Axe 3 Cultures. Territoires. Solidarités collectives Chercheurs, enseignants - chercheurs et doctorants impliqués dans les recherches empiriques de l’axe 3 Aquatias S., Béra M., Brunel P C, Caillaud-Salles M., Chadoin O., Chantal Y., Chantegros S., Ellena L., Fontanaud S., Gaubert Ch., Jallow Ida., Lamy Y., Lechien M-H., Liot F., Madjarev Cl., Marchan F., Messina L.,Neyrat F., Plumart V., Risch M., Roquejoffre A., Rougier C., Salamon M., Sicot M., Tarin L., Vilkas C. Présentation générale Dans la perspective de la création de la future Equipe d’Accueil bi – site Poitiers / Limoges (GRESCO / Groupe de recherches sociologiques du Centre Ouest), les recherches présentées dans l’axe 3 (en cours et à venir) et complémentaires des deux premiers, sont centrées sur les rapports qui articulent trois champs d’étude : « Cultures », « Territoires », « Solidarités collectives ». A l’évidence, les territoires régionaux font le lien entre, d’un côté, les cultures pratiques, services, politiques – qui les structurent, et, de l’autre, les formes de solidarités collectives se déployant en milieu rural dans ses groupes familiaux ou dans ses groupes associatifs. Autrement dit, les processus de réception des biens, des pratiques et des services, d’un côté, et les mutations socio-démographiques contemporaines des sociétés rurales de l’autre, délimitent le périmètre de recherche de l’axe 3. Ils en forment le fil directeur. L’ensemble de ces travaux se décline selon deux topiques principales correspondant l’une et l’autre à plusieurs terrains empiriques : 1/ Les cultures territorialisées : pratiques de réception et identités patrimoniales (3. 1) 2/ Le monde rural en mutation : groupes sociaux et classes d’âge (3. 2) 1/ Cinq terrains de recherche déclinent la première topique. Leur point commun concerne les usages sociaux d’équipements culturels comme les bibliothèques municipales et de recherche, autant dans les lieux ruraux et urbains que dans les sites universitaires. L’enjeu consiste en l’observation des formes organisées d’utilisation et des modalités concrètes de réception de deux catégories de biens culturels – livres, services – par diverses catégories d’usagers (lecteurs (-trices) « universitaires » et lecteurs (-trices) « populaires ») inscrits sur des territoires administratifs déterminés et liés à des cadres ou des rôles institutionnels précis. La méthodologie commune se propose de fonder les pratiques d’utilisation des équipements culturels (bibliothèques), les pratiques de réception – voire d’assimilation – littéraire (œuvres) et celles d’appropriation des services patrimoniaux (musées, monuments…), sur les formes de mobilisation de publics divers impliqués – qu’ils soient jeunes, vieux, étudiants, chercheurs, urbains ou ruraux. Dans tous ces cas de figure, les politiques locales mettent à l’épreuve, par 1 l’intermédiaire de ces publics, leurs propres orientations. Elles affichent l’identité territoriale dont les collectivités se réclament légitimement pour s’en déclarer porteuses. Une dernière ouverture concerne l’explosion (et la médiatiation) de ce qu’on appelle de nos jours le « supportérisme » en milieu sportif, dans un autre genre d’équipements de loisirs, les stades. Ce phénomène met au jour non seulement la place qu’occupe dans les loisirs « populaires » une « culture » de la violence, mais encore l’usage médiatique que certains groupes peuvent en faire. En définitive, cette première topique vise à encadrer des recherches qui croiseront culture anthropologique et culture distinctive, culture populaire et culture de masse, politique patrimoniale et identité territoriale. 2/ Cinq terrains de recherche déclinent la deuxième topique. Ce qui est en jeu ici est différent. Il s’agit de la recomposition des groupes sociaux et des rapports inter - générationnels en milieu rural, et des effets de leur redistribution dans un espace à la démographie vieillissante. Leur point commun touche au territoire de ce que le sigle de notre future équipe inclut comme « Centre Ouest ». Ce territoire, en effet, comprend les deux sites universitaires de Poitiers et de Limoges et connecte deux Régions administratives, celle du Poitou Charente et celle du Limousin. Il s’agit d’une zone rurale émaillée de villes moyennes et de petites villes, et caractérisée, selon les données de l’INSEE, par un vieillissement intense des populations tant urbaines que rurales. Les sociologues ne peuvent rester étrangers à un phénomène social d’une telle ampleur. D’autant que ce phénomène est confirmé, depuis une vingtaine d’années, par une tendance lourde comparable dans tous les pays européens. En particulier, le vieillissement « par le haut » (moins de jeunes) et « par le bas » (plus de vieux) illustré par différentes pyramides des âges affecte des pays proches comme l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Dans ces derniers pays, les politiques très encadrées d’accueil de groupes immigrants visent sans doute à compenser la chute de fécondité des autochtones. De ce point de vue, le processus de redistribution structurelle de groupes sociaux, en particulier dans le rural urbanisé (proche des petites villes ou des villes moyennes), paraît comme correspondre au déclin des cadres et des institutions traditionnelles (école, poste, paroisse, commerces, structures agricoles…) et favoriser une certaine tendance à la confusion de la mairie traditionnelle avec, d’un côté, un micro centre polyvalent de travail social, de l’autre, une sorte d’instance de rappels de directives prises ailleurs et à appliquer localement. Parfois aussi, avec l’apport et l’installation de nouvelles populations plus jeunes, la réouverture de l’école… laisse espérer un renversement de la courbe démographique. Quoi qu’il en soit, ce phénomène structurel appelle d’une côté, un renouvellement des formes de solidarité familiale entre ascendants et descendants, et, de l’autre une réorganisation des interventions extra familiales de service en milieu rural : auxiliariat de vie, aide à domicile, soin à la personne. Il se reflète dans la réalité empirique de la « dépendance », c’est à dire de la perte progressive d’autonomie vécue aujourd’hui massivement par les catégories âgées. En définitive, il ouvre la voie à une forte interpénétration du domestique, de l’associatif et de l’administratif… Enfin, un dernier ensemble de recherches portera sur des pratiques touchant le domaine de la santé et celui du traitement de la maladie (allaitement, cancer du sein, soins palliatifs, dons d’organes…). Seront en particulier abordées les questions de la mobilisation des familles (transmission de savoir-faire sanitaires, soutiens des proches…) et des relais qu’elles trouvent dans le tissu associatif. La méthodologie commune à l’ensemble de ces recherches devra impérativement se régler sur une situation à tous égards paradoxale. D’un côté, en effet, « le réglementé et le contrôlé » s’impose avec son cortège de contraintes et d’évaluations, tandis que, de l’autre, c’est 2 « l’informel et l’implicite » qui s’impose au cœur même des nouveaux métiers de l’écoute, de la proximité et de l’encadrement des catégories âgées et dépendantes. La professionnalisation en jeu (scolarisation, rationalisation, contrôle…) de tous les « métiers » dits « de la vie quotidienne » - par exemple via la « domotique » -, est comme contrariée par l’incertitude et le « flou » des frontières entre sphère publique (collectivités et administrations territoriales) et sphère privée (familles et associations relais). NB : Pour mener à bien plusieurs de ces recherches, nous devons impérativement acquérir un équipement d'enquête qui repose sur l'acquisition d'un matériel téléphonique adapté afin de réaliser des enquêtes par téléphone. Lors d'une enquête récente (cf. ci-dessous § 3.2.1), nous avons pu mesurer l'apport tout à fait innovant et fiable de ces nouvelles technologies. Elles ont un coût qui est détaillé dans le document UR1_2008identification (§ 1.2.3). 3. 1 – Cultures territorialisées : Pratiques de réception et identités patrimoniales 3. 1. 1 – Pratiques lectorales et usages « flous » des bibliothèques. Le développement de différentes politiques de lecture publique à partir du début des années mille neuf cent quatre vingt en France a donné lieu à un certain nombre de travaux en sociologie, en ethnologie et en science politique. Au-delà du succès de ces politiques, qu’illustrent en particulier les statistiques de fréquentation et la création de bibliothèques médiathèques, la conquête de nouveaux publics semble aujourd’hui devenir problématique, en particulier dans le cas de ceux qui sont sociologiquement les plus éloignés du livre. Les travaux qui seront menés ici, dans une optique microsociologique, visent à mieux comprendre ce type d’obstacles à l’accès aux bibliothèques - méditathèques municipales (et à leurs annexes de quartier), mais aussi aux bibliothèques universitaires. Il s’agira de travailler non seulement sur les « non lecteurs », mais aussi sur les groupes de publics qui utilisent les bibliothèques à d’autres fins que celles initialement imaginées, prévues ou attendues par l’institution elle-même. Par exemple, nous enquêterons auprès de ceux que les responsables de bibliothèques municipales appellent les « séjourneurs », c’est-à-dire ceux qui fréquentent l’équipement (déclarent l’utiliser au même titre que les autres lecteurs), sans emprunter d’ouvrages, et, parfois, sans même « consulter » sur place. Leur présence dans les bibliothèques prend alors une toute autre signification. Elle est sans doute le signe d’un changement dans la perception de l’institution et de son rôle premier. Dans une perspective proche, une enquête complémentaire sur les représentations, les attentes et les comportements étudiants, commanditée par les deux SCD (Services communs de documentation / Bibliothèques universitaires) de Poitiers et de Limoges, va concerner les « nouveaux » usages des bibliothèques universitaires. L’échantillon d’étudiants d’âge et d’origine différents, appartenant à des domaines et à des filières d’études contrastés, permettra de s’interroger sur les modes, les rythmes et les finalités de la fréquentation des salles de lecture selon des logiques d’attente autres que la classique consultation d’ouvrages. La méthodologie de l’enquête s’appuiera notamment sur un travail minutieux d’observation, complété par un ensemble d’entretiens approfondis relatifs aux évolutions des pratiques, en fonction des origines sociales, des niveaux d’études et des filières fréquentées. 3. 1. 2. – Production et réception d’un « genre » : Le « régionalisme littéraire » de l’« Ecole de Brive » 3 Le développement d’une littérature dite « de terroir » ou dénommée, parfois, « régionaliste » est le fait d’éditions tant nationales (Robert Laffont, Albin Michel) que locales. Ces dernières sont représentées par un tissu dense de maisons, publiant aussi bien des récits d’historiens amateurs que des « romans de terroir ». Ce phénomène éditorial et littéraire est particulièrement présent dans les régions « rurales » du Poitou – Charente et du Limousin où les éditions locales - « Lucien Souny », « La Lauze », « La Veytizou », d’autres encore…-, cohabitent, non sans conflit, avec la diffusion hexagonale par la Maison Robert Laffont et jusque dans les points de commercialisation de masse, d’un corpus d’œuvres reconnues sous le label « Ecole de Brive ». Ce label, annuellement réactivé, est régulièrement célébré par de nouvelles publications à l’occasion de la foire du livre de Brive, au début du mois de Novembre. Collaborant à certaines recherches de nos collègues de Lettres (Centre d’études sur les littératures populaires et médiatiques, FLSH, Limoges), une équipe de sociologues a entamé depuis quelques années une analyse fine des contours sociographiques du lectorat populaire. L’interprétation des modes singuliers de son rapport au livre et à la lecture, l’a conduite à questionner la notion tant extensive qu’indéterminée de « populaire ». De plus, l’enquête a pu déjà montrer que se déploie, chez les lecteurs, un ensemble de pratiques et de représentations spécifiques assez bien éclairées par la notion de « culture du pauvre » telle que Richard Hoggart la conçoit : attachement au lieu de vie, intégration à la communauté et adhésion à la vision d’une société de classe hiérarchisée et « verticale » (« Il y a eux ; il y a nous »). Pour leur part, les romans de « l’Ecole de Brive » mettent en scène des types de trajectoires sociales et familiales qui s’inscrivent systématiquement dans le rappel des traditions communautaires et se fondent sur la référence aux valeurs héritées des anciens modes de vie. De ces récits, les lecteurs et lectrices tirent, à leur tour, les éléments constitutifs d’un écheveau représentatif où s’ordonnent clairement la mémoire des objets et des lieux, la persistance des croyances et des « visions du monde »… C’est un ensemble symbolique « flou » qui est ainsi formé où viennent s’entrecroiser l’individuel (trajectoires biographiques), le collectif (valeurs du groupe domestique) et l’attachement aux espaces vécus. Reste que la « concrétion symbolique » ainsi dégagée débouche sur une nouvelle orientation de recherche : quels rapports se nouent, dans la narration, entre lecteurs, champ éditorial et « identité régionale » ? Deux directions seront explorées : - La réception d’une littérature « régionaliste » et la place qu’elle occupe, chez les lecteurs et lectrices, dans l’économie de leurs échanges domestiques : Comment, à partir du livre et de « la bibliothèque privée » de chacun, une narration de l’histoire du groupe familial d’appartenance se construit-elle ? Comment même se transmet-elle ? Est-ce par la visite de lieux « évocateurs de souvenirs » ? Ou encore est-ce par la collection d’objets « porteurs de mémoire », etc. ? - La production d’une littérature « régionaliste » et le marché éditorial qui la structure : Comment le long travail de repérage, de sélection et de classification, effectué tant par les éditeurs et les associations que par les libraires, finit-il par consolider, sur le mode de l’évidence, des catégories familières de référence, telles que « romans régionalistes », « romans de terroir » ou « romans populaires » ? Sur le plan méthodologique, cette double direction appelle une certaine collaboration / coopération du sociologue avec les lecteurs sélectionnés dans l’échantillon. Elle exige, sans doute de fonder les entretiens avec eux sur des critères précis et compris. Sur le premier versant de la recherche et s’agissant des « lecteurs – récepteurs » des thèmes de « l’Ecole de Brive », l’enquête cherchera à approfondir l’homologie déjà repérée entre les parcours mis en scène dans les récits littéraires et ceux des lecteurs dans leurs trajectoires de 4 vie. Cette homologie est sous tendue par le thème quasi barrésien du « déracinement » et par l’insistance nostalgique du « retour au pays » ! Tandis que, pour leur part, dans leurs biographies, les auteurs de ces narrations jouent par mimétisme sur des registres analogues, comme poussés par une « besoin » d’écrire en accord avec les aspirations de leurs lecteurs. Sur l’autre versant de la recherche, il s’agira plutôt d’interroger les acteurs et les réseaux, d’observer les lieux, les paysages et les objets… qui forment aujourd’hui le domaine de la production littéraire « régionaliste ». Autrement dit, faire la socio – histoire de cet « univers » de sens : le « sous – champ » littéraire à base locale se noue, en effet, à des dynamiques idéologiques précises. Il se déploie aussi sur un marché économique spécifique. De la sorte, la catégorie même de « roman régionaliste » doit pouvoir être restituée à la diversité de ses occurrences et de ses manifestations, sans que la recherche ne se laisse imposer a priori et de l’extérieur (par exemple, par les instances du « pouvoir idéologique »…) une définition « officielle », « unitaire » et « convenue » du « régionalisme ». Autour de cette littérature, s’est organisée une socio – économie de biens et de services culturels dont la foire de Brive est le point d’orgue. Dans l’intervalle, cette dernière se démultiplie ailleurs de diverses façons par des foires aux livres, localisées et parfois confidentielles, ou encore par l’organisation de bibliothèques associatives autour des principaux thèmes de la dite « Ecole… » jusque dans les communes rurales du Limousin et de la Corrèze, de la Dordogne et du Puy de Dôme proches. Les récits ethnographiques et d’« histoires locales » fonctionnent en parcourant des séries de topiques qui, d’une certaine manière, apparentent le travail du romancier (il écrit) à celui du conteur (il parle). Collectivement, ils se mémorisent autour de quelques grands stéréotypes identitaires. De cette socio – économie, enfin, les collectivités territoriales sont, à leur manière, parties prenantes, comme la ville de Brive la Gaillarde dont la page d’accueil du site Internet s’identifie à l’histoire de la fameuse « Ecole ». La recherche devra s’interroger légitimement sur la promotion et la valorisation officielles « d’auteurs de récits et de récits d’auteurs » ajustés aux modes de vie d’autrefois et à leurs espaces vécus : n’occultent-ils pas, sous le voile d’une éthique de la tradition, un enjeu « latent » et à visée sans doute politique ? Car, en face, le rejet de la « constellation locale bleue » rassemblée notamment autour de Denis Tillinac, s’organise et se renforce. A la manière d’une opposition idéologique, c’est un autre regroupement qui met au jour d’autres « manières d’être Corrézien », en se référant, par exemple, à l’œuvre de Pierre Bergounioux ou encore au travail de Gérard Millet. Ainsi se déploierait un jeu subtil de confrontation entre culture et politique, qui rendrait visible la lutte « symbolique » de « partis » et d’« intérêts » en conflit ! Précisément, au sujet d’un tel jeu social et de son orientation symbolique, l’ethnologue Anne – Marie Thiesse ne laisse pas d’affirmer qu’il est structurellement consubstantiel à la littérature « régionaliste » même. 3. 1. 3. Au sujet de la pluralité interprétative des récits : pratiques de réception de l’œuvre littéraire de Christine Angot Une même action, une même situation, un même texte ou récit sont rarement interprétés par différentes personnes de la même manière, sur le même mode, selon le même registre. En la matière, la convergence des « lectures » n’existe que rarement. La question de l’interprétation des récits a donné lieu à de nombreuses théories littéraires et philosophiques aujourd’hui bien connues (Todorov, Ricoeur..). Cependant, a contrario, elle a fait l’objet de très peu de travaux empiriques, en particulier en sociologie, quant aux différentes variations sociales que toute opération interprétative déploie, suppose ou implique. Peut-on et doit-on, dès lors, parler d’une construction sociale des situations et des actions en fonction de l’interprétation qui en est faite et en relation avec la polysémie de sens que cette dernière en dégage ? Ce cas soulève à l’évidence un ensemble d’interrogations d’ordre empirique dans la mesure où, sur ce point, 5 d’importants obstacles méthodologiques se dressent sur la route du chercheur. Comment, par exemple, le chercheur peut-il avoir accès aux différentes variantes interprétatives du même phénomène littéraire ? Et comment peut-il légitimement amener le sujet en personne à en rendre compte et à se situer dans le « conflit » que ces variantes interprétatives impliquent ? L’œuvre de la romancière Christine Angot se prête particulièrement à une investigation empirique de ce type, et aux réflexions méthodologiques qui en découlent. Formant une œuvre dont le succès (chiffres des ventes, débats publics, médiatisation et starisation, labélisation controversée de l’œuvre…) reste fondamentalement « problématique », le travail de cette romancière est en effet non seulement relayé par un puissant réseau de diffusion « populaire », mais encore marqué par une emprise médiatique fortement contrastée. La pré – enquête déjà effectuée souligne en particulier que les pratiques de réception « profane » de l’œuvre se caractérisent d’entrée de jeu par une opposition tranchée entre deux postures : d’une part une attitude d’adhésion globale à l’œuvre et à la personne, de l’autre une attitude de répulsion et de rejet à leur endroit. Ainsi, glorification et / ou stigmatisation alternent selon les « classes » de récepteurs, les catégories de pratiques, les milieux sociaux et culturels, les instances médiatiques qui s’en font l’écho… et conduisent à distinguer l’œuvre avec son auteure sur un des segments probablement les plus incertains du marché des biens littéraires. Dans ce contexte et en revisitant les théories de sociologie de la littérature, la recherche s’appuiera sur l’hypothèse que, d’une certaine façon, on ne saurait s’en tenir à un « monothéisme » de l’œuvre, de l’auteure et de leur réception croisée. A l’inverse, plusieurs aspects de l’œuvre et plusieurs facettes de la romancière sont co-construites par les divers publics respectifs qui y accèdent, par leurs regards et, bien entendu, leurs interprétations, surtout s’ils les rendent publiques, c’est à dire s’ils s’engagent dans le commentaire de l’œuvre et sur l’œuvre. Il est, alors, possible de mettre en correspondance ou en écho la pluralité des lectures et des facettes en question, pour les faire jouer entre elles comme des réactions privées et publiques. Face à la segmentation et parfois à l’opposition des lectures en jeu, la recherche visera à repérer les principaux clivages qui affectent, dans le cadre de sa réception, l’œuvre de la romancière. Plus particulièrement, les chercheurs choisiront de se focaliser sur une réception non spécialisée et non savante du travail de Christine Angot, en partant des discours recueillis dans le contexte d’entretiens semi-directifs auprès d’un échantillon raisonné de groupes de lecteurs « ordinaires » et en investiguant les systèmes de « goûts » et de « dégoûts » au principe de leurs modes de réception. En décrivant les diverses voies d’interprétations qu’ils empruntent, il s’agira de dégager les caractères constitutifs d’une telle pluralité, sans jamais occulter les possibles contradictions entre elles. Et si, comme on le suppose, ces variantes herméneutiques s’expliquent sociologiquement par les déterminants sociaux qui régulent les pratiques différenciées des « lecteurs – récepteurs », alors pourront être mises au jour les normes d’une « réception littéraire » qui soit en même temps « co-construction de sens ». Le « succès » rencontré par l’œuvre et attaché à la personne de l’auteure n’est que l’effet du dispositif ainsi décrit. A cette étape de la recherche devra succéder, dans une optique comparative et selon une méthodologie analogue, une autre phase, celle relative aux modalités concrètes de la réception spécialisée et savante de l’œuvre. 3. 1. 4 -. Vers un espace professionnel scientifique et patrimonial en région Dans le contexte de la politique de décentralisation (I & II), des membres de l’équipe étudieront, dans un premier temps, les nouveaux services d’accompagnement du jeune chercheur scientifique dans sa trajectoire d’installation comme chef d’entreprise (Système d’offre privée à la personne, autodidaxie et système d’offre publique en termes d’équipement, 6 d’organisation, de financement, d’entrée sur le marché de l’emploi et de professionnalisation…). Dans un second temps, d’autres membres s’intéresseront aux processus de structuration des nouveaux métiers culturels dans le domaine de l’étude et de la valorisation des biens artistiques et patrimoniaux. Ces deux registres de services et de métiers sont donc placés sous la catégorie de l’innovation. 1 Les services d’accompagnement pour l’innovation scientifique. La production collective des savoirs scientifiques forme désormais, en chaque Région française, un cadre d’application au sein duquel, à chaque étape du transfert de technologies, prennent place divers services d’accompagnement (comme par exemple l’ANVAR, les incubateurs, les pépinières régionales, les plates – formes technologiques, les pôles de compétitivité…) destinés à offrir les ressources nécessaires tant à l’incubation d’innovations et au dépôt de brevets qu’à la création de « start up » susceptibles d’occuper des « parts » de marché. Dans une sorte de division des tâches (ou des fonctions), les services « Recherche & Développement » des entreprises, les services ad hoc des collectivités locales et enfin les structures décentralisées des administrations d’Etat se complètent (et parfois rivalisent) pour accompagner le jeune chercheur ou le jeune docteur dans un itinéraire le menant de l’Université au monde de l’Industrie, c’est-à-dire du laboratoire – et de la « paillasse » du savant- à l’entreprise et au marché, c’est à dire à la valorisation par brevets, puis à la commercialisation de ses propres découvertes. Cet itinéraire s’apparente aux phases successives d’une conversion : chaque étape du processus, en effet, se structure autour d’un service qui en forme le noyau constitutif de ressources en matière d’information (et de conseil), de formation (et de spécialisation), de financement (et de subvention). Est-ce là une manière de « penser » une nouvelle voie de coopération de la sphère publique et de la sphère privée, le « public » au service du « privé » ? C’est ce que notre équipe se propose de vérifier, particulièrement pour la Région Limousin et pour la Région Poitou – Charente. Au sein des services d’aides, en effet, les différents mécanismes et processus ont structurellement rendu possibles les trajectoires singulières des docteurs en sciences (biologie et génomique, céramiques industrielles, électronique et électromécanique), faisant d’eux, à terme, tant les pionniers de nouvelles technologies que les porteurs de nouvelles industries (et sans doute « parts » de marché). 2. Les innovations dans les services du patrimoine culturel répondent, pour leur part, à d’autres fonctions. La structuration de nouveaux services culturels s’est opérée au début des années 1980 avec la première politique de décentralisation. Elle s’est inscrite dans le mouvement d’élargissement du domaine patrimonial à certains types d’édifices modestes et anonymes, à diverses catégories d’objets et de paysages, à des savoirs faire obsolètes et à des pratiques vernaculaires, en incluant, dans ce champ, les littératures populaires évocatrices soit de modes de vie traditionnels, soit des histoires de vie paradigmatiques (cf. 3. 1. 2). Ce processus de « qualification » patrimoniale est venu s’ajouter au domaine classé que les Etats centraux continuent à se réserver par droit régalien (comme, par exemple, le « noyau » inaliénable des monuments historiques ou des bâtiments de France, relevant soit de lignées aristocratiques ou bourgeoises, soit de fondations politico-religieuses majeures). Dans ce contexte de déplacement du regard, non seulement les publics sont devenus un enjeu majeur des politiques de sauvegarde du patrimoine culturel, mais les métiers qui s’y rapportent se sont étendus du conservateur à l’animateur, de l’archéologue au gardien de musée, de 7 l’architecte à l’ethnologue… Désormais, ils se déploient au sein de cinq groupes de services : * de réhabilitation, de sauvegarde et de rénovation (comme, par exemple, les services départementaux d’architecture et du patrimoine, les délégations régionales de la Fondation du patrimoine et les services des Conservations des monuments historiques des DRAC), * de transmission des savoir faire et des apprentissages (comme, par exemple, les services gestionnaires des Ecoles d’architecture et du paysage ainsi que de l’Ecole nationale du patrimoine et de l’Ecole du Louvre), * d’économie touristico – culturelle fondée sur les visites, les animations, les scénographies, les publications, les pratiques culturelles et de consommation sur les lieux protégés et classés… dotés de leurs services spécifiques, * de mise en valeur festive et commémorative (comme par exemple les journées du patrimoine, ou les festivals artistiques liés à un site monumental), * de documentation, d’archivage et d’édition (l’« Inventaire des Richesses de la France » est un des grands services dits « scientifiques » du ministère de la culture. Il est déconcentré en DRAC et en Région). Nous nous proposons d’étudier la cohérence d’ensemble de ce double registre de services en le rapportant, d’une part, aux orientations des politiques locales et, d’autre part, aux choix européens relatifs à la construction d’une dimension transnationale de la culture, voire, d’une « Idée patrimoniale » à l’échelle européenne. 3. 1. 5 – Une « culture » de la violence sportive : « loisirs » de supporters. L’objectif est ici de comprendre l’origine et le développement des phénomènes de violence sévissant actuellement chez les supporters de football. Les manifestations sportives ne vont pas sans susciter des formes de violence opposant la diversité des publics qui y assistent et y participent. Depuis les bagarres entre supporters d’équipes concurrentes jusqu’à l’émeute qui embrase tout le stade (franchissement des barrières, envahissement du terrain…), toutes les gradations de la violence collective sont « possibles » ou du moins « envisageables » en cours de rencontres ou à leurs termes, une fois connu le résultat. Un travail sur les comportements de stade est à mettre en œuvre : passage du stade « à l’ancienne » au stade « aux normes », adaptation des enceintes aux nouvelles exigences sécuritaires, composition de la foule des spectateurs. A grand renfort de trompes et d’oriflammes et tout en se conformant aux comportements collectifs attendus, les supporters savent innover dans les modalités et les formes de soutien à leur équipe. Les encouragements précèdent la rencontre, se poursuivent pendant le match, continuent après lui, se transformant spontanément en liesse si le match a été gagné. Au cours des rencontres sportives, les supporters s’affrontent dans les tribunes, dans une sorte de réplique de l’affrontement qui se joue sur le terrain : tout se passe comme si s’effectuait alors un redoublement dans les tribunes de ce qui se passe sur le terrain. Pour pallier les problèmes de violence générés par les hooligans, les instances dirigeantes ont pris des mesures de sécurité : vidéosurveillance, fichage, « stadiers »… Quant au renforcement de la sécurité privée (« stadiers ») lors des grandes rencontres, non seulement il semble s’appuyer sur un accroissement significatif d’effectifs répartis dans l’ensemble de l’enceinte sportive, mais encore sur la recherche d’un temps « rationnel » d’intervention minimale en réponse à un phénomène de hooliganisme dans les tribunes. L’histoire urbaine éclaire les phénomènes de violence sportive, d’abord par l’implantation des stades en milieu urbain, ensuite par les processus d’identification entre clubs de sport, villes et supporters. Une étude à large échelle devrait permettre de dresser une typologie des villes 8 (taille, type d’activité...) où le sentiment d’identification débouche sur des comportements violents, et, sans doute, d’établir des correspondances avec telle ou telle période de leur histoire, puisque, comme le souligne l’ethnologue Alain Bromberger, « le stade de football est une carte de la ville en réduction ». Aujourd’hui, les clubs connaissent des formes d’infiltration plus ou moins indésirable (ou plus ou moins souhaitée) de leurs supporters par des groupes sans lien organique avec le club. Le degré d’identification à une ville, à un club, à un quartier ou encore la nature de la « passion collective » que ces groupes développent pour une équipe pourrait représenter un déterminant important de la violence. Dans une sorte de démarche d’auto – affirmation collective, non seulement ils s’attribuent unilatéralement des places « attitrées » dans les stades (le « tournant » du stade !), mais se référent à leurs propres identités, rappellent leurs propres couleurs, proclament leurs propres slogans, reprennent sans fin leurs propres chants et rengaines… sans avoir à réfréner les débordements verbaux (e.g., propos racistes) visant à déstabiliser l’adversaire ou, plus nettement, les affrontements physiques hors de l’enceinte en fin de match. Quant au « mouvement ultra », notons qu’il cherche à autonomiser ses pratiques de groupe au cours de la rencontre sportive, en les distinguant radicalement de celles des dirigeants du club ou, plus nettement encore, de celles des supporters inféodés au club. Ainsi les « ultras » se livrent à leur propre compétition selon leurs propres règles tacites ou secrètes. Centrée sur la réalité visible et physique des voies et moyens empruntés par la violence supportériste ou « ultra », mais aussi sur ses structures latentes, la méthodologie de la recherche s’efforcera enfin d’en tester expérimentalement la portée médiatique. La couverture journalistique des événements sportifs ne saurait, en effet, se réduire à la seule mise en scène d’une « passion » partagée et commune, elle réactive aussi les « vieilles » rivalités entre métropoles, équipes et clubs (e.g., PSG – OM) et, par un effet en retour, elle ne cesse de tisser pour les entrelacer l’action sportive sur le terrain avec l’action « supporter » dans les tribunes. 3. 2 – Le monde rural en mutation : Groupes sociaux et Classes d’âge 3. 2. 1 – Rester ou arriver, partir ou revenir ? Mobilité et migration des 20 – 30 ans en Limousin Dans le contexte d’une commande de la Région Limousin, une recherche vient d’être lancée au sujet des facteurs d’attractivité du territoire. Plus précisément, elle se focalise sur la seule tranche d’âge déficitaire au niveau migratoire entre deux recensements, celle des 20-30 ans. La méthodologie retenue se fonde sur des entretiens et cherche à explorer ce qui attache un individu ou une catégorie d’individus à un territoire. Il convient de partir de la question suivante : quels facteurs rendent le territoire régional plus ou moins attractive chez les jeunes entre 20 et 30 ans ? Cette question fait suite à une lecture précise des chiffres de l’INSEE montrant un solde migratoire déficitaire pour le Limousin (mais cela est vrai plus largement du Centre Ouest), en raison, notamment, du départ des jeunes de 20 à 30 ans (après les études ou pour des études ailleurs). Quelles en sont les raisons ? Pourquoi le « déficit » de cette tranche d’âge ? Le fait qu’il se comble après 30 ans indique que des catégories de personnes, venues d’ailleurs, arrivent en région sans qu’il soit possible de préjuger a priori s’il s’agit de nouveaux arrivants ou de jeunes revenant après une absence de quelques années. 9 On comprend bien qu’il est alors question autant de ce qui attire et de ce qui fait rester sur place, que de ce qui est cause de départ. C’est sur ces deux dimensions de la migration que doit porter l’attention du sociologue si l’on veut pouvoir répondre à la question posée. Certes, les raisons de départ peuvent être multiples, subjectives, indirectes… Elles peuvent aussi dépendre de facteurs indépendants de l’identité régionale : raisons personnelles, raisons familiales, raisons professionnelles, etc. Cependant les comparaisons entre la région Limousin et d’autres (Poitou-Charentes, Alsace) soulignent, dans leur importance relative, la spécificité de chaque région d’émigration et d’immigration. Pour explorer cette question (déjà documentée par l’INSEE sur un plan quantitatif et statistique), il convient d’avoir une approche qualitative, permettant d’étudier non seulement la large palette des bonnes raisons de partir et/ou de rester, mais encore l’éclectisme même des facteurs qui favorisent, influencent, voire déterminent ces décisions. Plusieurs approches peuvent explorer analytiquement la question de départ : 1/ Tout d’abord, on peut considérer que les décisions des personnes prévalent et que ce sont leurs motivations qui déterminent ces décisions. Toute décision, en effet, est basée, peut-on penser, sur les coûts et les avantages que la personne évalue à partir de ce qu’elle sait de sa situation et de ses possibilités. En comprenant ce que pensent les jeunes de 20 ans, partis ou non, nous apprendrons quelles sont les raisons pour lesquelles ils préfèrent partir et celles pour lesquelles ils préfèrent rester. Cette approche a des limites : elle se base sur des données déclaratives et ne préjuge pas de la réussite des migrations dans la durée. Tous les motifs des décisions ne sont certes pas conscients, pas plus que les départs ne sont tous volontaires. Les discours des personnes peuvent certes nous expliquer la « conception » qu’elles ont des choses, nous donner les raisons de leurs choix de partir ou de rester, mais elles ne peuvent nous dire si elles resteront. S’il existe un certain nombre de conditions de possibilités qui permettent le départ, conditions de possibilités qui tiennent autant aux conditions matérielles (revenus, logements, etc.), aux titres détenus (diplômes et qualifications), affectives (attaches familiales, conjugales, etc.), il en existe également qui affectent la stabilisation migratoire à peu près du même ordre, à savoir : les conditions matérielles d’arrivée (et non seulement premières représentations à l’arrivée), et le « vécu » dans le lieu d’arrivée et d’installation, etc. 2/ On peut alors penser qu’existe un autre moyen (une autre approche) de traiter de la réalité migratoire. Si l’on considère qu’il ne suffit pas de décider de partir pour réussir « sa » migration, et si l’on voit la complexité des parcours migratoires telle que la sociologie des migrations internationales nous l’a apprise, de déplacements provisoires en départs alternés puis en installations, si, enfin, on veut voir aussi bien ce qui favorise les retours que ce qui freine les départs, alors, sans aucun doute, il faut saisir un autre dimension du phénomène que les simples motivations ou intentions de départ. Il faut re-saisir les parcours de manière plus complète, en restituant les différents facteurs qui poussent au départ et à l’installation, mais aussi ceux qui déterminent les ancrages dans une telle installation. Or, à l’évidence, ces données ne peuvent être observées que de manière rétrospective. Le recensement, par exemple, ne donne pas de données entre deux recueils. Il ne livre pas d’indication sur les migrations intermédiaires possibles. Pourtant, quand elles ont eu lieu, il est nécessaire d’en avoir connaissance afin de bien restituer les logiques migratoires en jeu. Dans cette perspective, l’équipe concerné se propose de travailler sur des populations de trentenaires, dont elle cherchera à reconstituer a posteriori les trajectoires (pour les comparer). Cette seconde approche a elle aussi des limites : en travaillant sur des mécanismes favorisant départ et installation (ou ce qui permet de rester), certes, elle saisit dans le long terme les facteurs avec finesse et précision. Mais, en travaillant de manière rétrospective sur une population plus âgée, elle peine à se donner les moyens de voir l’évolution des facteurs de 10 départ au niveau des jeunes. Et pourtant, l’évolution du solde migratoire, de 1999 à 2004 (Cf. « Focal INSEE » n°17), semble montrer que le phénomène n’est pas récent et s’est construit dans les années 90-95, qu’il se restreint à présent (Cf. « INSEE LIMOUSIN, La revue », Août 1998). Pour toutes ces raisons, cette deuxième approche semble préférable à la première. Elle pourrait constituer un préalable à une enquête ultérieure auprès d’une population plus jeune, en vue de vérifier la continuité des tendances observées dans le temps. 3. 2. 2. – Immigration et redistribution des groupes sociaux en milieu rural. Le fait de résider dans le Limousin nous confronte à une problématique récurrente inhérente aux caractéristiques de cette région, celle de la transformation lente mais inéluctable et profonde des populations qui habitent ce territoire. Les recensements successifs montrent que si le solde migratoire reste sensiblement positif (surtout du fait non seulement de l’arrivée de retraités, amis encore du retour des 30 – 60 ans, comme l’indique notre enquête précédente), la répartition géographique de ces flux se fait plutôt au profit d’une condensation dans les grandes agglomérations et au détriment du tissu rural. Parallèlement, les propriétés sociologiques de la population évoluent également : le Limousin – une des régions la plus âgée d’Europe – continue de vieillir, tout en accueillant des populations hétérogènes. De nombreux néo-ruraux (retraités, population d’origine étrangère – britanniques notamment, etc.) viennent s’installer dans le milieu rural, « fief » demeuré longtemps incontesté des seuls agriculteurs. De nouveaux rapports s’imposent ainsi aux originaires sédentaires qui voient arriver de nombreux ex-urbains porteurs de valeurs (au sens propre et figuré) différentes des leurs. Ces éléments structurels conduisent à poser plusieurs questions de recherche qui nourrissent cet axe thématique : L’arrivée de ces populations ne modifie-t-elle pas (ou, au contraire, ne rigidifie-t-elle pas) les valeurs et les représentations des autochtones ? N’y a-t-il pas un choc de cultures, des tensions qui accompagnent ce phénomène ? Mieux : n’assiste-t-on pas, en regard de différents indicateurs qui vont dans ce sens, à ce que nous appelons une « gentrification » rurale ? Le prix de l’immobilier devient inaccessible pour les agriculteurs qui se voient souvent mis hors jeu du marché. De nombreux retraités constituent cette population de nouveaux arrivés : au-delà de leur indépendance vis-à-vis des conditions de travail difficiles du milieu rural (avec ses aléas climatiques, la gestion politique – à l’échelon européen- des aides et des cours du marché qui leur échappent totalement), ce sont également des confrontations de tranches d’âge (retraités / actifs) et de catégories socioprofessionnelles qui s’opèrent. Qu’en est-il de ce brassage ? Quels types de rapports sociaux (de coopération, de défiance, etc.) observe-t-on ? Les nouveaux venus finissent, à terme, par s’investir (le préfixe venant logiquement dans un second temps lors de l’installation) dans la vie locale : associative, économique [avec une (ré)activation des services] puis municipale c’est à dire dans la temporalité de la politique locale. Qu’en est-il de l’intégration de ces arrivants ? Reste-t-elle superficielle ou, au contraire, transforme-t-elle l’espace des échanges au niveau local ? Peut-on parler davantage d’intégration que de cohabitation, ou l’inverse ? Comment se dessine, le cas échéant, la nouvelle identité du territoire pour ses habitants ? Le territoire appartient-il, symboliquement et dans un mouvement d’identification et d’attachement des acteurs à un espace, aux individus qui y sont nés ou à ceux qui le font vivre ? 11 Une question plus politique hante ces débats : comment garder une vitalité au tissu rural en voie d’assèchement du point de vue de ses forces productives tout en le désignant comme une terre d’accueil possible pour des régions à dominante rurale au risque de le dé – naturer voire, et, au pire, d’assister à des conflits vigoureux entre les propriétaires légitimes ancestraux de la terre et la nouvelle génération de ceux qui la revitalisent ? 3. 2. 3 -. Vieillir en milieu rural : solidarités collectives et politiques de santé. La France va, comme beaucoup d’autres pays européens, voir vieillir sa population très sensiblement au cours des prochaines décennies. Si l’on s’en remet par exemple aux projection établies par l’INSEE, entre 2000 et 2050, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus devrait doubler tandis que l’effectif des plus de 75 ans pourrait être multiplié par trois. A ces évolutions structurelles de la pyramide des âges s’ajoute le fait que la durée de la vie s’est considérablement accrue et qu’elle continue d’augmenter. Cette situation, sans précédent historique se traduira par une coexistence de deux générations de, retraités dans une même famille, les personnes de 60-70 ans et leurs parents âgés de 80 à plus de 90 ans1. Cette question de l’avancée en âge est aujourd’hui au cœur des préoccupations de nombreuses politiques publiques, notamment aux échelons départementaux et régionaux qui ont aujourd’hui en charge les questions de solidarité. Pour autant, la problématique des équilibres démographiques posée en ces termes par les démographes n’a pas encore suscité la mise en place d’une problématique sociologique forte. Et quand cela est le cas, la question du vieillissement est, semble-t-il, plus volontiers abordée d’une part au niveau de ses effets sur des secteurs économiques tels que le marché du logement, l’équilibre de répartition des revenus de transferts…, d’autre part au niveau des espaces urbains (transports collectifs, services aux personnes…). Plus simplement, il nous semble que la dimension sociale et sociologique de la relation entre les générations et les formes de solidarités, notamment dans les régions faiblement urbanisées, reste à poser et à étudier. Ce programme peut être décliné selon 3 grands axes développés ciaprès. Vieillissement, territoire et solidarités. Comme en témoignent les récents travaux sur le vieillissement en milieu urbain, la question de l’avancée en âge est particulièrement liée à celle des équilibres territoriaux et à la manière dont les équilibres démographiques favorisent ou non des dynamiques de développement. A un point tel que l’indice de jeunesse d’une région comme sa densité de peuplement sont devenus des indicateurs habituels de dynamisme qui peuvent rejaillir sur l’identité de toute une région ou d’une commune. Pourtant, à l’opposé de cette appréciation, d’une part les données disponibles sur les classes d’âge les plus élevées montre un investissement de ces dernières dans le tissu associatif et la consommation culturelle, d’autre part on sait que la présence des plus âgées est au principe d’une économie de services tout à la fois sociaux et sanitaires qui est en développement. Dès lors, la question est peut-être moins celle de saisir les effets directement économiques du vieillissement d’un territoire, que de mettre à jour les modalités spécifiques de relations qui s’établissent et prennent corps sur un territoire déterminé entre des jeunes générations proportionnellement moins nombreuses, et des générations plus anciennes. Derrière la question du vieillissement se pose alors la question des usages sociaux du territoire et de ses représentations collectives : à quelles conditions et comment les Projections INSEE cité in Dossier « Vieillissement de la population et habitat » in Premier Plan, journal d’informations du PUCA n°10, janvier- avril 2006 1 12 générations cohabitantes sont-elles à même de faire du territoire une ressource et un terrain de solidarité commun ? Cette question se pose en effet avec une acuité toute particulière dans les territoires qui déjà souffrent d’une faible urbanisation et c’est sans doute toute la question que pose le développement d’initiatives dites « intergénérationnelles ». Ces dernières peuvent être considérées comme des tentatives tout à la fois politiques et associatives de (re)construire une identité territoriale commune. Sous cet angle, le développement et l’encouragement de telles entreprises par les politiques publiques locales se sont parés et enveloppés de la bannière de « l’économie solidaire ». Ce processus mérite interrogation à la fois au niveau de ses effets pratiques (cas et expériences) et du point de vue de sa construction (catégories de l’action publique). Vieillissement, patrimoine et transmission. Les retraités d’aujourd’hui ont en moyenne un pouvoir d’achat d’un niveau voisin de celui des actifs. Globalement, ils ont profité des trente glorieuses pour améliorer leur situation résidentielle et devenir majoritairement propriétaires (76% des retraités sont propriétaires d’un logement que ce soit à titre principal ou secondaire). Pour autant, cette moyenne voile une réalité plus contrastée puisque « les retraités les plus riches possèdent en effet un patrimoine immobilier moyen d’une valeur quatre fois supérieure à celui des retraités les plus modestes2». Ainsi, que les retraités contribuent d’ailleurs fortement à l’offre de logements (un bailleur sur deux est âgé de plus de 60 ans3). A cette situation de différence générationnelle à l’égard de la constitution d’un patrimoine, on peut ajouter celle de la génération des trentenaires d’aujourd’hui telle que la résume Louis Chauvel4 : une génération qui aujourd’hui ne bénéficie pas d’un contexte favorable à la constitution d’un patrimoine et qui subit l’inflation des diplômes et la diminution du nombre de postes. Elle est donc conduite à rechercher aide et solidarité du côté du patrimoine des plus âgés (leurs parents) pour amortir son déclassement probable. Sans prendre position par rapport à cette lecture globale de la société française, il reste qu’elle invite à mieux saisir les mécanismes par lesquelles le patrimoine familial est mobilisé (d’autant qu’un tel mouvement est de fait conduit à s’essouffler sans renouvellement du patrimoine) dans de nouvelles configurations sociales de solidarité et de transmission entre les générations, en considérant notamment ses effets sur les structures familiales. Cela d’autant qu’en retour, le vieillissement pose aux générations les plus jeunes la question de l’accompagnement ou de la prise en charge des générations plus âgées. Comment la solidarité s’établit-elle entre ces générations ? Quelle part y prend réellement le patrimoine ? Comment est-il mobilisé en tant que valeur économique dans un jeu social d’échange et d’entraide de nature domestique ? Enquête logement de l’INSEE citée dans la consultation internationale de recherche prospective du Ministère de l’Equipement « Vieillissement de la population et habitat », 2005. 3 Idem p. 4 4 Cf. Le destin des générations, PUF, 2002. 2 13 Vieillissement et politiques publiques locales. Le vieillissement et la croissance du nombre des personnes âgées se sont imposées au plan démographique. C’est devenu un problème social justiciable non seulement d’études et de recherches mais aussi constitutif de nouvelles catégories de l’action publique. Cela au moment même où la décentralisation allait confier aux collectivités territoriales et locales de grands pans de la politique sociale et de solidarité (RMI, Allocations Dépendance…). Du coup, l’équilibre des budgets régionaux et départementaux s’en est trouvé non seulement complètement modifié (à l’échelle de la proportion des plus âgées dans la population selon les régions et départements au moins), mais les services de ces instances décentralisées ont dû inventer et fabriquer des catégories et des modes d’action spécifiques dédiées à ces populations. La première des conséquences de ce mouvement réside dans une reconfiguration de l’action publique mais aussi et surtout dans le développement de problématiques politiques territoriales spécifiques pour les départements les moins urbanisés. En effet, alors que depuis le début des années 1980 les maîtres mots de l’action publique étaient « développement local », « attraction de nouvelles populations » (dont des jeunes ménages), « développement de services adaptés à ces catégories », les collectivités sont dorénavant obligées de composer avec les effets d’inertie de cette politique et avec la prise en charge d’une population âgée dont les pratiques et les besoins de services sont quelque peu différents. Ainsi sans doute, selon cette hypothèse, peut-on rendre compte du « bricolage » en cours de nouvelles catégories d’action publique qui s’appuient largement sur un tissu associatif local, et se donnent comme direction générale d’action « l’économie solidaire » et / ou la « solidarité intergénérationnelle ». En ce sens la question de l’avancée en âge dans les régions les moins urbanisées offre un terrain tout à fait favorable à l’étude de l’émergence de nouvelles catégories de l’action publique. Ces dernières semblent être plus le fruit d’une invention contrainte que d’une véritable stratégie politico – administrative organisée en rationalité. 3. 2. 4.-Vieillir en milieu rural : les métiers émergents de l’accompagnement et du soin Si l’on en croit Jacques Ion, les interventions des professionnels de la sphère sociale s’articulent autour de quatre axes : Les métiers de l’éducation spécialisée non développés dans le monde rural (bien que les familles d’accueil- rémunérées par le Service départemental de l’aide sociale à l’enfance – en Limousin soient majoritairement implantées hors urbain) ; Les métiers de l’animation (les « pays » qui forment une nouvelle désignation de l’échelle intercommunale, froment des structures rendant visibles les métiers du développement local, mais aussi une animation moins professionnalisée dans les clubs de 3° age des communes) ; Les métiers de l’accueil au domicile du professionnel (les accueillants familiaux dont l’activité est encadrée par la législation de 2002 peuvent constituer un pôle professionnel émergent des « intervenants dans le monde social ») ; Enfin, les métiers de l’aide, dont fait partie l’aide au domicile de l’usager, ont à charge la gestion de la dépendance sur le territoire rural. Ces métiers sont traversés par de multiples enjeux spécifiques au monde rural (et à son actuel vieillissement) : Enjeu géographique résultant de l’isolement des personnes dans le désert des campagnes, zones « blanches » d’activités et de populations actives. L’articulation géographique ne suffit plus à désigner les territoires d’intervention de ces métiers : ils sont comparables à des « mille feuilles » juridiques de compétences croisées. 14 Enjeu économique par la création d’emplois dans un territoire rural, qui est, cependant, de moins en moins agricole. Cet espace est le théâtre de la multiplication d’emplois peu qualifiés, surplombés par les emplois des plus qualifiés du secteur social (AS / CESF et les responsables y assurant des permanences). Enjeu démographique par les flux migratoires entre villes et campagne. Les « néo ruraux » « dorment » à la campagne mais « travaillent, dépensent et consomment » en ville ou dans ses satellites (de là le développement des villages ruraux situés sur les axes routiersautoroutiers vers le cœur des villes). En particulier, le flux migratoire des « jeunes retraités » qui reviennent dans leur région d’origine, constitue une population au fort potentiel économique avant même d’entrer, ultérieurement, dans le temps de la dépendance. L’aide à domicile concerne le « grand âge » (ou 4° âge), à 95%. Au-delà de ces enjeux, plusieurs aspects soulignent l’incertitude des frontières dans la prise en charge des personnes au titre des « métiers d’aides ». La première interrogation porte sur l’utilisation du terme de « métier ». Les interventions relèvent tour à tour de « compétences et savoirs » de métier et de « pratiques bénévoles » (par exemple par l’intermédiaire des clubs du 3° âge, ou par la présence téléphonique). Les métiers historiques de l’aide (AS /CESF), représentent des statuts identifiés et organisés (VAE, Crédits). Alors même que les réformes récentes ou en cours tendent à harmoniser (voire homogénéiser) les diplômes, rappelons que les métiers qui en sont issus et qui sont à l’origine de l’expression « travail social » sont institutionnalisés autour des années 1940. TISF (ex TF) AVS (ex CAFAD) sont des métiers moins connus hors du secteur social et ont été revalorisés depuis peu (1999/2006 et 2002). Le glissement sémantique du « Certificat Aptitudes aux Fonctions Aide à Domicile » au nouveau référentiel du Diplôme d’Etat « Auxiliaire de Vie Sociale » en est une illustration. Désormais, les qualifications s’échelonnent du niveau V et IV, au niveau III pour toutes les formations autour de « l’aide ». Les métiers de l’aide : entre solidarités familiales et solidarités d’Etat. Les solidarités inter – générationnelles au sein des familles sont incertaines dans le temps. Ces incertitudes sont liées aux rapports fluctuants entre ascendants et descendants, entre aides en espèces (donations du vivant), ou aides en nature (courses, ménages, gardes d’enfants). En même temps, les solidarités en jeu constituent des pratiques quotidiennes, spontanées ou calculées… qui restent, dans l’ensemble, relativement invisibles. De même, les solidarités qui se déploient au titre de l’action sociale glissent du champ des compétences de l’Etat vers celui des collectivités territoriales (en particulier des Départements) dans le cadre des Lois de décentralisation (I & II). Le rapport Laroque a ouvert la voie au maintien à domicile du 3° âge. L’actualité de la prise en charge de la dépendance (bien souvent au-delà du 3° âge) s’oriente vers une professionnalisation de la solidarité familiale quant aux droits de la personne et à la protection de ses biens. Le statut déclaré d’ « aidants » familiaux ainsi que la récente réglementation des accueillants familiaux sont des indicateurs certains de cette professionnalisation. Il n’est toutefois pas anodin de souligner que, dans la sphère des métiers du social, l’aide recouvre les emplois les plus féminisés. D’une certaine façon, ces emplois semblent correspondre à un « savoir-faire » féminin qu’ils prolongeraient au-delà de l’espace domestique sur des terrains autres que ceux de la famille. Enfin, soulignons que les métiers d’aide s’inscrivent dans une relation structurée, organisée de l’aide à la personne. Cette dernière peut être également présentée sur une échelle qui va de la 15 tutelle obligatoire et mandatée (curatelle), à un service demandé par la personne. Le statut oscille entre plusieurs types de pratiques apparentées : celles qui s’adressent à l’usager d’un service, celles qui concernent le client d’un service ou celles dont profite le bénéficiaire d’une aide. De ce point de vue, les services d’aide à domicile assurent une double fonction auprès des populations âgées : mandataire, d’un côté, prestataire de l’autre. 3. 2. 5.-Générations, genre et santé Un ensemble de recherches aborde la question des relations entre générations sous l’angle du genre et de la santé. 1/ Une enquête sur les pratiques d’allaitement vise à suivre le travail de réimposition de l’allaitement comme norme sanitaire, psychologique et morale à laquelle doivent se conformer les « bonnes » mères : luttes au sein du champ médical, avec un investissement très inégal des professionnels de santé dans la légitimation de ce mode d’alimentation des nourrissons, et mobilisation de femmes transformant leur pratique en « cause » associative, par laquelle elles tentent de convertir les mères réticentes ou désarmées. Il s’agit surtout d’analyser comment ce travail de réimposition d’une norme rencontre à la fois des résistances et un « désir d’allaitement », désir situé socialement qui s’inscrit dans des configurations familiales (notamment rapports entre générations de mères), professionnelles (place faite aux carrières des femmes), militantes (offre de sens pour mettre en forme l’expérience de la maternité) et spatiales (hypothèse d’un « retour » de l’allaitement en milieu rural, pratiqué surtout en milieu urbain à partir des années 1980) à reconstituer. Cette enquête est prolongée par une recherche sur les définitions sociales de la maternité et de la paternité dans le cadre d’un enseignement de sociologie du genre en licence : sont notamment menés des entretiens visant à la reconstitution de monographies familiales centrées sur les thèmes de l’allaitement et de la place des pères sur trois générations, tout particulièrement au sein des familles d’agriculteurs (Marie-Hélène Lechien). 2/ Deux recherches autour du cancer du sein (avec une allocation attribuée en octobre 2006 par l’INCA à un doctorant de Limoges, Stéphane Chantegros, en thèse sous la direction d’Yvon Lamy). S’intéressant aux trajectoires de femmes atteintes du cancer du sein, amenées à apprendre à vivre à la fois avec et contre leur maladie, la première recherche étudie la variabilité des conduites adoptées tant pour faire face à la maladie comme « situation limite » que pour tenter de retrouver une vie « normale » à l’issue du traitement, en prenant en compte différentes variables socio - démographiques (telles que l’âge, le niveau d’études, la profession, la situation familiale et conjugale, l’origine géographique) et les spécificités biographiques des malades. De son côté, dans une seconde recherche, Christophe Gaubert, qui achève une thèse sur la formation et l’exercice d’une profession paramédicale, celle de kinésithérapeute, souhaite poursuivre une enquête sur les « résistances » à la prévention et notamment au dépistage du cancer du sein chez les femmes invitées à s’y soumettre. 3/ D’autres recherches porteront sur les unités hospitalières de soins palliatifs (Christophe Gaubert, Yvon Lamy et Marie-Hélène Lechien) et sur les associations qui s’engagent (et mobilisent) en faveur de la pratique du don d’organes (Virginie Plumart bénéficie d’une bourse pour cette recherche depuis 2005). Ces différentes enquêtes permettent de décliner la question de la santé et des générations sous deux angles complémentaires. - Le premier concerne le maintien de « résistances » aux injonctions et savoirs médicaux, malgré l’hypothèse d’individus plus informés parce que plus longtemps scolarisés (indifférence ou non-respect des messages de prévention et des campagnes en faveur du dépistage du cancer du sein ; patientes atteintes du cancer du sein en rémission, dont le retour difficile à une vie « normale » peut compromettre le traitement et l’avenir ; refus ou abandon 16 très rapide de l’allaitement ; inversement, résistances de femmes souhaitant poursuivre un allaitement face aux incitations à y mettre fin de professionnels de santé…). Que doivent ces résistances « profanes » à la transmission de savoirs et savoir-faire familiaux ? - Le second angle aborde la thématique transversale du genre, tant du côté des patients que du côté des soignants : les femmes premières concernées par l’allaitement et le cancer du sein, généralement plus attentives à leur santé que les hommes (comme le montrent des enquêtes statistiques sur la fréquentation des médecins généralistes ou la lecture de magazines relatifs à la santé) ; les femmes massivement aides-soignantes et infirmières, mais aussi médecins spécialisés dans les domaines les moins légitimes de la médecine. F I N de l’Axe 3 17