un outil de promotion des programmes cliniques en

L’Evaluation des Pratiques Professionnelles: un outil de promotion des programmes cliniques
en réadaptation
J.-P. Devailly, L. Josse
L’évaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) joue un rôle important dans la certification des
établissements de santé depuis sa Version 2. Son rôle est encore renforcé dans la V 2010 puisque la
Haute Autorité de Santé (HAS) a fait de l’organisation de l’EPP une pratique exigible prioritaire
(PEP). Trop souvent considérée comme un exercice dont le formalisme est peu adapté aux
dysfonctionnements réels, consommant du temps au détriment des soins, l’EPP est fréquemment
vécue par les équipes comme un irritant bureaucratique. Elle vient s’ajouter aux nouvelles tâches
dédiées aux indicateurs de qualité institutionnels, à l’information médico-économique ou encore à
la gestion des risques. Mais, bien plus qu’un contrôle externe, et bien au-delà d’une simple usine à
papier, il s’agit un ensemble d’outils puissants de gestion des connaissances orientés vers
l’amélioration de l’organisation et de la qualité des soins. La démarche d’explicitation des procédés
de travail propres à chaque discipline permet une combinaison des savoirs formalisant des
programmes cliniques interdisciplinaires.
Le champ de la réadaptation médicale est un champ privilégié pour le développement de
programmes cliniques puisqu’il doit assurer l’indispensable assemblage d’expertises relatives d’une
part aux interventions diagnostiques et thérapeutiques (cure) et d’autre part à la coordination des
flux de travail complexes nécessaire au continuum des interventions (care). Le développement des
connaissances relatives aux interventions sur les conséquences multi-lésionnelles et multi-
fonctionnelles des maladies et accidents est indissociable de celui portant sur la continuité de la
mise en relation gociée du patient avec les réponses du système socio-sanitaire. Cette
complémentarité est la clé d’un accompagnement coordonné fonctionnant en réseau. L’objectif
final est la prévention ou la réduction au minimum des situations de handicap.
Cependant lorsque les procédés relèvent des compétences de la Médecine Physique et de
Réadaptation (MPR) doit-on parler de programme de MPR ou de réadaptation ? Est- ce la discipline
médicale ou un champ cohérent d’activités de soins qui doit s’afficher dans les programmes ? Cette
question difficile est liée à la tension perpétuellement accrue qui s’exerce entre les différents
niveaux d’ingénierie des programmes, au sens il faut les concevoir, les mettre en oeuvre et les
coordonner sous des contraintes croissantes de temps, de ressources et de réglementation.
L’approche programme permet des regroupements de trajectoires typiques et/ou fréquentes et de ce
fait susceptibles de modélisation (notion de filière) et la définition de groupes homogènes de
patients relevant de programmes financés à hauteur des besoins requis au regard des données
probantes. Elle peut se décliner selon trois niveaux : l’unité clinique, l’établissement et le réseau
intégré de soins.
- L’unité clinique est la plus petite cellule ou unité d’action en interaction avec la population. Ces
« micro-systèmes cliniques » selon le concept développé par Batalden et Nelson
1
sont considérés
comme la source principale d’amélioration des résultats, d’optimisation des moyens, d’innovation,
de changement des processus et de satisfaction la population soignante et soignée. Les programmes
explicitent les pratiques d’équipes pluriprofessionnelles selon un répertoire de processus de
réadaptation prodigués à des groupes spécifiques de patients. Mais pour que l’amélioration soit
associée à l’innovation ainsi qu’à l’apprentissage il faut que soit préservée la relation cursive des
savoirs ainsi contextualisés et des disciplines clés. C’est pourquoi le mode de différenciation des
structures dans la ingénierie des soins de suite et de réadaptation (SSR) est si important : il fallait
pour préserver à la fois la dynamique historique de création des compétences clés en MPR et les
résultats cliniques, regrouper, selon une logique de complexité des troubles fonctionnels et des
besoins en réadaptation, les valences de réadaptation relatives à l’appareil locomoteur et au système
nerveux, au moins aux niveaux de soins ou la surspécialisation ne s’impose pas. En privilégiant,
sous la pression de la maîtrise des coûts et de la T2A en court séjour, la seule dimension verticale de
la fluidité dans la filière de soins et l’orientation par pathologies vers les futurs SSR locomoteurs et
les SSR système nerveux, la pertinence des orientations des patients vers des unités performantes et
appropriées à leurs besoins risque fort de se dégrader.
- Au niveau de l’établissement, le bon fonctionnement de ces programmes dépend de la qualité des
interactions entre unités cliniques, disciplines et structures de support nécessaires à la prise en
charge du patient. La maîtrise des coûts et des processus impose de plus en plus aux établissements
un travail de standardisation fondé sur les preuves. Parmi les méthodes décrites par la HAS,
l’approche par processus (APP) et par programmes cliniques qui sont appelés en France « chemin
clinique » par la HAS, mais correspondent aux « pathways » anglo-saxons, aux « itinéraires
cliniques » belges
2
, et aux programmes canadiens, sont parmi les plus puissantes pour faire de
l’EPP une arme de choix pour une innovation organisationnelle recherchant l’efficience tout en
respectant les exigences de chaque discipline. me si les approches internationales diffèrent selon
les systèmes de soins, le niveau idéal de définition d’un programme clinique est celui de
l’établissement.
- Enfin, au niveau territorial/régional, l’approche par programme doit viser une stratégie intégrée de
soins dans le cadre d’un fonctionnement en réseau. L’EPP pourrait ainsi favoriser la démarche
d’identification et de valorisation de la réadaptation médicale et des principales disciplines qui la
constituent. Cependant, la déclinaison française de l’EPP, très hospitalo-centrée dans son volet
relatif à la certification, n’est pas suffisamment étendue au résultat clinique attendu de l’ensemble
de la chaîne de soins dans une perspective d’organisation territoriale graduée.
L'approche par programme doit être considérée comme un moyen d'intégration et de résolution des
tensions entre les différents niveaux d’organisation. Elle combine trois modèles de gestion : la
gestion par processus (activités orientées vers un résultat clinique), la gestion des ressources
(organisation et mise en place d’infrastructures) et la gestion des connaissances (visant
l’optimisation du système). Elle doit favoriser l'engagement des acteurs par une clarification des
rôles institutionnels et professionnels de façon à promouvoir leur collaboration. Le financement doit
aussi être revu en conséquence dans une optique de péréquation des coûts et des ressources
financières tout au long de la chaîne de soins. Il s’agit d’une modalité d’organisation des services et
des ressources humaines, financières et matérielles, visant à améliorer l’accès et la qualité par la
standardisation, et ce, pour pondre aux besoins de la population dans son ensemble et à ceux de
clientèles spécifiques. Toutefois, l’approche programme n’ignore pas le paradoxe de la clinique qui
selon Etienne Minvielle cherche à gérer la singularité à grande échelle. La pertinence du choix de
l’orientation vers un programme est régulièrement évaluée et les programmes doivent être
personnalisés sous forme de plans individualisés, respectueux du principe d’autonomie des
bénéficiaires.
Les équipes et structures de adaptation ont l’opportunité de faire émerger dans le cadre de l’EPP
des programmes de réadaptation susceptibles d’être « accrédités » par les sociétés savantes et
collèges professionnels. Un tel mécanisme a été mis en place au niveau européen par la section
MPR de l’Union Européenne des Médecins Spécialistes (UEMS) mais il doit être adapté à
l’organisation nationale et régionale de la santé en France.
Dans un domaine manquent souvent les hauts niveaux de preuve, la monstration de l'effet
de la "black box" l'emporte souvent sur la démonstration de l'effet des interventions, il s’agit de
constituer un répertoire de programmes explicitant les activités spécifiques de réadaptation et
orientant les modèles régionaux vers une graduation territoriale plus judicieuse des niveaux de soins
au regard de l’état de l’art. Une fois définis, ces programmes peuvent enfin donner lieu à une
évaluation par des indicateurs. Ils peuvent être mieux financés, et contribuer ainsi à ce que les
patients aient accès en temps opportun aux interventions de réadaptation requises. Cette
reconnaissance sera d'autant mieux assurée que ces indicateurs seront robustes, validés sur le plan
international et intégrés en routine au système d'information.
La publication dans une nouvelle rubrique « Evaluation des Pratiques Professionnelles » des
travaux réalisés par les équipes de MPR ou d’autres disciplines de réadaptation, dans le cadre de la
certification des établissements de santé, permettra de développer une dynamique de synergie et de
capitalisation des connaissances favorisant la promotion des disciplines clés de réadaptation
médicale face aux nouveaux enjeux de notre système de soins.
1
Clinical microsystems
http://dms.dartmouth.edu/cms/
2
Que sont les itinéraires cliniques ?
http://www.nkp.be/00000095de080620d/00000095de0fd374b/index.html
>> Plus de liens sur les programmes cliniques en réadaptation :
Programmes cliniques en réadaptation :
http://pagesperso-orange.fr/ampr-idf/newsletter2009programmes.htm
et sur
La MPR se met aux programmes :
http://sites.google.com/site/newslettersampridf/la-mpr-se-met-aux-programmes
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