Description de l'Arpitan Source : http://test.erasme.free.fr/patois/principale.htm site Claude Longre et Michel Bert Phonétique La phonétique est l'étude des sons du langage. La description des principales caractéristiques phonétiques de l'Arpitan est donc fondée sur la prononciation des mots, et non sur la façon dont ils sont écrits. Les principales caractéristiques phonétiques Une caractéristique de la prononciation de l'arpitan qui le distingue très clairement du français et lui donne l'accentuation musicale des autres langues romanes (l'occitan, l'italien, l'espagnol…) est la présence, à la fin de certains mots, d'une voyelle prononcée très faiblement. Voyelle qui, en français, s'est peu a peu affaiblie pour ne plus être prononcée et laisser sa place à e muet final. En Arpitan, l'accent est souvent sur l'avant dernière syllabe (accentuation paroxytonique), et la voyelle finale, appelée voyelle atone, s'entend à peine. La présence ou l'absence d'une voyelle finale atone a permis de tracer la limite entre l'arpitan et les parlers d'oïl. Au sud, la limite entre l'arpitan et l'occitan s'appuie sur une autre caractéristique importante qui concerne un très grand nombre de mots, ainsi que le système des conjugaisons. En arpitan, le son a en position de voyelle accentuée et ou atone finale, a évolué quand il était précédé d'une consonne comme c, ch, y, gn (des consonnes appelées consonnes palatales), ce qui n'est pas le cas en occitan. Cette évolution a donné des résultats différents selon les parlers arpitans : le a aboutit souvent au son i : arpitan occitan français bochi minji boca manjar "bouche" "manger" Le résultat de l'évolution de a peut être aussi ié, é …et il a même parfois disparu. Dans les Monts du Lyonnais, a derrière une consonne palatale donne le plus souvent i. Quelques caractéristiques phonétiques du patois des Monts du Lyonnais Dans les Monts du Lyonnais, l'arpitan possède certains traits phonétiques qui le distinguent des pays environnants. Ainsi la tendance lus ou moins marquée de â à devenir ô. Elle est très nette dans la partie est des Monts du Lyonnais mais elle est moins prononcée en allant vers le département de la Loire. Une autre évolution spécifique aux Monts du Lyonnais concerne les sons ts et dz. Communs en arpitan, sont devenus ch et j dans les Monts du Lyonnais. Les régions du Pilat au sud et du Beaujolais au nord emploient, elles, les sons ts et dz. La prononciation du r est également un moyen d'identifier l'Arpitan lyonnais. Il se prononce de deux façons différentes. En règle générale, il se prononce comme en français. Mais quand il est entre deux voyelles, il peut, selon les mots, être prononcé : - soit comme en français (il est alors noté par rr), - soit avec la pointe de la langue placée à la base des incisives supérieures (il est alors noté par un seul r). Chez certains locuteurs, le r entre voyelles a tendance à disparaître. Ainsi, lo pôre "le père" peut se prononcer lo pô-e, où reste l’écho du e final . Morphologie La morphologie décrit la formation des mots, et les changements que les mots subissent selon la manière dont ils sont employés. Quelques caractéristiques morphologiques du arpitan A cause de l'évolution particulière du a précédé d'une consonne palatale, le système verbal du arpitan se distingue à la fois du français et de l'occitan. En effet, pour les verbes du 1er groupe (verbes en -er en français et en -ar en occitan), il y a deux série de verbes en arpitan : les verbes en a s'opposent au verbe en -i. français occitan arpitan porter, laver, manger, payer portar, lavar, manjar, payar porta, lava mais manji, payi Cette distinction entre verbes en -a et verbes en -i ne concernent pas seulement l'infinitif mais aussi leur conjugaison. Le arpitan se rapproche du français et se distingue des autres langues romanes par un trait qui concerne les pronoms. En occitan, il n'y a pas de pronom sujet .Cette absence du pronom sujet est compensée par la finale du verbe, sa désinence. Ce n'est pas le cas en arpitan ou en français. Par exemple, à l'oral, la 1e et la 3e personne du pluriel sont identiques dans l'arpitan des Monts du Lyonnais, ce qui pourrait entraîner des confusions sans l'emploi du pronom sujet. En arpitan, l'adjectif possessif de la 1e personne du pluriel présente une forme tout à fait caractéristique. Sur l'exemple de mon, ton, son, on emploie la forme notron, et parfois votron. Le système arpitan de l'article défini se distingue de celui du français. Alors qu'en français, le masculin et le féminin sont différents (le et la), ils sont identiques au pluriel (les). En arpitan, l'article défini est très souvent différent dans les quatre cas. Quelques caractéristiques morphologiques du patois des Monts du Lyonnais Dans les Monts du Lyonnais, le système de l'article défini se distingue du schéma classique en arpitan. En effet, le masculin singulier et pluriel sont tantôt identiques (lo dans les deux cas), tantôt différents (lo au singulier et lou au pluriel). Au féminin, les deux formes sont différentes au singulier et au pluriel (la vachi "la vache", le vache "les vaches"). Une autre caractéristique morphologique du patois des Monts du Lyonnais est assez singulière. Le pronom sujet est le même à la 1e personne du singulier et du pluriel : on dit je modo "je pars" et je modon "nous partons". Lexique L'arpitan partage une grande partie de son vocabulaire avec les langues gallo-romanes voisines, le français et l'occitan puisque ces langues emploient souvent des mots qui ont la même origine. Mais certains mots sont propres à chacune des trois langues gallo-romanes. Comme pour l'occitan ou l'oïl, il est assez rare qu'un mot soit employé dans une aire qui coïncide exactement avec celle de l'arpitan. En effet, le long des limites linguistiques, les emprunts aux parlers voisins sont fréquents. Mais certains mots sont caractéristiques du arpitan. En voici quelques exemples, suivis de mots typiques des Monts du Lyonnais. Quelques mots caractéristiques du arpitan cayon "porc" est un mot largement employé dans toute l'Arpitanie. Il est souvent accompagné de son féminin cayi / caye "truie" polayi qui désigne la poule, est lui aussi caractéristique du arpitan. Un dernier exemple oppose le arpitan au français et à l'occitan. Quand au XVIe siècle on commença à coudre des poches sur les vêtements, le français et l'occitan ont employé pour les désigner les mots poche, pocha. Mais en arpitan, pochi désignait la louche et c'est le plus souvent un dérivé de fatt- , un mot d'origine burgonde, qui s'est imposé : fata. Quelques mots caractéristiques du patois des Monts du Lyonnais Certains mots n'existent que dans une région particulière, car ils désignent une réalité locale. C'est le cas dans les Monts du Lyonnais du mot chapi utilisé pour nommer le hangar ouvert sur la cour qui relie les bâtiments des fermes classiques en U de la région. Pour désigner la poche, les Monts du Lyonnais se distinguent en utilisant le mot saca, qui s'étend dans une aire qui va de l'Auvergne à la Savoie. Et au nord, dans une partie du Beaujolais, c'est un mot résultant du croisement entre fata et saca qui est utilisé : faca. Frapper à la porte se dit chapotô dans les Monts du Lyonnais. Il est fréquent en arpitan, mais dans le sens de "fendre du bois". Il signifie aussi "donner des coups de tête (en parlant d'un veau)". Français local Comme dans toutes les autres régions, le français parlé dans les Monts du Lyonnais comporte des mots, des caractéristiques phonétiques ou grammaticales, qui ne sont pas utilisés en français standard (le français décrit par les dictionnaires ou les grammaires). Ces régionalismes sont souvent employés au-delà de la région des Monts du Lyonnais. Certains s'étendent parfois à tout l'est de la France, comme le mot patte qui désigne un chiffon ou un torchon. D'autres sont employés dans une aire qui correspond plus ou moins au domaine arpitan (ex. cayon "cochon", vogue "fête patronale", etc.) ou à une grande partie de celui-ci. Origine des régionalismes Ces régionalismes, le français local les a empruntés à l'arpitan, en les adaptant (les noms ont perdus leur voyelle atone finale, les verbes sont conjugués conformément à la grammaire du français..). Mais tous les régionalismes du français ne viennent pas de l'arpitan : il existe aussi des archaïsmes du français, c'est-à-dire des mots autrefois employés partout, que les autres régions françaises ont abandonnés mais su ont survécu dans les Monts du lyonnais. D'autres sont des créations locales récentes. Les régionalismes doivent être clairement différenciés de l'arpitan, ils sont d'ailleurs souvent employés par des personnes ne parlant la langue traditionnelle. L'ensemble du français parlé dans les Monts du Lyonnais peut être marqué par une intonation ou un accent particuliers. Ainsi, le son eu est souvent prononcé comme dans les mots peu, heureux : le mot jeune est prononcé comme jeûne. Le y utilisé comme pronom neutre complément d'objet direct sonne également de manière très étrange aux oreilles d'un Parisien ou d'un Marseillais. Ex. J'y sais depuis qu'il m'y a dit. Mais c'est dans le vocabulaire que les exemples sont les plus nombreux. Il peut s'agir de mots qui ne sont pas employés en français standard (ex. un gone "gamin, gosse"), de mots qui ont un sens qui n'existent pas en français (ex. une balle "corbeille utilisée pour transporter du linge ou des fruits"). Certains mots encore présentent des différences phonétiques avec le français (ex. soupoudrer "saupoudrer"). Quelques exemples fréquents dans les Monts du Lyonnais. Voici quelques exemples, parmi les mots les plus fréquemment utilisés. Ils sont issus des livres suivants : Le parler Lyonnais, de Anne-Marie Vurpas (Rivage, 1993), A cha peu, de Françoise Salmon et Antoine Françon (Comité de Coordination des Monts du Lyonnais 2000). Lexique du parler local en pays Mornantais, de Gérard Chollet (Groupe de recherche de l'Association Patrimoine en Pays Mormantais, 2007). abonde, n. f., dans la loc. v. faire de l'abonde : faire du profit, être avantageux, qui dure longtemps. Ex. Ce rôti me fera de l'abonde, je pourrais même en congeler un morceau. abonder, v. tr. : suffire, arriver à (souvent dans une phrase négative). Ex. Je n'abonde plus à tout faire. affranchir, v. tr. : 1. couper droit. Ex. Fais attention de bien affranchir le rôti. 2. rendre utilisable une poêle neuve, par ex. en faisant bouillir du lait ou de l’eau, pour enlever l'odeur ou le goût du métal et pour que les aliments n'attachent pas. Ex. Pour affranchir une poêle, il faut la graisser : elle n'attachera plus. S'utilise aussi en parlant de l'huile. Ex. On affranchit l'huile en la faisant bouillir avec un morceau de pain. affreux. adj. : très important, extraordinaire. Ex. C'est affreux ce qu'elle est belle. arpion, n. m. : orteil, ou griffe, pour les animaux. Je me suis donné un coup de pioche sur un arpion. aulagne, n. f. : noisette. Ex. On a ramassé une quantité d'aulagnes dans la forêt. autrefois (les), loc. n. : autrefois. Ex. Les autrefois on était moins riche, mais on était plus heureux. bachas, bachasse, n. m. ou f. : auge en pierre ou en bois. Va te laver les mains dans la bachasse. balme, barme, barne, n. f. : talus, coteau. Ex. La route est bordée de balmes. Ce mot peut aussi désigner la haie, qu'on appelle aussi sevilée. baraban, n. m. : pissenlit. Ex. On va aller ramasser des barabans pour faire une salade. Les salades de barabans sont bonnes, surtout à la fin de l'hiver. barouler, v. intr. : tomber en roulant. Ex. Il a baroulé dans les escaliers et s'est fait très mal. On dit aussi : débarouler. boutasse, n. f. : mare. Ex. Au fond du jardin, il y a une boutasse : on s'en sert pour arroser. On dit aussi : péchure ou serve. bugne, n. f. 1. beignet fait avec une pâte levée ou non que l'on étend au rouleau à pâtisserie. Ex. Les bugnes, c'est une spécialité de la région. On les prépare surtout le mardi gras. Ex. : Moi je les aime craquantes. 2. bosse, coup, gifle. Ex. Il est tombé et il a une de ces bugnes ! 3. Personne maladroite, peu dégourdie. Ex. C'est une vraie bugne, il a deux mains gauches. cafi, adj. : plein, bourré, rempli à l'excès. Ex. : Les routes étaient cafies de monde, c'est miracle si on est pas écrasé. Cette année, les ronces sont cafies de mûres. carotte, n. f. : betterave rouge. Ex. : A la cantine, il y a toujours des salades de carottes comme entrée. On dit aussi : carotte rouge. Les carottes sont appelées racines ou racines jaunes. caton, n. m. : grumeau. Ex. : Ta pâte à crêpe, elle est pleine de catons. chougner, chouiner, v. intr. : pleurnicher. Ex. : Qu'est-ce qu'il a donc à toujours chougner comme ça cigogner, v. tr. : secouer en donnant un mouvement de va-et-vient. Ex. : Arrête de cigogner cette serrure, tu vas la casser. On dit aussi sigroler. dégraissage, n. m. : nettoyage à sec. Ex. : Tu vas l'abîmer, ce pull, si tu le laves à la machine. Il faut le porter au dégraissage. doucette, n. f. : mâche. Ex. : On pourrait manger de la doucette en entrée. échiffre, n. f. : écharde. Ex. : En taillant le bois, je me suis enfoncé une échiffre dans le doigt. embugner, v. tr. : heurter violemment. Ex. : J'ai eu un accident, j'ai embugné ma voiture contre un arbre ! Voir bugne. façon (avoir bonne ou mauvaise), loc. v. : présenter bien ou mal. Ex. : Son fiancé a vraiment bonne façon. Il n'a pas bien bonne façon, avec ses cheveux longs et ses jeans déchirés. gabouille, n. f. : boue liquide. Ex. Ne va pas au jardin aujourd'hui, avec cette radée (voir ce mot), ça va faire une de ces gabouilles ! On dit aussi piautre. Le verbe gabouiller signifie patauger, barboter. Ex. : Arrête de gabouiller, sinon tu seras tout trempe (voir ce mot). gadin, n. m. : caillou. Ex. : Il est tout le temps en train de jeter des gadins sur les chiens, il va se faire mordre ! gauné (mal), adj. : mal habillé. Ex. : Elle n'a aucun goût, elle est toujours mal gaunée. godiveau, n. m. : petite saucisse. Ex. Ce soir on mangera de la purée avec des godiveaux. gonfle, adj. : gonflé, ballonné. Ex. : J'ai tellement bu dans la soirée que je suis tout gonfle. matefaim, n. m. : sorte de crêpe épaisse. Ex. : Je fais souvent des matefaims, les enfants les aiment bien. patte, n. f. : chiffon, torchon, morceau de tissu. Ex. : Va me chercher une patte pour laver les vitres. On dit en parlant de quelqu'un de très pâle : il est blanc comme une patte. pogne, n. f. : brioche ronde. Ex. : J'ai acheté une pogne chez le boulanger. radée, n. f. : averse violente. Ex. : Quelle radée ! Ca va inonder tout le garage. rigotte, n. f. : petit fromage de chèvre. Ex. : les rigottes de Condrieu sont réputées les meilleures. rosette, n. f. : saucisson sec et long. Ex. : On va mettre de la rosette pour l'entrée sous-tasse, n. f. : soucoupe. Ex. : J'ai cassé une sous-tasse en faisant la vaisselle. trempe, adj. : trempé. Ex. : Rentrez donc un moment, vous êtes toute trempe, vous partirez quand il ne pleuvra plus. vogue, n. f. : fête patronale. Ex. : Le jour de la vogue, il y a toujours un bal.