vie. Cette homologie est sous tendue par le thème quasi barrésien du « déracinement » et par
l’insistance nostalgique du « retour au pays » ! Tandis que, pour leur part, dans leurs
biographies, les auteurs de ces narrations jouent par mimétisme sur des registres analogues,
comme poussés par une « besoin » d’écrire en accord avec les aspirations de leurs lecteurs.
Sur l’autre versant de la recherche, il s’agira plutôt d’interroger les acteurs et les réseaux,
d’observer les lieux, les paysages et les objets… qui forment aujourd’hui le domaine de la
production littéraire « régionaliste ». Autrement dit, faire la socio – histoire de cet « univers »
de sens : le « sous – champ » littéraire à base locale se noue, en effet, à des dynamiques
idéologiques précises. Il se déploie aussi sur un marché économique spécifique. De la sorte, la
catégorie même de « roman régionaliste » doit pouvoir être restituée à la diversité de ses
occurrences et de ses manifestations, sans que la recherche ne se laisse imposer a priori et de
l’extérieur (par exemple, par les instances du « pouvoir idéologique »…) une définition
« officielle », « unitaire » et « convenue » du « régionalisme ».
Autour de cette littérature, s’est organisée une socio – économie de biens et de services
culturels dont la foire de Brive est le point d’orgue. Dans l’intervalle, cette dernière se
démultiplie ailleurs de diverses façons par des foires aux livres, localisées et parfois
confidentielles, ou encore par l’organisation de bibliothèques associatives autour des
principaux thèmes de la dite « Ecole… » jusque dans les communes rurales du Limousin et de
la Corrèze, de la Dordogne et du Puy de Dôme proches. Les récits ethnographiques et
d’« histoires locales » fonctionnent en parcourant des séries de topiques qui, d’une certaine
manière, apparentent le travail du romancier (il écrit) à celui du conteur (il parle).
Collectivement, ils se mémorisent autour de quelques grands stéréotypes identitaires.
De cette socio – économie, enfin, les collectivités territoriales sont, à leur manière, parties
prenantes, comme la ville de Brive la Gaillarde dont la page d’accueil du site Internet
s’identifie à l’histoire de la fameuse « Ecole ». La recherche devra s’interroger légitimement
sur la promotion et la valorisation officielles « d’auteurs de récits et de récits d’auteurs »
ajustés aux modes de vie d’autrefois et à leurs espaces vécus : n’occultent-ils pas, sous le
voile d’une éthique de la tradition, un enjeu « latent » et à visée sans doute politique ? Car, en
face, le rejet de la « constellation locale bleue » rassemblée notamment autour de Denis
Tillinac, s’organise et se renforce. A la manière d’une opposition idéologique, c’est un autre
regroupement qui met au jour d’autres « manières d’être Corrézien », en se référant, par
exemple, à l’œuvre de Pierre Bergounioux ou encore au travail de Gérard Millet. Ainsi se
déploierait un jeu subtil de confrontation entre culture et politique, qui rendrait visible la lutte
« symbolique » de « partis » et d’« intérêts » en conflit ! Précisément, au sujet d’un tel jeu
social et de son orientation symbolique, l’ethnologue Anne – Marie Thiesse ne laisse pas
d’affirmer qu’il est structurellement consubstantiel à la littérature « régionaliste » même.
3. 1. 3. Au sujet de la pluralité interprétative des récits : pratiques de
réception de l’œuvre littéraire de Christine Angot
Une même action, une même situation, un même texte ou récit sont rarement interprétés par
différentes personnes de la même manière, sur le même mode, selon le même registre. En la
matière, la convergence des « lectures » n’existe que rarement. La question de l’interprétation
des récits a donné lieu à de nombreuses théories littéraires et philosophiques aujourd’hui bien
connues (Todorov, Ricoeur..). Cependant, a contrario, elle a fait l’objet de très peu de travaux
empiriques, en particulier en sociologie, quant aux différentes variations sociales que toute
opération interprétative déploie, suppose ou implique. Peut-on et doit-on, dès lors, parler
d’une construction sociale des situations et des actions en fonction de l’interprétation qui en
est faite et en relation avec la polysémie de sens que cette dernière en dégage ? Ce cas soulève
à l’évidence un ensemble d’interrogations d’ordre empirique dans la mesure où, sur ce point,