Le coeur de la Savoie a toujours battu de toutes les émotions
de la France, parce qu'il y avait dans les masses le sentiment
instinctif que là était leur avenir, et que leur position
actuelle n'était que transitoire : on suivait avec intérêt les
journaux piémontais, mais on dévorait ceux qui nous
parlaient de la France, de ses commotions et de ses
grandeurs.
Nous souffrions de ses dissensions et étions heureux,
comme ses enfants, de la voir sortir grande et triomphante des
douloureuses épreuves que la Providence ne semble envoyer
aux nations que pour retremper et mûrir leur intelligence :
à ce titre, la Savoie qui a glorieusement suivi les aigles
triomphantes du premier empire sur tous les champs de
bataille, a acclamé le 2 décembre 1861.
Depuis 1848, les dissidences entre la Savoie et le Piémont
ont eu un caractère plus tranché.
C'est aussi dès cette époque que le travail d'émancipation
italienne a pris un plus grand développement, et c'est
sous l'influence de cette noble pensée, qui peut-être n'était
pas pure de toute ambition, que le Roi Charles-Albert a tiré
son épée, la seule que l'Italie eût alors à son service pour
conquérir son indépendance.
Les cris d'enthousiasme avec lesquels on saluait l'aurore de
la résurrection d'un grand peuple, ont eu de l'écho dans nos
montagnes; nos soldats et nos volontaires l'ont dignement
prouvé en allant, avec enthousiasme aussi, verser leur sang
dans les plaines de la Lombardie; et cependant, la Savoie
n'ignorait pas que la cause italienne n'était pas la sienne, car
elle savait bien que le succès annihilerait sa juste part
d'influence ou la séparerait du faisceau italien, et que la
défaite serait pour elle une cause de ruine.
Tout le monde connaît la triste issue de deux campagnes
successives et le martyre d'un Roi qui n'a eu que le tort de