1
Partie II : Le territoire dans l’économie des sports de nature
A. Espace, géographie et économie des sports de nature
Les espaces de l’économie des sports de nature en géographie
L’espace est tout autant le produit de systèmes humains collectifs localisés qu’il est
produit par ces entités spécifiques. Hors, les sports de nature et leurs économies sont liés
culturellement aux sociétés dans lesquels ils émergent. En effet, l’économie des sports de
nature semble se différencier spatialement en variant dans sa nature (types et modalités de
pratiques sportives de nature) et son intensité (importance des filières sportives de nature) en
des économies locales des sports de nature.
Tantôt proche de l’économie du tourisme de montagne : avec des sports de nature
comme activités de diversification du modèle touristique des sports d’hiver et de montagne en
station, tantôt libre de toutes contingences structurelles et culturelles exogènes, les économies
locales des sports de nature semblent spécifiques. Tout comme il l’a été originellement au
sein des théories économiques classiques, l’espace serait la variable selon laquelle les
économies des sports de nature se distingueraient. En outre, celui-ci existe dans les sports de
nature à la fois comme support d’enjeux sociaux et culturels à la fois matériels et idéels mais
aussi en tant que support physique fondamental à ces activités. Cette deuxième conception
primaire de l’espace dans les sports de nature le positionne donc comme une ressource
naturelle tandis que la première le positionnait comme une ressource culturelle indispensable
au fonctionnement des sports de nature. L’espace est donc un élément indispensable à la
compréhension géographique du fonctionnement des économies récréatives.
Dès lors quel serait le rôle joué par l’espace dans la composition et le fonctionnement
des systèmes économiques et territoriaux des sports de nature ?
1. L’espace géographique
Le premier des concepts à positionner dans le champ de la géographie et auquel une
partie de ce travail se rattache est celui d’espace. Il constitue avant tout un des premiers
qualificatifs employés par les sociétés pour matérialiser la « portion de Monde » à considérer.
Celui-ci correspond à une réalité conceptuelle qui se retrouve désormais et parfois sous forme
de réalité conceptuelle et technique dans des activités valorisant directement ces « portions de
2
Monde », le tourisme de nature et les sports de nature. Ainsi caractérisés, les espaces sportifs
de nature voient leurs horizons se dégager et devenir de vastes entités de Terre dont les seuls
limites sont celles que l’on voudra bien leur réserver à chaque occasion. Dans ce cadre des
sports de nature, l’espace est avant tout le support d’activités humaines.
1.a. Une définition de l’espace
L’espace est un concept protéiforme à propos duquel les ographes ont tenté
d’apporter à travers les époques des définitions les plus efficaces et les plus complètes
possibles. Plutôt que d’en proposer une seule nous en apporterons plusieurs afin de souligner
ce caractère éminemment multiple et tenter de discuter son adéquation avec notre objet.
L’espace, quel que soit les définitions que l’on pourra lui adjoindre, constitue l’objet de base
de la géographie.
Si l’espace se rapporte à la notion de place l’on fait un pas il semble correspondre à « une
page blanche poser l’action humaine - et le travail du géographe »
1
. Cette définition de R.
Brunet fait référence à l‘origine latine (spatium) du terme. Cette définition souligne les
premières dimensions que l’espace apporte à l’analyse géographique, comme l’espacement
(facteur de distance notamment) ou l’étendue ("un espace de 10 hectares", "un espace clos").
Etymologiquement, l’espace fait référence à ses origines latines, scientifiquement celui-ci fait
par moment référence au lieu et à la région, avant de voir sa substance le faire évoluer vers le
concept de territoire.
Aussi, il nous semble pertinent de le référer aux lieux dans sa construction. Dans ce
cadre, R. Brunet les positionnent comme des entités délimitées et délimitables « liées par des
réseaux »
2
à l’origine de l’espace. « C’est de lieux, de liens de lieux et de lieux de lieux que
l’espace est fait »
3
. Les lieux sont alors ces endroits , qui possèdent une adresse, à propos
desquels des données statistiques sont disponibles. « Les lieux n’ont aucun sens en eux-
mêmes : ils n’ont que celui qu’on leur donne »
4
. La théorie des lieux centraux de W.
1
R. Brunet, 1993, Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Editions Reclus, Paris, 470 pages.
2
R. Brunet, 1993, op. cit.
3
R. Brunet, 1993, op. cit.
4
R. Brunet, 1993, Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Editions Reclus, Paris, 470 pages.
3
Christaller
5
ou Lösch, se basait sur la localisation des activités d’échange pour démontrer le
rôle des lieux. Cela supposait un espace homogène (expliquant le grand nombre
d’applications dans le Centre-Ouest des Etats-Unis d’Amérique) et constituait une application
des méthodes de la science économique des années 1930 aux « problèmes de la géographie de
la région et de la ville »
6
. Cette qualité homogène de l’espace permet notamment la
confrontation entre les lieux de consommation (les lieux touristiques) et les lieux de
production (lieux de pratiques sportives) de l’économie des sports de nature. Cette approche
matérialise la distance entre ces lieux alors que les espaces de production des sports de nature
sont obligatoirement fixes.
Pour D. Pumain et Th. Saint-Julien (1997)
7
, l’espace géographique se définit comme un
« ensemble de lieux et de relations entre les lieux, définies par les interactions entre des
acteurs sociaux localisés » et s’envisage selon les deux modalités suivantes :
A. « soit comme un simple contenant, repère immuable dans lequel on situe les objets et
analyse leurs relations : c’est l’espace-support, espace absolu, il est isotrope et
homogène, c’est-à-dire qu’il a les mêmes propriétés dans toutes les directions ».
B. « soit comme un ensemble de relations dont les propriétés, variables dans le temps et
dans l’espace, sont définies par la nature et la forme des interactions entre les objets et
les unités spatiales : c’est l’espace relatif ou espace-produit ».
L’espace semble dores et déjà teinté par les relations humaines, sociales, dans sa
construction et par l’adjonction d’un sens commun. L’espace géographique tel que nous nous
le représentons serait alors l’espace d’interaction privilégiée des populations humaines.
Dans une perspective géo-économique d’étude des phénomènes sportifs de nature, l’espace
géographique semble trouver un écho chez les économistes.
En effet, la prise en compte des effets géographiques dans les théories économiques a
vue l’espace prendre une dimension d’abord quantitative puis qualitative. L’évolution interne
de l’espace dans la science économique semble matérialisée par l’émergence du territoire en
économie que nous situerons comme une forme d’espace étoffée.
L’espace de J. Levy, M. Lussault (2003)
8
, se définit des manières suivantes :
5
W. Christaller, 1933, Die Zentraler Orte in Suddeutschland, Wissenschaft Buchgesell, Iena, 344 pages.
6
P. Claval, 2005, Chroniques de géographique économique, L’Harmattan, Paris, p. 391
7
D. Pumain, Th. Saint-Julien, 1997, L’analyse spatiale, 1. Localisations dans lespace, Coll. Cursus
géographique, Armand Colin, Paris, 195 pages
4
A. « Une des dimensions de la société, correspondant à l’ensemble des relations que la
distance établit entre différentes réalités ».
B. « Objet social défini par sa dimension spatiale. Un espace se caractérise au minimum
par trois attributs : la métrique, l’échelle, la substance. Une réalité spatiale est souvent
hybride, à la fois matérielle, immatérielle et idéelle. »
Ainsi il se dote de trois caractéristiques principales : l’échelle, la métrique, la
substance. « Une espace est donc un agencement construit par des opérateurs et qui résulte de
la configuration spécifique » (Lévy, Lussault, 2003)
9
des trois éléments précités. Cela permet
d’observer l’espace comme une « certaine organisation, l’ensemble des objets des
sociétés (individus, groupes, choses, idées etc.) sont coexistant et en relations » (Lévy,
Lussault, op. cit.)
10
. La teneur des échanges entre opérateurs étant dans ce cas regroupée sous
l’appellation de substance. Si celle-ci recouvre dans ces travaux la dimension non spatiale des
objets spatiaux
Concomitamment, la science économique a cherché à prendre en charge la question de
la répartition géographique de ses différentes composantes et à comprendre cette répartition.
C’est en fait à la science économique d’un coté et à la science régionale de l’autre que la
géographie s’est adressée. Cependant, la seconde porte fondamentalement l’idée d’une prise
en compte géographique des dimensions de ses échanges. L’économie étant une science
cherchant à rationnaliser les échanges monétaires ou non entre des agents produisant et
consommant. L’espace serait donc en économie un facteur de différenciation (rôle de la
localisation des entreprises, variation des ressources, etc.), un facteur d’organisation
spécifique, un facteur d’interactions spatiales (flux de personnes, de biens, de services,
d’informations), un facteur de développement économique régional différencié (Coffey,
1995)
11
.
8
J. Levy. M. Lussault, 2003, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Editions Belin, Paris, 1033
pages
9
J. Levy, M. Laussault, 2003, op. cit.
10
J. Levy, M. Laussault, 2003, op. cit.
11
W. Coffey, 1995, Géographie, économie, science régionale, in Encyclopédie de Géographie, ss la dir de A.
Bailly, R. Ferras, D. Pumain, Economica, Paris, 1167 pages
5
2. 1. Les espaces de pratique dans l’économie des sports de
nature
Les espaces sportifs de nature, s’ils sont évidemment mobilisés tout au long du
processus de marchandisation des sports de nature, sont des objets dont les multiples
dimensions ont été définis par d’autres (P. Mao
12
, G. Plagnol
13
) et sur lesquelles nous ne
reviendront pas en profondeur. Cependant, il convient de rappeler qu’ils constituent des objets
ainsi déjà appréhendés par la géographie au sein d’un champ social. Un espace sportif de
nature est bien un « construit cognitif permettant d’appréhender un phénomène spatial »
14
.
Cela, il l’est à la fois pour l’observateur que pour les acteurs, éléments internes au champ
social spatialisé considéré. En effet, il permet de mettre à l’épreuve des outils du géographe
des faits sociaux ou supposés comme tels. Ainsi, l’économie comme un ensemble
d’interactions sociales visant à échanger des biens et des services selon des démarches
marchandes et non marchandes engendre un système localisé de type objet géographique.
Pour les acteurs locaux enfin, les sports de nature et leur économie constitue comme nous
avons pu le noter dans nos entretiens un objet géographique tant il mobilise un ensemble de
procédures (représentation, problématisation construction, problématisation, etc.) qui relèvent
d’un construit cognitif.
Ainsi, si selon son fonctionnement et les concepts utilis pour le déchiffrer,
l’économie des sports de nature constitue un objet géographique, c’est en partie parce qu’elle
constitue un objet partagé localement (s’imprimant sur plusieurs espaces, selon les acteurs
interrogés) et possédant une culture et des limites propres. Plus pragmatiquement, c’est aussi
suivant l’importance que lui accorde les collectivités territoriales comme un objet
comprendre", "à situer" et "à évaluer".
12
P. Mao, 2003, Les lieux de pratiques sportives de nature dans les espaces ruraux et montagnards. Contribution
à l’analyse de l’espace géographique des sports. Thèse de géographie, Université Joseph Fourier, Grenoble, 693
pages
13
G. Plagnol, 1997, Tourisme sportif et secteur marchand, in Tourisme et sport, Cahier Espaces n°52,
Touristiques Européennes, Paris, pp. 25-31
14
J. Levy. M. Lussault, 2003, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Editions Belin, Paris,
1033 pages
1 / 104 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !