L`INCONSCIENT ET SES MYTHOLOGIES (III) http://blogs.mediapart

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L'INCONSCIENT ET SES MYTHOLOGIES (III)
http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-louis-racca/301012/linconscient-et-ses-mythologies-iii
Cette série de « billets » (six au total a priori) cherche à RÉSUMER le chapitre « l'inconscient et
ses mythologies » de l'ouvrage Psychologie de la vie quotidienne de Jacques Van Rillaer (JVR) [1].
Aussi érudit [2] qu'agréable à lire, le chapitre en question resitue historiquement l'émergence de la
notion d'inconscient.
Il expose également de nombreux aspects de l'évolution des connaissances sur le sujet, celles de la
psychologie scientifique en particulier, souvent peu connu dans notre « beau pays » ; et pointe le
« danger » d'invoquer cette notion à tout propos.
C'est peu de dire qu'au final, le concept d'inconscient en sort « dépsychanalysé » [3]...
Plan du billet :
Il est, par nature, calqué sur celui du chapitre.
Il comprendra donc le sous-chapitre suivant [4], plus particulièrement consacré aux circonstances
de la naissance de la psychanalyse [5] (le numéro de sous-chapitre a été ajouté pour la clarté de la
lecture ; il n’existe pas dans l’ouvrage) :
EVENEMENTS SANS SOUVENIRS, SOUVENIRS SANS EVENEMENTS
Pour expliquer les comportements, les hommes ont invoqué des facteurs aussi divers que des
passions envoyées par des dieux et des démons, des influences astrologiques, des humeurs (la bile,
le sang, la lymphe), la constitution, l'hérédité, les coutumes, le climat.
Une explication, aujourd'hui largement acceptée dans le monde occidental, réside dans l'histoire de
l'individu. Des conditionnements subis dans le passé, en particulier durant l'enfance,
détermineraient une large part, voire la totalité, des conduites présentes et futures (Montaigne,
Descartes - cf. billet I - énonçaient déjà cette thèse). Certains auteurs ont été jusqu'à remonter à la
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période prénatale : le médecin français Antoine Le Camus (XVIII siècle) expliquait la peur violente
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du roi Jean I d'Angleterre pour les épées par le fait que sa mère, lorsqu’elle était enceinte de lui,
avait assisté à un meurtre à l'aide d'une telle arme.
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Même si on trouve chez des magnétiseurs du XVIII , des récits de guérisons suite à l’évocation de
secrets pénibles, l'idée de l'utilisation thérapeutique du ressouvenir d'événements n'a été
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systématisée qu'au XIX siècle : Moritz Benedikt, un neurologue autrichien (années 1860), élabore
un traitement psychologique fondé sur l'exploration de secrets et d'événements traumatisants du
passé.
À partir de 1864, Benedikt, chef du Service de neurologie de la policlinique générale de Vienne, a
émis l'idée que l'hystérie est souvent causée par une perturbation psychologique de la vie sexuelle et
non, comme on le pensait à l'époque, par un dysfonctionnement somatique de l'utérus ou de la
sexualité. Il a ensuite développé la thèse que non seulement l'hystérie, mais tous les troubles
mentaux et même certaines maladies physiques trouvent leur origine dans des « secrets
pathogènes » (traumatismes sexuels de l'enfance, frustrations sexuelles ou affectives…). En
conséquence, le rôle du médecin est d'aider le patient à mettre au jour cette « seconde vie », cachée
« à l'intérieur du moi ».
Il fut un des tout premiers médecins à employer l'hypnose pour le traitement des troubles mentaux.
Il croyait que cette pratique permettait de devenir « clairvoyant » et de se remémorer avec
exactitude les événements oubliés d'un lointain passé… avant d’en devenir un adversaire déclaré,
estimant cette technique propice aux suggestions, aux mystifications et jugeant ses résultats
éphémères ; selon lui, l'exploration de la vie inconsciente doit s'effectuer à l'état de veille, en faisant
preuve de « courage moral ».
La théorie et la pratique de Benedikt ont joué un rôle capital dans les conceptions de Joseph Breuer
— à l'époque où celui-ci traitait sa célèbre patiente Anna O. —, de Freud et d'Adler.
Benedikt a publié une série de cas illustrant sa conception. Ellenberger, qui en donne un échantillon,
note que rien ne ressemble plus aux observations cliniques de Benedikt que celles que Freud
présentera, plus tard, dans les Études sur l'hystérie.
Des lecteurs de Freud peuvent s'étonner que celui-ci n'ait pas mentionné plus souvent ce précurseur
d'idées centrales de la psychanalyse (après 1895, un seul hommage de Freud...) : entre autres pour
entretenir « la légende de l'originalité absolue » (Ellenberger) de Freud et de la psychanalyse (voir
« Annexes », § 1). Si ses fidèles ont soigneusement entretenu ce mythe, Freud lui-même a tout fait
pour paraître un génie, qui a réalisé des découvertes révolutionnaires pour l'humanité (il n'hésita pas
à se comparer à Copernic et à Darwin).
La légende d'Anna O.
Aujourd'hui, pour beaucoup d'Occidentaux, il n'est guère douteux que le ressouvenir des
événements à l'origine d'un trouble mental est la condition nécessaire et suffisante pour la guérison
de ce trouble. Cette idée, promue par Benedikt, a été reprise par son ami Joseph Breuer en 1880, au
moment de traiter une Viennoise de 21 ans, Bertha Pappenheim, dont il publiera l'histoire sous le
nom d'Anna O (cas qui a joué un rôle déterminant — via le freudisme — pour la diffusion de la
croyance dans l'efficacité thérapeutique de la remémoration).
Anna O. avait consulté Breuer pour une toux opiniâtre, que celui-ci qualifia d'hystérique, avant que
d'autres symptômes apparaissent. Breuer s'est alors occupé intensément de la patiente (décembre
1880-juin 1882) et des troubles de plus en plus théâtraux se sont développés : états de stupeur, refus
d'alimentation et de boisson, périodes de mutisme et de surdité hystériques, crises d'angoisse,
paralysie de différentes parties du corps, anesthésies diverses, troubles du langage (Anna ne pouvait
plus comprendre ni parler sa langue maternelle et ne s'exprimait qu'en anglais), hallucinations,
dédoublement de la personnalité… À l'époque, le diagnostic ne laissait guère de doute : un beau cas
d'hystérie.
Breuer était spécialiste de médecine interne, et son incursion dans le domaine de la
psychopathologie fut de courte durée, malgré la réalisation de cette étonnante psychothérapie.
Durant un an et demi, il a passé plus de mille heures en sa compagnie, une durée qui annonce celle
des cures freudiennes. En 1882, il parlera de la patiente à Freud - qui ne l'a jamais rencontrée. La
publication du cas ne se fera qu'en 1895, dans l'ouvrage Études sur l'hystérie, écrit par Breuer et
Freud.
Idées-clés :
Anna O. se mettait elle-même en état d'hypnose.
Breuer l'invitait alors à remonter dans le passé pour découvrir le point de départ de ses symptômes.
L'exemple par excellence de cette méthode est l'analyse d'une « impossibilité » temporaire de boire.
En plein été, durant six semaines, Anna disait ne pouvoir s'abreuver que par des fruits, notamment
des melons. En état hypnotique, elle raconta que sa répugnance avait commencé après avoir vu le
petit chien de sa dame de compagnie boire dans un verre d'eau. À ce moment-là, voulant rester
polie, elle n'avait rien dit. Une fois terminé son récit à Breuer, elle demanda à boire et but sans
difficulté. « Ensuite le trouble disparut à jamais. »
Breuer en déduit : les somatisations hystériques sont des conversions somatiques d'émotions qui
n'ont pu s'éliminer par la voie normale de l'action. Il a estimé que le traitement de ce type de
symptômes, voire de tous les troubles névrotiques, doit passer par la prise de conscience et la
décharge (Entladung) d'affects bloqués. Il a appelé son procédé la « méthode cathartique ». La
patiente elle-même l'avait baptisé « talking cure », la cure par la parole.
Dans sa publication, Breuer affirme que les symptômes disparurent les uns après les autres jusqu'à
ce qu'elle retrouve « une parfaite santé. »
Freud, dans toutes les présentations qu'il fera du prototype de la cure psychanalytique, affirmera que
« tous » les symptômes d'Anna O. disparurent grâce au rappel de souvenirs accompagnés des
émotions qui s'y trouvaient liées.
Le lecteur des Études sur l'hystérie peut s'étonner :
 que Breuer, qui avait réussi à traiter avec un succès total un cas aussi grave que celui d'Anna
O., n'ait pas continué à pratiquer la psychothérapie.
 du délai entre cette impressionnante guérison et sa publication : treize ans.
 de lire, dans l'autobiographie de Freud, que c'est Freud qui a eu l'idée de publier le cas et que
lorsqu'il en fit la proposition à Breuer — qui avait cependant déjà une longue pratique de
publications scientifiques — celui-ci « commença par se défendre violemment ». N'est-ce
pas étrange ?
En 1953, Ernest Jones, ami et biographe de Freud, évoquait ce qui était devenu un secret de
polichinelle dans le milieu freudien : « L'état de la pauvre malade ne s'améliora pas autant que le
laisserait supposer l'observation écrite de Breuer. (...) Un an après qu'il eut cessé de la soigner,
Breuer confia à Freud qu'elle était tout à fait détraquée, et qu'il lui souhaitait de mourir et d'être
ainsi délivrée de ses souffrances. »
Ellenberger, le célèbre historien de la psychiatrie, a voulu faire toute la clarté sur le cas princeps de
la cure psychanalytique et a mené une longue enquête ; il a retrouvé au Sanatorium Bellevue, à
Kreuzlingen, les rapports psychiatriques relatifs à cette patiente. Les documents montrent
incontestablement que le récit publié par Breuer — et que Freud ne cessera de répéter — est une
tromperie parfaitement consciente. Dans une note à ses confrères, Breuer écrit qu'à la fin de son
traitement, alors qu'il pratiquait chaque soir la « cure par la parole », l'état de la patiente, « pour des
raisons inexplicables », s'était aggravé.
Anna O. a fait de longs séjours dans cette clinique suisse : en 1882, de 1883 à 1884, en 1884, en
1885 et en 1887. La lecture des archives qui la concernent, ignorées pendant près de quatre-vingtdix ans, a conduit Ellenberger à devoir conclure : « Le «prototype d'une guérison cathartique» ne fut
ni une guérison ni une catharsis. Anna O. était devenue une morphinomane grave qui avait conservé
une partie de ses symptômes les plus manifestes. » (Breuer avait prescrit de la morphine au cours de
son « traitement par la parole », un détail passé sous silence dans les Études sur l'hystérie).
Séduction réelle, fantasme ou suggestion ?
Quand Freud commence à pratiquer la psychothérapie, en 1886, il utilise la méthode de Benedikt et
de Breuer : retrouver les événements, cachés ou oubliés, censés être à l'origine des troubles. Le
contenu de ses exposés de 1895 et 1896, peut se résumer par la phrase : « Quel que soit le
symptôme d'où l'on a pris son départ, on finit immanquablement par parvenir au domaine de
l'expérience sexuelle » Pour lui, l'expérience sexuelle est aux névroses ce que le bacille de Koch est
à la tuberculose.
À cette époque, Freud répartit l'ensemble des troubles dits « névrotiques » en quatre catégories :
- l'hystérie,
- la névrose obsessionnelle,
- la neurasthénie
- la névrose d'angoisse.
Selon lui, les deux dernières sont causées, dans tous les cas, par des désordres actuels de la vie
sexuelle, raison pour laquelle il les nomme « névroses actuelles ». La neurasthénie - une entité
clinique qui correspond plus ou moins à ce que l'on appelle aujourd'hui « syndrome de fatigue
chronique » et « trouble dysthymique » - est toujours le résultat de la masturbation ou de
« pollutions spontanées ». La névrose d'angoisse - aujourd'hui « trouble panique » et « trouble
d'anxiété généralisée » - est toujours l'effet de frustrations sexuelles, le plus souvent le coït
interrompu. D'autre part, Freud désigne par « psychonévrose » deux troubles qu'il explique par un
processus psychologique qui remonte à l'enfance : l'hystérie, toujours produite par le refoulement
du souvenir d'une séduction sexuelle subie dans la petite enfance, et la névrose obsessionnelle,
toujours la conséquence du refoulement du souvenir d'une expérience sexuelle précoce, qui a
provoqué du plaisir et ensuite de la culpabilité.
Notons que, pour Freud, les expériences sexuelles de la petite enfance ne sont pas automatiquement
pathogènes : pour que se développent l'hystérie ou la névrose obsessionnelle, il faut nécessairement
que ces expériences aient été refoulées et que leur souvenir soit devenu totalement inconscient !
Freud affirme sans hésitation qu'aucun de ses patients ne se souvenait spontanément de scènes de
séduction, mais que tous avaient été guéris dès qu'il leur avait fait prendre conscience de ces
souvenirs refoulés, après énormément de résistances, d'indignation et d'incrédulité.
Lorsque Freud expose ces conceptions à des collègues, ceux-ci se montrent sceptiques quant au
caractère universel de l'explication sexuelle. Ainsi Richard von Krafft-Ebing - le professeur de
psychiatrie de l'université de Vienne et l'auteur d'un célèbre ouvrage de sexologie, Psychopathia
Sexualis, paru en 1886 - déclare, au terme d'un exposé de Freud, que la sexualité joue certes un
grand rôle dans l'étiologie des névroses, mais que Freud se trompe en généralisant à tous le cas. Un
autre collègue affirme que d'autres facteurs (surmenage) peuvent également jouer. Freud répond
sans hésiter qu'il a réussi à découvrir le facteur sexuel dans tous ses cas, sans aucune exception. Il
affirme avoir la certitude absolue (absolute Sicherheit) que la sexualité est la pièce manquante du
puzzle de la psychopathologie.
Les confrères de Freud sont choqués par son « monoïdéisme » (et non par l'évocation de la sexualité
pour expliquer une partie des troubles névrotiques, idée déjà largement diffusée dans les milieux
médicaux - voir « Annexes », § 2). Ils sont échaudés par la bévue de Charcot : les grandes crises
d'hystérie « typiques », longuement décrites par que le maître de la Salpêtrière (années 1880),
avaient été produites par ses propres attentes et suggestions, chez quelques patientes
particulièrement douées pour se donner en spectacle. von Krafft-Ebing pense que les « aveux » des
patients ont été produits par des suggestions du thérapeute : il qualifie sa théorie de « conte de fée
scientifique ».
Freud reconnait lui-même exercer une pression considérable sur ses patients : lorsqu'ils souffrent
d'hystérie et d'obsessions, il les presse de retrouver des « souvenirs de séduction » ; lorsqu'ils
souffrent de « névroses actuelles », il les pousse à avouer leurs « désordres » sexuels du moment
(masturbation, coït interrompu). Il écrit par exemple, au sujet des « séductions subies dans la
première enfance » : « Les malades ne racontent jamais ces histoires spontanément, ni ne vont
jamais dans le cours d'un traitement offrir au médecin tout d'un coup le souvenir complet d'une telle
scène. On ne réussit à réveiller la trace psychique de l'événement sexuel précoce que sous la
pression la plus énergique du procédé analyseur et contre une résistance énorme, aussi faut-il leur
arracher le souvenir morceau par morceau. » Il précise ailleurs que, « dans la plupart des cas, les
souvenirs n'étaient retrouvés qu'après plus de cent heures de travail. »
On sait aujourd'hui que Freud a menti quant au nombre de patients qu'il avait traités, comme sur
beaucoup d’autres points (voir « Annexes », § 3). Ce qui nous occupe ici c'est la facilité avec
laquelle une théorie psychologique peut se confirmer, ainsi que la possibilité de suggérer des
« souvenirs » d'événements qui ne se sont pas produits. Freud expliquait à ses patients, souffrant
d'hystérie ou d'obsessions, qu'ils ne guériraient que s'ils déterraient des souvenirs sexuels
complètement refoulés et il prenait tout le temps nécessaire pour que les patients se fassent à cette
idée. Des patients — Freud écrit jusqu'en 1897 « tous mes patients » — finissaient par « se
remémorer ».
En septembre 1897, Freud est désemparé. Il écrit à Fliess : « Je ne crois plus à ma neurotica [théorie
des névroses] [...] Maintenant je ne sais plus où j'en suis [...] Garder la sérénité, tout est là. J'aurais
lieu de me sentir très mécontent. Une célébrité éternelle, la fortune assurée, l'indépendance totale,
les voyages, la certitude d'éviter aux enfants tous les graves soucis qui ont accablé ma jeunesse,
voilà quel était mon bel espoir. Tout dépendait de la réussite ou de l'échec de l'hystérie. Me voilà
obligé de me tenir tranquille, de rester dans la médiocrité, de faire des économies, d'être harcelé par
les soucis. (21.09.97) »
Freud dit abandonner l'idée que l'hystérie est toujours le résultat de sévices sexuels de la première
enfance : malgré tous ses efforts, certains patients maintiennent qu'ils n'ont aucun souvenir d'avoir
été sexuellement abusés, d’autres ne guérissent pas malgré la découverte de sévices « refoulés » ;
« il n'y a dans l'inconscient aucun indice de réalité permettant de distinguer l'une de l'autre la vérité
et la fiction investie d'affect ». Il ajoute alors qu'une solution reste possible : les récits de séduction
sont des scènes imaginées, des fantasmes.
Pour la grande majorité des freudiens, la psychanalyse commence à ce moment précis : lorsque
Freud remplace la théorie de la séduction par celle du fantasme, lorsqu'il conçoit que l'essentiel n'est
pas la « réalité matérielle » du passé, mais la « réalité psychique », les souvenirs d'événements
imaginés par les patients, dans la petite enfance, au cours de leurs activités auto-érotiques.
Jouant lui-même jusqu’à la fin de sa vie sur deux tableaux, Freud a toujours continué à chercher des
événements de l'enfance (cf. ses exposés de cas – Dora, l'Homme aux Loups). En 1914, il
ambitionne encore de « combler les lacunes de la mémoire » grâce à l'interprétation des résistances,
même s’il explique que la technique psychanalytique n'est plus celle de Breuer - provoquer la
catharsis d'émotions bloquées grâce à l'hypnose. Dans son dernier article sur cette question (1937),
il écrit encore : « Les symptômes sont des substituts d'oublis ». Chaque fois que des témoignages
viennent contredire formellement ses découvertes « archéologiques », il rappelle que l'important ce
sont les fantasmes inconscients et non la réalité des faits (Cette« dialectique » rend « irréfutable » sa
théorie de la causalité sexuelle des troubles mentaux. Si l'on accepte la « logique » freudienne, il est
impossible d'imaginer un seul cas qui pourrait remettre en question cette théorie, ni même la faire
évoluer. La théorie freudienne est séduisante, elle n'est pas scientifique.
ANNEXES :
Ces trois paragraphes (§) constituent respectivement les notes 63, 77 et 82 du chapitre. Les deux
premières donnent de nombreuses références de recherches historiques sur la genèse de la
psychanalyse. La dernière donne une bibliographie qui détaille quelques uns de ce qu’il faut bien
appeler des mensonges de Freud, même si « certains chercheurs lui ont trouvé des excuses ».
§. 1. (note 63) : Ellenberger H., À la Découverte de l'Inconscient, trad., éd. Simep, 1974, p. 464 et
passim (éd. anglaise : 1970). De nombreux spécialistes de la pensée freudienne ont confirmé tout à
fait le point de vue développé par Ellenberger en 1970. Voir par exemple Sulloway F., Freud,
Biologist of The Mind : Beyond the Psychoanalytic Legend, trad., Freud, Biologiste de l'esprit [le
titre de la traduction a été amputé, peut-être pour moins effrayer les acheteurs français], Fayard,
trad., 1981, 620 p., rééd. 1998. — Brès Y., Critiques des Raisons psychanalytiques, Paris, P.U.F.,
1985, p. 142. — Webster R., Why Freud was wrong. Sin, Science, and Psychoanalysis. New York,
Harper Collins & Basic Books, trad., Le Freud inconnu. L'invention de la psychanalyse, Paris,
Exergue, 1998. — Crews F.C., Unauthorized Freud. Doubters Confront a Legend, New York,
London, Viking, 1998.
§. 2. (note 77) : Laplassotte F., « Sexualité et névrose avant Freud : une mise au point »,
Psychanalyse à l'Université, 1977, 3, p. 203-26.
§. 3. (note 82) : Par exemple, en 1898, alors même qu'il se plaint régulièrement à Fliess de manquer
de patients, Freud publie un article où il affirme avoir traité 200 neurasthéniques, qui lui ont montré
que « dans tous les cas, sans exception » la cause du trouble était « la masturbation excessive ou des
pollutions accumulées » (« La sexualité dans l'étiologie des névroses », trad., Œuvres complètes,
P.U.F., vol. III, p. 215-40)… Il est évident qu'il ment. En 1974, Frank Cioffi, professeur à
l'université de Kent à Canterbury, publiait un article au titre et au contenu irrévérencieux : « Freud
était-il un menteur ? » ( « Was Freud a liar ? », The Listener, 7 févr. 1974, p. 172-74, rééd. dans
Crews F., éd., Unauthorized Freud, New York, Viking, 1998, p. 34-42). Depuis, des historiens de la
psychiatrie et de la psychanalyse ont fait de plus en plus de découvertes et de révélations. Que
Freud ait souvent menti pour apparaître comme le créateur d'une psychologie révolutionnaire est
aujourd'hui parfaitement démontré. Celui qu'on a appelé un « maître du soupçon » est assurément
un maître du mensonge. Certains chercheurs lui ont trouvé des excuses. Par exemple Webster
termine son imposant ouvrage en disant notamment : « En dépit de son attitude parfois moins que
scrupuleuse vis-à-vis de la vérité, il reste que, si Freud a voulu persuader ses contemporains
d'accepter la psychanalyse, c'était pour nulle autre raison que sa propre foi en elle. En ce sens, la
théorie psychanalytique n'est pas plus une escroquerie que ne le sont le christianisme, l'Islam, le
judaïsme ou tout autre système de croyance religieuse. » (Le Freud inconnu. L'invention de la
psychanalyse, trad., éd. Exergue, 1998, p. 490). D'autres chercheurs, surtout parmi ceux qui avaient
commencé par croire sans réserve les Ecrits freudiens, ont réagi à la mesure de leurs déceptions.
Ainsi Han Israëls, professeur d'histoire de la psychologie à l'université d'Amsterdam, a publié un
ouvrage au titre sans équivoque : De Weense kwakzalver. Honderd jaar Freud en de freudianen. [Le
charlatan de Vienne. Cent ans de freudisme et de freudiens], Amsterdam, Bert Bakker, 1999. Sur les
fraudes freudiennes, le lecteur anglais a l'embarras du choix. Particulièrement éclairante est une
anthologie de vingt textes rassemblés par Frederick Crews (université Berkeley), Unauthorized
Freud. Doubters Confront a Legend, New York & London, Viking, 1998, 302 p. En français, le
travail le mieux documenté est, à ce jour, celui de Jacques Bénesteau (université de ToulouseRangueil), Mensonges freudiens, Belgique, éd. Mardaga (diffusé en France par SOFEDIS), 2002,
400 p.
NOTES :
[1] ↑ Odile Jacob (2003), 336 pages (pp. 149 à 222, pour le chapitre résumé).
[2] ↑ Ce seul chapitre, qui compte 74 pages, comporte 170 (cent soixante-dix) notes de bas de
pages !
[3] ↑ La « dépsychanalysation » de ce concept n'est pas anodine dans notre pays où tout élève de
Terminale reçoit un enseignement de philosophie dans lequel, comme le rappelle plaisamment ici
(p. 3) l'éditorialiste de « Côté Philo » : « Aucune autre notion (au programme que celle
d'inconscient, NDJLR) ne sert de prête-nom à un auteur. » !
Cette série de billets permettra, je l'espère, de rétablir un peu de faits dans un monde largement
peuplé de légendes... et de mythologies.
[4] ↑ Les 11 sous-chapitres s'intitulent :
I. L'INCONSCIENT, IL Y A PLUS DE 300 ANS
II. L'INCONSCIENT À L'AUBE DE LA PSYCHOLOGIE SCIENTIFIQUE
III. EXEMPLES DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES SUR L'INCONSCIENT AU XXème
SIÈCLE
IV. BUVEZ COCA-COLA : ACHETEZ MES CASSETTES
V. EVENEMENTS SANS SOUVENIRS, SOUVENIRS SANS EVENEMENTS
VI. FORCE ET FRAGILITE DE LA MEMOIRE
VII. L'EPIDEMIE DES FAUX SOUVENIRS D'ABUS SEXUELS
VIII. L'EXPLORATION DE VIES ANTERIEURES
IX. LES ENLEVEMENTS PAR DES EXTRATERRESTRES
X. POURQUOI IMAGINONS-NOUS DES SOUVENIRS ?
XI. DU DANGER D'INVOQUER L'INCONSCIENT
[5]  Les précisions données dans ce sous-chapitre, en particulier dans le paragraphe « La légende
d'Anna O. », le rendaient particulièrement difficile à résumer sans trahir l’ouvrage ; ce qui explique
de nombreuses « reprises »… et la longueur du billet.
jkjly
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