romaine, que commandait le consul Servilianus, exposée seule à ses coups. Enfermée dans un
défilé, elle n’évita une entière destruction qu’en capitulant aux conditions suivantes : Il y aura
paix, à l’avenir, entre le peuple romain et Viriathe, et chaque parti conservera ce qu’il
possède. Les comices ratifièrent ce traité qui eût fait mourir de honte les hommes des
générations précédentes (-141).
Un nouveau général, Cépion, se fit autoriser par le sénat à rompre le traité. Il surprit Viriathe,
qui s’abandonnait sans défiance aux serments reçus, le rejeta dans les montagnes et l’y fit
assassiner par deux Lusitaniens qu’il avait gagnés (-140). Pendant huit ans, Viriathe avait
balancé en Espagne la fortune de Rome. Sa mort découragea ses troupes et son peuple ;
Cépion n’eut pas même à combattre pour couvrir d’un peu de gloire sa perfidie. Les
Lusitaniens se soumirent ; il les transporta au milieu de peuples façonnés au joug de Rome,
sur les bords de la Méditerranée, où Brutus, son successeur (-138 à -137), leur fit bâtir
Valence (3). Ce dernier chef eut encore à vaincre quelques résistances partielles. Des bandes
nombreuses couraient le pays, il les affama eu détruisant toutes les cultures, et pénétra chez
les Gallaïques, jusqu’au bord de l’Océan, où il montra à ses légions le soleil descendant au
sein de ces mers mystérieuses de l’Occident, que soulevait incessamment, disait-on, la
respiration puissante de la Terre.
Brutus croyait la domination romaine arrivée aux extrémités du monde. Cependant, derrière
lui, durait une lutte soulevée par le héros lusitanien. Metellus n’avait laissé à prendre dans la
Celtibérie que deux villes, Thermantia et Numance. La guerre d’Espagne, terminée au sud
par la mort de Viriathe et à l’ouest par l’expédition de Brutus, allait donc se concentrer au
nord, dans les montagnes qui, se détachant des Pyrénées aux sources de l’Èbre, ferment au
midi le bassin de ce fleuve et donnent naissance au Tage et au Douro. La difficulté des lieux
(4), l’indomptable courage des montagnards à défendre ce dernier asile de la liberté, surtout
l’impéritie des généraux romains, donnèrent à ce suprême effort de l’indépendance espagnole
les apparences d’une guerre dangereuse. En -141, Pompeius fit avec les Numantins un traité
qu’il n’osa avouer dans le sénat, et son successeur, Popillius Lænas, n’approcha de la ville
que pour essuyer une défaite (-138). L’année suivante, le consul Mancinus renouvela la honte
de Servilianus ; enfermé dans une gorge sans issue par les Numantins, il leur abandonna son
camp, ses bagages, et engagea sa parole qu’il cesserait les hostilités. Si grande était
maintenant la défiance inspirée par la bonne foi romaine, que les Numantins exigèrent pour
l’observation du traité le serment des officiers de Mancinus et de son questeur, Tiberius
Gracchus, fils de ce Gracchus dont les Espagnols vénéraient la mémoire (-158). Le sénat ne
tint pas compte de ce traité, et, ne prenant dans les anciens temps que les exemples qui
allaient aux moeurs nouvelles, il recommença la scène, qui avait suivi la convention des
Fourches Caudines (5): Mancinus, nu et les mains liées, fut livré aux Numantins, qui
refusèrent de le recevoir. Le peuple s’était opposé à ce que Tiberius eût le sort du consul.
De nouveaux chefs, une nouvelle armée, ne surent pas effacer cette honte. Pour abattre la
petite cité espagnole, il ne fallut pas moins que celui qui avait renversé Carthage. Scipion (6)
commença par bannir du camp la mollesse et l’oisiveté. Il en chassa deux mille femmes de
mauvaise vie, les aruspices, charlatans et diseurs de bonne aventure, qui le transformaient en
un champ de foire et en un lieu de débauche. Il faisait élever des murailles, creuser des fossés,
qu’ensuite il renversait et comblait. « Qu’ils se couvrent de boue » , disait-il, « puisqu’ils ne
veulent pas se couvrir de sang ». Évitant toute affaire générale, il attaqua l’un après l’autre les
alliés des Numantins, refoula peu à peu ceux-ci dans leur ville, et les y enferma par une