le shofar revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique N° d’agréation P401058 MARS 2015 - N°361 / ADAR – NISSAN 5775 synagogue beth hillel bruxelles JUBILEZ ! N°361 MARS 2015 ADAR – NISAN 5775 N° d’agréation P401058 re v ue mensuelle de l a communauté isr aélite libér ale de belgique EDITEUR RESPONSABLE : Gilbert Lederman REDACTEUR EN CHEF : Luc Bourgeois SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Yardenah Presler COMITÉ DE RÉDACTION : Rabbi Marc Neiger, Anne De Potter, Gilbert Lederman, Alexandre Ezra Piraux, Gaëlle Szyffer, Isabelle Telerman, Jacqueline Wiener-Henrion, Luc Bourgeois Ont participé à ce numéro du Shofar : Noam Bekhor, Pascale Leah Engelmann, Naomie Silberwasser MISE EN PAGE : inextremis.be Le Shofar est édité par la COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE A.S.B.L. N° d’entreprise : 408.710.191 Synagogue Beth Hillel 80, rue des Primeurs B-1190 Bruxelles Tél. 02 332 25 28 Fax 02 376 72 19 www.beth-hillel.org [email protected] CBC 192-5133742-59 IBAN : BE84 1925 1337 4259 BIC : CREGBEBB RABBIN : Rabbi Marc Neiger RABBIN HONORAIRE : Rabbi Abraham Dahan DIRECTEUR : Luc Bourgeois SECRÉTAIRE : Yardenah Presler CONSEIL D’ADMINISTRATION : Gilbert Lederman (Président), Myriam Abraham, Anne De Potter, Benjamin Dobruszkes, Ephraïm Fischgrund, Josiane Goldschmidt, Philippe Herman, Gilbert Lederman, Willy Pomeranc, Elie Vulfs, Thomas van Praag, Jacqueline Wiener-Henrion Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. Illustration de couverture : Sept Zayin et un Aleph, Sept fois Sept plus Un, Cinquante, par Pascale Leah Engelmann Sommaire EDITORIAL 5Jubilez ! 9 (Luc Bourgeois, Rédacteur en chef) JUBILEZ ! Un jubilé pour jubiler (Alexandre Ezra Piraux) 13 Judaïsme et Belgique (Jacqueline Wiener-Henrion) 17 Beth Hillel, la maison de Hillel (Gilbert Lederman, Président du Conseil d’Administration) 19 19 Cette année sera pour vous le Jubilé (Rabbin Marc Neiger) 23 Un judaïsme ouvert sur la cité (Stéphane Beder) 25 AGENDA NOS BENÉ MITZVAH 29 D erachah de Noam Bekhor Chemot 23 33 D erachah de Naomi Silberwasser Yitro 37 ENVIE DE LI(V)RE L e dernier des Juifs de Jacques Derrida (Alexandre Ezra Piraux) 38Juifs d’Alsace au XXème siècle de Freddy Raphaël 29 38 (Luc Bourgeois) 41CARNET Par sympathie ESCOS SPRL The Familycare Company www.escos.be www.escos.eu Chaussures Hommes - Femmes - Enfants Laurence & Laurent Achenberg Rue des Tongres 18 - 1040 Bruxelles - Tél : 02/733.09.75 le shofar Jubilez ! Jubilez ! Cela sonne comme un ordre. En 2015, dans un monde qui connaît violences, attentats, massacres. Dans un monde dont les medias nous déversent quotidiennement les horreurs ad nauseam. Comment répondre à cet impératif, à cette injonction ? Pourquoi y répondre, pourquoi s’exécuter ? Réponse simple, voire simpliste : parce que c’est une mitzvah et qu’il faut s’y soumettre. Mais encore ? Parce qu’il faut garder l’espoir. Parce qu’il faut regarder l’avenir. Parce qu’il faut croire en l’avenir. Parce qu’il faut croire que nous devons et que nous pouvons agir dans ce monde pour l’améliorer et lui (re)donner du sens 1. Et nous ne pouvons réaliser cela qu’en nous basant sur ce que d’autres ont fait avant nous ; comme nous rappelons inlassablement au cours de nos offices la mémoire de nos patriarches et matriarches, de nos ancêtres, de ceux et de celles que nous avons connus et dont nous évoquons la mémoire. Ils nous ont donné et indiqué une voie, un chemin et une méthode : à nous de ne pas rester sur place, à nous de ne pas nous scléroser, à nous de ne pas baisser les bras. 1 Voir le Shofar 357 à propos de Tikoun Olam par Luc Bourgeois Le jubilé représente un arrêt dans le temps, comme le chabbat : un arrêt pour regarder le chemin parcouru, un arrêt pour regarder le chemin et la tâche qui nous attendent, un arrêt pour comprendre comment a fonctionné et fonctionnera l’énergie créatrice. La racine hébraïque du mot jubilé (yovel) a fait sont chemin jusqu’à nous à travers les langues antiques comme le grec et le latin. Et le mot a essaimé dans la plupart des langues européennes. Avec le temps, le sens du mot a pris une connotation de célébration festive et joyeuse. 2015 : Cinquante ans d’existence pour Beth Hillel. Cinquante ans de création et de progrès. Cinquante ans de croissance, cinquante ans de combats pour nous et pour les autres, pour que les femmes soient considérées à l’égal des hommes dans la synagogue, cinquante ans de combat pour accueillir à part entière celles et ceux qui étaient nés de mère non juive ou qui n’avaient simplement pas de parent juif mais désiraient rejoindre la communauté d’Israël, cinquante ans de combat pour que Beth Hillel et ses rabbins soient pleinement reconnus dans le yichouv belge. Cinquante ans de combat également 5 ÉD I TO R I A L pour des causes en dehors de notre sphère directe, comme l’aide que nous avons apportée à l’Institut Levovitch de Nathanya, comme l’aide que nous avons apportée à Israël au moment des incendies de forêts, comme l’aide que nous avons apportée aux Philippins, victimes des forces déchaînées de la nature. 2015 : l’occasion pour notre communauté de faire une courte pause, de regarder le chemin parcouru, de s’interroger sur notre avenir et sur la manière de continuer la route. Dans un article détaillé, Alexandre Ezra Piraux nous révèle l’origine et le sens du Jubilé dans les traditions biblique et rabbinique. 6 Le 18 janvier dernier, la séance inaugurale de notre jubilé a marqué l’entrée dans une année de célébrations et d’animations spéciales, comme la célébration du renouvellement de l’alliance de notre communauté avec la Torah le 10 mai prochain (Cérémonie de Berit Matan Torah), comme le stage organisé également les 30 et 31 mai avec Frank Lalou et Tina Bosi sur le thème de « L’hébreu : alphabet sacré », comme le prestigieux concert du violoncelliste Mischa Maisky, qui aura lieu le 12 octobre et comme les Troisièmes Rencontres du Judaïsme Libéral Francophone qui se tiendront à Bruxelles les 13, 14 et 15 novembre et qui clôtureront l’année de notre jubilé. En dépit des cœurs lourds des assassinats à la rédaction du journal Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher de Vincennes à peine une semaine plus tôt, la séance inaugurale a connu un grand succès par la qualité des interventions des participants – représentants du monde diplomatique, représentants du monde politique, représentants des communautés sœurs d’Europe, et membres et amis fidèles de Beth Hillel. Des interventions édifiantes tant au-travers des discours prononcés - forts et porteurs-, que par la voie des chants, magnifiquement interprétés par Aviv Weinberg. L’assemblée s’est ensuite plongée dans les rencontres et/ou les retrouvailles autour du verre de l’amitié, concocté par nos volontaires talentueux et proposés avec le sourire par les jeunes de l’Hashomer Hatzaïr. Cinquante ans de combats pour nous et pour les autres le shofar Nous publions dans ce Shofar les discours de plusieurs intervenants. Jacqueline WienerHenrion a replacé le Judaïsme Libéral, la communauté juive et Beth Hillel dans le cadre de l’histoire belge. Gilbert Lederman a mis en avant la place de Beth Hillel dans ses champs d’action multiples, ainsi que le rôle essentiel de chacun de ses membres dans son engagement pour notre communauté et pour le monde dans lequel nous vivons. Notre Rabbin Marc Neiger a retracé l’histoire et la nécessité du jubilé en les replaçant dans une perspective écologique contemporaine et urgente, comme garante de l’avenir. Stéphane Beder de la Fédération du Judaïsme Libéral Francophone a insisté sur la place et la spécificité de Beth Hillel au sein du Judaïsme Libéral francophone européen, sur le caractère particulier et très ouvert du Judaïsme Libéral et sur la nécessité de s’affirmer dans la cité en tant que Juifs, et en tant que Juifs Libéraux. La vie communautaire de Beth Hillel continue à faire germer l’espoir, lorsque nous célébrons les bené mitzvah. Une fois de plus, nos jeunes, Noam Bekhor et Naomi Silberwasser, nous ont étonnés par la profondeur de l’analyse de leur parachah, qu’ils nous offrent à méditer. Au rayon des livres, Alexandre Ezra Piraux nous invite à nous plonger dans un recueil de deux conférences de Jacques Derrida. La première s’intéresse au « Vivre ensemble » qui est tellement mis en avant pour l’instant. La seconde commente un texte de Franz Kafka « Je pourrais, pour moi, penser un autre Abraham », tiré d’une brève parabole, une manière d’éclairer le patriarche d’une lumière nouvelle et d’éviter l’enfermement et le dogme. Nous avons également parcouru l’ouvrage dirigé par Freddy Raphaël à propos des Juifs d’Alsace au XXème siècle : études et analyses de certains aspects de ces Juifs particuliers et de leur vie, présentés sous des angles parfois inattendus. Nous vous souhaitons une bonne lecture et espérons vous rencontrer à l’occasion des festivités qui émailleront l’année jubilatoire 2015 à Beth Hillel. D’avance Hag Pessah Sameah, (le seder communautaire aura lieu le vendredi 3 avril 2015). Luc Yehoshua Bourgeois Rédacteur en chef n 7 le shofar Un Jubilé pour jubiler par Alexandre Ezra Piraux « En ce jour résonnera le grand shofar : alors arriveront ceux qui étaient perdus dans le pays d’Achour, relégués dans la terre d’Egypte, et ils se prosterneront devant l’Eternel sur la montagne sainte, à Jérusalem » (Isaïe 27 : 13). Le mot Jubilé vient du terme hébreu « yovel ». La justice sociale et la liberté Lorsque nous ouvrons le dictionnaire de Marc Cohn, hébreu-français, au mot « yovel » nous sommes surpris, non par la signification de ce mot en français mais par les significations de ce mot. En effet, le mot « yovel » propose l’amphibologie 1 suivante : « bélier » et « transporter, conduire ». L’amphibologie ne nous enferme pas dans l’un des sens, mais dans la relation entre eux-mêmes et nous ouvre ainsi à l’interprétation. L’année chabbatique ordinaire (chemitah) est la septième année au cours de laquelle les dettes sont libérées, le terrain mis en jachère, et ses produits mis à la disposition de tout le monde. (Lévitique, 25 : 4,7). L’année appelée « Jubilé » est une année chabbatique extraordinaire qui est célébrée après un cycle de 7x7 (49) années soit tous les cinquante ans, c’est-à-dire après un compte de sept années chabbatiques. Elle implique une proclamation de la liberté. Cette liberté se manifeste par le retour de chaque travailleur et de sa famille à ses possessions patrimoniales. Cela se concrétise aussi par une remise des dettes. Ainsi le bélier est celui qui « transporte », qui « conduit » (il transporte nos manquements ou fautes). Mais le bélier fait également penser à sa corne, le « shofar » c’est-à-dire la trompette en corne de bélier et par extension une annonce d’un événement qu’on devine important. Un son qui conduit, qui transporte un évènement important. L’année du jubilé, la terre était laissée complètement au repos, comme pendant l’année chabbatique ordinaire qui a lieu tous les sept ans, toutes les dettes sont remises, les terres restituées aux descendants des propriétaires anciens et les esclaves rendus à la liberté. Les principes de justice sociale (tzedakah) de réparation et de liberté sont donc historiquement et étroitement liés à la célébration du jubilé. 1 L e terme « amphibologie » est admirablement défini par Roland Barthes. « Un même mot, dans un même phrase, veut dire en même temps deux choses différentes et que l’on jouit (jubile ? ndlr) sémantiquement de l’un par l’autre ». 9 JUBILEZ ! Se situer dans le temps : un Jubilé pour ponctuer le temps et se réjouir La notion de jubilé est inévitablement associée à la mémoire d’une période écoulée. Pour l’homme profane, le temps se répète, sans variation, sans hiérarchie. Toutes les heures sont semblables. En revanche, la ritualité dans le judaïsme se caractérise comme « l’art des formes symboliques dans le temps, comme une architecture du temps 2 » . La tradition juive proclame d’ailleurs qu’il existe une hiérarchie des moments dans le temps et que toutes les époques ne sont pas équivalentes. 10 Il s’agit surtout de prendre conscience de ce temps écoulé et d’en tirer des enseignements pour aller de l’avant. L’année du jubilé est donc un marqueur temporel qui permet de remettre les compteurs à zéro pour construire le futur. Entre le monde de l’année 1965, qui est celle de la fondation de Beth Hillel et le monde d’aujourd’hui, il paraît parfois bien difficile de construire rétrospectivement des ponts pour retrouver le fil conducteur de tous les changements intervenus dans la société. Les changements sociétaux sont aussi bien positifs que négatifs La toute première question posée par Dieu à Un des aspects les plus notables et spectaAdam au jardin d’Eden est « où culaires des bouleversements es-tu ? » qu’on peut entendre intervenus durant ces cinquante Remettre les dans le sens de « Où en es-tu ? » dernières années semble être compteurs Mais « éikhah » signifie aussi, celui de notre rapport au temps à zéro pour comment ? et au rétrécissement de l’espace. construire le La question est posée à Adam Selon le penseur allemand futur. même si la réponse est sans contemporain Harmut Rosa, doute connue du célèbre quesl’accélération du temps inclut tionneur ; mais il n’est pas question de loca- trois dimensions : l’innovation technique, lisation mais de bien faire le point après ce le changement social (principalement dans séjour au gan eden. le travail et la famille), et le « rythme de vie ». On peut aussi ajouter une accélération Toutefois, il ne s’agit pas tellement de se des mentalités, des comportements et des (re)tourner trop longuement vers le passé, mœurs. comme a pu le faire la femme de Loth, même si un jubilé est l’occasion de regarder en Cette « accélération de l’accélération » arrière et d’évaluer le chemin parcouru. porte le risque de vider de tout sens profond La femme de Loth (dont le nom n’est pas cité), des domaines fondamentaux de l’activité s’est retournée lentement, et a regardé son humaine comme le travail, l’amour, le loisir 3 passé brûler. Alors que les siens continuent et a fortiori toute vie spirituelle. à avancer, elle est figée, incapable de continuer. Elle reste là, statufiée. A trop regarder et s’attarder on se sclérose. 2 Abraham Heschel, Les bâtisseurs du temps, Les éditions de Minuit, 1957. 3 Cf. Dany-Robert Dufour Le délire occidental, et ses effets actuels dans la vie quotidienne : travail, loisir, amour Les Liens qui Libèrent, 2014. le shofar Ces constatations nous amènent à mesurer l’importance du commandement du chabbat hebdomadaire mais aussi de celui de l’année chabbatique extraordinaire (le jubilé) qui est une césure temporelle visant à nous ressourcer. Ce qui a été créé le septième jour est la tranquillité, la paix et le repos (genèse rabbah, X, 9). Toutefois ce repos chabbatique, qui est aussi celui de l’année chabbatique, cette Menouha est plus qu’une abstention de travail et d’activité. C’est un état où l’homme s’apaise et met ses soucis au repos, mais ce repos peut être éclairant et fécond. Cette sérénité abrite donc une importante dimension de création et de renouvellement. La récréation est une re-création. Garder et cultiver l’esprit de ce sanctuaire dans le temps qu’est le chabbat, est une des façons de lutter contre une société d’anomie et d’indifférence où l’homme est mis au service de la technique et de l’hyper consommation et où l’acte de consommation n’a d’autre finalité qu’une autosatisfaction, par nature insatiable. L’année du jubilé qui est comme on l’a vu, une année chabbatique extraordinaire est, me semble-t-il, du même ordre. Elle représente l’occasion d’une réinvention, d’une refondation et d’un renouvellement par des actions différentes. Si l’on y réfléchit bien, les actes de remise de dettes et de terres à intervalles réguliers, prescrits dans l’antiquité, et qui avaient en théorie pour effet direct de provoquer la restitution de certains droits patrimoniaux acquis durant la période concernée, avaient aussi comme conséquence indirecte de provoquer la (re)mise en question des habitudes. C’était donc l’occasion d’un renouvellement imposé par la nécessité de sortir d’une exploitation épuisante des terres, et d’alléger les pauvres du surpoids des dettes accumulées et donc d’aller également au-delà de la routine des jours. Cette annulation de la dette des plus démunis fait naturellement penser aux mouvements exigeant l’annulation de la dette du tiers-monde (aujourd’hui appelé par euphémisme « les pays moins avancés ») ou d’Etats européens en difficulté. Mais au-delà de ces importants aspects de justice sociale, ne peut-on aussi procéder à une lecture plus symbolique et interpréter une telle annulation comme une sorte d’annulation des dettes psychologiques des uns vis-à-vis des autres, une levée des rancœurs et des récriminations enkystées peut-être durant 49 ans 4, et donc sur le long terme d’une génération à l’autre ? Le jubilé c’est le moment de jubiler. La corne du bélier émet un souffle de joie reconnaissant pour ce qui a été, pour ce qui est et pour ce qui sera. Alexandre Ezra Piraux 4 Malgré la purgation, l’expiation de Yom Kippour. n 11 T I KO U N O L A M 12 le shofar Judaïsme et Belgique Discours prononcé par Jacqueline Wiener-Henrion, le 18 janvier 2015 Aujourd’hui, être présent dans une synagogue, fréquenter un mouvement de jeunesse juive, travailler au sein d’une institution juive, déposer ses enfants à l’école juive, visiter un musée juif, faire ses courses dans une épicerie juive, c’est hélas faire acte de résistance. Parce que les Juifs d’Europe, les Juifs de Belgique, les Juifs de notre pays, de mon pays, sont une des cibles privilégiées d’une idéologie islamique radicale. Celle-là même qui, il y a 12 jours, avec le massacre perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo, deux jours avant celui de l’Hyper Cacher, s’attaqua à une des valeurs fondamentales de nos démocraties européennes : la Liberté. Liberté. Liberté de caricaturer, liberté d’expression, liberté de penser, liberté de croire ou de ne pas croire, liberté de vie, liberté d’être en vie. En sécurité. Sans que l’on puisse porter atteinte à votre intégrité physique ou morale parce que vous êtes ce que vous êtes. Cette liberté-là, il fut une époque, pas si lointaine, où la population juive d’Europe y accéda, après des siècles de soumission, de ségrégation, voire de persécutions en tous genres. La Belgique fut une pionnière de liberté en la matière. Car l’acquisition des droits civils et politiques des Juifs intervint à des périodes diverses, dans les différents pays de notre ’vieux’ continent, mais d’abord chez nous. À la suite de son accession à l’indépendance en 1830, la Belgique devint l’exemple type de la modernité en Europe, notamment par le libéralisme de sa Constitution. La liberté de culte, l’égalité de tous les citoyens devant la loi, la neutralité philosophique et religieuse dans l’espace public, n’y furent pas inscrits en vains mots et ne furent bafoués qu’entre le 28 octobre 1940, date de promulgation des premières ordonnances allemandes antijuives en Belgique, et la Libération. Dès 1830, donc, les Juifs de notre pays – peu nombreux – se lovèrent avec un zèle farouche dans une nouvelle bourgeoisie naissante qui allait contribuer à l’épanouissement formidable du jeune Etat. Cette émancipation des Juifs incita les plus novateurs de nos aïeux, ici comme ailleurs, à repenser le Judaïsme. Car en effet, il s’agissait pour eux d’adapter la sortie du cocon forcé dans lequel leurs coreligionnaires avaient été si longtemps maintenus, aux us et coutumes du monde extérieur et à ses lois, dorénavant communes à tous les citoyens. L’Histoire du Judaïsme libéral débuta donc à la fin du 18ème siècle et se développa tout au long du 19ème siècle, avec ces pionniers qui œuvrèrent pour que la religion juive puisse répondre à l’extraordinaire et inédit défi que représenta l’intégration des Juifs dans la société européenne. 13 JUBILEZ ! Or donc, si ceux de nos aînés qui s’attelèrent à la tâche furent dans un premier temps des Juifs allemands, ils furent ensuite rejoints dans leur mouvement réformateur par des penseurs, responsables communautaires et rabbins d’autres contrées européennes et notamment de Belgique. Les membres du Consistoire d’alors mirent tout en œuvre pour affirmer la volonté d’intégration des Juifs de notre pays. Cette volonté consistoriale d’intégration se traduisit auprès des différentes communautés par des modifications apportées au culte, typiques de la réforme, afin de montrer à la face du monde combien les Juifs étaient peu dissemblables de leurs compatriotes… 14 C’est ainsi qu’en Belgique, on introduisit, dès son inauguration en 1834 à la première grande synagogue consistoriale de Bruxelles (alors établie Place de Bavière) des chœurs mixtes, des enfants de chœur, une prédication en langue vernaculaire, un orchestre et même, dès 1851, un orgue… qui jouait le Chabbat ! C’est ainsi qu’en Belgique aussi, l’édification des nouvelles synagogues des années 1870, telles celle de Liège bâtie sur les ruines de l’ancienne église Saint Julien, auparavant transformée en halle aux viandes, ou celle de la rue de la Régence à Bruxelles, furent architecturalement organisées du sceau du libéralisme ambiant… Le mouvement rénovateur consistorial ne s’arrêta pas là : aux réformes esthétiques s’ajoutèrent celles de fond, telles l’émergence tout à fait novatrice de sermons rabbiniques diffusant une vision éthique et universaliste du judaïsme, une instruction religieuse à la synagogue indissociablement liée à l’instruction civique, la réduction de la durée des offices par la suppression de certaines prières ou encore la publication d’ouvrages prônant une lecture rationaliste de la Torah… Les grands rabbins de Belgique qui se succédèrent furent tous ce que l’on appellerait aujourd’hui des rabbins ’libéraux’ : - le 1er grand rabbin de Belgique, Eliakim Carmoly, fut un adepte de la Haskala et était un disciple de Naphtali Wessely 1 ; - le 2ème grand rabbin de Belgique, Henri Loëb, participa activement à l’importante réforme de la liturgie voulue par le Consistoire ; - le 3ème grand rabbin de Belgique, Aristide Astruc, fut un libéral assumé qui participa au synode de Leipzig en 1869, une des conférences rabbiniques qui se tinrent en Allemagne au milieu du 19ème siècle et qui revêtirent une importance considérable dans l’histoire du Judaïsme libéral. Ce Grand Rabbin de Belgique, Aristide Astruc, compta, parmi ses plus fervents soutiens, un dirigeant communautaire qui devint président du Consistoire. Cet homme, dont je porte le nom et le prénom – féminisé –, était libéral dans l’âme et profondément convaincu du bienfondé de l’implantation en Belgique d’un Judaïsme fidèle à ses traditions mais résolument tourné vers la modernité. 1 Naphtali Herz (Hartwig) Wessely (1725–1805) fut, avec Moses Mendelssohn, un des chefs de file de la Haskala, le mouvement des Lumières juives né en Allemagne à la fin du XVIIIème siècle. Né à Hambourg, Wessely passa la plus grande partie de son enfance à Copenhague. Formé à la yeshiva du rabbin Eybeschuetz, il s’intéressa à la littérature moderne et aux sciences qu’il appréhenda au travers d’ouvrages rédigés en différentes langues étrangères. Un temps banquier, Wessely consacra l’essentiel de son existence au judaïsme. C’est à Berlin où il s’installa en 1782 qu’il devint le disciple de Moses Mendelssohn. Wessely se fit surtout remarquer pour son ouvrage sur l’Exode, la publication du ’Sefer HaMidot’ –un traité d’éthique- et la diffusion d’un manifeste, ’Divrei Shalom Ve-emet’, rédigé sous forme d’un pamphlet en écho à l’Edit de Tolérance promulgué par Joseph II. Ce manifeste -traduit en français et en italien- qui enjoignait les Juifs à suivre l’élan voulu par l’Empereur et préconisait l’adjonction à l’instruction religieuse de sujets tels que la philosophie, les mathématiques ou la géographie, fut très mal accueilli dans les milieux rabbiniques d’Europe centrale opposés au courant réformateur, lesquels en vinrent même à menacer Wessely d’exclusion du judaïsme. JWH le shofar Il ignorait que leur formidable entreprise novatrice allait s’éteindre, avec les vagues successives d’immigration juive d’Europe centrale et orientale, et qu’il faudrait attendre 1965 pour qu’enfin, grâce à un petit groupe de Juifs anglo-saxons et un jeune rabbin français, Albert Dahan, elle revoie enfin le jour. Cet homme, Jacques Wiener, le père de mon arrière-grand-père, aurait été profondément heureux que son arrière-arrière-petite fille déclare à présent ouverte la cérémonie inaugurant l’année du Jubilé de la Communauté Israélite Libérale de Belgique – Synagogue Beth Hillel. Jacqueline Wiener-Henrion Aristide Astruc - gravé par Ch.Wiener n 15 Grande synagogue de Bruxelles le shofar Beth Hillel. La maison de Hillel. Discours prononcé par Gilbert Lederman, le 18 janvier 2015 Bienvenue à Beth Hillel. Votre présence nombreuse et la diversité des responsables communautaires, ici présents, nous touchent beaucoup. Merci à vous tous. Beth Hillel. La Maison de Hillel. L’association de ces mots porte en elle une promesse que nous célébrons aujourd’hui avec son jubilé. Cette promesse, c’est celle de s’épanouir dans un judaïsme ouvert et égalitaire, enraciné dans la tradition. A un gentil en voie de conversion, lui demandant la définition du judaïsme le temps de rester sur un seul pied, Hillel le Sage répondit : « Ce que tu n’aimes pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui. C’est là toute la Loi. Le reste n’est que commentaires. Maintenant, va et étudie ». Cette règle d’or tient dans un tweet de 140 caractères. L’essentiel y est énoncé : aucune mention de l’Eternel, ni de pratiques rituelles, mais une double invocation humaniste à l’altérité et à l’étude. Chacun de nous est marqué ici par son histoire à Beth Hillel. Celle-ci remplit sa triple mission de synagogue, celle d’être : une maison d’étude (Bet Midrach), un lieu de prières (Bet Tefilah) et un centre communautaire (Bet Knesset). Mais qui aurait pu penser en 1965, qu’en l’espace de 50 ans, notre communauté devienne un phare du judaïsme belge ? Après la shoah, la reconstruction avec des pierres était moins impérieuse que celle des âmes. Ainsi, il fallait une sacrée dose d’intuition de la part des fondateurs pour confier le poste de rabbin à Albert Dahan. Rabbi Dahan a œuvré pendant plus de quatre décennies, avant de céder la place à Rabbi Neiger, qui, tout en innovant, poursuit le rêve de nos pionniers. Si Beth Hillel trace son chemin de vie, c’est grâce à son rabbin, à son staff, à son conseil d’administration, au soutien de l’Etat, à ses membres, mais c’est surtout grâce à ses nombreux bénévoles qui sont l’armature centrale de notre édifice. Que tous ici soient chaleureusement et vivement remerciés pour leur engagement et leur dévouement. J’aimerais aussi partager avec vous, une forte pensée pour ceux qui ne sont plus de ce monde, et qui, en leur temps, ont contribué à notre communauté. L’air que nous respirons est rempli de leur souffle, tandis que leur vision continue de nous inspirer. Dans un monde anxiogène où ce qui est le plus stable est le changement, le judaïsme est structurant. On pourrait se demander si le personnage central de la Torah, en filigrane, ne serait pas finalement soi-même, tant la Torah nous invite à une réflexion sur le sens de notre existence, et à mener une vie responsable (de l’anglais : response – able. capable [de fournir] des réponses). La nature du judaïsme est de trouver un point d’équilibre entre la lettre et l’esprit de la tradition. Ainsi, alors que les sages du Talmud jugeaient avec 17 JUBILEZ ! la conscience de leur temps, nous jugeons, nous, à notre tour, avec la conscience de notre propre temps. 18 En fait, nous ne partageons rien de moins que ce qui nous accompagne, dans la destinée de notre histoire, à savoir les valeurs du judaïsme. Depuis 50 ans, c’est cet héritageAujourd’hui, après les drames du Musée Juif là, que nous transmettons à nos membres, de Belgique et ceux de Paris, cette séance de génération en génération. Beth Hillel est inaugurale s’inscrit dans une nouvelle un espace et un temps, où l’on rêve de notre séquence, dans laquelle une exigence sup- tradition, où l’on partage des expériences, plémentaire s’impose en diaspora, en plus où l’on crée du lien social et où l’on construit de la lutte indéfectible contre un avenir, car le juif a toujours l’antisémitisme : celle d’ampliconfiance en l’espoir de temps On pourrait se fier l’épanouissement d’une vie meilleurs. demander si juive, avec une émancipation le personnage plus forte que jamais dans la Pour que cette lumière, le ner cité. tamid, brille dans cette synacentral de Compte tenu des événe gogue, pour que notre commula Torah, en ments des derniers jours, nauté continue à éclairer les permettez-moi de louer le générations suivantes, l’esprit filigrane, ne travail de Monsieur Maurice de Hillel le Sage continuera de serait pas So snowsk i, pré sident du nous inspirer. Donc, pour les Comité de Coordination des 50 ans à venir, accomplissonsfinalement Organisations Juives, et de nous donc pour le meilleur ! soi-même Monsieur Julien Klener, président du Consistoire, qui, avec Enfin, pour clore mon intervenleurs équipes respectives, ont veillé à l’intérêt tion avec jubilation, permettez-moi de citer supérieur du yichouv. Nous les en remercions Woody Hillel, pardon Woody Allen le Sage : de tout cœur. « A ceux qui pensent que Dieu reste muet, je leur répondrais : si seulement, nous Donc, pour faire face à ce défi d’épanouisse- pouvions convaincre les hommes d’en faire ment de la vie juive en diaspora, Beth Hillel, autant ». à son niveau, compte sur quatre atouts : Je vous remercie pour votre attention. 1. Avec un judaïsme vibrant, nous nous inscrivons dans la narration du peuple juif Gilbert Lederman n 2. Avec une capacité d’évolution, nous nous déployons dans un état d’esprit stimulant 3. Nous bénéficions d’une diversité de membres 4. Nous préservons le plus important : l’amour d’un judaïsme altruiste le shofar Cette année sera pour vous le Jubilé Discours prononcé par Rabbin Marc Neiger, le 18 janvier 2015 Comment condenser en quelques phrases un jubilé, 50 ans de travail et d’action, alors que je n’ai eu la chance de rejoindre cette aventure que récemment ? La célébration de mon propre jubilé pointe à l’horizon (j’aurais 50 ans l’an prochain), et j’essaie de mettre en perspective la signification de ce cycle : 50 ans, un demi-siècle. 50 ans, c’est un peu plus de la moitié de la vie d’un être humain, ce sont deux générations, et c’est souvent plus que la durée d’une vie active, d’une carrière. La Torah nous le dit ainsi : Vous sanctifierez cette cinquantième année, en proclamant, dans le pays, la liberté pour tous ceux qui l’habitent : cette année sera pour vous le Jubilé, où chacun de vous rentrera dans son bien, où chacun retournera à sa famille (Lev 25.10). Pourquoi donc limiter la durée de l’activité ? Surtout lorsqu’il y a matière à nous réjouir du travail accompli. Or, si nous nous retournons sur le parcours de Beth Hillel, il y a de quoi être heureux et satisfaits, grâce à celles et ceux qui ont dédié le meilleur de leur énergie et de leurs talents à cette communauté. Alors, pourquoi et comment marquer ce cycle ? Par cette limitation à 50 ans, notre tradition nous interpelle sur la manière de mettre en œuvre le Jubilé. Même si notre fragilité d’êtres humains nous amène souvent à contempler le travail déjà effectué pour pouvoir aller de l’avant et pour remercier ceux qui y ont œuvré, le Judaïsme nous invite toujours à regarder vers le futur et non vers le passé. C’est parfois une perspective difficile à titre individuel, mais une perspective qui reste nécessaire pour percevoir le sens que donne le Judaïsme à notre monde. Beaucoup d’entre vous connaissent l’histoire de Honi Hame’aguel (Taanit 23a), Honi le traceur de cercles. La cinquantième année, tous sont libérés du service, même le serviteur qui refusait d’être affranchi acquerra la liberté et retournera vers sa famille ; Rachi et les commentateurs du Moyen-âge sont quasi unanimes. Actuellement, nous pourrions dire qu’une carrière ne devrait pas dépasser 50 ans, même pour celui qui souhaiterait continuer. Alors qu’il se promenait, Honi remarqua un homme qui plantait un caroubier et il lui demanda : Combien de temps faut-il à cet arbre pour donner des fruits ? Septante ans répondit-il. Crois-tu que tu seras encore en vie pour en profiter ? 19 JUBILEZ ! L’homme rétorqua : j’ai trouvé un monde empli de caroubiers parce que mes ancêtres en avaient plantés, alors je plante celui-là pour les prochaines générations. Nous racontons souvent cette histoire à l’occasion de Tou biChvat, le nouvel an des arbres, car elle nous invite clairement à une action responsable envers l’environnement et les générations futures. Cette histoire est résolument tournée vers l’avenir et exprime de manière juive l’essence de ce que nous appelons aujourd’hui l’exploitation durable. Cependant l’histoire ne se termine pas là, et le Talmud poursuit : 20 Honi mangea puis s’endormit. Pendant qu’il dormait il fut masqué aux yeux du monde, et il dormit pendant 70 ans. Quand il se réveilla, il vit un homme qui cueillait des caroubes. Es-tu celui qui a planté ce caroubier ? Il répondit : Je suis son petit-fils. Honi comprit qu’il avait dormi pendant deux générations et se rendit à la maison d’étude. Là il entendit les rabbins qui disaient : – La loi est claire pour nous, comme lorsque Honi venait en résoudre les difficultés. – Mais je suis là, s’exclama Honi ! Ils ne le crurent pas et l’ignorèrent. Honi est amer car les rabbins ne reconnaissent pas son visage. C’est justement une question de perspective. Honi voudrait faire un bilan et être honoré pour ce qu’il a apporté, mais il ne pourra l’obtenir. La perspective des rabbins dans cette histoire est différente, ils ne reconnaissent pas Honi et ignorent le visiteur, mais ils n’ignorent pas les accomplissements de Honi pour autant : ils expriment ouvertement leur admiration et leur dette envers Honi pour les avoir aidés à comprendre la loi. Euxmêmes continuent à étudier et poursuivent ainsi l’œuvre à laquelle Honi a participé en son temps, et dont Honi peut finalement contempler la succession grâce à un étrange phénomène temporel. Les rabbins reconnaissent l’œuvre accomplie mais, contrairement à Honi, ils sont tournés vers l’avenir et leur voix est à la fois collective et anonyme. Le Judaïsme n’est pas un chemin personnel, le Judaïsme engage tout le peuple Juif. Et d’une certaine manière, parce que le peuple Juif est lui-même une miniature de toute l’humanité, il engage également toute l’humanité. La célébration du jubilé de Beth Hillel, de notre communauté, n’est donc par tournée exclusivement vers les 50 ans écoulés mais vers les 50 années à venir. C’est le sens de « ledor vador », « de génération en génération » : quel Judaïsme, quels projets allonsnous transmettre aux générations suivantes ? « Agir en juif, c’est chaque fois un nouveau départ sur une ancienne route ». 1 Nous vivons une période difficile en Europe et dans le monde, et, nous ne le savons que trop, encore plus difficile pour les juifs. Comme trop souvent nous sommes désignés comme cibles et exutoires par ceux qui haïssent les fondements de notre société. Peut-être sommes-nous - malgré nous - un symbole de liberté, la liberté que le jubilé vient justement proclamer universellement ? Après Toulouse, après Bruxelles, la barbarie nous a coupé le souffle en frappant à Paris avec une violence insoutenable, à la fois notre communauté, l’emblème de la liberté qu’est Charlie Hebdo et enfin les forces de l’ordre chargées de protéger l’idéal universaliste de notre société. Malgré l’intensité de ce choc, qui vient s’ajouter à celui de l’attaque du musée Juif, et le deuil qui continue à nous étreindre, je souhaiterais prendre le recul qui sied à la perspective du Jubilé, et comme les rabbins de 1 Abraham Joshua Heschel, "A passion for Truth", d’après les enseignements du Rabbi de Kotzk le shofar la maison d’étude de Honi, me tourner résolument vers l’avenir. Dimanche dernier, une vague de fraternité dépassant largement les frontières de l’Europe a uni de par le monde ceux qui souhaitent affirmer le sens de la liberté. Le souffle de ce rassemblement contient des germes d’espoir pour l’humanité. Rabbi Eleazar disait au nom de Rabbi Hanina : Les disciples des sages accroissent la paix du monde, comme il est dit, “Et tous tes enfants (Banayikh) seront des disciples de l’Eternel, Et grande sera la paix de tes enfants”. 2 Ne lis pas Banayikh, “tes enfants” mais Bonayikh, “tes bâtisseurs”. Le terrorisme n’est pas la seule menace à laquelle nous devons faire face ; l’évolution de notre monde, la viabilité de l’exploitation des ressources et le réchauffement climatique, sont dans l’horizon des 50 prochaines années des défis critiques. Ces défis ont une portée absolument globale : c’est toute l’humanité qui y est aujourd’hui confrontée. Trop souvent, ce texte est mal compris en interprétant "tes bâtisseurs" par "ceux qui TE bâtiront", comme si nos mérites pouvaient s’appuyer sur les œuvres de nos enfants à venir. Cette attitude, que l’on rencontre pourtant souvent, mène directement à une forme de cynisme qui nous autoriserait à vivre à crédit sur le dos des générations futures. Nous voyons bien que les religions sont capables de fédérer et de motiver avec une force extraordinaire. Ce sont les croyances religieuses, toutes les croyances qui touchent à ce qui dépasse et transcende l’être humain, qui sont le moteur apte à l’action. Malheureusement, les religions sont capables de le faire tant pour le meilleur que pour le pire. Dans la pensée religieuse, le premier pas d’une catalyse destructrice est le repli sur soi-même, inéluctablement accompagné du rejet et de la haine des autres. Au contraire, le possessif "tes" indique les bâtisseurs qui viendront de TA lignée, les bâtisseurs que TU engendreras. Le cœur de l’enseignement de ce Midrach, et le principe de cette année Jubilaire, est la transmission symbolisée par la phrase Ledor Vador, de génération en génération. Nous devons préparer le Judaïsme des 50 prochaines années, insuffler ce qui permettra d’accroître la paix, et participer à bâtir la société civile du futur. Le Judaïsme libéral n’est pas une panacée mais il est une réponse constructive, juive. Et j’ai envie de lire ici libéral comme « libérateur », car notre Judaïsme refuse toute tentation de repli sur soi. C’est un Judaïsme qui prône à la fois l’intégration à notre société et la coexistence avec les autres religions. Il offre une manière de laisser jaillir la dynamique universaliste du Judaïsme, une façon de transmettre à nos enfants cette vision dont les générations qui viennent auront besoin, et d’être un exemple pour nombre de concitoyens d’autres croyances. Nous trouvons le petit Midrach suivant en conclusion du traité Berakhot (64a) : Parce que nous affirmons que notre vision du Judaïsme est progressiste, nous voulons à la fois tenir compte des spécificités du Judaïsme et être un modèle pour bâtir une société plus juste et plus solidaire face aux défis des prochaines décennies comme nous le proclamons explicitement à la fin de chaque office. Celui qui établit la paix dans Ses hauteurs établira la paix sur nous, sur tout Israël et sur toute l’humanité. Et nous dirons : amen. Rabbin Marc Neiger 2 Isaïe 54.13. S’adressant à Israël personnalisé par une femme stérile. n 21 Offrez un Oneg Chabbat Créez un moment de partage, convivial et informel, à l’occasion de toute commémoration ou célébration qui vous tient à cœur. … A quand votre Oneg Chabbat ? Appelez-nous au 02.332.25.28. le shofar Un judaïsme ouvert sur la cité Discours prononcé par Stéphane Beder, le 18 janvier 2015 Transcription du discours de Stéphane Beder, président de la FJLF (Fédération du Judaïsme Libéral Francophone) exemple, en concevant et produisant des ouvrages d’enseignement moderne en langue française, mais également dans l’organisation de centres de vacances pour nos jeunes. Mesdames, Messieurs, les responsables Beth Hillel, comme d’autres synagogues, laïques et religieux, chers amis, contribue aussi à la formation de rabbins francophones, dont la demande augmente Beth Hillel, dont nous célébrons l’ouverture avec le développement de nos communaude l’année jubilaire ce matin, est la deuxième tés dans toute la région. Et puis, tout sim(en âge) synagogue libérale du plement, l’échange. L’échange, monde francophone, après notamment de meilleures prale Judaïsme l’ULIF de la rue Copernic à tiques que nous partageons, Libéral, c’est Paris (Union Libérale Israélite sans avoir à les réinventer, dans de France), qui est déjà centechaque communauté. tout sauf un naire. Et, effectivement, comme judaïsme il est bon de le rappeler, elle Alors, ce que nous avons en fait partie de la Fédération du commun, c’est cette notion de « light ». C’est Judaïsme Libéral Francophone, Judaïsme Libéral, un judaïsme tout sauf un ensemble qui réunit des comouvert sur la cité, c’est-à-dire, munautés en Belgique, au judaïsme facile. complètement intégré dans la Luxembourg, en Suisse et en vie civile. France. Et je salue d’ailleurs Un judaïsme ouvert aux autres, les représentants des différentes commu- notamment à travers le dialogue interrelinautés ici présentes : Genève, Belgique bien gieux qui est, plus que jamais, fondamental. sûr, Luxembourg (Esch sur Alzette), Lyon, Un judaïsme inclusif où nous voulons être Toulouse, Paris, et également Kehilat Gesher accueillants, à commencer par ceux et celles (la synagogue franco-américaine de Paris), qui se lancent sur le chemin d’une conversion. la CJL, l’ULIF, le MJLF et d’autres que je n’ai Un judaïsme qui rejette toute forme de dispeut-être pas encore vues avant ce matin. crimination, que ce soit sur les orientations Beth Hillel a toujours apporté, et conti- sexuelles ou autres. nue d’apporter une singularité, et joue un Et un judaïsme profondément égalitaire, à rôle majeur dans cette fédération où nous commencer entre les hommes et les femmes. coopérons en matière d’enseignement, par 23 JUBILEZ ! Contrairement à ce que certains pensent parfois, le Judaïsme Libéral c’est tout sauf un judaïsme « light ». C’est tout sauf un judaïsme facile. 24 Et puis, elle a décidé de bouger, de venir à Bruxelles et elle a été l’une des victimes qui a trouvé la mort au Musée Juif de Belgique. Il y a moins de dix jours, c’était une Belge, Sarah Bitton, qui était parmi les otages de l’hyper marché cacher de Vincennes. C’est un judaïsme exigeant et, notamment, parce qu’il est tourné résolument vers l’action. C’est un judaïsme moderne qui corres- Mais ce ne sont pas nos ennemis qui nous pond aux aspirations de plus en plus fortes définissent. que nous entendons et qui corNous voulons incarner un respond à ce simple fait qu’il y judaïsme positif qui, bien sûr, Ce ne sont pas a plusieurs manières de vivre combat résolument toutes les son judaïsme. formes d’antisémitisme - même nos ennemis celles qui, au nom de l’antiraqui nous Nous ne prétendons pas être la cisme ou au nom de l’intégrisme seule et l’unique. religieux, se déguisent sous définissent Nous ne nous développons pas l’antisionisme - et c’est bien un au détriment de qui que ce soit judaïsme positif que nous contiou contre qui que ce soit. nuerons d’incarner. Par contre, nous sommes déterminés à vivre pleinement une tradition évolutive. Et je veux simplement terminer en citant Edmond Fleg : On a évoqué déjà ce matin les événements « Je suis Juif, parce que pour Israël l’homme monstrueux de ces derniers jours et de ces n’est pas créé, les hommes le créent. derniers mois et c’est vrai que ces attaques Je suis Juif, parce qu’au dessus des nations nous montrent, si besoin était, à quel point et d’Israël, Israël place l’homme et son notre sort est lié. Le Rabbin Dahan parlait unité. » d’évoquer les noms. Dominique Sabrier était née en Suisse et j’ai eu la chance de pouvoir la Merci. côtoyer toutes les semaines, lorsque nous suivions des cours avec le Rabbin Cohen à Paris. Stéphane Beder n AV R I L- M A I - J U I N 2015 N I S S A N - I YA R - S I VA N -TA M O UZ 5775 AVRIL 2015 Vendredi 03/04/2015 Samedi 04/04/2015 18h30 10h30 Vendredi 10/04/2015 19h00 Samedi 11/04/2015 Mercredi 15/04/2015 10h30 18h30 Jeudi 16/04/2015 18h30 Vendredi 17/04/2015 Samedi 18/04/2015 19h00 10h00 11h00 Lundi 20/04/2015 Mardi 21/04/2015 Mercredi 22/04/2015 Jeudi 23/04/2015 Vendredi 24/04/2015 Samedi 25/04/2015 14h15 19h00 20h00 10h30 Kabbalat Chabbat et Seder communautaire de Pessah 15 Nissan – Pessah 1er jour de Pessah 7ème et dernier jour de Pessah Kabbalat Chabbat 22 Nissan – Chemini Yom HaShoah : Début de la lecture des noms des déportés et résistants juifs de Belgique, sur Radio Judaïca (FM 90.2) Cérémonie commémorative de Yom HaShoah (voir page 42) Mémorial aux Martyrs Juifs de Belgique Kabbalat chabbat 29 Nissan – Tazri’a-Metzora Kenéh Lekha Haver (Etude de la parachah) Roch Hodèch Iyar Café Klatsch Yom haZikaron Yom ha’Atzmaout Kabbalat Chabbat Repas chabbatique communautaire «spécialités israéliennes » 6 Iyar – Aharé Mot-Kedochim Oneg chabbat offert par le Conseil d’Administration à la communauté en l’honneur de Serge Rozen, Président du CCOJB. AV R I L- M A I - J U I N 2015 N I S S A N - I YA R - S I VA N -TA M O UZ 5775 MAI 2015 Vendredi 01/05/2015 Samedi 02/05/2015 Jeudi 07/05/2015 Vendredi 08/05/2015 Samedi 09/05/2015 Dimanche 10/05/2015 18h30 10h30 Vendredi 15/05/2015 Samedi 16/05/2015 19h00 10h00 11h00 Mardi 19/05/2015 Vendredi 22/05/2015 Samedi 23/05/2015 26 Jeudi 28/05/2015 Vendredi 29/05/2015 Samedi 30/05/2015 19h00 10h30 18h00 14h15 19h00 10h30 19h00 19h00 19h00 10h30 14h00 Dimanche 31/05/2015 09h30 Kabbalat Chabbat Ledor Vador 13 Iyar - Emor Lag Ba’Omer Kabbalat Chabbat 20 Iyar - Behar Jubilé Beth Hillel : Soirée Berit Matan Torah Célébration de l’Alliance du Don de la Torah Repas communautaire Kabbalat Chabbat 27 Iyar – Behoukotaï Kenéh Lekha Haver (Etude de la parachah) Roch Hodèch Sivan Café Klatsch Kabbalat Chabbat 5 Sivan – Bamidbar Havdalah, office erev Chavou’ot, Repas communautaire lacté Tikkoun Lél Chavou’ot (nuit d’étude) avec IJC (International Jewish Center) Cours d’exploration midrachique Kabbalat Chabbat 12 Sivan – Nasso Stage « L’hébreu : Alphabet Sacré » avec Frank Lalou et Tina Bosi (voir la brochure reçue avec ce Shofar) Stage « L’hébreu : Alphabet Sacré » - suite « L’hébreu : Alphabet Sacré » Symbolique des lettres et Téhima (Taï Chi hébraïque) Les samedi 30 mai et dimanche 31 mai 2015 Toutes les traditions mystiques du monde ont des gestuelles sacrées, des prières en mouvement. Le Taoïsme et le Taï-Chi sont issus de l’Orient. En revanche, la Kabbale fut codifiée en Provence, ce qui l’enracine dans notre culture occidentale. Tina Bosi, chorégraphe, massothérapeute et Frank Lalou, calligraphe hébraïque et auteur de nombreux livres sur la Bible, ont créé la Téhima, un ensemble de 22 chorégraphies à partir de la Kabbale antique et médiévale. Chaque lettre hébraïque est reliée à une zone du corps humain. Un véritable Yoga, ou Taï-Chi, hébraïque est né de leurs recherches philosophiques et corporelles. Ils nous y initieront lors de ce stage exceptionnel, par une approche tant théorique que pratique. Ceux qui le souhaitent pourront compléter le stage par une pratique de méditation hébraïque (optionnel). Coût : Membres de Beth Hillel, en ordre de cotisation : 100 € - Non-membres : 130 € Optionnel : Exercices de méditation hébraïque : 20 € (dimanche 31 mai 2015, de 18h00 à 19h30). Les frais d’inscription sont à verser sur le compte de la C.I.L.B., mention STAGE LALOU : IBAN : BE84 1925 1337 4259 - BIC (Swift) : CREGBEBB Votre inscription vous sera confirmée dès réception du paiement. AV R I L- M A I - J U I N 2015 N I S S A N - I YA R - S I VA N -TA M O UZ 5775 JUIN 2015 Vendredi 05/062015 Samedi 06/06/2015 Jeudi 11/06/2015 18h30 10h30 17h00 Vendredi 12/06/2015 Samedi 13/06/2015 Mardi 16/06/2015 Jeudi 18/06/2015 Vendredi 19/06/2015 Samedi 20/06/2015 19h00 10h30 14h15 Vendredi 26/06/2015 Samedi 27/06/2015 19h00 10h00 11h00 19h00 20h00 10h30 Le Cercle d’Etude se déroule le troisième samedi du mois, directement après l’office court de chaharit à 10h00. • Office court: 10h00 • Kenéh Lekha Haver: 11h00 à 13h30 Ouvert à toutes et tous. Ceux qui désirent rester déjeuner ensemble à la synagogue après l’étude sont les bienvenus. Kabbalat Chabbat Ledor Vador 19 Sivan – Beha’alotekha Assemblée générale statutaire annuelle de Gan Hashalom (voir convocation page 8) Kabbalat Chabbat 26 Sivan - Chelah Café Klatsch Roch Hodèch Tamouz Kabbalat Chabbat 3 Tamouz – Korah Kenéh Lekha Haver (Etude de la parachah) Kabbalat Chabbat Fête de Talmidi – Repas chabbatique communautaire 10 Tamouz - Houkat Cercle d’Etude Kenéh Lekha Haver Kenéh Lekha Haver Tous les 3èmes samedis du mois: 10h00 à 11h00: Office court de chaharit 11h00 à 13h30: Kenéh Lekha Haver • Samedi 18 Avril 2015 (Tazri’a-Metzora) • Samedi 16 Mai 2015 (Behoukotaï) • Samedi 20 Juin 2015 (Korah) • Pas en juillet Infos et inscriptions: Secrétariat: 02.332.25.28 ou [email protected] 27 COURS ET ACTIVITES PERMANENTES Informations & inscriptions : [email protected] ou 02.332.25.28 Judaïsme, Pensée et Pratique Cours d’initiation au Judaïsme Chaque lundi de 19h00 à 21h30. Le cours est accessible après inscription uniquement et s’accompagne d’une initiation à l’hébreu biblique, lorsque nécessaire. Kenéh Lekha Haver – Cercle d’Etude Etude de la parachah de la semaine Chaque troisième samedi du mois, après l’office de chaharit chabbat 10h-11h : Office chaharit 11h00-13h30 : Kenéh Lekha Haver Office de chaharit chabbat écourté, suivi directement de la session d’étude de la parachah. (voir annonce p. 27) Cours d’Exploration Midrachique Cours et Etude des textes de la tradition Prochain cours : jeudi 28 mai 2015 Thème du cycle en cours : « Un Temps pour Mourir » Réflexion autour de la fin de vie assistée. Talmidi Cours de Talmud Torah pour tous les enfants de 5 à 13 ans (4 classes). SAUF : 8 avril et 15 avril 2015 Dernier cours : 27 mai 2015 Talmidi spécial Gan Binyamin avec Chantal : 3, 10 et 17 juin 2015 NOTEZ BIEN ! Fete de Talmidi et repas communautaire chabbatique : vendredi 26 juin 2015 à 19h00 Inscriptions & infos : [email protected] Café Klatsch Réunion conviviale et informelle pour les seniors (et les moins seniors aussi bien sûr) Tous les troisièmes mardis du mois, de 14h15 à 16h30. Débat amical autour du thème du jour, en savourant un délicieux goûter, du thé, du café, … et de l’amitié. le shofar Parachah Chemot par Noam Bekhor Ce matin, à l’occasion de ma bar-mitzvah, j’ai décidé de commenter ma parachah. La première chose qui a attiré mon attention dans Chemot c’est : pour quelle raison Dieu n’a-t-il pas empêché que les Hébreux soient réduits en esclavage ? Mais surtout comment cela est-il arrivé ? C’est le verset 8 du premier chapitre qui nous donne une première explication. Il nous dit ceci : « Un roi nouveau s’éleva sur l’Égypte, lequel n’avait point connu Joseph ». Dans le “Talmud Sota 11a” le commentaire de Rachi sur le sujet nous donne deux explications. Ainsi pour lui les interprétations de Rav et Samuel diffèrent : « pour Rav c’est que pharaon était vraiment nouveau, car il est écrit dans le texte “un nouveau roi.”, tandis que pour Samuel ce sont ses décrets qui sont nouveaux parce qu’il n’a pas été déclaré que [l’ancien roi] est mort et qu’il régna [à sa place]. » Quant à la suite de la phrase : « lequel n’avait point connu Joseph” - il était comme un homme qui ne connaît pas [Joseph] du tout. » Au verset suivant, toujours au sujet de l’esclavage des Hébreux, il est écrit : « Et il dit à son peuple : Voici le peuple des enfants d’Israël. » Les Tanaïm nous enseignent que : « Il [Pharaon] est a l’origine du premier plan, et donc il est puni en premier, car il est écrit : “Et il dit à son peuple” ; donc il a été puni d’abord, comme il est écrit : À toi, sur ton peuple, et sur tous tes servants. » En poursuivant le commentaire dans le verset suivant, on lit : « Or, les enfants d’Israël avaient augmenté, pullulé, étaient devenus prodigieusement nombreux et ils remplissaient la contrée… (1 :7) » « Rech Lakich nous dit : “Le Saint, bénisoit- il, leur a annoncé. « Plus ils vont se multiplier et plus ils pourront sortir de leur terre. » Et les Égyptiens étaient tristes à cause des enfants d’Israël.” Cela nous enseigne qu’ils (les Hébreux) étaient comme des épines [Kozim] dans leurs yeux. “Et les Égyptiens réduisirent les enfants d’Israël en esclavage.” » C’est ce qui me permet de penser que les Égyptiens avaient peur du grand nombre d’Hébreux en Égypte et ils ne voulaient pas que la culture et surtout la religion des Hébreux prennent le dessus sur la leur. Les Égyptiens avaient peur de la différence des Hébreux. La peur de la différence est encore un mal actuel et, si nous ne faisons pas attention, nous pouvons aussi bien en être coupable que victime. Plus loin, la Torah nous explique comment Pharaon s’y prend pour persécuter les Hébreux. Comme on peut le lire au verset 11 : « Et l’on imposa à ce peuple des officiers de corvée pour l’accabler de labeur et il bâtit pour Pharaon des villes d’approvisionnement, Pithom et Ramessès. » 29 N O S B EN É M I T Z VA H Le rabbin Moshe Haim Luzzatto nous explique que les Égyptiens sont restés silencieux lorsque Pharaon a d’abord proposé de déporter les Hébreux ; ce sont les officiers égyptiens qui ont été chargés spécifiquement de surveiller de manière impitoyable le travail des Hébreux à la construction des villes d’approvisionnement. Puis au verset suivant (1 :15) Pharaon s’adresse aux sages-femmes. Le commentaire de Rabbi Luzzatto est que : « Les sages-femmes, se trouvant faibles, elles n’ont pas obéi a l’ordre de Pharaon, car elles avaient peur de la punition divine ». Rabbi Luzzatto complète son commentaire en disant qu’il aurait été facile à tout le peuple égyptien d’éviter, ou au moins atténuer, les décrets de Pharaon comme l’ont fait les sages-femmes. J’en conclus que Pharaon ne fait pas face à Dieu et que les sages-femmes préfèrent écouter Dieu que Pharaon. Pour faire face à Pharaon il fallait que Moïse s’en charge. 30 C’est de Moïse dont je souhaiterais vous parler maintenant. Moïse est probablement l’un des personnages les plus emblématiques de la Bible (en dehors de Dieu bien sûr). Dans le cadre de ma parachah, ce qui m’a fort intéressé chez Moïse est le fait qu’il revienne vers ses origines pour sauver le peuple hébreu. Il réussit à convaincre et à mener tout le peuple hébreu hors d’Égypte et à le sortir de l’esclavage mais surtout (avec l’aide de Dieu bien sûr) à le mener vers sa terre promise. Ce qui est assez impressionnant c’est que Moïse a réussi à garder son sang froid lorsqu’il a appris qu’il ne pourrait pas rentrer en Israël alors qu’il aura tout donné pour que le peuple hébreu puisse rejoindre cette terre. La première question que je me suis posée est : comment Moïse s’est-il présenté aux Hébreux ? C’est sur les conseils de Dieu, comme on peut le lire dans ce verset : « Va rassembler les anciens d’Israël et dis-leur : “L’Éternel, Dieu de vos pères, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, m’est apparu en disant : J’ai fixé mon attention sur vous et sur ce qu’on vous fait en Égypte.” » (3 :16) Mais c’est au verset 18 que le texte nous donne la réponse. Il est écrit : « Et ils écouteront ta voix ; alors tu iras, avec les anciens d’Israël, trouver le roi d’Égypte... » Pourtant, plus loin dans la parachah, au moment où Moïse et Aaron se présentent au Pharaon, les anciens ne sont pas avec eux. Comme nous l’explique le Midrach Rabba : « Puis, Moïse et Aaron vinrent trouver Pharaon… » (5 :1). Où étaient les anciens ? Partis ? Puisqu’ils ne sont pas mentionnés ici, alors que l’Eternel lui avait dit : « Et tu iras, toi et les anciens d’Israël … » (3 : 18) ? Nos Sages ont ainsi expliqué que les anciens sont effectivement allés avec Moïse et Aaron, mais ils se sont dérobés furtivement, individuellement ou par paires, de sorte qu’au moment où ils ont atteint le palais de Pharaon, pas un seul d’entre eux était là. En conséquence, le texte nous dit ceci : « Puis, Moïse et Aaron vinrent trouver Pharaon… » les anciens ayant disparu. Alors le Midrach nous raconte que Dieu leur dit : « c’est donc ce que vous avez fait ! Eh bien, comme vous vivez, je vous punirai ». Mais quand l’Eternel les punit-il au juste ? C’est lorsque Moïse et Aaron allèrent avec les anciens au Mont Sinaï pour recevoir la Torah, que Dieu leur tourna le dos. Comme il est écrit au chapitre 24 verset 14 : « Il avait dit aux anciens : “Attendez-nous ici jusqu’à notre retour...” » C’est en allant au talmud torah, avec l’envie de découvrir mes racines, que je me suis plongé avec plaisir dans la découverte des valeurs que défend le judaïsme et de notre tradition. En préparant ma bar mitzvah, ce qui fait que je suis juif a pris de l’importance pour moi, et m’a permis de comprendre ce que m’ont transmis mes parents, cet héritage qui depuis Moïse a permis au peuple juif de devenir ce qu’il est maintenant. Noam Bekhor n Envie de nous écrire ou de participer à la rédaction du Shofar ? N’hésitez pas et contactez nous , par courrier, e-mail ou téléphone ! le shofar Parachah Yitro par Naomi Silberwasser La préparation de ma bat mitzvah a été pour moi l’occasion de découvrir comment notre tradition plus ou moins ancienne voyait la Torah. Bien sûr le personnage, la personnalité, qui est le centre de beaucoup de commentaires de la parachah Yitro, est Moïse. Au début de la parachah, lorsque son beaupère Yitro vient à sa rencontre, il met le doigt sur la manière qu’a Moïse de rendre la justice. Pour Yitro, Moïse ne devrait pas s’occuper de tous et de tous leurs problèmes, car il reçoit en plus bien d’autres responsabilités de la part de l’Eternel. C’est normal, Moïse, tout comme nous, ne saurait pas tout gérer d’un coup. Pour ma part, la principale leçon que l’on peut tirer des conseils de Yitro est que l’on peut se faire aider par tous. C’est probablement cela la solidarité. Pour en revenir à la parachah, pour quelle raison Moïse rend-t’il la justice seul, sans aide ? Comme le lui fait remarquer Yitro dans le verset 14 « Le beau-père de Moïse, voyant comme il procédait à l’égard du peuple, lui dit: “Que signifie ta façon d’agir envers ce peuple? Pourquoi sièges-tu seul et tout le peuple stationne- t-il autour de toi du matin au soir?”. » Pour Issac Erama, dans le commentaire Akedath Yitzchok, cela s’explique par le fait que Moïse, à l’époque pré-sinatique, rendait la justice a la manière des gentils, c’est à dire en se basant sur des appréciations personnelles. Pour Yitro cette façon de rendre la justice ne pouvait pas fonctionner. Il conseilla donc à Moïse au verset 18 ceci : « Représente, toi seul, le peuple vis-à-vis de Dieu, en exposant les litiges au Seigneur; notifie-leur également les lois et les doctrines… » C’est ainsi que Moïse peut déléguer le pouvoir de justice à différentes personnes. L’exemple que donne Moïse en écoutant son beau-père est très important, il nous permet de comprendre qu’une personne seule ne peut pas rendre la justice, elle a besoin d’aide. En décentralisant la justice, elle redevient accessible a tous. Moïse lui, se concentre sur son rôle d’intermédiaire entre l’Eternel et le peuple. C’est ce que nous expliquent les versets 16 et 18, lorsque qu’ils parlent de tous les intermédiaires mais aussi du rôle que joue Moïse. Dans ces quelques versets on nous parle de Dieu. Le nom de Dieu utilisé est Elohim, or, d’après les commentateurs rabbiniques, le nom Elohim est employé lorsque l’on veut mettre l’accent sur les lois et la justice divine. Il est souvent tempéré par l’utilisation du tétragramme, qui symbolise le Dieu de miséricorde. C’est en donnant des responsabilités aux autres qu’on les rend plus matures, donc plus libres. La liberté, telle qu’on l’imagine dans la bible, nous oblige à respecter la loi, la Torah. Si on veut être responsable, il faut que l’on respecte la loi. En tant que bat mitzvah, je suis à présent responsable, non seulement de mes actes, mais aussi de ceux des autres, et envers la loi. Cette maturité me permet de savoir gérer 33 N O S B EN É M I T Z VA H les problèmes et de ne plus dépendre systématiquement de mes parents. Le bon sens de Yitro est là pour nous rappeler que les commandements ne valent que s’ils sont acceptés par le plus grand nombre et pas réservés à une élite qui est seule à les comprendre et les appliquer. 34 Et les enfants des hommes attendent toujours Tes miséricordes aussi innombrables que des grains de sable; La loi qu’ils ont reçue de la bouche de ta gloire, Ils apprennent et examinent et comprennent. Oh! Accepte leurs chansons et réjouit toi de leur joie, Qui proclame ta gloire dans tous les pays. Bien sûr, lorsque l’on parle de justice et de loi on pense a ce qui constitue le coeur de la parachah Yitro, mais aussi de notre vie juive : A la lecture de ce poème il m’est apparu le Décalogue. Les 10 commandements ont été évident que le lieu n’avait pas d’importance. de nombreuses fois interprétés, Cependant dans un Midrach pour ma part j’ai préféré me extrait de Mekhilta de Rabbi C’est en questionner sur le lieu qu’est le Ischmael, on nous raconte ceci: Mont Sinaï. « Les montagnes se disputaient donnant des elles, voulant chacune que responsabilités entre Dieu a voulu impressionner et la Sherinah réside chez elles. aux autres donc il a choisi une montagne Chacune se vantait de sa haupour être plus haut. Bien que la teur et de sa spécificité. Dieu qu’on les rend montagne soit sur la route des dit: ma présence résidera sur plus matures, hébreux. En fait de nos jours, le mont Sinaï, le plus petit et le nous ne savons pas exactement plus insignifiant de tous. Car le donc plus où elle se situe. mont Sinaï ressemble à Moïse, libres. dont l’humilité lui fit refuser le J’ai cherché, avec l’aide de rôle de meneur ». Catherine, aussi bien sur internet que dans sa bibliothèque, des références pouvant m’expli- Je pense que, bien que le lieu en lui même n’ait quer la raison pour laquelle l’Eternel a choisi pas d’importance, c’est la modestie qui est le cette montagne. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup lien entre le Mont Sinaï et Moïse ; ce qui les de références sur le sujet, j’ai découvert un lie également tous les deux est notre impossipoème de Juda Alevin qui nous parle du mont bilité a situer exactement leur emplacement : Sinaï: aussi bien celui du Mont Sinaï, que celui de la tombe de Moïse. C’est ainsi que, par humilité Quand tu es descendu sur le mont Sinaï, devant l’Eternel, ces deux endroits ne pourIl se secoua et trembla sous ta main forte, ront jamais donner lieu à un culte propre. Et les rochers ont été déplacés par ta puissance et ta splendeur; Il est évident que ce qui nous interpelle c’est Comment alors mon esprit peut se tenir la parole divine et la loi, qui font que, encore avant toi aujourd’hui après tant d’années, je suis là Le jour où l’obscurité se répandit sur les devant vous pour vous en parler. Que les cieux, paroles, les commandements qui nous ont été Et le soleil était caché à ta commande? donnés au Mont Sinaï par l’intermédiaire de Les anges de Dieu, pour l’adoration de ton Moïse inspirent encore notre vie. grand nom, Sont rangés devant toi, en une bande (Ouf, maintenant que j’ai fini, laissons la place brillante, aux sentiments ) le shofar C’est avec toi maman que j’ai envie de commencer, tu es toujours là pour moi quand j’ai besoin de toi, et j’en ai souvent besoin, enfin… encore pour un moment. Tu es une femme exceptionnelle, je t’adore ; j’adore surtout nos après-midis ensemble, nos câlins. Bref ne change pas. Elliot, toi tu es mister foufou. Toi, tu es toujours là pour faire des bêtises que ce soit avec moi ou tout seul, en tout cas tu n’en rates pas une ! Ou même pour me taquiner, mais à part ça, même si je ne te fais pas trop de câlins, je t’aime plus que tout, tu es mon petit foufou d’amour. Toi non plus, ne change pas. Papa, toi tu es monsieur blague, parfois drôle, parfois pas du tout, mais bon ce n’est pas très grave car toi, tu es toujours présent pour faire le taxi. Mais bon à part ça, tu es toujours là pour les autres et ça je trouve ça exceptionnel. Je t’aime super fort. J’ai de la chance de vous avoir tous, car sans vous les journées à la maison ou a l’école seraient tout autre chose, et surtout, tous les quatre, sachez que je vous aime plus que tout au monde. Merci d’être toujours là pour moi. Naomi Silberwasser n David, toi tu es monsieur distrait, mais ça c’était avant. Toi, je sais que tu es toujours là quand j’ai besoin de toi pour l’hébreu, pour les maths, pour le néerlandais, etc... Même si je ne te le dis pas beaucoup, je trouve que tu joues super bien au piano. 35 Noam Bekhor Naomi Silberwasser Importation de vins fins de France Jackie et Maurice Vandiepenbeeck-Horn Rue de Jérusalem, 40 – 1030 Bruxelles tél. 02 215 37 75 – [email protected] – www.benevins.com le shofar Juifs d’Alsace au XXè siècle par Luc Bourgeois Juifs d’Alsace au XXè siècle Auteur Ouvrage collectif sous la direction de Freddy Raphaël Editeur La nuée bleue ISBN 978-2-7165-0844-5 331 pages Freddy Raphaël nous a fait parvenir le dernier ouvrage qu’il a dirigé : Juifs d’Alsace au XXè siècle. Vingt auteurs abordent, à travers dix-sept chapitres, certains aspects particuliers de la vie juive en Alsace et en Lorraine au siècle dernier, groupés par grands thèmes : la transmission, le désastre de la Seconde Guerre Mondiale, les mouvements et migrations des Juifs alsaciens et la « mise en scène de la mémoire ». Les Juifs alsaciens ont toujours été particuliers : par leur langue, par leurs coutumes, par leur cuisine, par leur attachement à la France, leur pays, par leur humour singulier. Malgré la proximité linguistique, leur cadre de vie n’a pas grand-chose en commun avec celui des Juifs du yiddish land. Pas de ghettos, mais pas non plus d’assimilation, la place est laissée à une spécificité et à des témoins de l’histoire juive en Alsace Lorraine : musées, synagogues, cimetières, … Depuis toujours l’Alsace a donné au monde juif des personnalités intéressantes : Yossel de Rosheim à propos de qui Freddy Raphaël et Monique Ebstein avaient traduit une étude fouillée présentée à Beth Hillel en 2009 ; plus proche de nous le mime Marcel Marceau, qui était capable de dire tant de choses sans émettre un son ; Georges Bloch, qui fut une figure d’exception pour la communauté juive de Strasbourg, et, enfin, Monique Ebstein z’’l, qui a tant œuvré pour le développement et la vie de Beth Hillel, sans oublier son engagement aux côtés des plus faibles et son travail remarquable avec son époux Freddy Raphaël. « Juifs d’Alsace au XXè siècle » évoque leur œuvre et leur mémoire au fil de ses pages. Luc Bourgeois n 37 EN V I E D E L I ( V ) R E Le dernier des Juifs par Alexandre Ezra Piraux Le dernier des Juifs Auteur Jacques Derrida Éditeur Galilée ISBN 978-2-7186-0915-7 144 pages Ce recueil rassemble deux conférences prononcées par le philosophe Jacques Derrida, la première en 1998 lors du colloque des intellectuels juifs de langue française paru dans Comment vivre ensemble ? et la seconde prononcée en 2000, lors du colloque international Judéités, Questions à Jacques Derrida. 38 Le premier texte traite du « vivre ensemble » et le second est un commentaire autour de la citation « Je pourrais, pour moi, penser un autre Abraham » tiré d’une brève parabole (sous la forme d’une sorte de parachah littéraire) de Franz Kafka. N’y aurait-il pas plus d’un Abraham ? Le motif principal des deux textes tourne autour du même thème, cher à Derrida, à savoir sa propre appartenance « sans appartenance, à la judéité et au judaïsme », comme il le dit lui-même. Dans la première des deux conférences, le philosophe s’interroge d’emblée. S’agit-il du « Comment bien vivre ensemble » ou du « Vivre bien ensemble ». L’inflexion mise et la place de l’adverbe bien dans la phrase en modifient le sens. Il faut bien vivre ensemble car il n’y a pas d’autre choix, ou alors, l’autre possibilité est d’essayer d’avoir une bonne vie, ensemble. « Vivre ensemble » est à la fois « une évidence facile » (car comment faire autrement que de vivre ensemble, mais comment et avec qui) et « la promesse toujours de l’inaccessible ». Le meilleur de ce « vivre ensemble » est associé à la paix, ce concept énigmatique à distinguer de l’armistice, du cessez-le-feu, voire du processus de paix. Selon l’auteur, les Israéliens et les Palestiniens ne vivront vraiment ensemble que le jour où le nécessaire aura été fait par ceux qui auront le pouvoir « d’en prendre l’initiative de façon d’abord sagement unilatérale ». Mais, comme l’explique le philosophe, il « n’a jamais été sûr d’être ensemble avec luimême en tant que Juif ni ensemble avec lui-même en général. Cette dissociation d’avec lui-même le rend, selon lui, à la fois d’autant moins juif et d’autant mieux Juif ». Il ne saurait y avoir de « vivre ensemble » sans techouvah ; sans retour sur soi. Un certain aveu se présenterait comme le premier commandement, celui d’avouer notre désespoir, notre inquiétude de ne pas arriver à ce vivre ensemble et faire partager cette inquiétude. Pour Derrida, faire cet aveu, c’est avouer l’inavouable -car avouer l’avouable, ce n’est pas avouer-. Cependant, le « vivre ensemble » n’a-t-il pas lieu, dès l’instant où ces questions émergent et nous font trembler ? Ensemble est à la fois un adverbe et un substantif : l’ensemble. Le substantif « l’ensemble » et l’autorité qu’il implique seront toujours, pour Jacques Derrida, la première menace pour le « vivre ensemble ». On trouve là un des thèmes, une des angoisses récurrentes de l’auteur vis-àvis de toute imposition venant d’un ensemble substantiel, clos, identique à soi qu’il assimile à toute communauté. le shofar La seule appartenance, le « seul vivre ensemble » qu’il juge supportable suppose « la rupture avec l’appartenance identitaire, totalisante, assurée d’elle-même, dans un ensemble homogène ». Ce n’est que par cette séparation, ce passage, qu’il est possible d’être fidèle à une certaine vocation juive en accueillant la dissymétrie, la non-réciprocité, le respect de l’étranger. Le second texte est dédié à Abraham, l’autre. Plusieurs auteurs ont configuré des Abraham multiples et parfois fictifs, de Kierkegaard à Levinas en passant par Kafka. L’autre Abraham, dans ce court récit imaginaire de Kafka, n’est pas sûr d’avoir été appelé. Il n’est pas sûr que c’est lui l’élu et pas un autre. Il a peur d’être ridicule, comme quelqu’un qui, entendant mal, se précipiterait pour répondre à l’appel adressé à un autre… Comme un mauvais élève, note Kafka, qui du fond de la classe croirait entendre son nom alors que le maître en a désigné un autre. Pour Derrida « Un appel digne ce nom, un appel du nom digne de ce nom ne doit pas donner lieu à aucune certitude, du côté du destinataire. Sans quoi ce n’est pas un appel. ». Dans la fiction de Kierkegaard, c’est tout près du Mont Moriah qu’Abraham aurait demandé pardon à Dieu pour lui avoir obéi, et avoir préféré ce devoir inconditionnel à la vie des siens, à la vie de son fils préféré. Selon Jacques Derrida, une certaine rupture, une certaine séparation, une interruption du lien est une condition du lien social, comme tel, et donc de l’amour (on notera qu’Abraham lui aussi s’inscrit dans une rupture de tradition). Plus il y aurait rupture avec un « certain dogmatisme du lieu ou du lien (communautaire, national, étatique, religieux) plus on serait fidèle à l’exigence hyperbolique et peut-être démesurée … d’une responsabilité universelle et disproportionnée devant la singularité de tout autre … qui est le ferment de ce qui se dit “juif” ». 1 Marc-Alain Ouaknin Bibliothérapie, Lire c’est guérir, Seuil, 1994. « Dire “je suis juif”, comme je le fais, en sachant et en voulant dire ce qu’on dit, c’est bien difficile et vertigineux. On ne peut tenter de le penser qu’après l’avoir dit … le faire venant avant le savoir… ». Autre façon peut-être d’écrire le Naassé ve nishma, nous ferons et nous comprendrons (Exode, 24, 7.). D’après moi, et en guise de tentative de réponse à la méfiance derridienne vis-à-vis de la notion de communauté, je pense que ce concept contient au moins deux sens : un sens sociologique d’identité, d’affinité, de lieu de solidarité, d’entraide de fraternité. La communauté représente alors un cadre commun de confiance et de référence. En contrepoint existe aussi une signification politique au mot communauté qui est alors potentiellement porteur de négativités, à savoir celle d’une communauté qui fait la loi, qui a autorité sur ses membres, en les jugeant, les punissant, en excluant. L’œuvre de Derrida repose en grande partie sur la notion d’indécidabilité, ainsi peut-on lire dans les deux textes des expressions comme « un salut sans salut », p.79, « quand je joue sans jouer » p.87 ou encore « éviter sans éviter » p.81. On peut sans doute y déceler une difficulté à renoncer, à faire le deuil, à pratiquer une coupure, à choisir. Mais pour d’autres, l’équivoque généralisée parle plusieurs langues à la fois. La dualité dans une langue ouvre un espace de dialogue et de mouvement, une indécidabilité créatrice, une dissémination, un logos spermatikos, qui se propage sans cesse 1. Comme l’a dit en son temps, le talmudiste « Dans chaque mot, il y a un oiseau aux ailes repliées qui attend le souffle du lecteur ». On ne peut rêver de plus belle formulation pour terminer ce texte, tout en éclairant l’œuvre de Jacques Derrida. Alexandre Ezra Piraux n 39 Création d’identités visuelles, de sites internet et de brochures. +32 2 663 85 85 www.inextremis.be le shofar CA R N E T Mazal tov Condoléances Félicitations à Vicky Goldschmidt et Vincent Schillebeeckx pour la naissance de Tom, le 10 décembre 2014. Un chaleureux mazal tov en particulier aux grands-parents : Josiane et Jacques Goldschmidt, infatigables piliers de la communauté et grandsparents pour la sixième fois. Nos sincères condoléances vont à toute la famille de Guy Drielsma z’’l, décédé le16 janvier 2015. Bienvenue au petit Lior DelgouffreVanderstraete, né le 12 décembre 2014, et dont rabbi Neiger a mené le berit milah le 4 janvier 2015. Félicitations aux jeunes parents : Laurence et Laurent et à toute la famille. Mazal tov à Noam Bekhor qui a célébré sa bar mitzvah le 10 janvier 2015. Son commentaire de la parachah Chemot se trouve dans ce Shofar en page 29. Mazal tov à Julien et Delphine Amiach, qui nous ont fait part de la naissance de la petite Léonie le 16 janvier 2015. Mazal tov à Naomi Silberwasser, qui a célébré sa bat mitzvah le 7 février et dont le commentaire de la parachah Yitro est publié dans ce Shofar en page 33. Mazal tov aux trois familles qui ont présenté conjointement à la Torah les petits Léah, Lior et Noah, le samedi 28 février 2015. Merci à Ariane et Benoît Mairy, Laurence et Laurent Delgouffre, Stéphanie et Gary Pill, les fiers jeunes parents qui ont partagé ce beau moment avec la communauté! Nous adressons nos profonds regrets à Brigitte Feys et à Alain Berger pour le décès inopiné de leur fille Yaël Berger, survenu le 5 janvier 2015. Nous présentons nos condoléances à toute la famille et à ses amis, ainsi qu’à Nathan Muntz. Ruth Zucker-Krengel z’’l s’est éteinte le 25 janvier 2015. Rabbi Neiger a accompagné ses enfants, Joyce et Robert, dans ces moments difficiles. Au nom de toute la communauté de Beth Hillel, nous déplorons avec Gaëlle et Gitla Szyffer la perte de leur tante « de cœur » bienaimée, Jacqueline Leemans z’’l, décédée à 91 ans le 19 mars 2015. Nous avons appris avec tristesse le décès de Danielle Waks z’’l le 22 mars 2015. A son époux, Michel Wajs, et à leur enfants Lionel et Chloé, nous voulons dire toute notre sympathie. Nos pensées émues accompagnent la famille d'Iris Golan-Fischgrund z''l, qui s'est éteinte le mercredi 25 mars. A son époux Bernard Fischgrund, à ses filles Arielle et Romy, à toute la famille et à ses amis, nous adressons nos plus sincères condoléances. תנצב״ה Que leur âme soit reliée au faisceau des vivants. 41 I N F O R M AT I O N S U T I L ES VIE COMMUNAUTAIRE OFFICES DE CHABBAT Vendredi à 19h et samedi à 10h30 • Chabbat LeDor vaDor, tous les premiers vendredis du mois, à 18h30. • Chaharit chabbat court tous les troisièmes samedis du mois à 10h , suivi du cerle d’étude de la parachah à 11h. � TALMUD TORAH Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier. � COURS ADULTES ET CERCLES D’ETUDE Contactez le secrétariat au 02.332.25.28. � YAHRZEIT-HAZKARAH Si vous voulez être informés des dates de rappel du nom pour des membres de votre famille, contactez le secrétariat ( 0479.86.71.93 � Retrouvez toutes les informations et votre newsletter www.beth-hillel.org SOCIÉTÉ D’INHUMATION A.S.B.L. GAN HASHALOM En cas de nécessité, téléphonez aux numéros suivants : Le jour A Beth Hillel (02.332.25.28) Le soir Rabbi Marc Neiger (02.318.83.55) Si vous désirez souscrire à Gan Hashalom, téléphonez à Willy Pomeranc en journée (02.522.10.24) Gan Hashalom est réservé aux membres de la CILB en règle de cotisation et ayant adhéré à la société d’inhumation