une religion officielle. En France, à partir de 1905, une séparation assez semblable entre le pouvoir
politique et le pouvoir religieux a été instaurée, mais pour d’autres raisons : le gouvernement de
l’époque voulait diminuer le pouvoir de l’Église catholique.
Si on remonte plus loin dans le temps, on peut prendre l’exemple de grands empires (empire
d’Alexandre, empire romain, empire ottoman…) où coexistaient plusieurs religions de manière à peu
près pacifique. Les dirigeants de ces empires comprenaient qu’ils n’avaient pas les moyens d’imposer
leurs coutumes (y compris religieuses) à tous leurs sujets, et qu’ils devaient faire en sorte que toutes
les religions soient protégées les unes contre les autres, de manière à ce que l’unité politique du
territoire ne soit pas menacée.
[3. Influences scientifiques et philosophiques]
La coexistence pacifique de personnes ayant diverses croyances est une condition
nécessaire pour sortir du sectarisme, mais elle ne suffit pas. Il faut également une démarche
intellectuelle, une remise en question de certaines certitudes. Cette remise en question est
rendue possible par l’influence de la science et de la philosophie. La science a prouvé, à
l’aide d’expériences et d’observations rigoureuses, que certaines croyances religieuses
étaient fausses ou improbables. Par exemple, il paraît difficile, aujourd’hui, d’admettre que
l’univers a été créé en six jours, comme l’affirme la Genèse, le premier livre de la Bible.
Beaucoup de croyants ont donc été amenés à modifier leur point de vue. Ils n’ont pas
nécessairement abandonné leur religion, mais pris conscience qu’il leur faudrait essayer de
concilier leurs croyances avec les données de la science, quittes à cesser de prendre au pied
de la lettre les récits fondateurs de leur culte.
La philosophie a également joué un grand rôle dans la mise en doute de certaines
croyances religieuses, notamment au siècle des lumières. Mais ce travail avait commencé au
moins 2000 ans auparavant, lorsque des philosophes comme Platon, Aristote ou Épicure
tâchaient de purifier les croyances religieuses de leurs contradictions logiques. Ainsi, ils
refusaient d’attribuer aux dieux – censés être des modèles de sagesse – les défauts tout humains dont
ils faisaient montre dans les récits mythologiques : jalousie, manque de contrôle de soi, etc. Épicure
relevait une contradiction dans le fait de définir les dieux comme des êtres bienheureux tout en leur
attribuant des émotions ou des sentiments comme la tristesse, la colère, la jalousie, etc.
[Transition – Récapitulation et objection] D’après ce qui précède, des facteurs sociaux,
politiques, scientifiques et philosophiques peuvent contribuer à semer le doute dans l’esprit
de certains croyants. Il serait donc possible de sortir du sectarisme, de s’ouvrir à d’autres
manières de penser et d’agir, grâce à des influences extérieures. Mais ces influences, si elles
restent purement extérieures, auront-elles une quelconque efficacité ? Comment peut-on
adhérer à un discours scientifique ou philosophique si on a l’esprit complètement fermé, si
on a en soi des préjugés tellement forts qu’il est impossible de les déraciner ?
III. Une religion cesse d’être une secte quand ses adeptes prennent
conscience de ses contradictions internes
[1. Développement de l’objection]
L’être humain, en effet, n’est pas entièrement rationnel. Il peut être fermé à tout
discours scientifique ou philosophique si ce discours dérange ses préjugés et ses désirs les
plus profonds. Quand on est dans une communauté religieuse très unie, parce que sectaire,
on se sent soutenu, presque invincible. On n’a donc aucune envie de mettre en doute ses
croyances, donc de dialoguer avec des personnes extérieures à la communauté. En revanche,
on peut avoir envie de sortir de son sectarisme si on a pris conscience qu’il y a quelque chose