Discours de remerciements Prix Gérald-Sigouin remis à Michel Perron Congrès de l’AQPC, Montréal Michel Perron, Ph. D. 04/06/2013 Monsieur le Ministre Pierre Duchesne, Madame Marie-Claude Pineault, présidente de l’AQPC, Madame Fanny Kingsbury, directrice générale de l’AQPC, Madame Guylaine Proulx, directrice générale du Cégep de Jonquière, Membres du Conseil d’administration de l’AQPC, Vous tous membres et partenaires de l’AQPC, Chers amis, C’est la Directrice générale de l’AQPC, Madame Fanny Kingsbury, qui m’a fait part de la décision de l’Association québécoise de pédagogie collégiale de me remettre le prix Gérald-Sigouin. Deux mois plus tard, si mon sentiment de fierté demeure, s’est ajouté beaucoup de gratitude envers l’AQPC, bien sûr, mais également envers le Cégep de Jonquière, et en particulier sa directrice générale, Madame Guylaine Proulx. Le fait de recevoir le prix Gérald Sigouin me procure un fort sentiment d’accomplissement que je veux partager avec toutes celles et tous ceux qui ont œuvré avec moi dans le passé, de même qu’avec tous mes collègues actuels. Je remercie en particulier chacune des 35 personnes exceptionnelles qui travaillent dans nos équipes à la Chaire UQAC-Cégep de Jonquière VISAJ, à ÉCOBES– Recherche et transfert, au CRÉPAS et dans les autres projets auxquels je suis associé au Québec ou ailleurs. Cet honneur que vous me faites doit prendre tout son sens, je suppose, dans le chemin parcouru depuis mon admission en sociologie en 1968, un parcours plutôt en dehors des sentiers battus, je dois le reconnaître. Page 1 J’aimerais insister brièvement sur deux aspects en particulier pour tenter de partager avec vous le sens que je donne au prix qui m’est remis aujourd’hui. D’abord, je veux faire un court retour en arrière qui se veut révélateur de la place et du rôle qu’ont joué respectivement la sociologie et le Cégep de Jonquière depuis quarante dans ma carrière et mes engagements. Au fil de cette rétrospective, j’aimerais insister davantage sur ma rencontre avec des personnes d’exception, avec qui j’ai œuvré et porté le flambeau au cours de ces quatre décennies. De l’enfance aux études classiques Premier enfant d’une famille ouvrière qui allait en compter dix, j’ai été admis en 1960 aux études classiques au Petit séminaire de Chicoutimi. C’est en lisant le livre de Fernand Dumont, publié un peu avant sa mort, Récit d’une émigration, que j’ai encore mieux compris le sens et la portée du rapport Parent et de la Révolution tranquille pour des dizaines de milliers de jeunes Québécois originaires de familles ouvrières, qui ont pu dès lors accéder aux études supérieures, notamment par la mise en place des premiers programmes de prêts et bourses. En 1968, à la suite de mon engagement à la Jeunesse étudiante catholique où j’ai découvert un grand intérêt pour l’action sociale, je m’inscris en sociologie à l’Université Laval. La décennie 1970 : du baccalauréat en sociologie à la carrière de professeur Le Pavillon De Koninck était pratiquement neuf lorsque j’y suis arrivé à l’automne 1968. Personnellement, pendant mes études de 1er cycle, je n’ai jamais choisi un camp théorique ou méthodologique en particulier. En fait, ce sont plutôt les problématiques auxquelles je me suis intéressé plus tard dans ma carrière et dans Page 2 lesquelles je me suis engagé qui ont dicté mes choix de cadres théoriques et de modèles d’analyse. En 1971, j’ai 24 ans, pas encore d’enfants, et je suis très heureux de pouvoir utiliser le coffre d’outils acquis à l’Université Laval. On me confie le dossier du placement des enfants au Ministère des affaires sociales. À peine deux ans plus tard, soit en 1973, le Cégep de Jonquière m’offre alors de revenir au Saguenay–Lac-Saint-Jean à titre d’enseignant, pour contribuer à l’élaboration d’un nouveau programme en action sociale. Le Père Georges-Henri Lévesque a fondé la Faculté des sciences sociales à l’Université Laval en 1938. Quelque 35 années plus tard, les premiers programmes de formation collégiale dans le domaine social émergent et se multiplient. J’y aurai consacré dix ans de ma vie professionnelle, en tant que titulaire de cours sur les problèmes sociaux, et sur la recherche sociale. J’y ai assumé toutes les fonctions dévolues à un département. Pour la décennie 70, deux grands sociologues québécois ont influencé particulièrement mon parcours : Fernand Dumont et Guy Rocher. D’entendre encore aujourd’hui Guy rocher, à 89 ans, parler des étudiants, du printemps érable et de la démocratisation de l’éducation, constitue pour moi une véritable source de motivation. Au cégep de Jonquière, c’est le Père Oblat, Pierre-Paul Asselin, premier directeur général, qui m’encourage à poursuivre en recherche dès 1973, à la suite de l’enquête que j’ai réalisée auprès des premiers finissants en assistance sociale. Page 3 La décennie 1980 : un saut dans la recherche subventionnée Nous sommes en 1982. Avec l’entrée en scène du programme expérimental d’aide à la recherche dans les collèges du Fonds FCAR (ACSAIR), un tournant majeur survient. Je ne veux pas vous raconter ici ce cheminement qui, de subvention en subvention, de projet en projet, d’étape en étape, dans le cadre des recherches du Groupe ÉCOBES, pendant plus de trente années, nous a permis de contribuer, Suzanne Veillette et moi, à l’avancement de la recherche sociale, et ce, dans le contexte d’un cégep en région. C’est avec l’appui indéfectible des autorités et de nombreux professeurs du Cégep de Jonquière que les conditions gagnantes furent réunies : libérations de tâches d’enseignement, appui à la poursuite des études doctorales, rénovations de locaux, très nombreux coups de pouce pour la carrière internationale. Pour la décennie 80, pendant dix ans où j’ai pu contribuer à l’émergence de la recherche subventionnée dans le réseau collégial et à la reconnaissance de celle-ci à travers le rôle de l’Association pour la recherche collégiale, je m’intéresse principalement à la composante sociale de certaines maladies génétiques. La sociologue qui m’inspire à l’époque c’est évidemment Suzanne Veillette. C’est elle qui m’a proposé de me consacrer à des enquêtes en profondeur auprès des familles et des individus atteints ou à risque de certaines maladies neuromusculaires. Un neurologue, le docteur Jean Mathieu, devient un complice de nos travaux. D’autres collègues du réseau collégial furent également des acteurs clés : Robert Ducharme, Hélène Lavoie, Bruno Geslain, et j’en passe de nombreux évidemment. La décennie 1990 : la diversification et le rayonnement ÉCOBES est alors devenu un groupe de recherche. La technologie de localisation automatisée par les codes postaux sera transférée du domaine de la santé à celui de l’éducation. En 1991, toujours avec la complicité de Suzanne, et aussi avec Page 4 celle de jeunes professeurs du Cégep de Jonquière, nous entreprenons des études sur les inégalités d’accès au collégial, lesquels travaux m’ont amené au cœur de la problématique du décrochage scolaire. Le sociologue, Pierre-W. Bélanger de l’Université Laval devient un allié. Il s’est intéressé pendant longtemps avec Guy Rocher, aux aspirations scolaires et professionnelles des étudiants québécois. Nous prenons le relais. Toujours en 1991, je rencontre un géographe français de la santé, Henri Picheral, qui accepte de me diriger pour une thèse de doctorat sur le rapprochement de la sociologie et de la géographie pour appréhender les inégalités locales de santé, thèse soutenue en 1997 à Montpellier. À la même époque, à la suite des États généraux sur l’avenir du Saguenay–Lac-Saint-Jean, je deviens le chargé de projet du Conseil régional de prévention du décrochage scolaire (CRÉPAS), nouvel organisme oeuvrant à la mobilisation locale et régionale. La décennie 2000 : les grands chantiers Je me retrouve donc au cœur de deux grandes problématiques : d’une part, le fardeau génétique d’une région au Québec et, d’autre part, le décrochage scolaire et les inégalités de scolarisation dans toutes les régions du Québec. Sans délaisser les maladies héréditaires, la question du décrochage m’a particulièrement interpellé depuis 15 ans. J’ai voulu en faire un véritable enjeu de société. En cours de route, le concept de persévérance scolaire me paraît particulièrement judicieux pour mobiliser les communautés. Pendant toutes ces années, j’ai été absorbé par la recherche et l’action, notamment aux côtés d’un homme d’affaires, Jacques L. Ménard, président du Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec, créé en 2008. Ce que je retiens de ces douze à quinze dernières années, c’est l’entrée en scène dans nos équipes, de jeunes chercheurs et d’intervenants dynamiques qui ont pris progressivement le relais, assurant ainsi la continuité et la cohérence des Page 5 engagements dans de nouveaux cadres, celui d’un CCTT-PSN et d’une Chaire de recherche. Je suis particulièrement fier que nos travaux aient ainsi été reconnus pour contribuer à la mise en place de l’un des premiers centres de transfert en pratiques sociales novatrices (ÉCOBES) et d’une première chaire université-cégep (VISAJ). Dans ces nouveaux centres affiliés au réseau Transtech, les CCTT-PSN, on développe des façons innovantes d’aborder les problèmes sociaux en œuvrant dans un contexte d’interdisciplinarité, où le transfert des connaissances s’impose comme une exigence fondamentale. Le même esprit anime d’ailleurs la Chaire VISAJ. Conclusion En terminant, je tiens donc à remercier à nouveau le Cégep de Jonquière et le Conseil d’administration de l’AQPC. Je tiens à exprimer enfin ma reconnaissance au Portail du réseau collégial, en particulier à Monsieur Alain Lallier, d’avoir souligné la remise de ce prix. Sachez que l’honneur qui m’échoit aujourd’hui rejaillit sur l'UQAC et sur le Cégep de Jonquière, deux institutions qui ont innové en implantant la Chaire conjointe sur les conditions de vie, la santé et les aspirations des jeunes (VISAJ). Je souhaite longue vie à l’AQPC et je félicite en particulier tous les artisans (dirigeants de cégeps et de collèges, professeurs, chargés de projets, chercheurs, employés) qui, à chaque année, exposent avec brio les acquis et les succès du réseau collégial. Par votre présence à ce colloque, par votre persévérance et votre engagement, vous faites valoir le dynamisme, la vitalité et la capacité d’innovation du réseau collégial québécois. Bon colloque 2013! Page 6