Elles préparent un repas spécial et chantent des panégyriques en langue
dialectale jusqu’à l’aube. Un vers qui se chante à cette occasion est tellement
célèbre que les mères bercent leur bébé en répétant sa mélodie : L’arrivée de
l’aube est proche, et les anges sont contents/ De la naissance de Muhammad,
Dieu prie sur lui. Malheureusement, avec l’effet dévastateur de la modernité,
toutes ces traditions ancestrales commencent à perdre de leur force. Quant aux
cérémonies qui se déroulent à l’intérieur des mosquées et des záwya-s
(confréries), elles commencent après la prière du maghrib (après le coucher du
soleil). On commence par la récitation en groupe du Coran. Ensuite, on chante
les deux plus célèbres poèmes panégyriques écrits par Sharaf d-Dín al-Busayrí
(1213-1295) et connus sous le nom de al-Burda et al-Hamziyya. On laisse des
espaces pour des discours qui rappellent les vertus du Prophète ou la
Mawlidiyya qui est enregistrée sur ce CD. La première partie de la mawlidiyya
est célébrée alors que tous les assistants sont assis sur terre, les jambes
entrecroisées. Pour la deuxième partie ou le «salut», tout le monde se met
debout en honneur à celui qui a été glorifié par les sphères célestes, les humains
et les génies. Si on est dans une záwya, après le dîner, qui est offert
généreusement par le sheij (maître) aux disciples (fuqárá) et aux invités, on
entre dans la ‘imára (décrite ci-dessous) en passant à la poésie du vin
(jamriyyát) qui décrit l’ivresse divine avec des poètes mystiques célèbres
comme : al-Shushtarí, al-Harráq, Ibn al-Fárid etc. Si on est dans une mosquée on
continue la récitation du Coran jusqu’à l’aube.
5/ Yáda bi-l-Wisál : Ce poème de al-Shushtarí n’est chanté de cette manière que
dans la záwya l-Harráqiyya de Tétouan. Ce rythme de la hadra à quatre temps
est très captivant et il est beaucoup plus usité en orient. Il paraît que cette
mélodie a été composée par le sheij sídí 'Arafa al-Harraáq. Dans le concept de la
musique traditionnelle on retient rarement le nom du compositeur.
Le stade de la ‘imára, l’extase ou la transe a été décrit par le grand imám
al-Gazzálí (1058 – 1111) dans son précieux livre la revivification des sciences
de l’islam :"Quand ce feu a pris possession du cœur, sa fumée monte dans le
cerveau et submerge ses sens si bien qu'il ne voit ni n'entend, comme s'il était
endormi, et s'il voit ou entend, il demeure obtus et fermé, comme un
ivrogne...Par contre, les révélations consistent chez les soufis en l'apparition de
choses dans la conscience secrète, parfois revêtues d'une forme imaginative,
parfois d'une manière directe. L'effet du samá‘ dans cet état est de purifier le
cœur comme un miroir jusqu'à ce qu'une forme apparitionnelle se reflète en Lui.
Et tout ce que l'on peut rapporter à ce sujet n'est que savoir, raisonnement et
analogie, et nul ne peut en saisir la réalité à moins d'être parvenu à ce degré.
Chacun comprend en fonction de son propre degré, et s'il veut convaincre
quelqu'un, il le fera avec les arguments de son propre degré, lesquels relèvent du
"savoir" et non de l'expérience directe". Afin de nous informer sur ce qui se
passait en occident dans l’âge médiéval, méditons sur cette réflexion de Jacques