PROPOSITIONS SUBORDONNÉES COMPLÉTIVES Source: Grammaire méthodique du français (Riegel et al) Les propositions subordonnées complétives se substituent à des GN constituants de groupes verbaux ou, plus rarement, au GN sujet, voire à des GN compléments du nom ou compléments de l’adjectif. On distingue les complétives introduites par que (conjonctives), les constructions infinitives (propositions infinitives ou infinitifs dépourvus de sujet explicite) et les constructions interrogatives ou exclamatives. Possibilité de substitution de la proposition par un groupe nominal et possibilité de coordination entre elles à l’aide de « et » ou « ni ». I. Complétives introduites par la conjonction « que » 1.1. Compléments directs du verbe Les plus fréquentes et les plus typiques. Les verbes (ou locutions adverbiales) dont elles dépendent se réfèrent à des actes psychologiques et ont donc pour sujets des êtres animés, généralement humains. Déclarations, jugements, sentiments volontés (dire, déclarer, penser, croire, juger, vouloir, espérer…) Généralement pronominalisables en « le ». Ordre des mots = canonique (« que » = pur instrument de subordination, pas de fonction dans la subordonnée, [≠ relatives]). Si inversion sujet – verbe : verbe subordonné intransitif et sujet long [« J’aime que surviennent de nombreux rebondissements »]. Problème du mode : le choix entre l’indicatif et le subjonctif est le plus souvent contraint, mais parfois libre. - indicatif : déclarer, penser, croire, espérer, décider - subjonctif : craindre, souhaiter, se réjouir, vouloir, permettre - les deux, exemple de dire et écrire : indicatif = informer, subjonctif = ordonner - certains verbes normalement construits avec indicatif admettent subjonctif à la forme négative ou interrogative [Je crois qu’il viendra / Je ne crois pas qu’il vienne] 1.2. Suite de formes impersonnelles Trois types : complétives dépendant de verbes ou locutions verbales impersonnelles [il arrive, il se peut, il est question]. Toujours au subjonctif (sauf dans le cas de sembler, lorsqu’il est pourvu d’un complément indirect.) Non pronominalisable en « le » (sauf dans le cas de falloir). complétives dépendant d’une construction verbale attributive « il est + adjectif ». Avec adjectifs exprimant un jugement de fait ou de valeur [il est vrai / clair / exclu / bon / exact / impensable… + dommage]. Mode le plus fréquent : subjonctif, parfois obligatoire (sauf après probable / certain / vrai) complétives dépendant d’un présentatif [C’est que Pierre est maintenant un grand garçon] 1.3. Sujets Placées en tête de phrase, en position sujet, toujours au subjonctif [Qu’il vienne me plairait beaucoup] Structure rare en français, on lui préfère la complétive détachée en tête de phrase et reprise par un pronom ou un GN ou postposée [Qu’il vienne, ça me plairait]. Dans les tournures « GN est que » [la vérité est que], la complétive a une position d’attribut (= propos de la phrase) et GN = thème. Mais sur le plan logique, complétive = sujet sur lequel est porté un jugement de fait ou de valeur. 1.4. Compléments indirects introduits par à ce que / de ce que Quand le verbe (dans la phrase simple) a une construction de forme indirecte, la complétive prend elle-même normalement une forme indirecte, mais la conjonction apparaît sous la forme ce que. Ce que introduit soit une complétive soit une relative : attention à la distinction. 1.5. Compléments de noms et d’adjectifs Certains noms, correspondant généralement pour la forme ou le sens à des verbes [l’idée, la crainte] ou à des adjectifs [la certitude] eux-mêmes pourvus d’une construction complétive, ont la possibilité d’avoir pour compléments des propositions conjonctives introduites par « que » ou « de ce que » [la certitude que j’ai raison]. Possibilité de rattacher Le fait que à ce tour, si commode qu’il devient une véritable locution conjonctive substitutive de que partout où cette conjonction est acceptable. Certains adjectifs peuvent avoir une complétive comme complément. Construits avec que, + subjonctif en général (avec de ce que : subjonctif et indicatif). [heureux / fier / confus]. 1.6. Détachées Complétives annoncées ou reprises par un pronom « neutre » (cela / le...) ou par un GN. En tête de phrase, dans un tour qui relève de la dislocation emphatique, leur valeur de vérité est suspendue à la suite et elles sont uniformément au subjonctif [Qu’il faille en venir là, cette perspective ne l’enchantait guère]. Postposée, généralement au subjonctif mais parfois à l’indicatif [Je n’en suis pas sûr, qu’il soit un escroc / Je suis sûr maintenant, qu’il est un escroc] II. Constructions infinitives D’une façon générale, on peut mettre en relation les syntagmes dont la tête est un infinitif (sauf les infinitifs substantivés ou dépendants d’un semi-auxiliaire) avec une structure conjonctive (complétive ou circonstancielle) : l’infinitif a un sujet (nécessairement non réalisé) qui est soit coréférent avec un GN du contexte[j’entends siffler le train], soit de type indéterminé [ça / on] et dans ce cas régulièrement effacé [j’entends siffler], ; il peut recevoir les mêmes types de compléments que toutes les formes verbales. La construction infinitive fait apparaître le contenu propositionnel de la subordonnée comme directement dans le champ du verbe régissant ou plus particulièrement de son sujet, alors que la conjonctive disjoint plus nettement les deux propositions. Si les deux constructions sont correctes, raison d’être de l’infinitive : réduire l’ambiguïté [Jean est rentré de vacances, Paul pense qu’il ira le voir (ambigu) / Paul pense aller le voir] ; économie : [Je pense que je viendrai / Je pense venir] 2.1. Infinitifs dont le sujet est identique à celui du verbe principal (sujets coréférentiels) Certains verbes régissant cette construction peuvent aussi se construire avec complétive par « que » [J’espère cela / J’espère que je réussirai / J’espère réussir] Quand complément =indirect dans phrase simple, l’infinitif conserve la préposition [menacer d’une gifler / de gifler ; passer trois heures à son travail / à travailler…] Certains verbe ayant une construction directe dans la phrase simple exigent « à » ou « de » (considérés comme prépositions ou marqueurs infinitifs ≠ prépositions) devant le groupe infinitif [achever son repas / de dîner ; apprendre une langue / à parler] Certains verbes de mouvement construits directement avec infinitif. Contraintes : sujet animé, verbe à l’infinitif de doit pas être verbe de mouvement / modalité / statif (sauf pour aller auxiliaire). 2.2 Infinitifs dont le sujet est différent de celui du verbe principal Le sujet apparaît en position de complément direct du verbe (avec les mêmes possibilités de pronominalisation) lorsque le verbe principal est : regarder, voir, écouter, sentir, laisser, faire, emmener, envoyer [J’ai vu Pierre passer/ Je l’ai vu passer]. Toutefois, si le sujet de l’infinitif est indéterminé [on / ça], il est régulièrement effacé [J’entends chanter] ; et si l’infinitif complément du verbe faire est employé transitivement, le sujet prend la forme d’un complément prépositionnel [J’ai fait manger un gâteau aux enfants]. Le GN sujet d’un infinitif employé intransitivement peut le précéder ou le suivre [J’ai vu passer Pierre / Pierre passer]. L’infinitif est pourvu d’une préposition lorsque le verbe principal connaît, dans la phrase simple, une construction à double (COD > devient sujet de l’infinitif + COS > fonction remplie par l’infinitif) [Nous vous invitons à nous critiquer]. Le groupe infinitif prenant la place d’un complément direct dans une construction à double complémentation est, après certains verbes, précédé de à ou de [Il a appris à nager à son fils]. 2.3. Infinitifs dépendant d’un tour impersonnel Si le verbe impersonnel a un complément indirect, celui-ci permet de restituer le sujet de l’infinitif [Il lui faut gagner sa vie]. Sinon, le sujet de l’infinitif est indéterminé, (équivalent à on régulièrement effacé) : [Il faut gagner sa vie]. Dans la construction [il est + adjectif], on a souvent un marqueur de introduisant l’infinitive : Il est honteux de mentir. 2.4. Infinitifs sujets Ils sont facultativement précédés du marqueur de, qui subsiste en cas de dislocation : [De crier ainsi, ça les rendait aphones]. Quand l’infinitif est sujet du verbe être, l’attribut peut être un autre infinitif [Souffler n’est pas jouer]. 2.5. Alternances entre constructions conjonctives et infinitives Les deux constructions sont parfois en distribution complémentaire : c’est le cas quand le verbe régisseur est vouloir, aimer, se plaindre, souhaiter, offrir, accepter, refuser, selon que les sujets sont coréférentiels (infinitive) ou non (conjonctive). Dans d’autres cas, les deux constructions sont de simples variantes l’une de l’autre : c’est le cas avec savoir, espérer, oublier, décider, lorsque les deux sujets sont coréférentiels, et pour proposer, ordonner, offrir, suggérer, sembler lorsque le complément indirect du verbe principal est identique au sujet de l’infinitif [Je lui ai ordonné d’aller là-bas / qu’il aille là-bas] III. Constructions interrogatives Communément appelées « interrogations indirectes », mais pas seulement acte indirect d’interrogation [je me demande quelle heure il est] ou discours indirect rapporté [il a demandé quand on allait dîner] car beaucoup d’autres verbes (plus de 80) avec verbes dépourvus de sens interrogatif, comme constater, prouver. Plan formel : transposition de phrases interrogatives en compléments de verbe ou exceptionnellement en sujet Plan sémantique : elle réfère à un savoir en suspens que le sujet de l’énoncé (grammatical) ou de l’énonciation (locuteur) ignore, recherche, néglige ou tient hors de portée du destinataire D’une façon générale, un sens assertif et positif favorise la construction conjonctive, et un sens négatif, interrogatif, injonctif ou volitif (que ce sens soit exprimé syntaxiquement ou lexicalement) favorise l’interrogation indirecte : certains verbes, de ce fait, excluent la construction conjonctive (se demander) 3.1. Interrogation totale La seule structure possible utilise la conjonction si pour introduire la subordonnée interrogative [Je ne sais pas si tu as raison >Est-ce que tu as raison ?]. Il n’y a ni inversion, ni possibilité d’utiliser est-ce que. 3.2. Interrogation partielle Portant sur le sujet, l’objet ou l’attribut animés : pronom qui (comme interrogation directe) [je me demande qui est venu]. Portant sur attribut : inversion du GN sujet obligatoire, mais pas celle du pronom. Portant sur le sujet, l’objet ou l’attribut non-animés : pronom démonstratif ce suivi des relatifs qui (sujet) ou que (objet ou attribut). Portant sur les circonstances : mêmes adverbes que les interrogations directes [dis-moi quand tu pars]. Avec où et quand, l’inversion simple du GN sujet est possible, si le verbe de la subordonnée est intransitif (ou employé intransitivement) [Je me demande quand viendra Godot / Godot viendra]. Peut également utiliser l’infinitif dans les mêmes conditions que certaines relatives, c’est-à-dire si le verbe pouvoir a été effacé [je ne sais [ce] que [je peux] faire] IV. Constructions exclamatives Phrase exclamative peut être transposée et prendre la forme d’une proposition subordonnée, complément d’objet d’un verbe principal : [Regarde comme il est beau / s’il est beau !] Tous les termes exclamatifs peuvent l’introduire, à l’exception de que Si ne se rencontre qu’en exclamative indirecte, où son fonctionnement est = à comme Les verbes l’acceptant sont ceux qui peuvent être suivis d’une complétive en que ou d’une interrogative indirecte. Mais liste très limitée ; on y ajoute des expressions comme c’est curieux / effrayant… où la subordonnée exclamative fonctionne comme un sujet postposé [c’est curieux comme il est malin] Les différences formelles entre une interrogative indirecte et une exclamative indirecte sont parfois inexistante : seule une analyse sémantique ou de contexte peut lever l’ambiguïté : interrogation indirecte = incertitude / exclamation = intensité d’une qualité ou d’une quantité.