paysans, parmi les plus pauvres, qui exprimaient leur désir de voir se réaliser une réforme
agraire, dans un pays grand comme un continent et où plus de quatre millions de paysans
n’ont pas de terre, ces dernières étant absorbées par les latifundistes et les grandes
multinationales de l’agrobusiness.
Cependant, les injustices accrues par cette logique économique ne touchent pas seulement
le Sud. Au Nord également, le phénomène s’accroît. On annonce en Angleterre, que le
nombre de pauvres s’est accru considérablement et que les inégalités sont revenues à leur
taux d’avant 1940. En France, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté
dépasse les trois millions et demi d’habitants, alors que les 0,01% les plus riches du pays ont
augmenté leur richesse de plus de 40% au cours des cinq dernières années. Est-il étonnant
alors de voir les victimes d’un tel système manifester leur désaccord. Et cela nous oblige à
nous demander de qui l’ensemble de ces personnes sont les victimes. En fait, le
néolibéralisme signifie la libéralisation totale des échanges, tant de capitaux, que de biens et
de services, ce qui établit la loi du plus fort. Entre les multinationales de l’agrobusiness et le
petit paysan, il n’y a guère d’hésitation pour savoir qui sera le gagnant ! Les Traités de libre-
échange entre les pays puissants et les pays les plus pauvres sont l’équivalent, comme le
disait un sociologue nicaraguayen, d’un Traité entre le requin et les sardines. Mais pourquoi
désire-t-on libéraliser l’économie ?
C’est dans les années 1970 qu’un accord de fait se réalisa autour de quelques grandes
orientations de l’économie mondiale, accord que l’on a appelé par après le Consensus de
Washington, parce qu’il concernait les grandes institutions financières internationales, telles
que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, de même que la Réserve
fédérale américaine (la Banque centrale) et les grandes multinationales des Etats-Unis. Il
s’agissait de relancer l’accumulation du capital qui, pour de nombreuses raisons, avait eu
tendance à décliner et, à cet effet, de lancer une véritable offensive, à travers le monde, aussi
bien dans le Nord que dans le Sud, d’une part contre le travail et d’autre part contre l’Etat,
afin de diminuer leur part respective dans le produit social mondial. Diminuer la part du
travail signifiait faire baisser son coût, démanteler les systèmes de sécurité sociale et de
pension, favoriser les délocalisations vers les lieux où le travail est moins cher, désorganiser
les mouvements des travailleurs. L’offensive contre l’Etat s’est manifestée par les
privatisations, souvent sauvages et équivalant à une véritable piraterie des richesses
communes, en faveur du capital privé.
Dans le Sud, les conséquences furent très graves. Sur le plan du travail, on a vu fleurir les
zones franches, fonctionnant avec des travailleurs sous-payés et souvent dans des conditions
de travail extrêmement pénibles. En même temps, s’est accélérée l’extraction des richesses,
plus forte encore que du temps du colonialisme, par des mécanismes nouveaux, n’exigeant
pas l’établissement de colonies, mais bien le contrôle des mécanismes économiques : fixation
des prix des matières premières et des produits agricoles, dette extérieure, mainmise sur les
ressources naturelles, politiques agricoles des pays riches, paradis fiscaux permettant
l’évasion des richesses locales, évasion des cerveaux. Dans le Nord, la même logique s’est
imposée, avec la diminution aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis des salaires réels dans le
produit général, le démantèlement de certains volets de la sécurité sociale et un
affaiblissement de l’Etat.