pour elle et l’avenir comme le passé seraient présents à ses yeux […] L’esprit
humain approche de cette perfection grâce à l’Astronome mais en restera
cependant infiniment éloigné. » [Laplace, 1814]
C’est bien cette perspective unificatrice cosmologique et ontologique qui fait
problème : l’application des mêmes principes pour comprendre l’inerte et le
vivant humain. Par la suite le conflit entre les déterministes et leurs adversaires
prit beaucoup d’ampleur. Si Freud doit être classé quelque part parmi les
adversaires en conflit ce n’est sûrement pas parmi les antidéterministes qu’il faut
le situer.
Un long débat opposera les déterministes aux vitalistes et aux spiritualistes
partisans du libre-arbitre. Il est piquant de constater que W. James, auteur de
référence de nombreux neurobiologistes actuels fut l’un des plus ardents
défenseurs du spiritualisme et se détacha de Freud après s’y être intéressé sous le
prétexte qu’il était un « obsédé sexuel ». Cela ne l’empêche pas de servir de porte-
drapeau aux matérialistes les plus endurcis.
Une nouvelle étape est franchie avec Heisenberg qui conteste Laplace. Il écrit :
« Si à un instant donné, certaines grandeurs physiques sont mesurées aussi
exactement qu’il est possible par principe, il existe à un autre instant des grandeurs
dont la valeur peut être exactement calculée, c’est à dire pour lesquelles le résultat
d’une mesure peut être prédit exactement, à condition que le système observé ne
soit soumis à aucune autre perturbation que celle des mesures considérées. »
[Lecourt, 1949, p. 300-301] Cette citation appliquée à la psychanalyse, je veux
dire au mode de travail psychanalytique (association libre et contretransfert), en
soulignant sa nature fondamentalement dynamique, aléatoire et dialogique, montre
le caractère inapplicable de la proposition, surtout si l’on tient compte de l’action
de l’observateur (contretransfert). La position de Laplace devient de moins en
moins défendable avec les objections de Bachelard, Poincaré, Popper et les
théories du chaos.
Cette introduction visait à montrer combien les positions de départ du jeune
Freud et ses idéaux ont été dépassés par le mouvement de la philosophie des
sciences. En effet quand on pense aux conditions du travail psychanalytique on est
beaucoup plus amené à évoquer les idées de la philosophie des sciences moderne
que celles sur lesquelles l’entourage scientifique de Freud se fondait.
Si donc, l’origine principale du déterminisme remonte à Claude Bernard
qu’aucun médecin un peu frotté de science ne se dispense de citer, il faut attendre
Michel Hautecouverture pour lire de vives critiques sur cette influence qui oriente
la médecine vers une approche épidémiologique où l’individu est interchangeable :
« Il y a une chose qui me semble difficile actuellement, c’est comment arriver à
faire admettre à un milieu médical totalement issu d’une pensée de type Claude
Bernard que la rationalité ne se résume pas à une rationalité de type biologique