
Un mauvais procès au modèle québécois
Étude des pièces à conviction.
Par Jean-François Lisée
(Publié dans: Justice, démocratie et prospérité -- L'avenir du modèle québécois, sous la direction de Michel
Venne, Québec-Amérique, 10 novembre 2003). Voir aussi la conférence PowerPoint s'y rattachant:
Déchiffrer le modèle québécois (au http://www.vigile.net/ds-economie/docs3/lisee-mauvais-proces.ppt)
Tous s’entendent sur le caractère perfectible de ce qu’il est convenu d’appeler « le modèle
québécois ». Nous sommes cependant en présence, de la part de certains quartiers néo-
libéraux, d’une attaque frontale contre les choix fondamentaux des Québécois (pour
résumer : leurs choix sociaux-démocrates). Les néo-libéraux proposent une rupture, ce qui
est leur droit, mais fondent leur propos sur un diagnostic catastrophiste de la performance du
Québec de ces dernières années. Voilà à quoi ce texte veut d’abord s’adresser.
Le procès fait au modèle québécois est essentiellement fondé sur trois accusations,
répétées jusqu’à plus soif : 1) Ce modèle nous fais reculer par rapport aux autres nations
comparables ; la preuve : sur 60 provinces et États nord-américains, le Québec arrive 48e ou
57e selon les critères pour son revenu par habitant ; 2) l’Etat québécois est comparativement
lourd et coûteux, les fonctionnaires y sont plus nombreux qu’ailleurs ; 3) les Québécois sont
les plus taxés en Amérique du Nord, les contribuables vivent donc dans un « enfer fiscal ».
Il vaut la peine d’examiner ces trois assertions sans détour avant d’aborder la question des
réformes nécessaires.
Les Québécois sont-ils aussi pauvres qu’on le dit ?
La première accusation est tirée d’un important article produit en 2000 pour Statistique
Canada par les économistes Michael Wolfson et Brian Murphy
. Ces données ne sont pas
fausses, mais l’utilisation politique qui en est faite aujourd’hui pose trois problèmes.
1. Tenir compte du coût de la vie. Qui sait lire la méthodologie peut constater que ces
auteurs ont eu la bonne idée d’évaluer la richesse en fonction du coût de la vie au Canada et
aux États-Unis, en appliquant aux chiffres ce qu’on appelle la parité de pouvoir d’achat. On
est en effet relativement plus riche avec 1.00$ si le pain coûte 50 cents que si on a 1.10 $ et
que le pain coûte 80 cents. Malheureusement, ils n’ont pas poussé cette logique pour
chaque province ou État. Or on sait que les coûts, notamment de logement et d’électricité,
sont plus faibles au Québec qu’en Ontario ou à New York.
Merci à l’économiste Pierre Fortin d’avoir procédé à cet ajustement dans la livraison de
janvier 2003 du magazine L’actualité
. Toutes les provinces canadiennes, sauf l’Alberta,
restent en queue de palmarès, mais cette infusion de réalité fait démontre que le Québec fait
mieux que cinq autres provinces, surclassant la Colombie-Britannique. C’est une bien mince
consolation. Mais nous voilà informés que, contrairement à ce qu’on laissait entendre, c’est
tout le « modèle canadien » qui est en cause, pas singulièrement le Québec.
(2000) Inégalités de revenu en Amérique du Nord : le 49e parallèle a-t-il encore de l’importance ?, M. Wolfson
et B. Murphy, Observateur économique canadien, Statistiques Canada, août 2000, 24 pages. A :
http://www.statcan.ca/francais/indepth/11-010/feature/eo2000_aug_f.pdf
(2003) Le palmarès économique de l’Amérique du Nord, Pierre Fortin, L'actualité, janvier 2003. A :
http://www.vigile.net/ds-economie/docs3/03-1-fortin-modele.html