justement écrit Gilbert Durand : 1) L’imaginaire humain « est toujours symbolique »
; 2) la
pensée symbolique « est le modèle d’une pensée indirecte »
. Ainsi, la rencontre ne renvoie
pas seulement à un album d’images, elle est aussi événement symbolique : des rencontres non
localisées, « invisibles » ont pourtant lieu. On ne rencontre pas que des hommes et des
femmes vivants mais aussi des morts, des êtres surnaturels, des extraterrestres
ainsi que des
situations, des problèmes, « de grands esprits »,...
Polysémique, la rencontre tient à la fois de notre connaissance ordinaire, courante
(rencontrer son voisin dans la rue) et en même temps de l’extraordinaire, de l’exceptionnel, de
l’inconnu et peut-être pour une part, de l’inconnaissable (rencontrer l’âme sœur, Dieu, son
destin, faire de mauvaises rencontres). Précisément parce qu’elle recouvre des sens et des
« réalités multiples »
et parce qu’elle se trouve au cœur de la problématique qui noue
individu social et lien social, la rencontre pose question, interroge le sociologue et la
sociologie, voire les sociologies.
Les conceptions sociologiques majeures de la rencontre : du fait socialement
déterminé à l’interaction de face à face
Si l’on s’en tient au langage usuel, il apparaît que la rencontre est communément
associée à l’idée de réunion, voire de rassemblement. Ainsi parle-t-on de « rencontres au
sommet », de « rencontres amicales » ou encore de « groupes de rencontre » et aussi de
« lieux de rencontre », c'est-à-dire des lieux où l’on se réunit. En sociologie, il semble que
cette vision soit aussi la plus courante, malgré la différence des points de vue.
À un niveau macrosociologique on étudiera les lois et conditions structurelles qui
président à ces réunions. Les travaux menés sur les rencontres (professionnelles, amicales,
amoureuses,...) proposent ainsi, pour la plupart, une recherche sur les conditions de possibilité
de se rencontrer. La rencontre est ainsi transformée en un fait social explicable et mesurable.
De ce point de vue, elle apparaît comme un ensemble d’actes déterminés par des éléments qui
lui sont antérieurs. Des statistiques nous informent sur les probabilités de rencontre entre des
d’individus : taux d’homogamie, taux de fréquentation des lieux de rencontre, suivant
l’appartenance à une catégorie sociale, à une classe, à un milieu, particulièrement lorsqu’il est
question de l’union maritale et du « choix du conjoint »
. C’est ainsi que se dessine une
physique sociale de la rencontre, par le biais notamment d’une « morphologie des scènes de
rencontre »
. Il est intéressant en ce cas d’apprendre qu’en effet une bonne part de ce qui fait
Gilbert Durand, Champs de l’imaginaire, Grenoble, Ellug, 1996, p. 220.
Ibid., p. 143.
Voir à ce sujet les deux numéros de la revue Galaxie anthropologique, n° 2-3 (« Possessions : histoires,
croyances, et traditions ») et n° 4-5 (« Possessions : fantasmes, mythes et ravissements »), juillet et août 1993,
156 et 126 p. ; Cahiers de l'imaginaire, n° 10 (« Rencontres et apparitions fantastiques »), 1994, 167 p.
Alfred Schütz, Le Chercheur et le quotidien : phénoménologie des sciences sociales, Paris, Méridiens
Klincksieck, « Sociétés », 1987, 286 p.
Alain Girard, Le Choix du conjoint : une enquête psycho-sociologique en France, Paris, PUF, « Travaux et
documents/INED », 1974, 201 p.
Michel Bozon et François Héran, « La découverte du conjoint. I, Évolution et morphologie des scènes de
rencontre » et « La découverte du conjoint. II, Les scènes de rencontre dans l’espace social », Population, n° 6,
nov.-déc. 1987, pp. 943-986 et n° 1, janv.-fév. 1988, pp. 121-150. Voir aussi Michel Bozon, « Apparence
physique et choix du conjoint », in Thérèse Hibert et Louis Roussel (sous la direction de), La Nuptialité :
évolution récente en France et dans les pays développés : actes du IXe colloque national de démographie, Paris,
3, 4 et 5 décembre 1991, Paris, INED-PUF, « Congrès et colloques », 1991, p. 91-110 ; « Radiographie du coup
de foudre », Sciences humaines, n° 20 (« L’amour : logique d’une passion »), avril 1992, pp. 32-36.