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aujourd’hui encore, vous accompagne, c’est ainsi. Permettez de relever ici un tour de force : 
celui  d’avoir  fait  d’une  étiquette  une  esthétique,  voire  une  philosophie  de  la  vie :  « J’ai 
beaucoup rêvé de métamorphoses »
. Il suffit, pour  s’en  convaincre,  d’énumérer quelques-
uns de vos titres, en forme de métatexte : Passage de Milan, La Modification, Degrés, Mobile, 
Réseau aérien,  6 810 000  litres  d’eau  par  seconde,  La  Rose  des  vents,  Dialogue  avec  33 
Variations de Ludwig van Beethoven sur une valse de Diabelli, Travaux d’approche, Matière 
de rêves, Second sous-sol, Troisième dessous, Envois, Improvisations sur Flaubert, Mille et 
Un Plis, Le Retour du Boomerang, Au jour le jour, De la distance, Echanges, Transit, Les 
mots dans la peinture, A la frontière, Gyroscope, Curriculum vitae, Pour tourner la page, Ici 
et là, Paris à vol d’archange, Géographie parallèle, L’Aède en exil, Tombes titubantes, etc. 
  Quelle voie donc emprunter, avec Léon Delmont ? De quel « fil d’Ariane »
 se saisir, 
avec Jacques Revel, pour tenter de s’y retrouver dans l’immense « maille […] de ce long filet 
de phrases enserrant [non pas] toute [une] année »
 comme pour lui, mais toute une vie ? 
Migrateur d’une culture à l’autre, d’un continent à l’autre, vous êtes passé, par le détour de 
l’essai, du roman à la poésie, et de l’essai à celle-ci par le détour du livre d’artiste. Et toujours, 
par la peinture et  la  philosophie,  du  silence au langage. Du  langage artistique au langage 
théorique car le texte, n’est-ce pas, toujours inachevé, appelle l’invention de la critique.  La 
modification est bien votre paradoxale cohérence, elle nous livre  le  tableau  inachevé  d’un 
Michel  Butor  écrivain-voyageur  (et  marcheur),  écrivain-regardeur,  écrivain-professeur, 
écrivain-encyclopédiste,  écrivain  joueur  et  travailleur,  écrivain-explorateur.  « Je  voudrais 
mordre dans le monde comme dans une belle pomme »
. 
  À passer ainsi d’une région à l’autre, à n’être jamais là où l’on vous attend, vous êtes 
resté fidèle à votre vocation de médiateur que vous revendiquez, de passeur : « Toute mon 
œuvre, tout ce que j’ai écrit est pédagogique »
, fidèle à cette conviction que le travail sur le 
langage, modifiant notre regard, est ferment de transformation du monde, ce que vous avez 
appelé l’« utilité poétique », car « les choses ne vont pas bien du tout »
. C’est aussi ce qui 
nous  fait  vous  souhaiter  la  bienvenue,  nous  qui  partageons  votre  passion  d’enseigner,  que 
vous  définissez  comme  une  aventure  :  emmener  l’élève  ou  l’étudiant  avec  soi,  le  faire 
cheminer, métier difficile, dites-vous, notamment  en littérature, mais d’autant  plus  essentiel 
que  tout  ou  presque,  je  vous  cite  encore,  nous  vient  du  langage  (mais  alors,  si  j’ai  bien 
 
 Ibid., p. 8. 
 Michel Butor, L’Emploi du temps, Éditions de Minuit [1956], 1995, p. 247. 
 Ibid., p. 351. 
 Michel Butor, l’écrivain migrateur, ouvr. cit., p. 7. 
 Ibid., p. 31. 
 Ibid., p. 3.