rôle majeur dans cette fédération où nous commencer entre les hommes et les femmes.
coopérons en matière d’enseignement, par
23
JUBILEZ !
Contrairement à ce que certains pensent parfois, le Judaïsme Libéral c’est tout sauf un
judaïsme « light ». C’est tout sauf un judaïsme
facile.
24
Et puis, elle a décidé de bouger, de venir à
Bruxelles et elle a été l’une des victimes qui a
trouvé la mort au Musée Juif de Belgique. Il y
a moins de dix jours, c’était une Belge, Sarah
Bitton, qui était parmi les otages de l’hyper
marché cacher de Vincennes.
C’est un judaïsme exigeant et, notamment,
parce qu’il est tourné résolument vers l’action. C’est un judaïsme moderne qui corres- Mais ce ne sont pas nos ennemis qui nous
pond aux aspirations de plus en plus fortes définissent.
que nous entendons et qui corNous voulons incarner un
respond à ce simple fait qu’il y
judaïsme positif qui, bien sûr,
Ce ne sont pas
a plusieurs manières de vivre
combat résolument toutes les
son judaïsme.
formes d’antisémitisme - même
nos ennemis
celles qui, au nom de l’antiraqui nous
Nous ne prétendons pas être la
cisme ou au nom de l’intégrisme
seule et l’unique.
religieux, se déguisent sous
définissent
Nous ne nous développons pas
l’antisionisme - et c’est bien un
au détriment de qui que ce soit
judaïsme positif que nous contiou contre qui que ce soit.
nuerons d’incarner.
Par contre, nous sommes déterminés à vivre
pleinement une tradition évolutive.
Et je veux simplement terminer en citant
Edmond Fleg :
On a évoqué déjà ce matin les événements « Je suis Juif, parce que pour Israël l’homme
monstrueux de ces derniers jours et de ces n’est pas créé, les hommes le créent.
derniers mois et c’est vrai que ces attaques Je suis Juif, parce qu’au dessus des nations
nous montrent, si besoin était, à quel point et d’Israël, Israël place l’homme et son
notre sort est lié. Le Rabbin Dahan parlait unité. »
d’évoquer les noms. Dominique Sabrier était
née en Suisse et j’ai eu la chance de pouvoir la Merci.
côtoyer toutes les semaines, lorsque nous suivions des cours avec le Rabbin Cohen à Paris. Stéphane Beder
n
AV R I L- M A I - J U I N 2015
N I S S A N - I YA R - S I VA N -TA M O UZ 5775
AVRIL 2015
Vendredi 03/04/2015
Samedi 04/04/2015
18h30
10h30
Vendredi 10/04/2015
19h00
Samedi 11/04/2015
Mercredi 15/04/2015
10h30
18h30
Jeudi 16/04/2015
18h30
Vendredi 17/04/2015
Samedi 18/04/2015
19h00
10h00
11h00
Lundi 20/04/2015
Mardi 21/04/2015
Mercredi 22/04/2015
Jeudi 23/04/2015
Vendredi 24/04/2015
Samedi 25/04/2015
14h15
19h00
20h00
10h30
Kabbalat Chabbat et Seder communautaire de Pessah
15 Nissan – Pessah
1er jour de Pessah
7ème et dernier jour de Pessah
Kabbalat Chabbat
22 Nissan – Chemini
Yom HaShoah : Début de la lecture des noms des déportés
et résistants juifs de Belgique, sur Radio Judaïca (FM 90.2)
Cérémonie commémorative de Yom HaShoah (voir page 42)
Mémorial aux Martyrs Juifs de Belgique
Kabbalat chabbat
29 Nissan – Tazri’a-Metzora
Kenéh Lekha Haver (Etude de la parachah)
Roch Hodèch Iyar
Café Klatsch
Yom haZikaron
Yom ha’Atzmaout
Kabbalat Chabbat
Repas chabbatique communautaire «spécialités israéliennes »
6 Iyar – Aharé Mot-Kedochim
Oneg chabbat offert par le Conseil d’Administration à la communauté en l’honneur de Serge Rozen, Président du CCOJB.
AV R I L- M A I - J U I N 2015
N I S S A N - I YA R - S I VA N -TA M O UZ 5775
MAI 2015
Vendredi 01/05/2015
Samedi 02/05/2015
Jeudi 07/05/2015
Vendredi 08/05/2015
Samedi 09/05/2015
Dimanche 10/05/2015
18h30
10h30
Vendredi 15/05/2015
Samedi 16/05/2015
19h00
10h00
11h00
Mardi 19/05/2015
Vendredi 22/05/2015
Samedi 23/05/2015
26
Jeudi 28/05/2015
Vendredi 29/05/2015
Samedi 30/05/2015
19h00
10h30
18h00
14h15
19h00
10h30
19h00
19h00
19h00
10h30
14h00
Dimanche 31/05/2015 09h30
Kabbalat Chabbat Ledor Vador
13 Iyar - Emor
Lag Ba’Omer
Kabbalat Chabbat
20 Iyar - Behar
Jubilé Beth Hillel : Soirée Berit Matan Torah
Célébration de l’Alliance du Don de la Torah
Repas communautaire
Kabbalat Chabbat
27 Iyar – Behoukotaï
Kenéh Lekha Haver (Etude de la parachah)
Roch Hodèch Sivan
Café Klatsch
Kabbalat Chabbat
5 Sivan – Bamidbar
Havdalah, office erev Chavou’ot,
Repas communautaire lacté
Tikkoun Lél Chavou’ot (nuit d’étude)
avec IJC (International Jewish Center)
Cours d’exploration midrachique
Kabbalat Chabbat
12 Sivan – Nasso
Stage « L’hébreu : Alphabet Sacré » avec Frank Lalou
et Tina Bosi (voir la brochure reçue avec ce Shofar)
Stage « L’hébreu : Alphabet Sacré » - suite
« L’hébreu : Alphabet Sacré »
Symbolique des lettres et Téhima (Taï Chi hébraïque)
Les samedi 30 mai et dimanche 31 mai 2015
Toutes les traditions mystiques du monde ont des gestuelles sacrées, des prières en mouvement. Le Taoïsme et le Taï-Chi
sont issus de l’Orient. En revanche, la Kabbale fut codifiée en Provence, ce qui l’enracine dans notre culture occidentale.
Tina Bosi, chorégraphe, massothérapeute et Frank Lalou, calligraphe hébraïque et auteur de nombreux livres sur la Bible,
ont créé la Téhima, un ensemble de 22 chorégraphies à partir de la Kabbale antique et médiévale. Chaque lettre hébraïque
est reliée à une zone du corps humain. Un véritable Yoga, ou Taï-Chi, hébraïque est né de leurs recherches philosophiques
et corporelles. Ils nous y initieront lors de ce stage exceptionnel, par une approche tant théorique que pratique. Ceux qui le
souhaitent pourront compléter le stage par une pratique de méditation hébraïque (optionnel).
Coût : Membres de Beth Hillel, en ordre de cotisation : 100 € - Non-membres : 130 €
Optionnel : Exercices de méditation hébraïque : 20 € (dimanche 31 mai 2015, de 18h00 à 19h30).
Les frais d’inscription sont à verser sur le compte de la C.I.L.B., mention STAGE LALOU :
IBAN : BE84 1925 1337 4259 - BIC (Swift) : CREGBEBB
Votre inscription vous sera confirmée dès réception du paiement.
AV R I L- M A I - J U I N 2015
N I S S A N - I YA R - S I VA N -TA M O UZ 5775
JUIN 2015
Vendredi 05/062015
Samedi 06/06/2015
Jeudi 11/06/2015
18h30
10h30
17h00
Vendredi 12/06/2015
Samedi 13/06/2015
Mardi 16/06/2015
Jeudi 18/06/2015
Vendredi 19/06/2015
Samedi 20/06/2015
19h00
10h30
14h15
Vendredi 26/06/2015
Samedi 27/06/2015
19h00
10h00
11h00
19h00
20h00
10h30
Le Cercle d’Etude se déroule
le troisième samedi du mois,
directement après l’office
court de chaharit à 10h00.
• Office court: 10h00
• Kenéh Lekha Haver:
11h00 à 13h30
Ouvert à toutes et tous. Ceux
qui désirent rester déjeuner
ensemble à la synagogue
après l’étude sont les
bienvenus.
Kabbalat Chabbat Ledor Vador
19 Sivan – Beha’alotekha
Assemblée générale statutaire annuelle de Gan Hashalom
(voir convocation page 8)
Kabbalat Chabbat
26 Sivan - Chelah
Café Klatsch
Roch Hodèch Tamouz
Kabbalat Chabbat
3 Tamouz – Korah
Kenéh Lekha Haver (Etude de la parachah)
Kabbalat Chabbat
Fête de Talmidi – Repas chabbatique communautaire
10 Tamouz - Houkat
Cercle d’Etude
Kenéh Lekha Haver
Kenéh Lekha Haver
Tous les 3èmes samedis du mois:
10h00 à 11h00: Office court de chaharit
11h00 à 13h30: Kenéh Lekha Haver
• Samedi 18 Avril 2015 (Tazri’a-Metzora)
• Samedi 16 Mai 2015 (Behoukotaï)
• Samedi 20 Juin 2015 (Korah)
• Pas en juillet
Infos et inscriptions:
Secrétariat: 02.332.25.28 ou [email protected]
27
COURS ET ACTIVITES PERMANENTES
Informations & inscriptions : [email protected] ou 02.332.25.28
Judaïsme, Pensée et Pratique
Cours d’initiation au Judaïsme
Chaque lundi de 19h00 à 21h30.
Le cours est accessible après inscription
uniquement et s’accompagne d’une initiation
à l’hébreu biblique, lorsque nécessaire.
Kenéh Lekha Haver – Cercle d’Etude
Etude de la parachah de la semaine
Chaque troisième samedi du mois,
après l’office de chaharit chabbat
10h-11h : Office chaharit
11h00-13h30 : Kenéh Lekha Haver
Office de chaharit chabbat écourté, suivi
directement de la session d’étude de la
parachah. (voir annonce p. 27)
Cours d’Exploration Midrachique
Cours et Etude des textes de la tradition
Prochain cours : jeudi 28 mai 2015
Thème du cycle en cours :
« Un Temps pour Mourir »
Réflexion autour de la fin de vie assistée.
Talmidi
Cours de Talmud Torah pour tous les
enfants de 5 à 13 ans (4 classes).
SAUF : 8 avril et 15 avril 2015
Dernier cours : 27 mai 2015
Talmidi spécial Gan Binyamin avec
Chantal : 3, 10 et 17 juin 2015
NOTEZ BIEN ! Fete de Talmidi et repas
communautaire chabbatique : vendredi
26 juin 2015 à 19h00
Inscriptions & infos : [email protected]
Café Klatsch
Réunion conviviale et informelle pour les
seniors (et les moins seniors aussi bien sûr)
Tous les troisièmes mardis du mois,
de 14h15 à 16h30.
Débat amical autour du thème du jour, en
savourant un délicieux goûter, du thé, du
café, … et de l’amitié.
le shofar
Parachah Chemot
par Noam Bekhor
Ce matin, à l’occasion de ma bar-mitzvah, j’ai
décidé de commenter ma parachah.
La première chose qui a attiré mon attention
dans Chemot c’est : pour quelle raison Dieu
n’a-t-il pas empêché que les Hébreux soient
réduits en esclavage ? Mais surtout comment
cela est-il arrivé ?
C’est le verset 8 du premier chapitre qui nous
donne une première explication. Il nous dit
ceci :
« Un roi nouveau s’éleva sur l’Égypte, lequel
n’avait point connu Joseph ».
Dans le “Talmud Sota 11a” le commentaire
de Rachi sur le sujet nous donne deux explications. Ainsi pour lui les interprétations de
Rav et Samuel diffèrent : « pour Rav c’est que
pharaon était vraiment nouveau, car il est
écrit dans le texte “un nouveau roi.”, tandis
que pour Samuel ce sont ses décrets qui sont
nouveaux parce qu’il n’a pas été déclaré que
[l’ancien roi] est mort et qu’il régna [à sa
place]. »
Quant à la suite de la phrase :
« lequel n’avait point connu Joseph” - il
était comme un homme qui ne connaît pas
[Joseph] du tout. »
Au verset suivant, toujours au sujet de l’esclavage des Hébreux, il est écrit :
« Et il dit à son peuple : Voici le peuple des
enfants d’Israël. »
Les Tanaïm nous enseignent que : « Il
[Pharaon] est a l’origine du premier plan, et
donc il est puni en premier, car il est écrit :
“Et il dit à son peuple” ; donc il a été puni
d’abord, comme il est écrit : À toi, sur ton
peuple, et sur tous tes servants. »
En poursuivant le commentaire dans le verset suivant, on lit : « Or, les enfants d’Israël
avaient augmenté, pullulé, étaient devenus
prodigieusement nombreux et ils remplissaient la contrée… (1 :7) »
« Rech Lakich nous dit : “Le Saint, bénisoit- il, leur a annoncé. « Plus ils vont se
multiplier et plus ils pourront sortir de
leur terre. » Et les Égyptiens étaient tristes
à cause des enfants d’Israël.”
Cela nous enseigne qu’ils (les Hébreux)
étaient comme des épines [Kozim] dans
leurs yeux.
“Et les Égyptiens réduisirent les enfants
d’Israël en esclavage.” »
C’est ce qui me permet de penser que les
Égyptiens avaient peur du grand nombre
d’Hébreux en Égypte et ils ne voulaient
pas que la culture et surtout la religion des
Hébreux prennent le dessus sur la leur. Les
Égyptiens avaient peur de la différence des
Hébreux. La peur de la différence est encore
un mal actuel et, si nous ne faisons pas attention, nous pouvons aussi bien en être coupable que victime.
Plus loin, la Torah nous explique comment
Pharaon s’y prend pour persécuter les
Hébreux.
Comme on peut le lire au verset 11 : « Et l’on
imposa à ce peuple des officiers de corvée
pour l’accabler de labeur et il bâtit pour
Pharaon des villes d’approvisionnement,
Pithom et Ramessès. »
29
N O S B EN É M I T Z VA H
Le rabbin Moshe Haim Luzzatto nous explique
que les Égyptiens sont restés silencieux
lorsque Pharaon a d’abord proposé de déporter
les Hébreux ; ce sont les officiers égyptiens qui
ont été chargés spécifiquement de surveiller
de manière impitoyable le travail des Hébreux
à la construction des villes d’approvisionnement. Puis au verset suivant (1 :15) Pharaon
s’adresse aux sages-femmes. Le commentaire
de Rabbi Luzzatto est que :
« Les sages-femmes, se trouvant faibles, elles
n’ont pas obéi a l’ordre de Pharaon, car elles
avaient peur de la punition divine ». Rabbi
Luzzatto complète son commentaire en disant
qu’il aurait été facile à tout le peuple égyptien
d’éviter, ou au moins atténuer, les décrets de
Pharaon comme l’ont fait les sages-femmes.
J’en conclus que Pharaon ne fait pas face à
Dieu et que les sages-femmes préfèrent écouter
Dieu que Pharaon. Pour faire face à Pharaon il
fallait que Moïse s’en charge.
30
C’est de Moïse dont je souhaiterais vous parler
maintenant.
Moïse est probablement l’un des personnages
les plus emblématiques de la Bible (en dehors
de Dieu bien sûr). Dans le cadre de ma parachah, ce qui m’a fort intéressé chez Moïse est le
fait qu’il revienne vers ses origines pour sauver
le peuple hébreu. Il réussit à convaincre et à
mener tout le peuple hébreu hors d’Égypte et à
le sortir de l’esclavage mais surtout (avec l’aide
de Dieu bien sûr) à le mener vers sa terre promise. Ce qui est assez impressionnant c’est que
Moïse a réussi à garder son sang froid lorsqu’il
a appris qu’il ne pourrait pas rentrer en Israël
alors qu’il aura tout donné pour que le peuple
hébreu puisse rejoindre cette terre.
La première question que je me suis posée est :
comment Moïse s’est-il présenté aux Hébreux ?
C’est sur les conseils de Dieu, comme on peut
le lire dans ce verset : « Va rassembler les
anciens d’Israël et dis-leur : “L’Éternel, Dieu
de vos pères, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de
Jacob, m’est apparu en disant : J’ai fixé mon
attention sur vous et sur ce qu’on vous fait
en Égypte.” » (3 :16)
Mais c’est au verset 18 que le texte nous donne
la réponse. Il est écrit : « Et ils écouteront ta
voix ; alors tu iras, avec les anciens d’Israël,
trouver le roi d’Égypte... »
Pourtant, plus loin dans la parachah, au
moment où Moïse et Aaron se présentent au
Pharaon, les anciens ne sont pas avec eux.
Comme nous l’explique le Midrach Rabba :
« Puis, Moïse et Aaron vinrent trouver
Pharaon… » (5 :1).
Où étaient les anciens ? Partis ?
Puisqu’ils ne sont pas mentionnés ici, alors que
l’Eternel lui avait dit : « Et tu iras, toi et les
anciens d’Israël … » (3 : 18) ? Nos Sages ont
ainsi expliqué que les anciens sont effectivement allés avec Moïse et Aaron, mais ils se
sont dérobés furtivement, individuellement
ou par paires, de sorte qu’au moment où ils
ont atteint le palais de Pharaon, pas un seul
d’entre eux était là.
En conséquence, le texte nous dit ceci : « Puis,
Moïse et Aaron vinrent trouver Pharaon… »
les anciens ayant disparu.
Alors le Midrach nous raconte que Dieu leur
dit : « c’est donc ce que vous avez fait ! Eh
bien, comme vous vivez, je vous punirai ».
Mais quand l’Eternel les punit-il au juste ? C’est
lorsque Moïse et Aaron allèrent avec les anciens
au Mont Sinaï pour recevoir la Torah, que Dieu
leur tourna le dos. Comme il est écrit au chapitre 24 verset 14 : « Il avait dit aux anciens :
“Attendez-nous ici jusqu’à notre retour...” »
C’est en allant au talmud torah, avec l’envie de
découvrir mes racines, que je me suis plongé
avec plaisir dans la découverte des valeurs
que défend le judaïsme et de notre tradition.
En préparant ma bar mitzvah, ce qui fait que je
suis juif a pris de l’importance pour moi, et m’a
permis de comprendre ce que m’ont transmis
mes parents, cet héritage qui depuis Moïse a
permis au peuple juif de devenir ce qu’il est
maintenant.
Noam Bekhor
n
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le shofar
Parachah Yitro
par Naomi Silberwasser
La préparation de ma bat mitzvah a été pour
moi l’occasion de découvrir comment notre
tradition plus ou moins ancienne voyait la
Torah. Bien sûr le personnage, la personnalité, qui est le centre de beaucoup de commentaires de la parachah Yitro, est Moïse.
Au début de la parachah, lorsque son beaupère Yitro vient à sa rencontre, il met le doigt
sur la manière qu’a Moïse de rendre la justice.
Pour Yitro, Moïse ne devrait pas s’occuper de
tous et de tous leurs problèmes, car il reçoit
en plus bien d’autres responsabilités de la part
de l’Eternel.
C’est normal, Moïse, tout comme nous, ne saurait pas tout gérer d’un coup.
Pour ma part, la principale leçon que l’on peut
tirer des conseils de Yitro est que l’on peut se
faire aider par tous. C’est probablement cela
la solidarité.
Pour en revenir à la parachah, pour quelle raison Moïse rend-t’il la justice seul, sans aide ?
Comme le lui fait remarquer Yitro dans le
verset 14 « Le beau-père de Moïse, voyant
comme il procédait à l’égard du peuple, lui dit:
“Que signifie ta façon d’agir envers ce peuple?
Pourquoi sièges-tu seul et tout le peuple stationne- t-il autour de toi du matin au soir?”. »
Pour Issac Erama, dans le commentaire
Akedath Yitzchok, cela s’explique par le fait
que Moïse, à l’époque pré-sinatique, rendait la
justice a la manière des gentils, c’est à dire en
se basant sur des appréciations personnelles.
Pour Yitro cette façon de rendre la justice ne
pouvait pas fonctionner. Il conseilla donc à
Moïse au verset 18 ceci : « Représente, toi seul,
le peuple vis-à-vis de Dieu, en exposant les
litiges au Seigneur; notifie-leur également les
lois et les doctrines… »
C’est ainsi que Moïse peut déléguer le pouvoir
de justice à différentes personnes.
L’exemple que donne Moïse en écoutant son
beau-père est très important, il nous permet
de comprendre qu’une personne seule ne peut
pas rendre la justice, elle a besoin d’aide.
En décentralisant la justice, elle redevient
accessible a tous. Moïse lui, se concentre
sur son rôle d’intermédiaire entre l’Eternel
et le peuple. C’est ce que nous expliquent les
versets 16 et 18, lorsque qu’ils parlent de tous
les intermédiaires mais aussi du rôle que joue
Moïse.
Dans ces quelques versets on nous parle
de Dieu. Le nom de Dieu utilisé est Elohim,
or, d’après les commentateurs rabbiniques,
le nom Elohim est employé lorsque l’on
veut mettre l’accent sur les lois et la justice
divine. Il est souvent tempéré par l’utilisation
du tétragramme, qui symbolise le Dieu de
miséricorde.
C’est en donnant des responsabilités aux
autres qu’on les rend plus matures, donc plus
libres.
La liberté, telle qu’on l’imagine dans la bible,
nous oblige à respecter la loi, la Torah. Si on
veut être responsable, il faut que l’on respecte
la loi.
En tant que bat mitzvah, je suis à présent
responsable, non seulement de mes actes,
mais aussi de ceux des autres, et envers la
loi. Cette maturité me permet de savoir gérer
33
N O S B EN É M I T Z VA H
les problèmes et de ne plus dépendre systématiquement de mes parents.
Le bon sens de Yitro est là pour nous rappeler
que les commandements ne valent que s’ils
sont acceptés par le plus grand nombre et pas
réservés à une élite qui est seule à les comprendre et les appliquer.
34
Et les enfants des hommes attendent toujours
Tes miséricordes aussi innombrables que
des grains de sable;
La loi qu’ils ont reçue de la bouche de ta
gloire,
Ils apprennent et examinent et comprennent.
Oh! Accepte leurs chansons et réjouit toi de
leur joie,
Qui proclame ta gloire dans tous les pays.
Bien sûr, lorsque l’on parle de justice et de
loi on pense a ce qui constitue le coeur de la
parachah Yitro, mais aussi de notre vie juive : A la lecture de ce poème il m’est apparu
le Décalogue. Les 10 commandements ont été évident que le lieu n’avait pas d’importance.
de nombreuses fois interprétés,
Cependant dans un Midrach
pour ma part j’ai préféré me
extrait de Mekhilta de Rabbi
C’est en
questionner sur le lieu qu’est le
Ischmael, on nous raconte ceci:
Mont Sinaï.
« Les montagnes se disputaient
donnant des
elles, voulant chacune que
responsabilités entre
Dieu a voulu impressionner et
la Sherinah réside chez elles.
aux autres
donc il a choisi une montagne
Chacune se vantait de sa haupour être plus haut. Bien que la
teur et de sa spécificité. Dieu
qu’on les rend
montagne soit sur la route des
dit: ma présence résidera sur
plus matures,
hébreux. En fait de nos jours,
le mont Sinaï, le plus petit et le
nous ne savons pas exactement
plus insignifiant de tous. Car le
donc plus
où elle se situe.
mont Sinaï ressemble à Moïse,
libres.
dont l’humilité lui fit refuser le
J’ai cherché, avec l’aide de
rôle de meneur ».
Catherine, aussi bien sur internet que dans sa
bibliothèque, des références pouvant m’expli- Je pense que, bien que le lieu en lui même n’ait
quer la raison pour laquelle l’Eternel a choisi pas d’importance, c’est la modestie qui est le
cette montagne. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup lien entre le Mont Sinaï et Moïse ; ce qui les
de références sur le sujet, j’ai découvert un lie également tous les deux est notre impossipoème de Juda Alevin qui nous parle du mont bilité a situer exactement leur emplacement :
Sinaï:
aussi bien celui du Mont Sinaï, que celui de la
tombe de Moïse. C’est ainsi que, par humilité
Quand tu es descendu sur le mont Sinaï,
devant l’Eternel, ces deux endroits ne pourIl se secoua et trembla sous ta main forte,
ront jamais donner lieu à un culte propre.
Et les rochers ont été déplacés par ta puissance et ta splendeur;
Il est évident que ce qui nous interpelle c’est
Comment alors mon esprit peut se tenir la parole divine et la loi, qui font que, encore
avant toi
aujourd’hui après tant d’années, je suis là
Le jour où l’obscurité se répandit sur les devant vous pour vous en parler. Que les
cieux,
paroles, les commandements qui nous ont été
Et le soleil était caché à ta commande?
donnés au Mont Sinaï par l’intermédiaire de
Les anges de Dieu, pour l’adoration de ton Moïse inspirent encore notre vie.
grand nom,
Sont rangés devant toi, en une bande (Ouf, maintenant que j’ai fini, laissons la place
brillante,
aux sentiments )
le shofar
C’est avec toi maman que j’ai envie de commencer, tu es toujours là pour moi quand j’ai
besoin de toi, et j’en ai souvent besoin, enfin…
encore pour un moment. Tu es une femme
exceptionnelle, je t’adore ; j’adore surtout
nos après-midis ensemble, nos câlins. Bref
ne change pas.
Elliot, toi tu es mister foufou. Toi, tu es toujours là pour faire des bêtises que ce soit avec
moi ou tout seul, en tout cas tu n’en rates pas
une ! Ou même pour me taquiner, mais à part
ça, même si je ne te fais pas trop de câlins, je
t’aime plus que tout, tu es mon petit foufou
d’amour. Toi non plus, ne change pas.
Papa, toi tu es monsieur blague, parfois drôle,
parfois pas du tout, mais bon ce n’est pas très
grave car toi, tu es toujours présent pour faire
le taxi. Mais bon à part ça, tu es toujours là
pour les autres et ça je trouve ça exceptionnel.
Je t’aime super fort.
J’ai de la chance de vous avoir tous, car sans
vous les journées à la maison ou a l’école
seraient tout autre chose, et surtout, tous les
quatre, sachez que je vous aime plus que tout
au monde. Merci d’être toujours là pour moi.
Naomi Silberwasser
n
David, toi tu es monsieur distrait, mais ça
c’était avant. Toi, je sais que tu es toujours
là quand j’ai besoin de toi pour l’hébreu, pour
les maths, pour le néerlandais, etc... Même si
je ne te le dis pas beaucoup, je trouve que tu
joues super bien au piano.
35
Noam Bekhor
Naomi Silberwasser
Importation de vins fins de France
Jackie et Maurice Vandiepenbeeck-Horn
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tél. 02 215 37 75 – [email protected] – www.benevins.com
le shofar
Juifs d’Alsace au XXè siècle
par Luc Bourgeois
Juifs d’Alsace au XXè
siècle
Auteur Ouvrage collectif
sous la direction de Freddy
Raphaël
Editeur La nuée bleue
ISBN 978-2-7165-0844-5
331 pages
Freddy Raphaël nous a fait parvenir le dernier ouvrage qu’il a dirigé : Juifs d’Alsace au
XXè siècle.
Vingt auteurs abordent, à travers dix-sept
chapitres, certains aspects particuliers de
la vie juive en Alsace et en Lorraine au siècle
dernier, groupés par grands thèmes : la transmission, le désastre de la Seconde Guerre
Mondiale, les mouvements et migrations des
Juifs alsaciens et la « mise en scène de la
mémoire ».
Les Juifs alsaciens ont toujours été particuliers : par leur langue, par leurs coutumes,
par leur cuisine, par leur attachement à la
France, leur pays, par leur humour singulier.
Malgré la proximité linguistique, leur cadre
de vie n’a pas grand-chose en commun avec
celui des Juifs du yiddish land. Pas de ghettos, mais pas non plus d’assimilation, la place
est laissée à une spécificité et à des témoins
de l’histoire juive en Alsace Lorraine :
musées, synagogues, cimetières, …
Depuis toujours l’Alsace a donné au monde
juif des personnalités intéressantes : Yossel
de Rosheim à propos de qui Freddy Raphaël
et Monique Ebstein avaient traduit une étude
fouillée présentée à Beth Hillel en 2009 ; plus
proche de nous le mime Marcel Marceau,
qui était capable de dire tant de choses sans
émettre un son ; Georges Bloch, qui fut une
figure d’exception pour la communauté juive
de Strasbourg, et, enfin, Monique Ebstein z’’l,
qui a tant œuvré pour le développement et
la vie de Beth Hillel, sans oublier son engagement aux côtés des plus faibles et son
travail remarquable avec son époux Freddy
Raphaël. « Juifs d’Alsace au XXè siècle »
évoque leur œuvre et leur mémoire au fil de
ses pages.
Luc Bourgeois n
37
EN V I E D E L I ( V ) R E
Le dernier des Juifs
par Alexandre Ezra Piraux
Le dernier des Juifs
Auteur Jacques Derrida
Éditeur Galilée
ISBN 978-2-7186-0915-7
144 pages
Ce recueil rassemble deux conférences prononcées par le philosophe Jacques Derrida,
la première en 1998 lors du colloque des intellectuels juifs de langue française paru dans
Comment vivre ensemble ? et la seconde prononcée en 2000, lors du colloque international
Judéités, Questions à Jacques Derrida.
38
Le premier texte traite du « vivre ensemble »
et le second est un commentaire autour de la
citation « Je pourrais, pour moi, penser un
autre Abraham » tiré d’une brève parabole
(sous la forme d’une sorte de parachah littéraire) de Franz Kafka. N’y aurait-il pas plus
d’un Abraham ?
Le motif principal des deux textes tourne
autour du même thème, cher à Derrida, à
savoir sa propre appartenance « sans appartenance, à la judéité et au judaïsme »,
comme il le dit lui-même.
Dans la première des deux conférences, le
philosophe s’interroge d’emblée. S’agit-il du
« Comment bien vivre ensemble » ou du
« Vivre bien ensemble ». L’inflexion mise et
la place de l’adverbe bien dans la phrase en
modifient le sens.
Il faut bien vivre ensemble car il n’y a pas
d’autre choix, ou alors, l’autre possibilité est
d’essayer d’avoir une bonne vie, ensemble.
« Vivre ensemble » est à la fois « une évidence
facile » (car comment faire autrement que de
vivre ensemble, mais comment et avec qui) et
« la promesse toujours de l’inaccessible ». Le
meilleur de ce « vivre ensemble » est associé
à la paix, ce concept énigmatique à distinguer
de l’armistice, du cessez-le-feu, voire du processus de paix. Selon l’auteur, les Israéliens et
les Palestiniens ne vivront vraiment ensemble
que le jour où le nécessaire aura été fait par
ceux qui auront le pouvoir « d’en prendre
l’initiative de façon d’abord sagement
unilatérale ».
Mais, comme l’explique le philosophe, il « n’a
jamais été sûr d’être ensemble avec luimême en tant que Juif ni ensemble avec
lui-même en général. Cette dissociation
d’avec lui-même le rend, selon lui, à la fois
d’autant moins juif et d’autant mieux Juif ».
Il ne saurait y avoir de « vivre ensemble » sans
techouvah ; sans retour sur soi. Un certain
aveu se présenterait comme le premier commandement, celui d’avouer notre désespoir,
notre inquiétude de ne pas arriver à ce vivre
ensemble et faire partager cette inquiétude.
Pour Derrida, faire cet aveu, c’est avouer
l’inavouable -car avouer l’avouable, ce n’est
pas avouer-. Cependant, le « vivre ensemble »
n’a-t-il pas lieu, dès l’instant où ces questions
émergent et nous font trembler ?
Ensemble est à la fois un adverbe et un substantif : l’ensemble.
Le substantif « l’ensemble » et l’autorité
qu’il implique seront toujours, pour Jacques
Derrida, la première menace pour le « vivre
ensemble ». On trouve là un des thèmes, une
des angoisses récurrentes de l’auteur vis-àvis de toute imposition venant d’un ensemble
substantiel, clos, identique à soi qu’il assimile
à toute communauté.
le shofar
La seule appartenance, le « seul vivre
ensemble » qu’il juge supportable suppose
« la rupture avec l’appartenance identitaire,
totalisante, assurée d’elle-même, dans un
ensemble homogène ». Ce n’est que par cette
séparation, ce passage, qu’il est possible
d’être fidèle à une certaine vocation juive en
accueillant la dissymétrie, la non-réciprocité,
le respect de l’étranger.
Le second texte est dédié à Abraham, l’autre.
Plusieurs auteurs ont configuré des Abraham
multiples et parfois fictifs, de Kierkegaard à
Levinas en passant par Kafka.
L’autre Abraham, dans ce court récit imaginaire de Kafka, n’est pas sûr d’avoir été
appelé. Il n’est pas sûr que c’est lui l’élu et
pas un autre. Il a peur d’être ridicule, comme
quelqu’un qui, entendant mal, se précipiterait
pour répondre à l’appel adressé à un autre…
Comme un mauvais élève, note Kafka, qui du
fond de la classe croirait entendre son nom
alors que le maître en a désigné un autre. Pour
Derrida « Un appel digne ce nom, un appel
du nom digne de ce nom ne doit pas donner
lieu à aucune certitude, du côté du destinataire. Sans quoi ce n’est pas un appel. ».
Dans la fiction de Kierkegaard, c’est tout près
du Mont Moriah qu’Abraham aurait demandé
pardon à Dieu pour lui avoir obéi, et avoir
préféré ce devoir inconditionnel à la vie des
siens, à la vie de son fils préféré.
Selon Jacques Derrida, une certaine rupture,
une certaine séparation, une interruption du
lien est une condition du lien social, comme
tel, et donc de l’amour (on notera qu’Abraham
lui aussi s’inscrit dans une rupture de tradition). Plus il y aurait rupture avec un « certain dogmatisme du lieu ou du lien (communautaire, national, étatique, religieux)
plus on serait fidèle à l’exigence hyperbolique et peut-être démesurée … d’une responsabilité universelle et disproportionnée devant la singularité de tout autre …
qui est le ferment de ce qui se dit “juif” ».
1 Marc-Alain Ouaknin Bibliothérapie, Lire c’est guérir, Seuil, 1994.
« Dire “je suis juif”, comme je le fais, en
sachant et en voulant dire ce qu’on dit, c’est
bien difficile et vertigineux. On ne peut
tenter de le penser qu’après l’avoir dit … le
faire venant avant le savoir… ». Autre façon
peut-être d’écrire le Naassé ve nishma, nous
ferons et nous comprendrons (Exode, 24, 7.).
D’après moi, et en guise de tentative de réponse
à la méfiance derridienne vis-à-vis de la notion
de communauté, je pense que ce concept
contient au moins deux sens : un sens sociologique d’identité, d’affinité, de lieu de solidarité,
d’entraide de fraternité. La communauté représente alors un cadre commun de confiance et
de référence. En contrepoint existe aussi une
signification politique au mot communauté qui
est alors potentiellement porteur de négativités, à savoir celle d’une communauté qui fait
la loi, qui a autorité sur ses membres, en les
jugeant, les punissant, en excluant.
L’œuvre de Derrida repose en grande partie
sur la notion d’indécidabilité, ainsi peut-on
lire dans les deux textes des expressions
comme « un salut sans salut », p.79, « quand
je joue sans jouer » p.87 ou encore « éviter
sans éviter » p.81. On peut sans doute y déceler une difficulté à renoncer, à faire le deuil, à
pratiquer une coupure, à choisir.
Mais pour d’autres, l’équivoque généralisée
parle plusieurs langues à la fois. La dualité
dans une langue ouvre un espace de dialogue et de mouvement, une indécidabilité
créatrice, une dissémination, un logos spermatikos, qui se propage sans cesse 1.
Comme l’a dit en son temps, le talmudiste
« Dans chaque mot, il y a un oiseau aux
ailes repliées qui attend le souffle du lecteur ». On ne peut rêver de plus belle formulation pour terminer ce texte, tout en éclairant
l’œuvre de Jacques Derrida.
Alexandre Ezra Piraux
n
39
Création
d’identités visuelles,
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et de brochures.
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www.inextremis.be
le shofar
CA R N E T
Mazal tov
Condoléances
Félicitations à Vicky Goldschmidt et
Vincent Schillebeeckx pour la naissance
de Tom, le 10 décembre 2014. Un chaleureux
mazal tov en particulier aux grands-parents :
Josiane et Jacques Goldschmidt, infatigables piliers de la communauté et grandsparents pour la sixième fois.
Nos sincères condoléances vont à toute la
famille de Guy Drielsma z’’l, décédé le16
janvier 2015.
Bienvenue au petit Lior DelgouffreVanderstraete, né le 12 décembre 2014,
et dont rabbi Neiger a mené le berit milah
le 4 janvier 2015. Félicitations aux jeunes
parents : Laurence et Laurent et à toute la
famille.
Mazal tov à Noam Bekhor qui a célébré sa
bar mitzvah le 10 janvier 2015. Son commentaire de la parachah Chemot se trouve dans
ce Shofar en page 29.
Mazal tov à Julien et Delphine Amiach, qui
nous ont fait part de la naissance de la petite
Léonie le 16 janvier 2015.
Mazal tov à Naomi Silberwasser, qui a célébré sa bat mitzvah le 7 février et dont le commentaire de la parachah Yitro est publié dans
ce Shofar en page 33.
Mazal tov aux trois familles qui ont présenté
conjointement à la Torah les petits Léah,
Lior et Noah, le samedi 28 février 2015.
Merci à Ariane et Benoît Mairy, Laurence
et Laurent Delgouffre, Stéphanie et Gary
Pill, les fiers jeunes parents qui ont partagé
ce beau moment avec la communauté!
Nous adressons nos profonds regrets à
Brigitte Feys et à Alain Berger pour le décès
inopiné de leur fille Yaël Berger, survenu le
5 janvier 2015. Nous présentons nos condoléances à toute la famille et à ses amis, ainsi
qu’à Nathan Muntz.
Ruth Zucker-Krengel z’’l s’est éteinte le 25
janvier 2015. Rabbi Neiger a accompagné ses
enfants, Joyce et Robert, dans ces moments
difficiles.
Au nom de toute la communauté de Beth
Hillel, nous déplorons avec Gaëlle et Gitla
Szyffer la perte de leur tante « de cœur » bienaimée, Jacqueline Leemans z’’l, décédée à
91 ans le 19 mars 2015.
Nous avons appris avec tristesse le décès de
Danielle Waks z’’l le 22 mars 2015. A son
époux, Michel Wajs, et à leur enfants Lionel
et Chloé, nous voulons dire toute notre
sympathie.
Nos pensées émues accompagnent la famille
d'Iris Golan-Fischgrund z''l, qui s'est éteinte
le mercredi 25 mars. A son époux Bernard
Fischgrund, à ses filles Arielle et Romy, à
toute la famille et à ses amis, nous adressons
nos plus sincères condoléances.
‫תנצב״ה‬
Que leur âme soit reliée au faisceau des
vivants.
41
I N F O R M AT I O N S U T I L ES
VIE COMMUNAUTAIRE
OFFICES DE CHABBAT
Vendredi à 19h et samedi à 10h30
• Chabbat LeDor vaDor, tous les premiers vendredis du mois, à 18h30.
• Chaharit chabbat court tous les troisièmes samedis du mois à 10h ,
suivi du cerle d’étude de la parachah à 11h.
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TALMUD TORAH
Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier.
�
COURS ADULTES ET CERCLES D’ETUDE
Contactez le secrétariat au 02.332.25.28.
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YAHRZEIT-HAZKARAH
Si vous voulez être informés des dates de rappel du nom
pour des membres de votre famille, contactez le secrétariat ( 0479.86.71.93
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