V.I.T.R.I.O.L.
Ce symbole maçonnique est un des plus impénétrables aux oreilles
profanes. Il s’agit de l’acide sulfurique, utilisé de nos jours dans plusieurs
procédés industriels comme le raffinage du pétrole ou le lessivage des
minerais. Les alchimistes du Moyen Age s’en servaient dans leurs
entreprises de dissolution de la matière brute afin d’obtenir la pierre
philosophale.
La définition communément admise de notre symbole maçonnique est :
« Visite l’intérieur de la Terre et en rectifiant tu trouveras la pierre
cachée ». Jules Boucher prétend que le voyage à l’intérieur de la terre est
une descente vers les profondeurs de l’âme humaine. J’aimerais
maintenant m’éloigner de toute interprétation traditionnelle au sein du
corpus des auteurs maçonniques et me laisser aller à de libres
associations d’idées.
D’abord, et c’est une constatation des plus simples et orthodoxes, la
visite de l’intérieur de la Terre qui est proposée à l’impétrant se rapporte
à la première épreuve du rituel d’initiation, l’épreuve de la Terre. Celle-ci
a lieu dans le Cabinet de réflexion. Il s’agit d’un espace exigu et
faiblement éclairé par une chandelle. La psychologie des profondeurs
nous enseigne qu’un tel espace est une métaphore de la mère, du ventre
maternel. Les mythes et religions anciennes associaient la Terre à une
divinité maternelle. Terre mère, disent encore nos autochtones
traditionalistes. L’historien des religions Mircea Éliade rapporte dans son
histoire du chamanisme que le rituel d’initiation du futur chamane
commence par une retraite de plusieurs jours, voire plusieurs semaines
et même des mois dans certains cas, à l’intérieur d’une grotte.
Si tant est qu’il s’agit d’un retour dans le giron maternel, comment
interpréter l’espoir d’en sortir purifié, chamane, en possession de la
pierre philosophale ou de la pierre cachée? Et qu’est-ce que cette pierre
cachée? Est-ce l’âme humaine, comme le dit Boucher? Et qu’est-ce que
cette âme?
C’est maintenant que je suivrai une piste de réflexion livrée par la
psychologie des profondeurs. Le célèbre médecin français Alfred de
Tomatis a fait progressé la recherche scientifique sur la vie intra-utérine,
au cours des années 60 et 70. Ses découvertes furent basées sur le fait
que le sens qui se développe et se différencie le plus rapidement chez le
fœtus est l’ouïe. Ensuite, De Tomatis a prouvé que le fœtus se livre à une
écoute que nous pouvons qualifier d’active. Il se déplace à l’intérieur de
l’utérus afin de mieux écouter les sons lui parvenant du corps de sa mère.
La position d’écoute privilégiée consiste à se lover au fond de l’utérus,
près de la colonne vertébrale de la mère, qui agit comme conductrice de
son. De Tomatis a remarqué que le fœtus remue lorsque la mère se met à
parler. La voix de sa mère est le son qui l’intéresse le plus. Nous sommes
fondés de croire que lorsque la mère s’adresse à son enfant à naître, le
fœtus écoute. Il enregistre le message. D’une certaine façon, tout homme,
avant de naître, a été salué, reconnu et salué par sa mère et peut-être
même par d’autres voix amies.
De Tomatis était oto-rhino-laryngologue de spécialité, mais il travaillait
avec une équipe de psychiatres et de psychologues sur la dépression
adulte. Ils travaillaient avec des patients ayant été séparé de leur mère en
bas âge. Le traitement qu’ils ont développé consistait à faire entendre au
patient, à un certain moment de la cure ils étaient placés dans un lieu
exigu et fermé, la voix de leur mère, soit la voix elle, soit une voix
obtenue par synthèse électronique. Une voix qui disait : « Je t’ai toujours
aimé », « Nous t’attendions, tu sais », une voix qui saluait et
reconnaissait la personne comme être digne d’être aimé. Cette expérience
clef s’avérait toujours être le point pivot le patient reprenait confiance
en lui. C’est comme si elle avait réanimé le souvenir de la première
salutation. Une trace dans la mémoire, une sorte d’engramme. La
mémoire la plus profonde des hommes est une invitation à naître, à être
au monde.
Je ne voudrais pas établir de parallèles forcés avec notre rituel
maçonnique. Qu’il nous suffise de remarquer qu’avant de voir la lumière,
l’impétrant voyage dans l’obscurité. Il y est guidé par des voix amies, qui
déjà le saluent et le reconnaissent dans sa nouvelle condition. Non pas
simplement d’être humain, mais de maçon cette fois, ce qui est une
rectification de la première.
V.I.T.R.I.O.L. nous conduit à la pierre cachée dans les profondeurs de
l’âme humaine. Elle me semble ce trésor composé des voix amies et
anciennes qui nous ont salué et donné confiance en nous-même et au
monde. Mais il nous faut retourner symboliquement à la Terre et à la
mère pour les entendre.
J’ai dit.
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