À propos de La douce Léna
L’histoire se passe au 20ème siècle.
Dans le récit de Gertrude Stein, il s’agit d’un portrait, post mortem, d’une jeune
employée de maison et de son entourage.
En fait c’est l’histoire d’une absence. D’une non vie. Une vie trop fragile, étouffée
par la contrainte et l’oppression.
Elle pourrait n’être qu’un petit mélodrame naturaliste, mais le langage nous entraîne
ailleurs.
Le récit écrit en phrases minimales, procède par petites touches pour approcher
l’intime des personnages.
Le texte doit être traité comme une partition musicale.
Il y a des voix graves et des voix aiguës.
Il y a de la violence et de la cruauté et en même temps une grande légèreté.
C’est le texte qui passe au premier plan et non pas l’histoire et sa narration.
Il n’y a pas beaucoup d’action, seulement un étau qui se resserre autour de la
modeste existence de Léna, jusqu’au mariage à partir duquel tout se dégrade.
Dans la nouvelle de Gertrude Stein, Léna n’a pas la parole, elle ne fait
qu’acquiescer et montrer son désir de se conformer à ce que l’on attend d’elle.
La parole que je lui ai donnée dans mon adaptation, je l’ai composée à partir
d’autres textes de G. Stein, principalement « Le monde est rond » qui est postérieur
dans l’œuvre de Stein. C’est une parole qui se situe à la limite du silence et de la
musique, un langage en complet décalage avec celui des autres personnages et
qui révèle le vide du monde autant que le silence obstiné du personnage.
Les trois petits monologues de Léna à la fin du texte n’ont pas la fonction d’éclaircir
son comportement ni d’apporter de réponses, psychologiques ou autres. Ils sont là
pour donner une ouverture, un ailleurs au personnage de Léna. Pourquoi l’auteur se
croirait-il obligé d’expliquer le comportement de ses personnages et de leur donner
des raisons, alors que la vie n’explique jamais rien et laisse dans les êtres tant de
zones obscures, indiscernables et que finalement, chacun remporte avec soi sa
propre énigme ?
Catherine Benhamou