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Un évêque parle
Mgr Marcel Lefebvre
Ecrits et allocutions
TABLE DES MATIÈRES
1963.
1. Lettre à tous les membres de la Congrégation du Saint-Esprit sur le port de la
soutane
2. Lettre à tous les membres de la Congrégation du Saint-Esprit au sujet de la
première session du Concile de Vatican II
1964.
Après la deuxième session du Concile de Vatican II
1965.
Entre la troisième et la quatrième session du Concile de Vatican II
1966
1. Un peu de lumière sur la crise actuelle de l'Eglise
2. Pour une vraie rénovation de l'Eglise
3. L'autorité dans la famille et dans la société civile au service de notre salut
1969.
Après le Concile : l'Eglise devant la crise morale contemporaine
1970.
Pour demeurer bon catholique faudrait-il devenir protestant ?
1971.
1. Le prêtre et le Saint-Sacrifice de la Messe
2. Les fruits de la nouvelle Messe
1972.
1. Le prêtre et la crise actuelle de l'Eglise
2. Un évêque nous parle
3. Pour que l'Eglise continue
1973.
Des prêtres pour demain
1974.
Crise de l'Eglise ou crise du Sacerdoce
1975.
1. Déclaration
Annexe
2. De la messe évangélique de Luther au nouvel Ordo Missae
3. Relation sur la manière dont la « Commission des trois Cardinaux » a procédé
pour aboutir à la décision de supprimer la Fraternité sacerdotale saint Pie X et
son Séminaire
4. Lettre à la « Libre Belgique »
5. De la messe et du sacerdoce catholique
6. Lettre aux Amis et Bienfaiteurs
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CHAPITRE I
Lettre à tous les membres de la Congrégation
du Saint-Esprit sur le port de la soutane
Mes chers Confrères,
Les mesures prises par un certain nombre d'évêques dans différents pays au sujet
de la tenue ecclésiastique méritent qu'on y réfléchisse, puisqu'elles peuvent avoir
des conséquences qui ne nous sont pas indifférentes.
En soi le port de la soutane ou du clergyman n'a de signification que dans la
mesure où cet habit marque une distinction d'avec l'habit laïc. Ce n'est pas d'abord
une question de décence. Au plus, le gilet montant du clergyman manifeste une
certaine austérité et discrétion; à plus forte raison la soutane.
Il s'agit donc davantage d'une désignation du clerc ou du religieux par son habit.
Il va de soi que cette désignation aille dans le sens de la modestie, de la discrétion,
de la pauvreté, et non dans le sens opposé. Il est évident que le particularisme de
l'habit doit porter au respect, et faire penser au détachement des vanis de ce
monde.
Il est bon d'insister surtout sur la première qualité qui est la spécification du
clerc, du prêtre ou du religieux, au même titre que le militaire, l'agent de police
ou de circulation. Cette idée se manifeste dans toutes religions. Le chef religieux
est facilement reconnaissable par sa tenue, souvent par ses accompagnateurs. Le
peuple fidèle attache une grande importance à ces marques distinctives. On a tôt
fait de distinguer un chef musulman. Les marques distinctives sont multiples : les
habits de qualité, les anneaux, les colliers, l'entourage montrent qu'il s'agit d'une
personne particulièrement honorée et respectée. Il en est de même dans la religion
bouddhiste, et dans tout l'Orient chrétien, catholique ou non.
Le sentiment très légitime du peuple fidèle est surtout le respect du sacré et de
plus le désir de recevoir les bénédictions du ciel, en toute occasion légitime, de la
part de ceux qui en sont les ministres.
En fait, le clergyman semblait jusqu'à présent être la tenue qui désignait une
personne consacrée à Dieu, mais avec le minimum de signe apparent, surtout dans
les pays où la veste correspond exactement au veston du laïc. Dans certains pays,
comme au Portugal et il y a peu de temps encore, en Allemagne, la veste est
longue et descend jusqu'aux genoux.
Les prêtres habitués dans ces pays à porter le clergyman le considèrent comme
un habit de sortie et non comme un habit d'intérieur. Souvent, d'ailleurs, ce cos-
tume à l'extérieur a été rendu obligatoire par les lois de l'Etat, contre le
catholicisme romain, ce qui explique le désir de reprendre la soutane dès qu'on se
trouve dans l'intérieur des locaux ecclésiastiques : presbytères et églises.
Il y a donc très loin de l'esprit dans lequel est porté le clergyman dans ces pays à
l'esprit que l'on constate chez certains prêtres vis-à-vis de l'habit ecclésiastique.
Il faut lire les considérants donnés par les évêques pour bien situer le sens de la
mesure prise.
C'est en effet devant le fait du port de l'habit laïc sans plus aucune distinction
particulière de l'état clérical et afin de l'interdire plus sûrement qu'ils ont concédé
l'autorisation du port du clergyman, sans aucun encouragement, et à plus forte
raison, sans aucune obligation.
Or, il faut constater que depuis ces ordonnances le port de l'habit laïc a
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énormément progressé partout, même là où il n'existait pas. Pratiquement, la
mesure prise dans beaucoup de diocèses a été l'occasion d'abandonner tout signe
distinctif de la cléricature. Les ordonnances ont été complètement dépassées. Et il
n'est pas question de soutane au presbytère ni souvent même de soutanelle à la
paroisse. Il est donc important de nous poser la question suivante : oui ou non est-il
souhaitable que le prêtre soit distingué, reconnu parmi les fidèles et les laïcs, ou
au contraire est-il aujourd'hui désirable en vue de l'efficacité de l'apostolat que le
prêtre ne se distingue plus des laïcs.
A cette question, nous répondrons par la conception du prêtre d'après Notre-
Seigneur et les apôtres, en considérant les motifs apportés par l'Evangile, afin de
savoir s'ils sont encore valables aujourd'hui.
Dans saint Jean, chap. XV, en particulier le v. 19 : « Si de mundo fuissetis,
mundus quod suum erat diligeret, quia vero DE MUNDO NON ESTIS, sed ego ELEGI
vos DE MUNDO, propter ea odit vos mundus... Si vous étiez du monde, le monde
aimerait son bien; mais parce que vous n'êtes pas du monde, puisque mon choix
vous a tirés du monde, le monde vous hait »; v. 21 : « Nesciunt eum qui misit me...
ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé », v. 27 : « et vos testimonium
perhibebitis, quia ab initia mecum estis... et vous aussi, vous témoignerez, parce
que vous êtes avec moi depuis le commencement ». Dans saint Paul aux Hébreux,
chap. V, v. 1 : « Omnis namque pontijex ex hominibus ASSUMPTUS pro hominibus
constituitur in Us quœ sunt ad Deum... tout grand prêtre, en effet, pris d'entre les
hommes, est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec
Dieu ».
Il est clair que le prêtre est un homme qui est choisi et distingué des autres. De
Notre-Seigneur, saint Paul (Héb., chap. VII, v. 26) dit qu'il est « segregatus a
peccatoribus... séparé des pécheurs ». Ainsi doit être le prêtre qui a fait de la part
de Dieu l'objet d'un choix particulier.
Il faudrait ajouter à cette première considération celle du témoignage de Dieu,
de Notre-Seigneur, que doit rendre le prêtre vis-à-vis du monde. « Et eritis mihi
testes..., vous serez alors mes témoins » (Actes, chap. I, v. 8). Le témoignage est
une notion qui vient souvent sur les lèvres de Notre-Seigneur. Comme Lui témoigne
de son Père, nous aussi nous devons témoigner de Lui.
Ce témoignage doit être vu et entendu sans difficulté de la part de tous. « On ne
met pas la lumière sous le boisseau, mais sur le chandelier, afin qu'elle procure la
lumière à tous » (Math., chap. V, v. 15).
La soutane du prêtre procure ces deux fins d'une manière claire et sans
équivoque : le prêtre est dans le monde sans être du monde, il s'en distingue tout
en y vivant, et il est aussi protégé du mal. « Je ne demande pas que vous les
enleviez du monde, mais que vous LES PRÉSERVIEZ DU MAL, car ils ne sont pas du
monde, comme moi je n'en suis pas non plus » (Jean, chap. XVII, v. 15-16).
Le témoignage de la parole qui est certes plus essentiel au prêtre que le
témoignage de l'habit, est cependant grandement facilité par la manifestation très
nette du sacerdoce qu'est le port de la soutane.
Le clergyman, encore que suffisant, est cependant déjà plus équivoque. Il
n'indique pas clairement le prêtre catholique.
Quant à l'habit laïc, il supprime toute distinction et rend le témoignage
beaucoup plus difficile, ainsi que la préservation du mal moins efficace. Cette
disparition de tout témoignage par le costume apparaît clairement comme un
manque de foi dans le sacerdoce, une mésestime du sens religieux chez le prochain
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et au surplus une lâcheté, un manque de courage dans les convictions.
Un manque de foi dans le sacerdoce
Depuis bientôt cent ans les papes ne cessent de déplorer la laïcisation
progressive des sociétés. Le modernisme, le sillonisme ont diffusé les erreurs
concernant les devoirs des sociétés civiles vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis de l'Eglise.
La séparation de l'Eglise et de l'Etat, acceptée, estimée parfois comme le
meilleur statut, a fait pénétrer peu à peu l'athéisme dans tous les domaines de
l'activité de l'Etat et en particulier dans les écoles. Cette influence délétère
continue, et il nous faut bien constater que bon nombre de catholiques et même de
prêtres n'ont plus une idée exacte de la place de la religion et de la religion
catholique dans la société civile et en toutes ses activités. Le laïcisme a tout
envahi, même nos écoles libres et nos petits séminaires. La pratique religieuse
diminue nettement dans ces institutions. On y communie de moins en moins.
Le prêtre qui vit dans une société de ce genre a l'impression grandissante d'être
étranger à cette société, puis d'être gênant, d'être le témoin d'un passé périmé et
définitivement révolu. Sa présence est tolérée. C'est du moins une impression
fréquente chez les jeunes prêtres. D'où ce désir de s'aligner sur le monde laïcisé,
déchristianisé, qui se traduit aujourd'hui par l'abandon de la soutane.
Ces prêtres n'ont plus la notion exacte de la place du prêtre dans le monde et
vis-à-vis du monde. Ils ont peu voyagé et jugent superficiellement de ces notions.
S'ils étaient demeurés quelque temps dans des pays moins athées, ils eussent été
édifiés en constatant que la foi dans le sacerdoce est encore, grâce à Dieu, très
vive dans la plupart des pays du monde.
Une mésestime du sens religieux du prochain
La laïcité, disons l'athéisme officiel, a du même coup supprimé dans beaucoup
de relations sociales les sujets de conversation concernant la religion. La religion
est devenue très personnelle, et un faux respect humain Ta reléguée au rang des
affaires personnelles, des affaires de conscience. Il existe donc dans tout le milieu
humain ainsi laïcisé une fausse honte, qui a pour conséquence de fuir ce sujet de
conversation.
C'est pourquoi l'on suppose gratuitement que ceux qui nous entourent dans les
relations d'affaires ou relations fortuites sont areligieux.
Or s'il est vrai, hélas, que beaucoup de personnes dans certains pays ignorent
tout de la religion, c'est cependant une erreur de penser que ces personnes n'ont
plus aucun sentiment religieux et c'est surtout une erreur de croire que tous les
pays du monde se ressemblent sous cet aspect.
Là encore les voyages nous apprennent beaucoup de choses et nous montrent
que les hommes en général sont encore, grâce à Dieu, très préoccupés par la
question religieuse.
C'est mal connaître l'âme humaine que de la croire indifférente aux choses de
l'esprit et au désir des choses célestes. Bien au contraire.
Ces principes sont essentiels dans l'exercice quotidien de l'apostolat.
C'est une lâcheté
Devant le laïcisme et l'athéisme, s'aligner entièrement c'est capituler et enlever
les derniers obstacles à leur extension.
Le prêtre est une prédication vivante par sa soutane, par sa foi. L'absence
apparente de tout prêtre, surtout dans une grande ville, est un recul grave de la
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prédication de l'Evangile. C'est la continuation de l'œuvre néfaste de la révolution
qui a saccagé les églises, des lois de séparation qui ont chassé les religieux et
religieuses, qui a laïcisé les écoles.
C'est renier l'esprit de l'Evangile qui nous a prédit les difficultés venant du
monde à l'adresse du prêtre et des disciples de Notre-Seigneur.
Ces trois constatations ont de très graves conséquences dans l'âme du prêtre qui
se laïcise et elles entraînent vers une rapide laïcisation les âmes des fidèles.
Le prêtre est le sel de la terre. « Si le sel s'affadit, de quelle utilité sera-t-il,
sinon à être jeté dehors pour être foulé sous les pas des passants ? » (Math., chap.
V, v. 13).
Hélas ! n'est-ce pas ce qui guette à tout instant ces prêtres qui ne veulent plus
paraître tels. Le monde ne les aimera pas pour autant, mais les méprisera. Les
fidèles, eux, seront douloureusement affectés de ne plus savoir à qui ils ont
affaire. La soutane était une garantie d'authenticité du sacerdoce catholique.
Il ne s'agit donc pas dans le cas présent, vu le contexte historique, les
circonstances, les motifs, les intentions, d'une affaire minime, d'une affaire de
mode ecclésiastique, ce qui n'aurait qu'une importance très secondaire. Il s'agit du
rôle même du prêtre comme tel dans le monde et vis-à-vis du monde. Et c'est bien
de cela qu'entendent juger les prêtres et religieux qui portent l'habit civil malgré
les défenses épiscopales. C'est pourquoi la mesure autorisant le clergyman n'a eu
aucun effet restrictif vis-à-vis du port de l'habit laïc mais bien au contraire, a pris
la signification d'un encouragement à le porter.
Il ne s'agit plus de savoir si le prêtre gardera la soutane, ou s'il portera le
clergyman au dehors et la soutane à l'église et au presbytère; il s'agit de savoir si le
prêtre gardera un habit ecclésiastique ou non.
Pour nous, dans ces conjonctures, nous avons choisi de garder l'habit
ecclésiastique, c'est-à-dire la soutane dans nos Provinces où elle a été en usage
jusqu'ici et le clergyman dans les Provinces où il est en usage, avec le port de la
soutane dans les communautés et à l'église.
Nous disons : « dans les conjonctures », car il va de soi que si des mesures
nouvelles étaient prises vis-à-vis du costume ecclésiastique qui sauvegarderaient
les deux principes énoncés ci-dessus : la marque extérieure du sacerdoce et le
témoignage évangélique et ce d'une manière décente et discrète, mais évidente,
nous n'hésiterions pas à les adopter.
Puissent, mes chers confrères, ces quelques considérations nous attacher de
toute notre âme à notre sacerdoce et à notre mission en ce monde. Avec Notre-
Seigneur puissions-nous dire à la fin de notre vie : « Père, j'ai manifesté votre nom
aux hommes que vous m'avez donnés du inonde... je vous ai rendu gloire sur la
terre, j'ai consommé luvre que vous m'avez donné de faire > (Jean, XVII).
Paris, en la jeté de Notre-Dame de Lourdes, le 11 février 1963.
CHAPITRE II
Lettre à tous les membres de la Congrégation du Saint-Esprit
au sujet de la première session du Concile de Vatican II
Fondements de la liturgie
Le faisceau de toutes les prières qui ont leur origine dans l'Eglise, celles qui ont
été par elle formulées, groupées, harmonisées autour d'actes prescrits forme cette
admirable liturgie qui est l'expression de la foi, de l'espérance et de la charité de
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